I Biographie. Ces lacunes se font déjà sentir dans une tentative pour écrire labiographie de l'apôtre. Saul de Tarse appartenait à un milieuauthentiquement juif. Hébreu, fils d'Hébreux, de la tribu deBenjamin, il avait reçu dans sa jeunesse une culture assez étendue;sa profession de tisserand de toiles pour tentes ne doit pas donner àpenser qu'il appartînt à un milieu «ouvrier» dans le sens moderne dumot. Sa famille devait être assez considérable puisqu'il avait pardroit de naissance le titre de citoyen romain (Ac 22:28). Saville natale était un centre important de culture hellénique, etcomme tous les hommes cultivés de son milieu il parlait avec uneégale facilité le grec et l'hébreu. Ce dernier idiome était cependantsa véritable langue maternelle (son grec est semé d'hébraïsmes) et saculture était essentiellement rabbinique. Il passe pour avoir étudiéauprès de Gamaliel (Ac 22:3), et il est certain qu'il étaitrompu aux procédés de raisonnement propres à ce milieu spécial. Saconnaissance de la philosophie grecque reste visiblementrudimentaire. Ce qu'il repousse et condamne sous le nom de sagesse (sophia), ce n'est pas la haute pensée des écoles, mais lesdoctrines de mystères, qui étaient à la philosophie de cette époquece que la théosophie est aux philosophies modernes. Il nous dit d'ailleurs lui-même que, passionnément attaché auxtraditions de ses pères (Ga 1:14), il appartenait au partipharisien; et c'est sous les espèces d'un persécuteur qu'il fait sonentrée dans l'histoire de l'Église chrétienne. Les Actesattestent (Ac 8:1 9:13 26:9,11), et l'apôtre confirmelui-même (Ga 1:13-23, 1Co 15:9 etc.), la violence avec laquelleil a sévi contre les chrétiens. Fanatisme dont l'avenir révéleral'exceptionnelle qualité, mais fanatisme indiscutable. Sur lesmanifestations de cette violence, nous apprenons seulement (Ac7:58 8:1) que l'apôtre aurait assisté au meurtre d'Etienne etl'aurait approuvé. Sa passion de persécuteur devait cependant le conduire sur laroute de Damas, où sa vie allait prendre une orientation inattendue.Tandis qu'il se rendait dans cette ville en vue d'y étendre lessévices déjà exercés par lui sur les chrétiens de Jérusalem, unevision du Christ fit du persécuteur de l'Eglise un disciple duCrucifié. Nous aurons à revenir sur la signification religieuse de cetteheure et son importance décisive, non seulement pour la carrièreultérieure de l'apôtre mais pour toute la détermination de sesattitudes et de sa pensée religieuse. Il faut noter seulement ici quecette journée du «chemin de Damas» divise la vie de Paul en deuxparties radicalement différentes, voire opposées; désormais il vaadorer celui qu'il persécutait et se faire le héraut inlassable del'Évangile. Il semble, d'après les trois récits que le livre des Actes nous alaissés de cet événement, que la conscience de sa vocationapostolique se confonde, chez Paul, avec la conscience de saconversion et que son activité missionnaire ait commencé aussitôtaprès son arrivée à Damas. Le livre des Actes raconte qu'atteint de cécité à la suite de savision il aurait recouvré la vue par l'intervention d'un homme nomméAnanias, qui l'aurait introduit dans la communauté chrétienne etconfirmé dans sa vocation d'apôtre des païens. Cependant aucun textede l'apôtre lui-même ne vient confirmer ces données traditionnelles,et il est permis de se demander si sa vocation a pris d'emblée uneprécision aussi grande et si les récits ne prêtent pas auxconceptions et aux projets du nouveau converti une forme arrêtéequ'ils ne devaient revêtir que plus tard sous la pression descirconstances. Entre la mission parmi les Juifs et la mission parmiles païens, rien ne permettait en effet de prévoir, au jour de laconversion de Saul, une distinction qui ne devait se manifester queplus tard et précisément à l'occasion de sa propre activitémissionnaire. La tradition a enfermé un peu sommairement cette activité dans lecadre des trois grands voyages qui nous sont rapportés par le livredes Actes; essayons de déterminer un peu plus exactement la suite desévénements, en combinant les données des Actes avec celles que nousfournit l'apôtre lui-même, notamment Ga 1:18-2:1. Dès le lendemain de sa conversion, Paul commença de prêcherl'Évangile à Damas; mais cette action missionnaire ayant excité lahaine des Juifs, il dut s'enfuir (Ac a 20, 25). Il se rendit alors enArabie, puis revint à Damas (Ga 1:17). Trois ans après (après saconversion? ou après son retour à Damas?) il se rendit àJérusalem (Ga 1:18), puis alla en Syrie et en Cilicie, ce quicorrespond au «premier voyage» de la tradition (Ac 13:1-14:26).Mais l'apôtre omet de mentionner (dans ce passage qui ne concerne queses voyages à Jérusalem et ne prétend pas donner une chronologiecomplète de son activité) son installation et son ministère àAntioche, puisque, selon une notice que nous n'avons aucune raison demettre en doute, c'est comme l'un des prophètes (=prédicateurs) decette Église qu'il fut mis à part et consacré par la communauté pourune mission lointaine, son premier voyage. «Au bout de quatorze ans» (après sa conversion? ou après la findes «trois ans»?), il monta une seconde fois à Jérusalem (après unassez long séjour à Antioche: Ac 14:28,Ga 2:11,21), pour cetteconversation avec les apôtres qui est connue sous le nom de«Conférence de Jérusalem» (les historiens catholiques disent«Concile» [v. Synode]), et qui semble avoir été la première tentativepour définir les rapports entre la mission chez les Juifs et lamission parmi les païens. Cet effort pour résoudre le problème eutsurtout pour effet de le poser et de lui donner une forme précise. Ladate peut en être fixée à l'an 48 (Ac 15:1-29,Ga 2:1,10). Après un court séjour à Antioche (Ac 15:30-35) commence le«deuxième voyage» (Ac 15:36-18:22), qui conduit Paul à traversl'Asie Mineure et par Troas à Néapolis (aujourd'hui Cavalla), Philippes, Thessalonique, Athènes et Corinthe où il reste duprintemps de l'année 50 à l'automne de l'année 51. C'est là qu'ilécrit 1 et peut-être 2 Thessaloniciens. Il regagne de là Antioche parJérusalem. Après un délai également très court, Paul part pour son«troisième voyage» (Ac 18:23-21:16), qui le conduit à traversles parties septentrionales de la Galatie, à Éphèse où il reste aumoins deux ans (de 52 à 54 ou 55), et d'où il écrit 1 Corinthiens etGalates. Venu en Macédoine, il y déploie une activité considérable,passe à Corinthe, en Illyrie (Ro 15:19) où il écrit 2Co etRomains. Il s'embarque à Néapolis aussitôt après Pâques, désireuxd'être à Jérusalem pour la Pentecôte (de l'an 56); et presqueaussitôt après son arrivée dans cette ville, il est arrêté. Conduit à Césarée après une comparution devant le Sanhédrin, il ydemeure en prison environ deux ans et demi; c'est là que se place sacomparution devant les gouverneurs successifs, Félix et Festus, etdevant le roi Agrippa. Embarqué à l'automne de 58 pour comparaître,comme il l'avait demandé, devant le tribunal de l'empereur, il arriveà Rome au printemps de 59 et, en 61, finit la période de «libertésurveillée» par laquelle se termine le récit du livre desActes (Ac 28:30 et suivant) et durant laquelle il avait écritles épîtres de la captivité (Colossiens, Éphésiens, Philippiens,Philémon). Il est certain que ces deux ans de semi-captivité ne seterminèrent pas par un martyre que l'auteur aurait évidemmentmentionné, mais sans doute par une mise en liberté et une nouvellepériode d'activité sur laquelle nous sommes réduits aux conjectures(tels les projets mentionnés Ro 15:28)- La tradition de l'Egliseest très affirmative sur le fait que l'apôtre subit le martyre àRome. On en peut placer la date avec une grande vraisemblance à lapremière persécution de Néron en 64. Ce cadre schématique, qu'il est nécessaire de compléter par lalecture des textes indiqués, suffit à donner une idée de l'activitédévorante de l'apôtre et de la tâche immense qu'il sutaccomplir,--«non pas lui cependant, mais la grâce de Dieu qui étaiten lui» (1Co 15:10). Voir l'art, suivant.