Voir Atlas 34Voir Atlas 35Les voyages de Paul, comme tous ses actes, comme ses émotions, sesidées et jusqu'à sa réflexion théologique, sont dominés par sonapostolat (voir art. précédent). Quant à l'apostolat, il est réglépar la vie intérieure, dont le principe actif est la foi. Tendue«vers Christ», établie «en Christ», propriété commune et de l'hommeet du Christ, dans une mutuelle appartenance et dans une mutuellepossession (génitif mystique: la foi «en Jésus-Christ», «deJésus-Christ»), la foi est comme l'hypothèse créatrice de la viechrétienne, que son dynamisme commande; elle est une préfiguration del'entière découverte, une communion anticipée: tu ne me chercheraispas si tu ne m'avais pas déjà trouvé! Ainsi, la conversion de Paul,démarche initiale de sa foi, sinon du Christ vivant qui depuislongtemps le cherchait, est une première forme de cette communiondans laquelle Paul veut être tout entier, de coeur et de pensée, devolonté, de vie prenante et prise, entièrement possédante,entièrement possédée: «en Christ»! C'est donc dans cette communion mystique avec le Christ vivantqu'il faut chercher les causes profondes et les ressorts cachés del'apostolat paulinien sous ses aspects les plus variés. Quand Paulmédite, argumente, spécule, ce qu'il demande, ce qu'il cherche, c'est«la pensée de Christ» (1Co 2:16), c'est-à-dire une penséecommune, une pensée de communion; quand il aime, il sent que c'est ducoeur, des entrailles du Christ, comme de lui-même, en communion(Phi 1:8).; et quand il va, missionnaire intrépide et voyageurinfatigable, à travers le monde, il en est un qui marche devant lui,et, dont il suit l'appel impérieux: c'est le vainqueur, qui, sur lechemin de Damas, l'a enchaîné à son char triomphal et qui l'entraîneau Capitole de sa gloire (2Co 2:14). Pour bien comprendre les voyages de Paul, pour en suivre lesphases multiformes avec leurs développements continus, leurs tempsd'arrêt, leurs sautes brusques, il est indispensable de tenir comptede cet élément mystique prévalant.I Le caractère itinérant de l'apostolat paulinien. 1. Les contingences pratiques et le primat de la mystique Lorsqu'on jette un coup d'oeil d'ensemble sur la mission de Paul, onpeut être frappé par son extension méthodique, par sa progression decentre stratégique en centre stratégique, de l'Orient à l'Occident.Aussi quelques auteurs, et notamment Weizsäcker, Zahn, Deissmann,ont-ils admis un plan général et assez rigoureux, que Paul auraitsuivi méthodiquement. Si l'on entre dans le détail historique, on estcontraint de reconnaître que ce plan n'a rien de rigide, mais qu'ilest né, qu'il s'est précisé, modifié, nuancé, au cours des événementset des inspirations, par étapes et progressivement. Parmi les diversfacteurs qui sont entrés en ligne de compte, les deux extrêmes sontles nécessités pratiques et les appels mystiques. Ramsay, non sans raison, a accordé aux conditions externes desvoyages pauliniens une très grande importance, et la série de richesétudes qu'il a publiées sur ce thème est assurément d'un grand prix.Il est intéressant, il est essentiel de savoir comment on voyageaitau temps de Paul, dans les régions que Paul a évangélisées. Ramsayapporte la somme de toutes les recherches à ce sujet en y ajoutantconsidérablement du sien, et nulle étude sur la mission de Paul nepeut se passer de ses remarquables travaux. Par lui nous comprenonsque les temps pauliniens étaient privilégiés et comme prédestinés àla mission itinérante. La paix romaine et le génie romain avaientsingulièrement rétréci le pourtour du lac méditerranéen. La voieromaine était le bras multiple et sûr par lequel Rome atteignait etattirait à elle les peuples les plus éloignés, sous la sauvegarde etsous la domination de ses aigles. La mer même était asservie à son imperium, comme jamais elle ne l'avait été, comme elle ne devaitplus l'être jusqu'aux temps modernes. On voyageait alors avec unesurprenante facilité, une étonnante sécurité. Si l'on ajoute à ceprivilège, dont Paul pouvait bénéficier d'autant mieux qu'il étaitcitoyen romain, celui d'une langue universelle, le grec populaire oulangue commune, la langue même du Nouveau Testament, on se rendcompte, une fois de plus, que les temps étaient accomplis pour lesdesseins providentiels, et qu'au cadran de l'éternité l'heure,précise avait sonné de l'évangélisation du monde. Les exigences pratiques, autrefois oppressives et souventdirimantes, n'avaient pourtant pas entièrement disparu. Dans sonétude spéciale des routes et des voyages (Roads and Travels inN.T., HDB, V), Ramsay les énumère et souligne leur importance pourla fixation de la chronologie ou des itinéraires pauliniens. Il yavait une saison pour voyager sur terre ou sur mer. La navigationsûre (secura navigatio) allait seulement du 26 mai au 14septembre; du 10 novembre au 15 mars, sauf cas exceptionnels, la merétait fermée. 11 en était à peu près de même pour tout voyage enmontagne. Il fallait tenir compte également des circonstancesclimatériques régionales et, sur mer, de la direction des vents. Lanavigation à voile n'est pas la même à l'aller et au retour. L'étatdes routes était aussi à envisager. Ainsi, il pouvait être beaucoupplus facile et plus rapide de faire un détour par les voies romainesque de voyager directement par de mauvais sentiers. Il était parfoispréférable de passer par Rome pour aller d'une province à une autrevoisine, soit par terre, soit par mer, plutôt que de s'engager sur unparcours direct, mais sans les mêmes facilités de communication.Toutes les grandes voies conduisaient à Rome et en rayonnaient, commeaujourd'hui dans la France, aussi centralisée, les grandes lignes ferroviairessont orientées vers Paris. Paul a certainement tenu compte de ces facteurs pratiques, et ilest nécessaire d'en avoir une connaissance exacte jusque dans ledétail des itinéraires locaux ou régionaux. La chose n'est pastoujours facile; le tracé de toutes les routes dont Paul a pu faireusage n'est pas reconstitué; l'emplacement de certaines localités,même importantes, qui se sont trouvées sur son parcours est encoreimprécis. Néanmoins, les progrès de l'archéologie et les travauxspécialisés comme ceux de Ramsay permettent d'arriver à quelquescertitudes et à beaucoup de probabilités. Paul a tenu compte également d'autres nécessités. Ses plans sontparfois modifiés par l'attitude des populations auxquelles il aaffaire. Si la stratégie lui commande d'évangéliser les grandscentres, les événements peuvent l'obliger à séjourner dans de petiteslocalités. Sa tactique habituelle paraît avoir été d'aller d'abordaux Juifs et de commencer sa mission dans les synagogues; mais lescirconstances ont pu l'amener à modifier la tactique aussi bien quela stratégie. Quant à la direction d'est en ouest qui a frappécertains auteurs, c'est une vue de l'esprit qui ne répond nullement àune réalité constante. Ce qui s'oppose le plus à l'admission d'un système rigoureux dansl'activité de Paul, encore plus que dans sa pensée, ce qui obligemême à limiter plus que ne le fait Ramsay la part des facteurspratiques, c'est le primat de la mystique. Si les conquérantsantiques ont fait parfois mentir la loi commune, poursuivant lavictoire en pleine saison close, sur les voies maritimes outerrestres, combien plus, quand l'Esprit commandait, le conquérantd'une gloire invisible! Paul n'est pas le pur logicien que d'aucunsimaginent, mais un grand inspiré, sans cesse aux écoutes du Christintérieur, toujours prêt à obéir à ses exigences. Des visions ou desrêves sont interprétés par lui comme des intentions divines, commedes ordres à exécuter. A plusieurs tournants de sa carrière, Paul asuivi l'impulsion mystique (cf. Ac 16:6-8,9 18:9 19:1 ms. D,27:23-25). Il marche ou il s'arrête suivant la volonté de Celui quile mène (Ac 16:6,8 19:1 ms. D et versions syriaques etsahidique). Voyageur missionnaire aussi bien que pasteur outhéologien, Paul ne se comprend bien que si l'on fait leur place auxéléments profonds de son âme religieuse, aux appels intérieurs, paroù le Père et le Fils précisent, nuancent et dirigent leursvocations, dans une action commune de leur Esprit. Paul ne craint pasde réfléchir, de raisonner, de former des projets et de bâtir desplans, quelquefois à longue échéance, comme son voyage enEspagne (Ro 15:24,28); il sait être pratique; il est voyageur etnavigateur d'expérience, et d'un avis plus judicieux à l'occasion quecelui d'un pilote et d'un capitaine au long cours (Ac27:9,11-21); au milieu des circonstances les plus dramatiques, ilreste parfaitement lucide et, dans l'affolement général, aucun détailpratique ne lui échappe (Ac 27:30,34). Mais il laisse auxtactiques humaines une souplesse assez grande pour être révisées àtoute inspiration et mises en accord avec cette stratégie divine dontla lointaine intelligence n'est donnée que par touches, par aperçuset par instants, non à la raison seule, bien que nullement exclue,mais à toute la personne un moment dépouillée de ses entravesformelles, de ses catégories statiques, à l'âme ressaisie, déliée,unifiée en synthèse dynamique et vitale, au choc momentané de ce quila transcende, à l'embrasement soudain de l'étincelle divine. 2. Les origines de la mission itinérante L'apostolat itinérant de Paul a-t-il coïncidé avec sa conversion? Son départ deDamas pour l'Arabie syriaque doit-il être considéré comme un premiervoyage missionnaire? On peut se demander, tout d'abord, si Pauln'avait pas un tempérament voyageur, comme beaucoup de sescompatriotes, et si l'apostolat n'a pas été l'application et la miseen valeur dans une direction et vers un but particulier d'unetendance, d'une disposition naturelle. Aucune donnée ici ne permet derépondre. Si l'on veut juger par analogie, il est incontestable quedeux cas se rencontrent: il y a des hommes que l'appel dirige dans lesens qui paraît leur être naturel; il y en a que leur vocation obligeà un retournement, à une conversion de leurs tendances pratiques etde leur caractère, comme de leur vie profonde et de leurs aspirationsles plus intimes. Entre ces cas extrêmes, il y en a beaucoup quis'échelonnent d'un pôle à l'autre. Celui de Paul ne peut être situé,faute d'information. L'apostolat n'a pas toujours la forme itinérante. Il l'a prisechez Paul. Il n'est pas certain qu'il l'ait prise dès le début; iln'est pas certain qu'il ait coïncidé avec la conversion. Si l'onprocède, ici encore, par analogie, et que l'on interroge l'histoiredes conversions missionnaires, on trouvera plusieurs genres: il y ales hommes qui, dès une première crise, se sont sentis, en mêmetemps, transformés et appelés dans une direction déterminée; il y aceux qui, saisis brusquement, à un moment donné, ont eu besoin d'uneillumination progressive et, quelquefois, d'une seconde crise, pourentendre clairement l'appel apostolique; il y a les «convertislents», qui échappent aux crises bien caractérisées et chez qui toutchangement intérieur prend une forme évolutive, avec quelquestournants aux angles arrondis et quelques variations légèrementbrusquées. Ce qui paraît au dehors n'est parfois que la traductionimparfaite de ce qui se passe au dedans, et l'analyse seule peutsaisir les indices du travail profond qui s'accomplit dans les zonessous-jacentes de l'âme. Ainsi, l'observation comme le bon sensindiquent dans le premier type, où l'apostolat précis accompagne laconversion bien caractérisée, une préparation souterraine, dont lesaffleurements sont les indices fugitifs du cours intérieur; lescaractères du renouveau et de l'appel se trouvent comme préformésdans une mystérieuse gestation. Dans le second type, au contraire, lapréparation, moins poussée, n'aboutit point, du premier coup, à unetelle précision; le travail souterrain se poursuit en vue d'uneseconde étape, qui peut être suivie d'autres. Il ne faut pas oublier,en effet, que les frontières intérieures n'ont aucunement la rigiditéde nos catégories et de nos classements nécessaires. Quelle viereligieuse, quelle carrière apostolique, si continues soient-elles,n'ont eu leurs étapes marquantes, décisives, critiques, en plus oumoins grand nombre? Et si, par contre, des crises s'y succèdent, ousi une seule, violente et décisive, en marque le début apparent, quiniera le travail intérieur par lequel Dieu se fait chercher avant dese laisser trouver, par lequel Il fait germer, pousser, fleurir,mûrir ce qu'il a diversement semé, par lequel Il éduque, prépare,développe et accomplit? En l'absence de tous détails circonstanciés,il est difficile, à priori, de dire à quelle catégorie appartient lacarrière apostolique de Paul, dans le cadre général des conversionset des appels à crise où elle rentre incontestablement. Il semblecependant, à lire les récits des Actes, que l'on puisse se décider depréférence pour la seconde catégorie, c'est-à-dire pour un apostolatqui ne s'est déclaré qu'après la conversion; c'est une conversion àcaractère trop vif et foudroyant pour comporter autre chose pendantlongtemps qu'un grand embrasement de l'âme, après l'explosionprovoquée soudainement par l'étincelle divine, dont le feu se propagepresque instantanément par la traînée de l'émotion. Certains auteurs (Loisy, Goguel) ont admis; cependant, que Pauls'était lancé aussitôt dans l'action, et que son premier déplacementfut un véritable voyage missionnaire. Ils invoquent en faveur de leurthèse le «tout de suite» de Ac 9:20. «Il [Paul] resta doncquelques jours avec les disciples et puis, «tout de suite», il se mità prêcher Jésus dans les synagogues, en disant: C'est lui qui est leFils de Dieu!» C'est peut-être, pour une fois, tirer beaucoup dulivre des Actes, auquel on n'accorde pas habituellement tant decrédit. Si l'on se réfère à Ga 1:17 et suivant, on se rendcompte que les Actes omettent un détail important: la retraite dePaul en Arabie syrienne, immédiatement après sa conversion. L'opiniontraditionnelle, qui est demeurée celle de la plupart des auteurs, estque Paul a fait là une véritable retraite en vue de la méditationplutôt que de l'action. Certains font état de son tempérament pourrejeter cette interprétation courante et pour transformer lacontemplation en action. Mais on ne voit pas pourquoi Paul auraitchoisi comme premier champ de mission une région désertique où nevivent que quelques nomades. D'autre part, l'argument tiré ducaractère n'a aucune valeur. Comme tous les mystiques de puissanteenvergure, Paul est un grand actif; mais il reste un mystique,c'est-à-dire que les alternances de méditation parfois trèsprolongées et d'action vive, énergique, suivie, n'ont certainementpas manqué dans sa vie. Après sa conversion brusquée, il est toutnaturel que Pau! ait eu besoin d'une retraite méditative pourfortifier et préciser en lui sa vocation. C'est, vraisemblablement,au retour d'Arabie que se place la prédication à Damas dont il estquestion dans Ac 9:20. Paul est désormais apôtre. Si, plus tard,il fait remonter au premier appel le caractère même de cet apostolatet sa mission parmi les Gentils, cette vision précise et ramassée desévénements n'oblige pas à en méconnaître le développement normal. Ilne faut pas confondre les temps et les étapes d'une vocationapostolique dont la prise de conscience date vraisemblablement de laretraite salutaire en Arabie, après l'explosion émotive etl'embrasement de la conversion. Plusieurs années s'écoulent depuis la crise décisive jusqu'audépart solennel pour la première mission itinérante, 12 anspeut-être: de 33 à 45. Qu'est-ce à dire, sinon que l'appel déjàentendu ne s'est précisé que peu à peu dans le sens de la missionlointaine, mais aussi que l'apostolat paulinien a pris jusque-làd'autres formes, comme il ressort d'ailleurs de la lecture des Actes?La cérémonie, certainement fort simple, de l'imposition des mains, àAntioche (Ac 13:1,3), n'est pas comme le supposent Gore etLightfoot l'ordination sacerdotale et le sceau de l'Église sur unapostolat naissant. S'il en était ainsi, l'opposition avec lesépîtres serait formelle, et les épîtres, qui affirment souvent lecaractère direct et tout divin de la vocation paulinienne, seraientnaturellement à préférer. Mais il n'y a même pas à choisir. L'ordredivin aux «prophètes et instructeurs» de la communauté d'Antioche estcelui-ci: <(Mettez-moi donc à part» Barnabas et Saul pour l'oeuvre àlaquelle «je les ai appelés déjà». L'exécution de l'ordre est ainsirelatée: «Alors, après jeûne et prière, ils leur imposèrent les mainset les laissèrent partir.» Les termes impliquent nettement un appelantérieur au choix fait à Antioche. La «mise à part» attribuée auxhommes, alors qu'elle l'est généralement à Dieu, ne saurait doncfaire illusion. L'expression: «ils laissèrent aller, partir (endéliant)» est significative; elle implique l'initiative de Paul etBarnabas relativement à ceux qui les consacrent et, plus haut,l'initiative de Dieu. Entre temps, divers événements s'étaient passés, et Paul avaitdéjà eu l'occasion de se déplacer plusieurs fois, pour obéir à savocation. Après avoir fait un séjour à Damas, à son retour d'Arabie,et y avoir annoncé l'Évangile, il doit s'en échapper, et c'est àgrand'peine qu'il déjoue les complots des Juifs et des Arabescoalisés contre lui (Ac 9:23 et suivants). Ici se place unévénement assez mystérieux de l'histoire romaine, et dont la fixationpermettrait de dater exactement cet épisode de la vie de l'apôtre:l'occupation de Damas, ou plutôt, sans doute, des faubourgs de Damas,par les bandes arabes d'Arétas IV Cette affaire, qui ressemblapeut-être à l'incursion des Druses sous le mandat français, à lafaveur d'embarras analogues de la puissance tutrice obligée deréduire ses troupes d'occupation, n'a pu se produire que pendantl'absence du légat impérial Vitellius, occupé à guerroyer contre lesParthes, soit en 36. C'est peu après sa fuite de Damas que Paul se tendit à Jérusalem,afin d'y faire la connaissance de Pierre et de s'entendre aveclui (Ga 1:18). Il lui fut présenté, ainsi qu'à Jacques, parBarnabas (cf. Ga 1:18 et Ac 9 27). Les Actes pourraientfaire supposer que Paul fut conduit aux apôtres par Barnabas. Paulaffirme solennellement (Ga 1:19) qu'il se rendit de lui-mêmeauprès de Pierre et qu'il vit seulement Pierre et Jacques, le frèredu Seigneur, Ainsi, Barnabas a été un introducteur plutôt qu'unguide, et ce n'est pas aux apôtres, mais à Pierre et peut-être àJacques le frère du Seigneur, qu'il eut l'occasion de présenter Paul. D'après Ac 9:28-30, Paul continue à évangéliser à Jérusalem.Il a particulièrement affaire aux Hellénistes, dont il étaitlui-même, et qui complotent contre lui. C'est alors qu'accompagné ouconduit par les frères il se rend à Césarée et, de là, àTarse (Ac 9:30). L'opposition rencontrée par Paul garantit lapuissance de son message apostolique. Seul Jésus et Etienne avaientpu soulever de semblables tempêtes. Le renseignement de Ga 1:21 corrobore plutôt qu'il necontredit celui de Ac 9:30. Il porte en effet que Paul se renditen Syrie-Cilicie, où se trouve effectivement la ville de Tarse. Lamention des deux parties de la province peut être l'indication qu'ily exerça en plusieurs lieux son activité missionnaire. L'opinion deMaclean, d'après qui Paul aurait fait à Tarse une retraite prolongée,ne repose sur rien de sûr. Il paraît plus probable que Paul, à peinelancé dans la carrière apostolique, ne s'est pas arrêté aussi tôt, eten aussi bonne voie. Il n'y a pas de parallèle à établir entre cettepériode de sa vie et celle qui suivit immédiatement la conversion. Dans Galates, Paul ne donne aucun renseignement sur les événementsqui se sont produits entre ce départ de Jérusalem et une autre visitequ'il y fit beaucoup plus tard. Mais les Actes permettent dereconstituer partiellement sa carrière apostolique entre temps. Ilsrapportent succinctement les circonstances dans lesquelles Barnabaset Paul, nantis d'une sorte de mandat, partirent pour la premièremission itinérante concertée et suivie. On a coutume de la nommer lepremier voyage missionnaire de Paul, ce qui, pris absolument, estsans doute inexact, mais répond d'autre part à quelque chose devraiment neuf. Après la dispersion de la communauté naissante au moment dumartyre d'Etienne, un certain nombre de chrétiens s'établirent àChypre et à Cyrène. Quelques-uns de ceux-là, venus à Antioche, semirent à évangéliser indifféremment les Juifs et les païens (Ac11:19 et suivants). Barnabas, envoyé de Jérusalem, donne sa pleineapprobation. L'Église d'Antioche est fondée. C'est ainsi que leschoses se sont vraisemblablement passées, d'après les brèvesindications des Actes, et nous avons là un phénomène de premièreimportance dont on n'a pas toujours fait ressortir toute la valeur.Ce sont des chrétiens de Jérusalem exilés, des Juifs de traditionpalestinienne, qui ont entrepris la mission parmi les païens, et ilest fort probable qu'ils ont commencé par faire d'eux des chrétiensjudaïsés, un peu comme les prosélytes de la porte dans le judaïsmemosaïque, des pagano-judéo-chrétiens. C'est d'ailleurs,vraisemblablement, parmi les prosélytes de la porte qu'ils ontcommencé à évangéliser. Quoi qu'il en soit, c'est à eux que s'estposé en premier lieu le grand problème de l'entrée inconditionnée desconvertis d'origine païenne dans la communauté chrétienne. Il étaitréservé à Paul de résoudre ce problème. Barnabas se rend à Tarse afin d'y quérir Paul (verset 25). On avu dans ce rapprochement une preuve que Paul avait déjà lui-mêmeévangélisé les païens, ce qui paraît plausible. Il était l'homme dela situation, particulièrement qualifié pour une tâche délicate.Barnabas le décide à venir, et ils collaborent pendant un an àAntioche (Ac 11:26). C'est là que, pour la première fois, le nomde chrétiens fut donné aux disciples. C'est d'Antioche que, d'aprèsle livre des Actes, Paul fit à Jérusalem un second voyage, encompagnie de Barnabas. Leur but était de secourir les chrétiens deJérusalem souffrant de la famine (Ac 11:29 et suivant). Barnabaset Paul, chargés de dons, voyagèrent sans doute par mer, de Séleucieà Césarée; ils remirent aux anciens de l'Église le dépôt qui leuravait été confié; on peut donc supposer que les apôtres étaientabsents et que l'on se trouvait au temps de la persécution d'Hérode.Après s'être acquittés de leur tâche, Barnabas et Paul retournèrent àAntioche, emmenant avec eux Jean surnommé Marc (Ac 12:25). C'estpeu après, sans doute, qu'ils partirent pour ce que l'on est convenud'appeler le premier voyage missionnaire (Ac 13:4 et suivants). Nous donnons ici le premier des croquis des voyages de Paul, quimontreront l'extension progressive de la mission paulinienne. Carte: Période préparatoire. Paul (Saul) naît à Tarse où il passe son enfance. Jeune homme, ilva à Jérusalem, sans doute par mer jusqu'à Césarée. Il est disciplede Gamaliel.--Saul (Ac 22:3) est peut-être à Tarse pendant leministère de Jésus (années 26-29?).--Saul est à Jérusalem lors dumartyre d'Etienne, vers 32.--Saul (Ac 7:58) va à Damas pour ypersécuter les chrétiens.--Pharisien (Ac 9:3), il suit sansdoute l'itinéraire de la rive gauche du Jourdain, pour éviter laSamarie.--Conversion, sur le chemin de Damas, en 33.--Paul (Ac9:1,8 22:5,11 26:12-16) à Damas.--Retraite (Ac 9:9-2222:12-16) en Arabie.--Retour (Ga 1:17) à Damas, complot etfuite, en 36.--Premier (Ac 9:23,25) voyage à Jérusalem après laconversion.--Départ (Ac 9:26-29 22:17-21,Ga 1:18-20) pourTarse, par Césarée.--Activité (Ac 9:30-32) d'évangéliste ou demissionnaire en Syrie-Cilicie.--Antioche.--Voyage (Ga1:21,24) (Ac 11:25 s) à Jérusalem, sans doute par mer, poursecourir la communauté en pleine persécution, et retour (Ac11:27-30 12:25).