PÉCHÉ (7.)

VII Les épîtres. Les apôtres continuent l'enseignement du Maître. Dans leurprédication et dans leurs écrits ils font, eux aussi, une large placeà la préoccupation du mal qu'il s'agit de condamner et de détruire:par là ils sont amenés à confirmer et à développer le témoignage duSauveur et à apporter de nouveaux enrichissements à la doctrinebiblique du péché. 1. PAUL.Au point de vue qui nous occupe, la conversion de l'apôtre Paul surle chemin de Damas a un double et décisif résultat. D'abord elleconduit Paul au sentiment poignant de son péché, l'obstacle quijusqu'alors l'avait éloigné de la vérité et du Messie. Ensuite, ellele détache brusquement et radicalement des cadres étroits du judaïsmeet l'oriente vers la conception d'un salut qui est universel, commela corruption elle-même. L'autorité avec laquelle Paul s'exprime ausujet du péché lui vient de l'expérience de sa conversion et de sonardent désir de conduire les âmes au salut. L'apôtre s'attache d'abord à démontrer l'universalité du péchéet, en Israélite profondément attaché à la Révélation biblique, il lefait en s'appuyant sur l'Écriture. Il relève toute une série depassages où la souillure universelle est affirmée (Ro 3:10,18)et il déclare très justement: «L'Écriture a tout enfermé sous lepéché, afin que ce qui avait été promis fût donné par la foi enJésus-Christ à ceux qui croient» (Ga 3:22). Deux données de la Parole de Dieu semblent particulièrement aptesà rendre évidente l'universalité du péché: la chute originellequ'affirme le livre de la Genèse, et le rôle de la loi que Moïse adonnée à son peuple. Les déclarations de Paul sur le péché d'Adam et sur lesconséquences qui en découlent pour l'ensemble de l'humanité (Ro5:12,21, cf. 1Co 15:21 et suivant) ont exercé une grandeinfluence sur le développement de la pensée chrétienne. Mais il fautse garder d'attribuer à l'apôtre des doctrines que la théologiepostérieure a tirées de ses écrits: soit l'idée que les hommes,existant en germe dans leur premier ancêtre, auraient péché avec lui(traduction fautive: «en qui tous péchèrent», Ro 5:12), soitcelle qu'Adam serait tombé en sa qualité de représentant de la raceet qu'en lui toute l'humanité aurait fauté, soit enfin la théoriemoderne de l'hérédité, d'après laquelle le premier homme aurait léguéà ses descendants une nature entachée de péché.--Non, ce que cherchePaul dans son exposé, c'est d'établir entre Adam et Jésus-Christ unparallèle qui lui permette d'éclairer l'oeuvre du Sauveur. Le premierhomme a péché et, à sa suite, tous ses descendants, ce Par un seulhomme, le péché est entré dans le monde» (Ro 5:12). C'est là uneconstatation qui ne tend nullement à ôter au pécheur sa liberté et saresponsabilité, mais qui prouve l'étendue de la corruption. A lasuite du péché d'Adam, la mort a fait son entrée sur la terre. «Lamort s'est étendue sur tous les hommes parce que tous ont péché»(verset 12). Seulement, le Christ est venu, et «par un seul acte dejustice» (verset 18),» par l'obéissance d'un seul» (verset 19) ilcrée une humanité nouvelle, où se manifestera «la justification quidonne la vie» (verset 18). De cet exposé se dégage pour nous unepensée extrêmement claire--celle que veut nous communiquer l'apôtre:c'est que l'homme, dès l'origine, est plongé dans le péché et ensubit la condamnation, qui est la mort, tant qu'il ne participe pas àl'oeuvre du salut accomplie par Jésus-Christ. Pour faire comprendre à ses lecteurs la puissance universelle dupéché, Paul invoque encore le fait de la loi. Et ici aussi ildécouvre un parallélisme, non plus entre l'humanité naturelle etl'humanité régénérée, mais entre l'ancienne et la nouvelle alliance.Avant la loi, l'humanité, fille d'Adam, était assujettie au péché.Après la loi, et malgré la loi, elle subit cette même domination qui,grâce à la loi, s'avère réellement universelle.--Les Juifs ont bientort de mettre dans la loi leur gloire et leur espérance de salut. Laloi ne procure pas la justice et la vie: elle montre, au contraire,son impuissance à y conduire. «Tous ceux qui s'attachent aux oeuvresde la loi sont sous la malédiction; car il est écrit: Maudit estquiconque n'observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loiet ne le met pas en pratique» (Ga 3:10, cf. De 27:26). Dureste, admettre le salut par la loi, ce serait rendre inutilel'oeuvre du Christ. «Si la justice s'obtient par la loi, Christ estdonc mort en vain...S'il eût été donné une loi qui procure la vie, lajustice viendrait réellement de la loi» (Ga 2:21 3:21). Donc,sous le règne de la loi, comme avant la loi, le péché subsiste etavec lui la condamnation.--Mais il faut aller plus loin encore etvoir dans la loi un facteur incontestable du péché. Avant la loi,l'homme ignorait son péché: la loi a essentiellement pour rôle de luien donner conscience, «C'est par la loi que vient la connaissance dupéché...Je n'ai connu le péché que par la loi» (Ro 3:20 7:7).Or, la responsabilité est en raison directe du degré de connaissance:la loi, bien loin d'exclure le péché, devient en quelque sorte lacause du péché. «Le péché n'est pas imputé quand il n'y a pasloi» (Ro 5:13). «Sans la loi, le péché est mort» (Ro 7:8).Mais: «Quand le commandement vint, le péché reprit vie...Ainsi lecommandement qui conduit à la vie se trouva pour moi conduire à lamort» (Ro 7:9,13). «La loi est intervenue pour que l'offenseabondât» (Ro 5:20). «La loi produit lacolère».--Seulement (Ro 4:15) c'est précisément en cela que laloi se montre utile: elle manifeste, dans toute son horreur, le malet la condamnation qu'il entraîne; elle prouve l'absolue nécessité del'oeuvre de Jésus-Christ; elle est «le pédagogue qui nous conduit àChrist» (Ga 3:24), précisément parce qu'elle met en lumière lapleine universalité du péché humain. L'expérience corrobore entièrement les enseignements del'Écriture au sujet de l'universelle culpabilité et de l'universellecondamnation.--Paul connaissait bien les païens: aussi peut-ilbrosser un tableau dramatique de leur épouvantable corruption (Ro1:24-32). Leur odieuse immoralité a sa,source profonde dans leuréloignement volontaire d'un Dieu qui se fait connaître dans ses oeuvres et qu'ilssont inexcusables d'avoir abandonné pour le culte des faux dieux(verset 18,24). Et l'apôtre peut aussi rappeler aux chrétiens sortisdu paganisme leur misère morale antérieure.--Mais (Eph 2:2 etsuivant) les Juifs sont coupables, eux aussi, parce qu'avec desconnaissances plus complètes ils commettent les mêmes iniquités. Ilssont plus condamnables encore, puisque leurs lumières sont plusgrandes. Et Paul a les mêmes accents que son Maître pour flétrir leurpéché et pour dévoiler leur hypocrisie.--Enfin (Ro 2:1,29 10:3),s'examinant lui-même, après avoir dépeint ses contemporains, Paul setrouve atteint lui aussi par une semblable maladie. Dans une pagedramatique, il décrit la puissance que le péché avait sur lui, à unmoment où il ne bénéficiait pas encore de la grâce divine: «Je suischarnel, vendu au péché...Je ne fais pas le bien que je veux, et jefais le mal que je ne veux pas...Le péché habite en moi...» (Ro7:11-25). Et, avec une profonde humilité, il déclare souvent à quelpoint, personnellement, il avait besoin du pardon divin.«Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dontje suis le premier» (1Ti 1:15, cf. 1Co 9:27 15:9,2Co 12:9). Ainsi, que l'on parte de l'Écriture ou de l'expérience, et quecette expérience se fasse dans le domaine social ou dans laconscience individuelle, la conclusion est la même et elle estdécisive: «Il n'y a point de distinction, car tous ont péché et sontprivés de la gloire de Dieu» (Ro 3:23). Le péché est un fait universel, mais d'où vient-il?--Par delà lesactions mauvaises ou «péchés», Jésus avait vu leur principe permanentet caché, «le péché)>. Il avait montré que les manifestationsextérieures du mal répondent à une disposition secrète du coeurhumain, qui donne son orientation à la vie tout entière et lagouverne du dedans.--Paul, de même, ne se contente pas de mettre enlumière les ravages extérieurs du mal. Il se livre à une étudepsychologique extrêmement poussée de la nature humaine et fait voirque le péché a sa source dans le fond même de l'être; par suite, ilexerce sa puissance de domination sur l'existence tout entière.«...Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-diredans ma chair...Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est pas moiqui le fais, c'est le péché qui habite en moi...Je vois dans mesmembres une autre loi...qui me rend captif de la loi du péché, quiest dans mes membres. Misérable que je suis! Qui me délivrera ducorps de cette mort?».--Cette (Ro 7:14,25,6:12,14) natureessentiellement corrompue qui constitue notre état de péché, Paull'appelle de différents noms: le vieil homme (Ro 6:6,Eph 4:22,Col3:9), l'homme naturel ou ce psychique» (1Co 2:14), la chair; età ces diverses entités il oppose: l'homme nouveau (Eph 4:24,Col3:9), l'homme spirituel ou «pneumatique» (1Co 3:1), l'esprit. C'est donc à un véritable dualisme moral que Paul semble aboutir,et certains théologiens ont vu dans la pensée paulinienne l'intrusiond'éléments empruntés à la philosophie grecque et, en particulier, auplatonisme. Il y a là, nous semble-t-il, une erreur profonde.--Platonétablit, dans l'ordre de la réalité et dans celui de la connaissance,une opposition absolue entre les choses matérielles, le domaine duchangeant, du relatif, de l'apparence, et la réalité immuable,éternelle, le monde des «Idées», entre la connaissance sensible quis'en tient au phénomène, et la connaissance rationnelle qui porte surl'essence véritable et dont le point culminant est l'intuitionintellectuelle. Doctrine essentiellement intellectualiste, d'oùl'élément proprement moral paraît absent: la matière, en effet, y esttenue pour mauvaise dans son essence, et non pas par suite d'unetransgression coupable; d'autre part, pour être dans la vérité etdans le bien, il suffit de faire un bon usage de la raison.--Lapensée paulinienne est très différente et ne peut être pleinementsaisie que si on la considère, non pas dans son prétendu rapport avecle platonisme, mais comme le développement d'une notionessentiellement biblique. Paul, en effet, emploie le terme «chair»dans son sens purement hébraïque, celui que Jésus lui-même lui adonné (Mt 26:41,Jn 8:15). Voir Chair. La chair, c'est d'abord la créature avec toutes les limitationsqui lui viennent de l'existence terrestre. Paul écrit, par exemple:«Ce fut à cause d'une infirmité de la chair que je vous ai pour lapremière fois annoncé l'Évangile» (Ga 4:13). Il parle des«tribulations de la chair» (1Co 7:28). Vivre sur la terre, aulieu de s'en aller auprès du Christ, c'est «demeurer dans lachair» (Php 1:22-24). Quand Paul est «absent de corps», que sesparoissiens ne voient pas «son visage en la chair», ii est avec eux«en esprit».--En (Col 2:1-5) second lieu, d'une manière dérivée,l'apôtre entend par «la chair» l'homme que le péché a profondémentcorrompu et qui se refuse à suivre les directions de l'Esprit. «Nousvivions autrefois selon les convoitises de notre chair et de nospassions, accomplissant la volonté de la chair et de nos pensées, etnous étions par nature des enfants de colère comme lesautres...» (Eph 2:3). «Je dis donc: Marchez selon l'Esprit etvous n'accomplirez pas les désirs de la chair. Car la chair a desdésirs contraires à ceux de l'Esprit...» (Ga 5:16 et suivant). A la chair ainsi comprise, Paul rattache étroitement les passionscoupables, les «convoitises charnelles» comme «l'impudicité, ladissolution, l'idolâtrie,...l'ivrognerie, les excès de table et leschoses semblables». Notons toutefois que parmi «les oeuvres de lachair» il énumère des péchés qui ont leur origine, non pas dans lecorps, mais dans l'âme elle-même, tels que «l'idolâtrie, la magie,les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, lesdisputes, les divisions, les sectes, l'envie» (Ga 5:19,21). Nousavons ainsi la preuve que, dans un sens second, la chair ne peut êtreidentifiée au corps, à la matière: elle est la condition de l'hommequi, avec son corps et son âme, avec toutes ses facultés, s'oppose àla volonté divine.--Ce (cf. 1Co 3:1,4,Eph 2:3) n'est pas tout:pour l'apôtre, le corps, «les membres», «la chair» sont si peu, dansleur nature essentielle, la source du péché, que, quand ils sontrégénérés par l'Esprit, ils deviennent des forces au service du bien,«Ne livrez pas vos membres au péché, comme des instrumentsd'iniquité; mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants,de morts que vous étiez, et offrez à Dieu vos membres comme desinstruments de justice» (Ro 6:13, voir verset 19,1Co 9:27,Ga2:20). La vie du Christ se manifeste ainsi dans notre chairmortelle (2Co 4:11). En résumé, il faut distinguer soigneusement les deux senspauliniens du mot «chair». La chair peut être le corps, mais Paul neprofesse en aucune façon la théorie grecque suivant laquelle, par sonessence matérielle, le corps serait nécessairement le siège du mal,car le corps peut être régénéré par l'Esprit pour être mis au servicede la justice et de la sainteté. D'autre part, la chair est aussi,pour l'apôtre, le siège du péché: c'est qu'alors il s'agit non plussimplement du corps, mais de cette tendance profonde, en l'homme, àse séparer de son Créateur et à se révolter contre sa loi sainte:dans un tel cas, elle intéresse l'âme tout autant que le corps, elleest l'homme tout entier, privé de l'Esprit divin et en rébellioncontre lui. On voit combien, dans un cas comme dans l'autre, Paul estloin du dualisme platonicien. Quand l'homme est «chair» et non pas «esprit», quand il suitorgueilleusement les pensées et les penchants de son propre coeur,quand, par là, il s'oppose aux directions divines et subit ladomination du péché (Ro 1:21,Eph 2:3 Col 2:18), de néfastes conséquences en découlent pour lui. D'abord, ilignore tout de la vérité divine, de la vérité nécessaire à son âme,il est plongé dans les ténèbres. «L'homme naturel ne reçoit pas leschoses de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut lesconnaître, parce que c'est spirituellement qu'on enjuge».--Ensuite (1Co 2:14,3:1,2Co 4:4,Ro 1:25 6:19), il estincapable d'accomplir le bien qu'il voudrait faire et l'emprise quele péché exerce sur lui est un véritable esclavage.--Enfin (Ro6:16,22 7:14-25), il est en butte à la malédiction divine, et sonchâtiment suprême, c'est la mort (Ro 6:23), non pas tant la mortphysique («tous meurent en Adam», 1Co 15:22; cf. Ro5:12,14) que la mort spirituelle, celle-ci étant l'éloignementradical de Dieu, source unique de la vie. «L'irritation et la colèreà ceux qui, par esprit de dispute, sont rebelles à la vérité etobéissent à l'injustice. Tribulation et angoisse sur toute âmed'homme qui fait le mal...» (Ro 2:8 et suivant,. 6:9 7:58:6,13,1Co 15:56,Eph 2:1-3). Telles sont les conclusions auxquelles Paul aboutit, à son tour,dans son étude approfondie du péché, de son action universelle, deses causes intimes et de ses tragiques conséquences. Mais si l'apôtreindique avec une éloquence aussi dramatique la puissance destructricedu péché, c'est afin de faire ressortir avec d'autant plus de vigueurla nécessité de l'oeuvre rédemptrice accomplie par le Sauveur, toutparticulièrement dans sa mort et dans sa résurrection.--Pour arriverau salut, le chrétien doit s'associer si étroitement à la mort et àla résurrection du Christ, qu'il les réalise en lui-même par uneexpérience toute personnelle. Il était mort dans ses péchés, mais ildoit accepter une autre mort, salutaire cette fois-ci, celle quiconsiste à «mourir au péché», à «crucifier la chair avec ses passionset ses convoitises» (Ro 6:2,11 8:2,14,Ga 5:24,Col 2: etsuivant). Mort avec le Christ, il ressuscite avec lui et accède à unevie nouvelle, la vie sainte et féconde de l'Esprit (Eph 2:1,5,Ga2:20). Sans doute, il ne réalise pas du premier coup la perfectionmorale et il devra continuer à lutter contre l'influence pernicieusedu mal. Mais son Sauveur, désormais,» vit en lui» (Ga 2:20) etagit sur lui comme «un esprit vivifiant» (1Co 15:45). Par là, ilpossède «les armes de l'Esprit» qui lui permettront de luttervictorieusement contre l'adversaire et de réaliser dans toute saplénitude sa vocation divine (Eph 6:11,17,2Co 6:7 10:4,Ro13:12,1Ti 1:18). 2. JEAN.Suivant la pensée de l'apôtre Jean, telle qu'elle est exprimée dansle 4 e évangile et dans les épîtres, il y a ici-bas un conflittragique entre la vérité et l'erreur, la lumière et les ténèbres, lavie et la mort. Jésus a été envoyé sur la terre pour lutter contreles forces du mal et pour sauver le monde (Jn 1:29 3:16 etsuivant, 1Jn 3:5,8 4:9, etc.). Mais les hommes n'ont pas vouluaccueillir celui qui leur apportait la lumière et la vie (Jn 1:115:40). Le péché reçoit donc des déterminations nouvelles. Il est lerefus de l'homme de s'assimiler la révélation divine; il estl'opposition à l'oeuvre de Jésus-Christ, malgré toutes les preuves dela vérité de son message et de la puissance de son action.--Il seramène à l'incrédulité, puisqu'il consiste à nier la divinité duSauveur et à ne pas vouloir aller à lui: ne pas confesser le Christ,c'est le fait d'un antéchrist (Jn 5:40 16:8,1Jn 2:22 4:3). Lepéché se réduit aussi au mensonge, car il se manifeste comme unerébellion contre la lumière et comme un aveuglementvolontaire (Jn 3:18-21 8:44 9:41). Enfin, il suppose égalementla haine de Dieu, dont on se refuse à accepter l'amour et à chercherla gloire.--Ces (Jn 5:42-44 15:23-25) divers caractères du péchénous font voir en lui un état de révolte contre l'ordre de chosesprovidentiellement établi par Dieu. Il est le refus d'accepter lavolonté de Dieu et sa loi de sainteté et d'amour (1Jn 3:10).«Quiconque pèche transgresse la loi, et le péché est la transgressionde la loi» (1Jn 3:4). Voilà peut-être la définition la plusprécise que la Parole de Dieu nous donne du péché. Le royaume des ténèbres, c'est ce que l'apôtre Jean appelle «lemonde» (voir ce mot). «Le monde entier est sous la puissance duMalin» (1Jn 5:19). «Celui qui pèche est du diable» (1Jn3:8). Il y a une opposition absolue entre le monde et Dieu: celuiqui aime le monde ne possède pas l'amour de Dieu et celui qui n'a pasl'amour de Dieu se laisse dominer par le désir des bienspassagers (1Jn 2:15,17). Parce qu'il est en lutte avec Dieu etavec celui que Dieu a envoyé, le monde s'oppose aux enfants delumière: il les hait et il les persécute, comme il l'a fait pour leurMaître (Jn 15:18,22). Les ennemis du Dieu de vérité et de sesenfants sont ligués sous le commandement du «Prince de ce monde», lediable ou le Malin, mais celui-ci ne pourra pas éviter le jugementqui fondra sur lui à l'avènement de la lumière par le triomphe deJésus-Christ (Jn 8:44 12:31 14:30 16:11). En face du monde, noustrouvons les enfants de Dieu (voir art.). Sans doute, ils vivent dansle monde, mais ils ont rompu avec la vie du monde: (Jn 17:15 etsuivant) ils sont nés à une existence nouvelle et engendrés deDieu (Jn 3:3,1Jn 3:9 5:18). Une existence ainsi transformée estdélivrée du péché. Sans doute, le péché est absolument universel et,avant l'intervention de la grâce divine, le chrétien était, luiaussi, sous sa domination. «Si nous disons que nous n'avons pas depéché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n'est point ennous» (1Jn 1:8). Mais il suffit que l'enfant de Dieu confesseses péchés: il recevra le pardon que Jésus-Christ lui assure auprèsdu Père par une double oeuvre d'expiation et d'intercession (1Jn1:9 2:1 et suivant, Jn 14:16 17:11,13).--Une fois pardonné,le chrétien ne doit plus pécher. Puisqu'il est né de Dieu, le péchédevient une impossibilité spirituelle (1Jn 3:9 5:18, 3_Jean 11).Désormais l'enfant de Dieu s'efforce de demeurer en Christ et desuivre, dans son existence journalière, la vivante leçon de chosesque lui donne le Sauveur: il tend à une parfaite ressemblance avecCelui en qui il n'y a pas de péché (Jn 13:15 15:4,1Jn 2:6 3:5et suivant). Une vie sans péché est la raison d'être du message dusalut (1Jn 2:1, cf. Jn 20:31). 3. ÉPITRE AUX HEBREUX,Pour l'auteur de cette épître, le péché se caractérise par le faitqu'il souille la conscience (Heb 9:14) et sépare l'homme deDieu (Heb 12:14). C'est une puissance qui enveloppe sa victimeet l'empêche de poursuivre sa course «dans la carrière qui lui estouverte» (Heb 12:1). Grâce au sacrifice de Jésus-Christ, la culpabilité peut êtreenlevée. Les institutions mosaïques, «ombres des biens à venir», semontraient radicalement impuissantes à «ôter le péché». Ce contrasteentre l'ancienne et la nouvelle alliance prouve la supériorité de laseconde sur la première: par celle-là seule les consciences sontaffranchies et trouvent un libre accès auprès de Dieu (Heb10:1-4,10-14,18-20 9:9,11-14), Il existe pourtant une catégorie de péchés que le sang du Christne saurait effacer et pour lesquels il ne reste que l'attenteterrible du jugement: ce sont les péchés accomplis volontairement etavec la pleine connaissance de la vérité, ceux que l'on commet aprèsavoir déjà fait l'expérience du salut; ils impliquent le mépris dusacrifice de Jésus-Christ et constituent un véritable blasphèmecontre le Saint-Esprit; par eux, on crucifie à nouveau le Fils deDieu et on l'expose à l'ignominie.--De (Heb 6:4,8 10:26,31 12:16et suivant) tels péchés rappellent le beyad rââh de l'anciennealliance, péché volontaire qui ne comportait pas d'annulation (No15:30 et suivant), alors que le bichegâgâh, faute commise sansintention, laissait la place au pardon procuré par les sacrificesexpiatoires (Le 4 Le 5,No 15:22-29). Ces péchés peuventêtre identifiés plus exactement encore avec «le péché contre leSaint-Esprit» dont Jésus disait qu'il ne pouvait être pardonné (voirplus haut), ou avec ce «péché qui va à la mort» dont parle l'apôtreJean et pour lequel il déclare qu'il est inutile d'intercéder,puisque le pardon ne peut plus intervenir (1Jn 5:16 et suivant). Le croyant doit donc rester inébranlable dans la foi et dans lasainteté; il ne faut pas qu'il se laisse décourager par l'épreuve oupar la persécution. La souffrance peut, au contraire, être pour luiun heureux moyen d'avancement spirituel. Pour en éprouver tout lebénéfice, le disciple du Maître n'a qu'à suivre l'exemple «du chef etdu consommateur de la foi», sur lequel il s'agit de tenir les yeuxfixés. Ne voyons-nous pas que le Sauveur a appris l'obéissance parles choses qu'il a souffertes et que, par elles aussi, il est parvenuau plus haut degré de perfection et de gloire? (12:2 5:7,9 2:10, cf.1Pi 4:1 et suivant).VIII Conclusion. Seules, les vérités éternelles possèdent, dans l'écoulement humain,un caractère de fixité absolue. Cette unité profonde de la penséereligieuse au milieu de la diversité et de l'évolution mouvanteconstitue une des preuves les plus frappantes de l'inspiration del'Écriture. Une illustration remarquable de cette vérité généralenous est fournie par la doctrine biblique du péché. La notion du mal moral apparaît dès l'entrée de la Bible, dansles traditions les plus anciennes sur l'origine de l'espèce humaine.Elle a, de prime abord, ses traits bien caractéristiques. Nous laretrouvons chez les écrivains postérieurs, toujours la même, maisavec ces développements, ces enrichissements qu'apporte la vie, aucours de l'histoire du peuple d'Israël et au travers des diversesphases de la révélation: la Loi, les Prophètes, les Écrits sacrés.Alors Jésus vient et il fonde son oeuvre de rédemption et de salutsur cette conception du péché, qui lui vient de l'A.T., mais qu'ilapprofondit et revivifie à son tour et dont ses continuateurs, lesapôtres, feront également le point de départ solide de leur oeuvre demission et d'évangélisation. C'est dire la capitale importance de ce grand fait, de ce faittragique, si méconnu et si négligé par les hommes: le péché.Maeterlinck écrivait: «Il est utile que l'on s'efforce d'élever savie...Mais cela même n'est pas indispensable, et que la différenceaux yeux d'un Dieu doit paraître petite...» Le célèbre moralistedisait aussi que le péché, chez l'homme, devait produire chez Dieul'impression que nous font des petits chiens jouant sur un tapis. Ily a là deux attitudes opposées entre lesquelles il faut choisir:celle de la Bible, celle de l'Évangile, celle de l'Église, celle deDieu lui-même d'une part, et d'autre part celle du scepticisme, cellede l'immoralisme, celle du monde et du Prince de ce monde. Ne pascroire au péché, avec les déterminations si précises que la Parole deDieu nous apporte en ce qui le concerne, c'est ne rien comprendre aumessage de l'Évangile et c'est rester enfermé, sans espoir de salut,dans ces ténèbres et cette misère morales et spirituelles, où nousvoyons actuellement l'humanité. Mais arriver, grâce à la Bible etsous l'action de l'Esprit divin, à la juste notion de notre grandemisère et au sentiment exact de la situation anormale où vivent etmeurent les hommes, c'est être disposé à s'ouvrir aux vérités de lareligion et à la grâce de Dieu. Que l'humanité contemporaine selaisse éclairer par la Bible sur la tragique réalité de son péché,elle sera bien près alors de revenir à son Dieu et de découvrir sonSauveur. Th. C.