Voir Atlas 6C'est l'histoire politique que nous nous proposons de traiter ici. SOURCES La principale: Flavius Josèphe, Guerre juive, en 7 livres; Antiquités juives, en 20 livres; V Autobiographie; le traitédit Contre Apion ou de l'ancienneté du peuple juif, en 2 livres(voir Josèphe). Les auteurs latins comme Tacite, Suétone, DionCassius nous apportent des renseignements précieux sur les relationsde Rome et de la Judée (voir Th. Reinach, Textes d'auteurs grecs etlatins relatifs au judaïsme). Bornons-nous à mentionner, à côté desdictionnaires et commentaires de la Bible, deux ouvrages capitaux: E.Schurer, Geschichte des jüdischen Volkes im Zeitalter JesuChristi, en 3 volumes, et S. Dubnow, Weltgeschichte desjiidischen Volkes, en 10 volumes, dont le deuxième raconte lapériode qui va du début de la domination grecque en Palestine jusqu'àla ruine de Jérusalem et nous intéresse particulièrement; l'originalest écrit en russe, maïs il a été traduit en allemand par A.Steinberg. 1. Arrivée des Romains en Palestine. Voir Atlas 11 Voir Atlas 26Alexandra, veuve d'Alexandre Jannée (voir Macchabées), était morte en69 av. J.-C, laissant deux fils: Hyrcan II et Aristobule II; leursluttes fratricides devaient avoir les plus tragiques conséquences,puisque, afin d'y mettre un terme, ils firent appel à l'interventiondes Romains, qui pénétrèrent ainsi pour la première fois dans lepays; ce fut le commencement du drame qui, après des péripétiesdiverses et mouvementées, ne devait se terminer que par lacatastrophe de l'an 70 ap. J.-C. Au printemps de 63 av. J.-C, Pompée est à Damas, il répondfavorablement à la demande d'intervention qui lui est adressée et metle siège devant Jérusalem; la ville est prise, et ce fait va avoirpour la Judée des conséquences graves: désormais, elle sera vassalede Rome. Hyrcan II est nommé ethnarque et grand-prêtre, tandisqu'Antipater, père d'Hérode le Grand, alors gouverneur de l'Idumée,s'attache à lui et, sous l'autorité nominale d'Hyrcan, exerce enréalité le pouvoir et en profite pour faire pommer ses fils à despostes importants de l'administration du pays: Phasaël estadministrateur de Jérusalem, et Hérode de la Galilée (63 av. J.-C).Après la bataille de Pharsale (9 août 48) et la mort de Pompée (28sept. 48), Hyrcan et Antipater se jettent du côté de Jules César,qu'Antigone, dernier fils survivant d'Aristobule, cherche vainement àgagner à sa cause. César comble de ses faveurs Hyrcan et Antipater.Hérode, à ce moment-là, a 25 ans: il fait preuve d'une rare énergiedans la répression des brigands, et d'une réelle effronterievis-à-vis des autorités qui auraient voulu le condamner à cause deses procédés trop sommaires; lorsque son père meurt empoisonné (43av. J.-C), il fait mourir le coupable. Deux incidents compromettentmomentanément les intérêts d'Hérode et de son frère: d'abord lorsque,devant Antoine, alors en Bithynie, apparaît une députation de lanoblesse juive pour se plaindre d'Hérode; ce dernier réussit à garderla faveur de son protecteur; ensuite, lorsque Antigone, avec l'appuides Parthes, réussit à s'emparer du pays, il contraint Hérode à fuir.Antigone reste maître du pays et, pour une courte période, le pouvoirroyal des Hasmonéens est rétabli en Palestine. Antigone ne possèdepas les qualités nécessaires à un souverain chargé d'exercerl'autorité dans des circonstances aussi délicates, ni le patriotismeenflammé, ni le génie politique, tandis que, pour lui arracher lepouvoir qu'il convoite, Hérode déploie une activité extraordinaire.Il accourt auprès d'Antoine, qui est acheté à prix d'or, et celad'autant plus facilement que le Romain comprend qu'il importe d'avoiren Judée un instrument docile des volontés de Rome, puisque Hyrcanest prisonnier des Parthes. Dans une séance solennelle du Sénat,Hérode est proclamé roi de Judée, allié et vassal de Rome; mais illui faudra encore deux années de guerre civile, ensanglantant laJudée, avant d'être réellement roi. En 39 commencèrent les luttesentre Antigone et Hérode; elles furent terribles; Hérode fut obligéde faire le siège de Jérusalem, qui commença au printemps de 38 av.J.-C, et c'est à ce moment-là qu'il interrompit les opérationsmilitaires pour épouser Mariamme, fille d'Alexandre, fils lui-même decet Aristobule II dont nous avons parlé et d'Alexandra, filleelle-même d'Hyrcan II: elle était donc la petite-fille d'Hyrcan parsa mère. Par ce mariage avec une princesse hasmonéenne (ils étaientfiancés depuis 5 ans), il entrait dans la famille royale desMacchabées et espérait ainsi se concilier l'appui des patriotesjuifs. Après une résistance désespérée de 40 jours, la villesuccomba, et il y eut des carnages atroces. Hérode eut fort à fairepour éviter le pillage de la cité et la profanation du temple. Sansl'appui du général romain Sosius, il n'aurait jamais pu s'emparer deJérusalem: le gouverneur de Syrie envoya Antigone à Antioche où setrouvait Antoine qui, obéissant aux suggestions d'Hérode, le fitmettre à mort. <(Ce fut le premier Romain, écrit le géographeStrabon, qui fit décapiter un roi. Il ne voyait pas d'autre moyend'amener les Juifs à accepter Hérode, qui avait remplacé Antigone;les supplices mêmes ne pouvaient, en effet, les décider à lereconnaître comme roi, tant ils avaient gardé une haute opinion deson prédécesseur. Antoine pensa que le supplice ignominieuxd'Antigone obscurcirait le souvenir qu'il avait laissé et atténueraitla haine qu'on avait pour Hérode.» Cette haine ne devait pas désarmerdurant toute la vie du nouveau roi. 2. Hérode le Grand (37-4 av. J.-C).Ce titre de «Grand» qui lui est appliqué doit être compris commesignifiant l'aîné ou le premier du nom. 1° LA CONQUETE DU POUVOIR (37-25 av. J.-C).Il est roi, et pourtant il lui faut encore, en réalité, conquérir sonpouvoir. Robuste et endurant, de bonne heure accoutumé à l'effort,cavalier excellent et chasseur infatigable, il s'est, dès sajeunesse, exercé au métier des armes; sauvage et passionné, dur etinflexible, il est étranger aux sentiments délicats comme aussi auximpulsions de la tendresse; quand son intérêt est en jeu, ilintervient avec une main de fer, sans reculer devant les plus cruelssacrifices et les flots de sang. Il se montre prudent, habile, rusémême dans le choix des moyens, sachant discerner d'un coup d'oeil lesmesures à employer; intraitable envers tous ceux qui dépendent delui, il est vis-à-vis des puissants du jour le plus parfaitcourtisan. Il comprend que jamais il ne pourra être quelque chose quegrâce à l'appui de Rome; son souci constant sera de garder cet appuinécessaire; par Rome il arrive et par Rome il se maintient. Pourconquérir réellement le pouvoir, il faut qu'il se débarrasse de sesennemis: le peuple, l'aristocratie sacerdotale, les derniersHasmonéens. Le peuple le déteste et le traite de demi-juif; il ne voit en luiqu'un roi par la grâce de Rome, souillé du sang des Hasmonéens; iln'est ni grand-prêtre, ni prêtre-roi, mais souverain purementtemporel: ce n'est pas un Juif authentique choisi par des Juifs, maisun souverain moitié juif et moitié païen, imposé par l'étranger.Hérode supprime les résistances: les plus décidés de ses adversaires,il les brise; les plus souples, il cherche à les gagner par sesfaveurs. Ceux qui sont les premiers par la piété, les pharisiens, ledétestent; ils voient en lui» l'esclave iduméen». Ceux qui occupentle premier rang et qui furent jadis les partisans d'Antigone, il lesfait égorger en masse; «parmi eux se trouvaient quarante-cinq hommes,appartenant aux meilleures familles; il n'épargne pas les membres dusanhédrin, puis s'empare de la fortune de ses victimes» (Graetz).Enfin il a encore devant lui les derniers Hasmonéens: le vieilHyrcan, grand-père de sa femme, puis la mère de sa femme, Alexandra,le fils de cette dernière, donc le propre frère de sa femme, nomméAristobule III Hyrcan fut rappelé de Babylonie, où les Parthesl'avaient emmené prisonnier; il fut traité d'abord avec respect,avant d'être mis à mort sous le prétexte qu'il avait trahi. Alexandraintrigua pour que son fils obtînt le souverain pontificat; Héroderésista aussi longtemps qu'il put, mais Alexandra ayant réussi àgagner la faveur de Cléopâtre, Hérode fut obligé, contre son gré,d'accorder au jeune homme la dignité suprême. Le peuple éprouva uneimmense joie en voyant le fils de ses anciens rois, dans tout l'éclatde sa jeunesse et de sa beauté, remplir avec noblesse ses augustesfonctions, mais Hérode en conçut une jalousie féroce et résolut de sedébarrasser de lui. La scène se passe à Jérico: «Comme l'endroitétait excessivement chaud, les convives sortirent tous ensemble enflânant et vinrent chercher au bord des piscines--il y en avait defort grandes autour de la cour--un peu de fraîcheur contre lesardeurs du soleil de midi. Tout d'abord, ils regardèrent nager leursfamiliers et leurs amis; puis le jeune homme se joignit auxbaigneurs, excité par Hérode; alors, certains des amis du roiauxquels il avait donné ses instructions, à la faveur de l'obscuritécroissante, pesant sans cesse sur le nageur et le faisant plongercomme par manière de jeu, le maintinrent sous l'eau jusqu'à ce qu'ilfût asphyxié» (Jos., Ant., XV, 54; trad. Reinach). Cité devantAntoine pour se justifier de ce meurtre, Hérode acheta le Romain etréussit à se tirer de ce mauvais pas. Mais, avant de partir, il avaitdonné l'ordre à son oncle et beau-frère Joseph, tout à la fois frèrede son père et mari de sa soeur, de mettre à mort sa femme, Mariamme,dans le cas où il ne reviendrait pas. Salomé, soeur d'Hérode, jouadans cette affaire un rôle particulièrement odieux, accusant sonpropre mari d'avoir eu des relations coupables avec Mariamme. On peutse représenter les sentiments d'Hérode, à son retour. Joseph est misà mort, mais Mariamme s'irrite en apprenant l'ordre la concernant quele roi avait donné à son frère. De nouvelles difficultés se dressentsur son chemin: il se voit obligé, pour plaire à Cléopâtre, de luicéder de fort belles parties de son territoire, entre autres larégion de Jérico, et, de plus, de faire la guerre au roi des Arabes:Hérode n'en retirait aucun profit car, à cette époque, il aurait aimévoler au secours de son protecteur Antoine, alors en lutte avecOctave. Ce ne fut pas sans courir de grands dangers qu'il putterminer la guerre contre les Arabes; enfin il fut victorieux, maisun tremblement de terre causa de grands ravages dans le pays et coûtala vie à 30.000 personnes. Sur ces entrefaites, la bataille d'Actium(2 sept. 31 av. J.-C.) se terminait par la victoire d'Octave etl'effondrement de la puissance de son protecteur Antoine. Alors, sanshésiter, Hérode abandonne le vaincu pour se tourner du côté duvainqueur; il s'empresse auprès de lui, lui narre un service qu'ilvient de lui rendre: une troupe de gladiateurs, entretenue parAntoine en Syrie, aurait voulu passer en Egypte pour aider son patronà reprendre l'avantage; unissant ses forces à celles du gouverneur deSyrie, il avait défait les rebelles. Avant de partir, il avaitrenouvelé l'ordre, déjà donné dans une précédente occasion, de mettreà mort Mariamme s'il ne revenait pas. Il accourut à Rhodes, seprésenta devant Octave, se couvrit du masque de l'humilité, comme unhumble vassal de Rome, montra que son concours avait été dans lepassé profitable à Rome et qu'il en serait de même dans l'avenir. Enpolitique avisé, Octave discerna ce qu'il y avait de vrai dans lesaffirmations du royal suppliant et lui rendit, avec la dignitéroyale, les territoires que Cléopâtre lui avait ravis. Mais, à sonretour, ayant appris l'ordre que, pour la seconde fois, son mariavait donné de la mettre à mort s'il ne revenait pas, Mariamme ne luicache pas son horreur. Et de nouveau Salomé joue son rôle de perfidecalomniatrice. Mariamme est condamnée à mort et exécutée, non sansavoir, avant de marcher au supplice, été couverte d'injures par sapropre mère. «La plus belle fille de Juda, la belle Hasmonéenne,l'orgueil de la nation, marcha du tribunal à l'échafaud. Elle y montacalme et résolue, sans faiblesse et sans crainte, et resta digne deses aïeux. Mariamme était l'image de la Judée, livrée à la hache dubourreau par l'intrigue et la haine.» (Graetz; cf. Ant., XV, 236;l'historien juif trace de la princesse juive un portrait fortremarquable.) 2° LES ANNEES DE GLOIRE (25-13 av. J.-C).En cette période de sa vie, le roi est au comble de la puissance:rien ne trouble ses relations avec Rome. Agrippa (Marcus VipsaniusAgrippa), le général, l'homme d'État, gendre d'Auguste, vient àJérusalem rendre visite à Hérode. Ce dernier se montre habilepolitique et guerrier éprouvé dans la répression des désordres causéspar les tribus arabes pillardes dans le voisinage de ses États, qu'ilréussit à agrandir par l'adjonction de la Batanée, de l'Auranitide etde la Trachonite. Il est passionné pour les constructionssomptueuses: il reconstruit Samarie de la manière la plus brillante;il la nomme Sébaste-Auguste; il transforme la tour sur la place duTemple, qui devient l'Antonia dont nous aurons l'occasion dereparler. A la place de la Tour de Straton, sur les bords de la merMéditerranée, s'élève, après 10 ans de travaux, la ville fameuse deCésarée de Palestine; son port est tout particulièrement remarquable:une digue puissante, qui s'avance bien avant dans la mer, est bâtiede matériaux amenés de fort loin. La plus célèbre de sesconstructions est le Temple de Jérusalem (voir Temple). «Il fit partde son projet aux chefs de la nation, qui en furent effrayés. Ilscraignaient qu'Hérode ne voulût seulement démolir l'ancien sanctuaireou que la reconstruction ne traînât en longueur. Hérode les rassuraen leur promettant de ne pas toucher au vieux temple avant que lesmatériaux du nouveau et les ouvriers ne fussent tous rassemblés. Desmilliers de chariots amenèrent sur le chantier d'énormes pierres detaille, des blocs de marbre. Dix mille hommes, experts dans l'art dela construction, se mirent à l'oeuvre. Ce travail commença dans la 18e année du règne d'Hérode (janvier 19 av. J.-C). L'intérieur dutemple fut achevé en un an et demi. La construction des murs, descolonnades et des portiques demanda 8 ans, et, longtemps après, ontravaillait encore aux parties extérieures. Le temple d'Hérode étaitun chef-d'oeuvre, que les contemporains ne pouvaient assez admirer.Il se distinguait du sanctuaire de Zorobabel par des proportions plusvastes et une splendeur plus grande. Au-dessus de l'entréeprincipale, Hérode avait, au grand scandale des pieux Israélites,fixé une aigle d'or, symbole de la puissance romaine» (Graetz, Hist, des Juifs). Malgré cela, comme aussi en dépit de sagesmesures qu'il prend en allégeant les impôts en des tempsparticulièrement difficiles ou en intervenant en faveur des Juifs deCyrénaïque ou de certaines régions de l'Asie Mineure pour que leursprivilèges soient respectés, la population le déteste: à cause descharges accablantes qui pèsent sur elle, des édifices païens qu'ilfait élever en Palestine et dans les villes voisines, de son attitudede valet de Rome, de son système perfectionné d'espionnage, de sonentourage de Grecs et de Romains, comme aussi à cause des forteressesqui se dressent pour rappeler à la nation qu'elle a perdu sa liberté:Hérodeïon, Masada, Machéronte, etc. 3° LE DECLIN (13-4 av. J.-C.)est marqué par la plus épouvantable des tragédies dans le palaisroyal. Hérode s'était marié plusieurs fois; chacune de ses femmeshabitait, avec ses enfants, un quartier particulier du palais;quelques-uns de ses enfants étaient mariés et avaient eux-mêmes desenfants (voir Hérodes [les], tableau généalogique). Il y avait là lesfils de Mariamme, qui étaient de race royale, et Antipater, fils aînédu roi, sorti des rangs du peuple, d'abord exilé de la cour, puisrappelé; il devait être un des mauvais génies de ce drame. A la suited'atroces calomnies, les fils de Mariamme, Alexandre et Aristobule,sont condamnés à mort et étranglés à Samarie (7 av. J.-C). Antipater,désireux comme il l'avait été de mettre de côté ses frères, croitêtre alors parvenu à son but; il complote la mort de son père, deconcert avec son oncle Phéroras, frère du roi, et la ruine de deux deses plus jeunes frères, Archélaüs et Philippe; mais, à la mort dePhéroras, toute l'intrigue se découvre. Antipater est rappelé de Romepour être jeté en prison en attendant que, de Rome, viennel'autorisation de le faire mettre à mort. Secoué par tous cesévénements, le roi tombe gravement malade, et le peuple, le croyantperdu, manifeste sa haine contre le despote. Deux docteurs de la loipoussent leurs disciples à enlever l'aigle d'or placée au-dessus dela porte principale du temple, symbole doublement odieux desoumission politique et de violation de la loi. L'aigle est arrachéevers midi, au moment où les fidèles sont le plus nombreux. Lesmercenaires royaux s'emparent des 40 jeunes gens coupables de cecrime et des instigateurs, qui sont deux pharisiens. Cités devant leroi, ils font de courageuses déclarations. Le roi leur demande s'ilsont réellement osé abattre l'aigle d'or; ils l'avouent. «--Qui vousl'a ordonné?--La loi de nos pères.--Et pourquoi tant de joie aumoment où vous allez être mis à mort?--C'est qu'après notre mort nousjouirons d'une félicité plus parfaite.» Envoyés a Jérico, ils yfurent sévèrement punis: les chefs brûlés vifs, les plus coupablesdes jeunes gens mis à mort par le bourreau, et les moins coupablesfrappés de diverses condamnations. La maladie du roi s'aggrave sanscesse; un séjour aux célèbres eaux thermales de Callirhoé, sur lesbords de la mer Morte, à une dizaine de kilomètres de Machéronte(voir plus loin), ne lui apporte aucun soulagement. Ramené à Jérico,il reçoit d'Auguste-l'autorisation de disposer à son gré d'Antipater;le roi se hâte de profiter de la permission, d'autant plus qu'il aappris qu'Antipater cherche à corrompre son geôlier pour recouvrer saliberté et, à la fin prochaine de son père, s'emparer du pouvoir:Hérode fait donc tuer Antipater. Il meurt lui-même à Jérico avant laPâque de l'an 4 av. J.-C, et il est enterré en grande pompe dans laforteresse d'Hérodeïon, à 3 lieues au Sud de Jérusalem. (SurHérodeïon, voir plus loin, parag. 9, 3° et 5°.) 3. Au lendemain de la mort d'Hérode. 1° CE QUI SE PASSE EN PALESTINE.Pour entrer en vigueur, le testament d'Hérode devait être ratifié parl'empereur; néanmoins, Archélaüs agit en roi; bien qu'ayant fait aupeuple les plus généreuses promesses, il fut obligé d'user de mesurescruelles pour ramener la paix, ce qui lui fit perdre sa populariténaissante. Alors se déchaîna ce qu'on appelle la guerre de Varus:elle fut provoquée par les exactions du trésorier d'Auguste, envoyédans le pays pour confisquer les trésors d'Hérode; ce Sabinus se vitbientôt assiégé dans le palais d'Hérode; il appela à son secoursVarus qui, après avoir soumis à son autorité le reste du pays,réussit sans trop de peine à terminer la campagne par la prise deJérusalem. Il fit rechercher les véritables auteurs du soulèvement;les plus compromis, au nombre de 2.000, furent mis en croix, les autres gardés enprison. Quant à Sabinus, qui avait mauvaise conscience, il prit soin,avant l'arrivée de Varus, de quitter Jérusalem. 2° CE QUI SE PASSE A ROME.Archélaüs, Antipas et Philippe sollicitent de l'empereur lavalidation du testament de leur père, en vertu duquel Archélaüsobtiendrait la couronne royale avec la Judée, la Samarie et l'Idumée;Antipas, la Galilée et la Pérée; Philippe, la Batanée, l'Auranitideet la Trachonite. Après de longues et violentes discussions, deuxcomparutions devant l'empereur et un temps de réflexion, Auguste fitconnaître sa décision: le testament, tel que nous venons d'endéterminer les dispositions essentielles, était confirmé; mais aucundes trois prétendants ne recevait la couronne royale: Archélaüsdevenait ethnarque; ses deux frères, tétrarques; les revenus dupremier étaient de 600 talents, ceux du second de 200 et ceux dutroisième de 100 talents. Les villes de Gaza, Gadara et Hipposétaient enlevées à Archélaüs et jointes à la province de Syrie. Ilfaut mettre ici en évidence un fait d'une importance capitale:l'arrivée à Rome, sans doute entre les deux séances, d'une ambassadedes Juifs, venus, avec l'autorisation de Varus, pour demander àl'empereur de les délivrer de tous les princes de la familled'Hérode, contre lesquels ils prononcent un réquisitoire fortementmotivé, et de bien vouloir les faire administrer par un gouverneurparticulier, rattaché à la province de Syrie; ils ne désirent qu'unechose: l'autonomie religieuse. C'est le point de vue des pharisiens,c'est-à-dire la prédominance des intérêts spirituels sur les intérêtscivils, la possibilité de vivre conformément à leurs propres lois.D'après Josèphe, huit mille Juifs de Rome appuyèrent cette démarche. 4. Les fils d'Hérode. 1° ARCHELAÜS.Il avait été élevé à Rome; il reçut, au moment de sa comparutiondevant l'empereur, le conseil de se comporter avec douceur dans sesrelations avec ses administrés; ethnarque (ce titre désignait unprince d'un rang plus élevé que le tétrarque), il recevrait lacouronne royale, s'il savait s'en montrer digne. Il ne put, ni nevoulut le faire. Il paraît cependant avoir respecté les scrupules deses administrés, en ne faisant pas frapper de monnaies portant desimages choquantes pour la piété des Juifs. Il donna aussi, grâce à laconstruction d'un aqueduc, un grand développement aux plantations depalmiers qui constituaient une des richesses de Jérico. Comme ilavait traité les Juifs et les Samaritains avec une égale cruauté, sesennemis héréditaires s'unirent pour l'accuser auprès d'Auguste.N'ayant pu se justifier des accusations portées contre lui, il futenvoyé en exil en Gaule (6 ap. J.-C). Il est certain que sa cruautéfut le principal motif de cette sentence; on peut supposer, d'aprèsun passage de l'historien Dion Cassius, qu'il aura manqué de lasouplesse qui distinguait ses frères, dont nous allons parler.Lui-même, aussi bien que sa femme Glaphyra, fut averti en songe de ladestinée qui les attendait. Réduit en province romaine, sonterritoire fut désormais géré par des procurateurs, et sa fortune futconfisquée. 2° PHILIPPE (de 4 av. J.-C, à 34 ap. J.-C).A la suite des calomnies d'Antipater, il avait été complètementdéshérité par un précédent testament de son père Hérode, et c'estseulement dans le dernier qu'il obtenait les territoires qui luifurent dévolus par Auguste. Il pouvait, vis-à-vis de ses frères, sevanter de la pureté de sa descendance: tandis qu'ils étaient filsd'une Samaritaine, lui-même l'était d'une femme juive de Jérusalem.Il éleva, ou plutôt réédifia en l'embellissant, la ville de Panéas,qu'en l'honneur d'Auguste il nomma Césarée ou Césarée-Sébaste: c'estla Césarée de Philippe de nos évangiles (Mt 16:13,Mr 8:27). Ilfit de même pour Bethsaïda, bourgade de la basse Gaulanitide, non loin del'embouchure du Jourdain dans le lac de Génézareth, sur la riveorientale du fleuve; il lui donna le nom de Julias, en l'honneur deJulie, fille d'Auguste; c'est la ville de Philippe, d'André et dePierre, apôtres. Ce que nous savons encore de lui est tout à sonhonneur; il menait un genre de vie mesuré et tranquille; il passaitsa vie dans ses États, d'où il ne sortait guère. Quand il seproduisait en public, il ne se faisait entourer que d'une petitetroupe de soldats d'élite, tant il avait confiance dans le respect etl'affection de ses administrés. Et de plus, dans ses voyages, ilétait accompagné de son siège de juge que l'on dressait partout oùcela était nécessaire: il pouvait ainsi rendre la justice, sans faireperdre de temps aux plaignants. Nous savons peu de chose de sa vie defamille: il avait épouse sa nièce, fille de son frère Hérode etd'Hérodiade, cette Salomé qui dansa lors du festin qu'Hérode Antipasdonna au jour anniversaire de sa naissance, festin qui se termina parla mort du Baptiste (Mt 14:6,Mr 6:22). Ses funérailles furentmagnifiques; il fut enseveli dans un sépulcre préparé d'avance parses soins à Bethsaïda Julias. Les monnaies frappées par lui sonttoutes païennes d'aspect; au dire des numismates, elles furent lespremières monnaies juives à porter une tête humaine, celle del'empereur; au revers, elles ont toutes l'image d'un templetétrastyle. 3° HERODE ANTIPAS (de 4 av. J.-C, à 39 ap. J.-C).Celui-ci, ainsi que son frère Philippe, paraît avoir abandonné sonfrère Archélaüs dans les circonstances relatées plus haut et montrévis-à-vis du pouvoir romain une obséquiosité satisfaisante; aussiput-il conserver ses États tandis qu'Archélaüs les perdait. Celle deses constructions qui intéresse le plus le lecteur du N.T. estTibériade, dont la situation était fort remarquable; les Juifsfidèles n'eurent pendant longtemps que de la répugnance pour elle,parce qu'elle était bâtie sur des tombeaux; aussi, pour peupler laville nouvelle, appelée du nom de Tibériade pour honorer l'empereurTibère, fallut-il avoir recours à la violence. Il avait épousé lafille du roi des Arabes Arétas IV (2Co 11:32,Ac 9:24 et suivant)Rencontrant Hérodiade, il conçut pour elle une vive passion; elleétait la femme de son frère Hérode, simple particulier qui avait étérayé du testament de son père à la suite de la découverte d'uncomplot auquel avait pris part sa mère Mariamme, fille dugrand-prêtre. Hérodiade accueillit ses ouvertures; ils convinrententre eux qu'elle irait habiter avec Hérode Antipas dès qu'il seraitde retour de Rome. Son épouse légitime ayant eu vent de la trahisonde son mari, se fit conduire à Machéronte, forteresse à l'Est de lamer Morte; de là, elle se retira auprès de son père. Cette union fut pour Antipas une source de malheurs. Ellescandalisait ses sujets parce que contraire à la loi: il y avait, eneffet, double adultère. En outre, Hérodiade était tout à la fois sabelle-soeur comme femme de son frère, et sa nièce comme fille de sonautre frère Aristobule, ce fils d'Hérode le Grand et de Mariamme, quiavait été mis à mort avec son frère Alexandre, comme il a été ditplus haut. Sur la mort de Jean-Baptiste, Josèphe (Ant., XVIII,116-119) fournit des renseignements précieux, que voici en résumé:parlant de la défaite essuyée par les troupes d'Antipas auquel Arétasavait déclaré la guerre pour venger l'honneur de sa fille, outragéepar la répudiation dont elle avait été la victime, Josèphe exposeque, «à quelques-uns des Juifs, il paraissait que cette défaitedevait être expliquée comme une punition méritée, en expiation dumeurtre de Jean, surnommé le Baptiste. C'était un homme de bien quiexhortait les hommes à la vertu et au baptême, envisagé non pas commeun moyen de détourner de soi-même un châtiment, mais d'obtenir (ou deproduire) la pureté du corps, attendu que leur âme avait étéprécédemment purifiée par la justice. Le grand succès que remportentles prédications de Jean fait craindre que, par ces discours mêmes,ils ne soient entraînés à quelque rébellion; c'est à cause de cesappréhensions que Jean est d'abord jeté dans la prison de Machéronte,puis mis à mort. L'opinion des Juifs était que la destruction quiavait anéanti son armée n'était pas autre chose qu'un châtiment quilui avait été infligé par Dieu qui avait voulu par là le rendremalheureux» (Jos., Ant., XVIII, 116ss). L'authenticité de cepassage a été contestée; on y a vu une interpolation due à une mainchrétienne. L'historien juif Simon Dubnow croit, au contraire, queces lignes sont de la main de Josèphe, et il a certainement raison.Nous trouvons donc, dans Josèphe, des renseignements d'une réellevaleur; Jean avait acquis sur le peuple une autorité extraordinaire,aussi bien par ses prédications qui attiraient les foules que par lasainteté de sa vie; l'influence qu'il exerçait sur les massespopulaires était telle que le tétrarque ne tarda pas à en prendreombrage; il craignit enfin que cet enthousiasme ne devînt le point dedépart d'un soulèvement préjudiciable à la paix de l'Etat; aussi,avant qu'il fût trop tard, fit-il mourir à Machéronte le prédicateurredouté. La grande popularité de Jean est attestée par nosévangiles (Mr 1:5 11:27,33). Jean fut jeté en prison par Hérode:«Mais Hérode le tétrarque, étant repris par Jean au sujetd'Hérodiade, femme de son frère, et de tous les autres crimes qu'ilavait commis, ajouta encore à tous les autres celui de faire jeterJean en prison» (Lu 3:19 et suivant). «Jean lui disait: Il net'est pas permis de prendre la femme de ton frère» (Mr 6:18).Les deux récits que nous possédons de sa mort se lisent Mt14:1-12,Mr 6:21-29. D'après les renseignements de Josèphe, c'est àMachéronte qu'il aurait été mis à mort (voir Rev. Bbl. 1909, pp.386SS, art. de F.-M. Abel). Cette ville, couronnée d'une forteresse,est pour Josèphe l'extrémité méridionale de la Pérée; il en fait unedescription détaillée (G.]., VIII, 66ss); à ses yeux sa situationnaturelle comme l'industrie des hommes en ont fait une forteresseimprenable; elle domine de plus de 1.100 m. les eaux de la mer Morte,que l'on aperçoit à une dizaine de km. à vol d'oiseau. Machéronte futdétruite une première fois par Gabinius, lors de la venue de Pompéeen Palestine. Reconstruite par les soins d'Hérode, elle devait tomberau pouvoir des Romains lors de la dernière guerre (voir plus loin, 9,5°). Antipas apparaît encore dans deux passages des évangile: Lu13:31-33 23:1-16 (voir Jésus-Christ); bornons-nous à rappeler icique si Jésus l'appelle un «renard», c'est à cause de sa ruse et de sacruauté. Voici les derniers renseignements que nous possédons à sonsujet (Jos., Ant., XVIII, 240SS): l'ambition d'Hérodiadel'empêcha de passer dans le calme les dernières années de sa vie; sonfrère Agrippa I er étant devenu roi, elle aurait aimé voir son mariporter la couronne royale; elle chercha à le persuader d'allermendier auprès de Caligula cette dignité ardemment convoitée. Pourtâcher de l'y décider, elle excita sa jalousie: si César avait faitd'un simple particulier un roi, hésiterait-il à donner le même titreà un tétrarque? A ces assauts réitérés, Antipas opposait son désir derepos et sa méfiance de Rome, qu'il connaissait pour y avoir vécudans sa jeunesse et y être retourné à maintes reprises; mais il finitpar céder aux objurgations de sa femme. Comparaissant devantl'empereur, il fut accusé par un messager qu'Agrippa avait dépêché àRome, d'avoir, au temps de Tibère, été en relations avec Séjan etplus récemment avec Artaban, roi des Parthes; cette dernièreassertion était appuyée par l'affirmation qu'Antipas avait préparédes armements considérables, ce qui faisait supposer en lui desintentions guerrières. Au lieu d'obtenir la dignité royale, Antipasfut condamné à l'exil; alors se passa une scène d'une incontestablegrandeur: Caligula voulait laisser à Hérodiade la libre dispositionde sa fortune personnelle et, supposant qu'elle ne serait pasdisposée à partager le malheur de son époux, la remettre à la gardede son frère. Elle lui répondit: «Certes, toi, empereur, c'est avecmagnanimité et comme il convient à ta race que tu viens de parler; ily a quelque chose qui m'empêche de jouir de la faveur de ton présent,c'est l'amour que j'ai pour mon mari; il ne serait pas juste quecelle qui fut sa compagne dans le bonheur l'abandonnât dans lemalheur.» L'empereur, âme vile s'il en fut jamais et perdu de viceset de crimes, n'était certes pas capable de comprendre la noblessed'une telle attitude; il l'envoya donc, elle aussi, en exil avecHérode et fit présent de sa fortune à Agrippa. Ils moururent, soit enEspagne (d'après G.J.), soit à Lyon, ville des Gaules (d'après Ant.) 5. Les procurateurs romains (6-41 ap. J.-C).Pour la détermination exacte de leurs pouvoirs, voir Gouverneur,Archélaüs ayant été déposé en 6 ap, J.-C, la Judée et la Samariefurent, dès cette date, administrées par Rome; il en fut de même dela tétrarchie de Philippe, de 34 à 37, c-à-d, de la mort de Philippejusqu'au moment où Caligula fit présent de cette tétrarchie àAgrippa. Quant à celle d'Antipas, elle passa directement des mains duprince envoyé en exil à celles de son accusateur Agrippa. Voici lesnoms des procurateurs: Coponius, Marcus Ambibulus, Annius Rufus,Valerius Gratus, Ponce Pilate, Marcellus, Marullus. Ils ne restèrentpas longtemps en fonction, à l'exception de Valerius Gratus et dePonce Pilate, qui furent envoyés dans leur province par Tibère;c'était un procédé dont celui-ci usait souvent, de conserverlongtemps aux mêmes fonctionnaires la charge d'administrer lesprovinces, pour éviter qu'elles ne fussent pressurées à nouveau parun autre gouverneur. 1° PONCE PILATE (26-36 ap. J.-C).Tacite écrit, parlant de l'incendie de Rome dont on accusa leschrétiens (Ann., XV, 44): «Ce nom leur vient du Christ qui, sousle règne de Tibère, fut condamné au supplice par le procurateur PoncePilate» (voir Rome). Le philosophe Philon, dans une lettre qu'ilaurait écrite à Hérode Agrippa II, déclare que Pilate était d'uncaractère indomptable et d'une dureté sans égard pour personne, et,quant à son gouvernement, il lui reproche sa vénalité, sa violence,ses pillages, les mauvais traitements qu'il faisait subir à sesadministrés, ses vexations, ses exécutions capitales continuelles etprononcées sans jugement régulier, ses cruautés sans fin etinsupportables.--L'affaire des aigles. Les procurateurs quiavaient précédé Pilate, voulant ménager les scrupules religieux desJuifs, avaient évité d'introduire dans Jérusalem les enseignes qui,surmontées d'un aigle, symbole de la puissance romaine, et ornées dumédaillon de l'empereur (personnage divin), étaient particulièrementodieuses aux Juifs. Pilate, à la faveur de la nuit, les introduisitdans la ville. Le peuple ameuté se précipita à Césarée pour supplierPilate de faire cesser ce scandale, se déclarant prêt à mourir plutôtqu'à subir un pareil outrage; Pilate céda.--Le pillage du trésor dutemple et la construction de l'aqueduc. Un peu plus tard, nouvelleémeute. Pilate pilla le trésor sacré et, à l'aide des sommes d'argentainsi acquises, il amena l'eau à Jérusalem. Pour calmer le peuple,violemment irrité de cette profanation, il envoya ses soldats qui,déguisés en simples particuliers et armés de gourdins, sedispersèrent dans la foule; comme elle refusait d'obéir et de seretirer, elle fut frappée à coups de bâtons. Ce n'est que par cescruautés qu'elle fut réduite au silence.--Les Galiléensmassacrés. Ce fait ne nous est connu que par Lu 13:1. Maisnous savons que, lors des discussions qui eurent lieu à Rome àl'occasion de la demande que firent les fils d'Hérode pour obtenirl'investiture du testament de leur père, on reproche à Archélaüsd'avoir fait massacrer autour du temple un grand nombre de Juifsvenus pour la fête et qui furent immolés de la façon la plus barbareau moment où eux-mêmes allaient offrir leurs sacrifices. LesGaliléens avaient, il est vrai, un fort penchant aux séditions, etPilate était aussi violent que cruel.--Les boucliers dorés. Dansune oeuvre historique perdue en partie, Philon racontait comment lespersécuteurs des Juifs avaient péri de mort violente. (Ce thèmedevait être plus tard repris. par l'orateur chrétien Lactance, vers312, dans son «Au sujet des morts des persécuteurs».) Dans ce traité,il raconte que Pilate avait fait placer aux murs de sa demeure àJérusalem (l'ancien palais d'Hérode) des boucliers richement dorésportant le nom de l'empereur. Le peuple en conçut une vive irritationet, comme Pilate refusait obstinément d'éloigner ces objets descandale, quelques personnages haut placés et quatre des filsd'Hérode intervinrent auprès de lui, mais sans succès. Ilss'adressèrent à l'empereur Tibère qui, discernant les vrais mobilesde Pilate, donna l'ordre d'enlever ces boucliers et de les suspendreà Césarée dans le temple d'Auguste. Malheureusement, la date de cetévénement n'est pas connue, parce qu'elle n'est pas fixée par Philon,mais les savants croient pouvoir la placer à une époque tardive del'administration de Pilate. S'il en est réellement ainsi, nousaurions l'explication de ce que Luc dit (Lu 23:12) de l'inimitié dePilate et d'Hérode, qui aura pris naissance à propos de laparticipation d'Hérode Antipas à l'ambassade auprès de Tibère; ellecessa lors du procès de Jésus, Et si Pilate (voir Jésus-Christ)hésite aussi longtemps à condamner le Christ, c'est qu'il voudraitrefuser aux Juifs ce qu'ils lui demandent, afin de ne pas faireplaisir à ceux qui l'ont accusé auprès de l'empereur; lorsqu'il finitpar céder, aux cris de la foule disant: «Si tu le relâches, tu n'espas l'ami de César! Quiconque se fait roi se déclare contreCésar!» (Jn 19:12), c'est parce qu'il y entend, nettementexprimé, le grief que les Juifs porteront à Rome contre lui s'ilsvont de nouveau s'y plaindre comme ils l'ont déjà fait.--Lemassacre des Samaritains et la déposition de Pilate. Un fauxprophète avait engagé les Samaritains à monter avec lui sur le montGarizim et leur avait promis qu'il leur montrerait les vases sacrésenfouis par Moïse. A sa voix, ils se rassemblèrent dans une bourgade,Tirathana, quand une armée de soldats romains, sur l'ordre de Pilate,fit un massacre de ces malheureux, tandis que d'autres furent mis enfuite ou emmenés en captivité. Sur plainte portée devant Vitellius,légat de Syrie, Pilate fut envoyé à Rome pour se justifier: legouverneur resta fort longtemps en voyage, près d'un an! Quand ilparvint à Rome, Tibère était mort et l'affaire n'eut pas de suite. Oncroit que Pilate mourut de mort violente; Eusèbe affirme qu'il seserait suicidé. La légende s'est beaucoup occupée de lui: comme soncorps semait partout la terreur, il aurait été transporté à Vienne enGaule, puis à Lausanne, d'où il aurait été emmené jusque dans levoisinage de Lucerne; de là le nom du mont Pilate. 6. Les troubles sous Caligula. Le pays jouit d'un peu de calme pendant un certain temps. Vitellius,père du futur empereur, légat propréteur de Syrie (35-39 ap. J.-C),vint à deux reprises à Jérusalem et y fit preuve de dispositionsbienveillantes envers les Juifs. Il eut pour successeur Pétrone, quiadministra la Syrie de 39 à 42 environ. (Il ne faut pas le confondreavec le Romain du même nom qui vivait à la cour de Néron et qui étaitappelé par lui «arbitre des élégances».) La ville de Jamnia (voirJabné) était alors peuplée en majorité de Juifs; leurs concitoyenspaïens, autant pour les irriter que pour faire preuve de dévotion àl'empereur, lui élevèrent un autel, que les Juifs s'empressèrent derenverser. Pour tirer une éclatante vengeance de ceux-ci, Caliguladonne l'ordre d'ériger sa statue dans le temple de Jérusalem: cetordre doit s'exécuter avec le secours de l'armée. Les Juifs opposentà cette odieuse profanation une résistance acharnée. Comprenant àquel point il lui sera difficile, sinon impossible, de vaincre cetteviolente résistance, Pétrone cherche à gagner du temps: lapréparation de la statue doit être faite avec tant de soin qu'ilfaudra bien des jours pour l'achever; ensuite, l'époque, celle desrécoltes, est défavorable. Caligula cède quand Pétrone lui écrit poursolliciter un délai; puis il se ravise; il exige que la statue soitdressée. Hérode Agrippa 1 er intervient et réussit à obtenir del'empereur qu'il renonce à son projet. Sur une nouvelle démarche dePétrone, la colère de Caligula s'enflamme; ordre est envoyé aumagistrat de se donner la mort. Les messagers, arrêtés par latempête, arrivèrent en Palestine après que d'autres messagers eurentapporté la nouvelle de la mort de Caligula, assassiné le 24 janv. 41. 7. Hérode Agrippa I er et ses enfants. 1° HERODE AGRIPPA I er.Celui-ci était né en 10 av. J.-C, car c'est à 54 ans qu'il mourut, en44 ap. J.-C. Il avait passé dix ans à Rome pour son éducation. Aussilongtemps que vécut sa mère, il dissimula ses penchants à ladissipation, dans la crainte d'attirer sur lui sa colère; mais, aprèssa mort, il dépensa sa fortune en prodigalités et en largesses detous genres, si bien qu'en peu de temps il fut réduit à la gêne: cequi l'empêcha de vivre à Rome. Il épousa une noble femme, Cypros, sacousine germaine, fille d'un frère aîné de son père. Il revint enPalestine; sur l'intervention de sa femme, il obtint d'HérodeAntipas, son beau-frère parce qu'époux de sa soeur, la placed'intendant du marché de Tibériade. Malheureusement, tous les deuxétaient grands buveurs et, dans la chaleur d'une dispute, ils envinrent aux insultes et se séparèrent. Perdu de dettes, à boutd'expédients, poursuivi par ses créanciers, roulant dans sa tête despensées de suicide, il finit par échouer à Rome et, grâce à laprotection d'Antonia, mère du futur empereur Claude, qui avait étél'amie de sa mère, il reçut de Tibère la charge d'éducateur de sonpetit-fils nommé Tiberius Gemellus. Il s'attacha davantage encore aupetit-fils de sa bienfaitrice, le futur empereur Caligula. Le chemindes honneurs semblait définitivement ouvert devant lui, quand uneimprudence de langage le fit jeter en prison: il se laissa aller,devant son domestique, à des paroles regrettables par lesquelles ilsouhaitait la mort prochaine de «ce vieillard» (Tibère), mort quimettrait Caligula (proche de lui quand il parlait) en possession del'empire du monde. Dénoncé, il fut jeté en prison. La rigueur de sacaptivité fut adoucie par les attentions de Caligula qui, devenuempereur par la mort de Tibère (16 mars 37), s'empressa de fairesortir de prison son ami et lui remit une chaîne d'or, en souvenir dela chaîne de fer qu'il avait portée dans sa prison: de cette chaîne,Agrippa fit hommage au Dieu des Juifs, en la faisant placer comme unepieuse offrande dans le temple de Jérusalem. Il est roi et reçoit peuà peu tous les territoires qui avaient autrefois formé le royaume deson grand-père, Hérode le Grand. Lorsque Caligula tomba sous lescoups d'un assassin, Agrippa se souvint des bontés du défunt enverslui et lui rendit les premiers honneurs funèbres. S'il faut en croireJosèphe, il aurait joué un rôle considérable au moment de l'avènementde Claude, en s'entremettant entre le Sénat et ce dernier,intervention dont l'empereur le récompensa largement. Son pharisaïsmeétait finesse politique plutôt que conviction sincère, mais, ainsique l'écrit J. Derenbourg (Essai sur l'Histoire et la Géographie dela Palestine): «Le bonheur inattendu de sa situation paraît avoiraffermi et corrigé un peu le caractère léger du roi...Cypros paraîtavoir été...favorable aux pharisiens et a sans doute engagé Agrippa àune certaine déférence envers ce parti.» C'est aussi à l'influence desa femme que le même auteur attribue le changement notable que nousvoyons s'accomplir dans son attitude. Il fut généreux et habile;Josèphe vante la douceur de son caractère et sa libéralité; il endonne pour preuve la reconnaissance qu'il montra envers ceux quiavaient été bons pour lui durant ses années de misère. De plus, ilintervint, de concert avec son frère Hérode de Chalcis (non mentionnédans le N.T.), en faveur des Juifs d'Alexandrie, et, d'une manièregénérale, de ceux de tout l'empire. Gallion, le proconsul d'Achaïe,obéit aux directives de l'empereur Claude, influencé par HérodeAgrippa, quand il refusa d'intervenir dans les querelles intestinesdes Juifs de Corinthe (Ac 18:12,17). C'est sous la protection decette tolérance relative que Paul a pu exercer son ministère sansêtre moleste plus qu'il ne le fut par les autorités romaines. Agrippaprit deux initiatives intelligentes: 1° Il ordonna la construction, au Nord de Jérusalem,d'un mur qui entourait le quartier nommé Bézétha ou nouvelle ville;c'est de ce côté que la cité pouvait être prise le plus facilement.Dut-il interrompre ce travail sur l'ordre de Rome ou le fit-il de sonpropre gré? Nos sources ne sont pas d'accord sur ce point. (VoirJérusalem [murs et portes], et la pl. VII) 2° Il tenta de se rapprocher des autres rois sesvoisins, comme lui vassaux de Rome. Il les avait reçus chez lui,quand le légat de Syrie leur enjoignit de retourner chez eux: uneentente s'établissant entre ces princes pouvait en effet constituerun danger pour Rome. Dans le N.T., il apparaît comme persécuteur dela jeune Église, faisant périr Jacques «frère de Jean» et mettre enprison Pierre, que la puissance de Dieu délivra au derniermoment (Ac 12:1,19). Le récit de sa mort se lit dans Ac12:20-25 et dans Ant., XIX, 343SS; les traits essentiels seretrouvent dans les deux narrations: l'habit magnifique, lesacclamations flatteuses, une assemblée solennelle, une mort violente.Si Josèphe ne dit rien de l'hostilité de Tyr et de Sidon, ni du rôlede Blastus, le chambellan, il ajoute: «le roi ne réprima pas leurspropos et ne repoussa pas leurs flatteries impies», et il relève cedétail que le roi souffrait de douleurs abdominales. En mourant, il laissait 4 enfants: Agrippa II, Bérénice,Mariamme, Drusille. Mariamme nous est peu connue et ne figure pasdans le N.T.2° AGRIPPA II était trop jeune pour succéder à son père, audire des conseillers de Claude qui détournèrent l'empereur de sondessein de lui confier le gouvernement de la Judée. Il reçut leroyaume de son oncle (celui du Liban), puis l'échangea contre latétrarchie de Philippe et celle de Lysanias, auxquelles il putjoindre plus tard certaines parties de la Galilée. Sa résidence étaitCésarée de Philippe (voir art.) qu'il nomma Neronias pour honorerl'empereur. Au début de la guerre (voir plus loin, parag. 9), ilchercha à amener les Juifs à renoncer à leur projet de révolte contreRome; Bérénice se joignit à lui dans cette tentative qui n'eut aucunsuccès. Dès lors il se mit du côté de Rome. Sa vie privée futcoupable; Juvénal nous a conservé le souvenir de l'accusationd'inceste que l'on portait contre lui et sa soeur Bérénice (voir cemot). Du haut de son palais de Jérusalem, il s'amusait à suivre lescérémonies religieuses qui se déroulaient dans le temple; pour sedébarrasser de cette curiosité déplacée, les prêtres avaient faitélever un mur, dont Agrippa leur avait demandé en vain lasuppression. L'affaire fut portée à Rome; mais, grâce à l'appui del'impératrice Poppée, favorable au judaïsme, les Juifs eurent gain decause. Du reste, son intérêt pour le peuple se montra parl'importance qu'il attachait à des choses sans valeur réelle. Ac25:13 et suivant nous raconte que, venant à Césarée pour saluerFestus, il prit part à l'assemblée solennelle devant laquelle Paulfut appelé à présenter sa défense (Ac 26:1-32). C'est lui quidonne la parole à Paul et lui que l'apôtre interpelle. Il est souventà Rome, par ex. en 75 ap. J.-C, alors que, grâce à l'amour qu'elleavait inspiré à Titus, Bérénice faillit devenir impératrice. Ilmourut en 100 ap. J.-C. 8. Les procurateurs romains de 44 à 66 ap. J.-C. -Sous CUSPIUS FADUS (44-?) eurent lieu de violents débats au sujet dela garde des vêtements du grand-prêtre, que Cuspius aurait vouluenlever aux prêtres, mais qui finalement leur resta, en vertu d'unedécision de Rome.-Sous TIBERE ALEXANDRE, Juif renégat, neveu de Philon, oncrucifia les fils de Judas le Galiléen, dans la crainte qu'ils nefomentassent la révolte comme l'avait fait leur père (Ac 5:37).-A VENTIDIUS CUMANUS appartient le triste honneur d'ouvrir la sériedes procurateurs dont la brutalité et la cruauté devaient fatalementpousser les Juifs à la révolte de l'an 66.-ANTONIUS FELIX (52-60). Tacite dit de lui: «Il exerça, avec lesinstincts d'un esclave et au milieu de tous les vices et de toutesles cruautés, la puissance d'un roi» (Hist., V, 9) et «ilcroyait, grâce à l'appui de Pallas, que l'impunité serait acquise àses crimes» (Ann., XII, 54). Nombreuses furent les causes detroubles: d'abord les abominations des sicaires ou brigands quipoignardaient secrètement leurs ennemis; les zélotes (voir ce mot)commencèrent la guerre civile; les faux prophètes troublaient lesesprits; de violentes discordes s'élevaient entre Juifs et païens ausujet de l'égalité des droits des citoyens dans des villes commeCésarée. Ajoutons que son mariage avec une princesse juive, Drusille(voir ce mot), fut un effroyable scandale: les deux époux étaientmariés, et c'est sur ce double adultère que se fonda leur union. Surles relations de Paul avec Félix, cf. Ac 23:23-24:27.-PORCIUS FESTUS (40-42) trouva le pays bouleversé par les brigandsqui incendiaient et pillaient tous les villages; il intervinténergiquement, mais sans réussir à mettre fin à ces désordres; ilmourut en charge. Sur les relations de Paul avec lui, cf. Ac24:27-26:32. C'est entre la mort de Festus et l'arrivée de sonsuccesseur qu'on mit à mort Jacques, frère du Seigneur (voir Jacques,parag. 3).-L'administration d'ALBINUS (62-64) est dépeinte par Josèphe de lamanière suivante: «Il n'y a pas un genre de scélératesse qu'il n'aitpratiqué; il vola et pilla les biens des particuliers, accabla decontributions extraordinaires toute la nation; ceux qui avaient étéjetés en prison pouvaient, moyennant rançon payée par leurs parents,être délivrés de la prison, et nul n'était criminel que celui quin'avait rien à donner.»-GESSIUS FLORUS (64-66). «La patience...resta aux Juifs jusqu'àGessius Florus; c'est pendant qu'il était en charge que la guerreéclata» (Tac, Hist., V, 10). Il fut d'une insatiable cupidité; ilne fit rien pour secourir les Juifs de Césarée, molestés par leurscompatriotes païens; il pilla le trésor du temple: cet acte provoquaun soulèvement populaire qui fut étouffé dans le sang; en vainBérénice supplia-t-elle Florus de faire arrêter le carnage; lessoldats étaient si irrités qu'ils tuèrent sous ses yeux leurscaptifs, et ce fut la guerre. Josèphe détermine la date précise decet événement: 3 juin 66. 9. La guerre des Juifs contre Rome (66-70). 1° DEBUTS DE LA GUERRE.Un affront, fait par les soldats aux Juifs, provoqua des combats dansles rues de Jérusalem et une sanglante répression par Florus; lesJuifs coupèrent les portiques qui reliaient le temple a laforteresse: les Romains ne pouvaient plus intervenir rapidement dansles parvis en cas de troubles. (cf. Ac 21:34,37 22:24) Incapablede rétablir l'ordre, Florus se retira et Cestius Gallus intervint, ensa qualité de légat de Syrie. Profitant de dispositions plusconciliantes du peuple, Agrippa chercha à le détourner de la révolteet, pour y réussir, il lui adressa, sur le Xyste (voir ce mot), placepublique devant le palais des Hasmonéens, un discours où il exposaitcombien cette guerre était une folie, puisque la puissance militairede Rome était invincible; Th. Reinach tient ce discours pour le plusremarquable dans l'oeuvre de Josèphe (G.J., II, 345SS), à la foispar l'habile rhétorique et par l'abondance et la précision desrenseignements concernant l'empire romain et en particulier sonorganisation militaire. Le peuple semble touché, mais refuse de sesoumettre à Florus. Les Juifs eux-mêmes sont divisés en partisans etadversaires de la paix; parmi ces derniers se distinguent des groupesplus ou moins violents. Cestius Gallus entre en campagne avec sonarmée: il est battu et meurt peu après. Néron envoie Vespasien pourle remplacer. 2° CAMPAGNE DE GALILEE.Pendant ce temps, dans les villes frontières, il y avait entre Juifset païens des luttes sanglantes accompagnées de massacres effrayantspar leur nombre et leurs cruautés. Aussi les Juifs se virent-ilsforcés d'organiser la résistance: celle de la Galilée fut confiée àl'historien Josèphe; choix malencontreux, car, ayant vécu à Rome,celui-ci était en secret ami des Romains, convaincu de leur force, eten outre totalement dépourvu de talents militaires. Il n'en vante pasmoins ses prodiges de vaillance et d'ingéniosité dans la forteressede Jotapata (Djéfat), qui succomba fin juin 67; Josèphe lui-mêmefut fait prisonnier. Amené devant Vespasien, il lui aurait dit: «Tuseras César...Tu n'es pas seulement mon maître, tu es celui de laterre, de la mer et de toute l'humanité.» Aussi fut-il l'objet de labienveillance du général. Suétone fait allusion à cette prophétie. Ala tête d'une armée évaluée à 60.000 hommes, Vespasien avait commencéà exécuter son plan de campagne: attaquer l'ennemi par le N. (laGalilée) avant de l'écraser à Jérusalem. 3° AVANT LE SIEGE.Jean de Giscala, le zélote qui commandait à Jérusalem, y est bientôtrejoint par Simon Bar Giora, zélote lui aussi, tous deux partisans dela guerre à outrance; ils vont rivaliser entre eux de violence, pourse disputer le pouvoir, en attendant qu'un troisième parti, celuid'Eléazar, fils de Simon, vienne encore augmenter le désordre. Aprèsla Galilée, c'est la Pérée que soumettent les Romains: avecJérusalem, seules trois forteresses tiennent encore: Hérodeïon (N. deThékoa et S.-E, de Bethléhem), Masada (O. de la mer Morte) etMachéronte (S. de Callirhoé et E. de la mer Morte); elles ne sont pasmentionnées dans la Bible. Les nouvelles reçues de Rome amenèrentVespasien à suspendre les opérations militaires. Néron avait étéassassiné (9 juin 68 ap. J.-C); Galba s'était proclamé empereur;puis, à sa mort, Othon avait été désigné par le Sénat; les légionsd'Occident avaient acclamé Vitellius; alors les légions d'Orient,jalouses de cette prétention, saluèrent Vespasien du titre d'imperator ; il fut reconnu comme tel d'abord par l'Egypte, puispar tout l'Orient, en attendant que la mort de Vitellius le fît seulmaître du monde (20 déc. 69 ap. J.-C). Il remit à son fils Titus, âgéde 28 ans, le commandement des troupes romaines. Au printemps, Titusfit voile d'Alexandrie à Césarée; il atteignit Jérusalem peu avant laPâque en l'an 70. C'est à ce moment-là qu'au dire d'Eusèbe (H.E., III, 5:2 - 3), les chrétiens quittèrent Jérusalem, avertis commeils l'avaient été par les prophéties de Jésus (Lu 19:41-4421:20-24). «Le peuple de l'Église de Jérusalem, grâce à uneprophétie qui avait été révélée aux hommes notables qui s'ytrouvaient, reçut l'avertissement de quitter la ville avant la guerreet d'aller habiter une certaine ville de Pérée que l'on nomme Pella.C'est là que se retirèrent les fidèles du Christ, sortis deJérusalem. Ainsi la métropole des Juifs et tout le pays de Judéefurent abandonnés par les saints.» 4° LE SIEGE DE JERUSALEM.Pendant que les luttes intestines, qui ne devaient prendre fin qu'aumoment où le danger devint extrême, continuent à affaiblir les Juifset provoquent l'incendie de grands magasins d'approvisionnements, lesRomains accroissent leurs forces et commencent par le N. leursattaques à l'aide de béliers et de catapultes; les Juifs se défendentavec des flèches, des brandons, des pierres, de l'huile bouillante etaussi des machines de guerre qu'ils avaient arrachées à Cestius lorsde sa défaite. Celles des Romains furent brûlées par les Juifs, maiscela n'empêcha pas les Romains de s'emparer du mur N. dit murd'Agrippa. A l'imitation de ce que Jules César avait fait à Alésia (Comm., VII, 69), Titus fit dresser un rempart qui, enserrant laville entière, empêchait toute sortie des habitants; une horriblefamine, durant laquelle une mère aurait mangé son enfant, ravagea lacité. Quinze jours plus tard, la deuxième muraille tomba. L'attaquedu temple commença; le 5 juillet, la tour Antonia fut prise et rasée.A partir de ce moment-là, il ne fut plus possible d'offrir lesoblations quotidiennes: il n'y avait plus personne pour se charger dece ministère. C'est autour de la place du temple que se concentra lalutte: à l'incendie allumé par les Juifs répondit l'incendie allumépar les Romains (août 70). Avant que le temple eût été consumé, lessoldats plantèrent leurs aigles dans le portique extérieur etsaluèrent leur général du nom d'Imperator ; toute la ville futlivrée au pillage et le feu acheva de détruire ce que les armesavaient épargné. 5° FIN DE LA GUERRE.C'est alors dans la ville haute que se transporta la lutte, que lesJuifs ne poursuivaient pas avec la même vaillance. Le palaisd'Hérode, avec ses trois tours, constituait une véritable forteresse;sous les coups répétés des béliers, les murailles s'écroulèrent; le 2septembre. Rome fut victorieuse des dernières résistances; le 26,toute la ville était en ruines (70). Ceux des habitants qui avaientéchappé à la mort furent tués, réduits en esclavage, condamnés auxtravaux forcés ou réservés pour les jeux du cirque. Il fallut encores'emparer des dernières forteresses restées aux mains des insurgés:Hérodeïon, Machéronte, Masada ne furent prises que plus tard. C'estau gouverneur de Palestine, Lucilius Bassus, qui, après que Titus eutquitté le pays, avait été chargé de la direction des opérationsmilitaires, qu'incomba la mission de s'emparer de ces trois foyers derésistance, demeurés encore aux mains des insurgés. La prised'Hérodeïon ne paraît pas lui avoir coûté beaucoup d'efforts. Il enfut autrement de Machéronte («autrefois la seconde forteresse du paysaprès Jérusalem», écrit Pline, H.N., V, 16:72); elle finitpourtant par se rendre, dans les circonstances suivantes. Parmi lesJuifs, l'un d'entre eux, nommé Éléazar, qui se distinguait dans lessorties et restait le dernier pour surveiller la rentrée de sescompagnons dans la forteresse, fut, un jour, victime de sa témérité:les Romains réussirent à se saisir de lui. En présence des assiégés,groupés sur le rempart, le général fit dépouiller de ses vêtements etbattre de verges le jeune homme, ce qui lui arracha des cris dedouleur; les assistants étaient saisis d'horreur; ils le furentdavantage encore lorsqu'ils virent que l'on dressait une croix pour yclouer le malheureux; Éléazar, de son côté, les suppliait de ne pasle livrer au plus lamentable de tous les trépas, mais de S'enremettre à la puissance et à la destinée de Rome, maintenant qu'elleavait soumis déjà tous leurs compatriotes. Les assiégés promirent dese rendre à merci si on leur assurait la vie sauve, à eux et à leurvaillant camarade. Ces conditions furent acceptées par le généralromain. Plusieurs des habitants de la ville ne se considérèrent pascomme liés par cet accord et cherchèrent à se frayer un chemin àtravers le camp des Romains: ce qui ne réussit qu'aux plus courageuxd'entre eux. Quant à ceux qui demeurèrent en ville, les hommes (aunombre de 1.700) furent massacrés, et les femmes, ainsi que leursenfants, réduits en esclavage. Éléazar et ceux qui avaient promis derendre la forteresse purent partir en liberté, attendu que Bassus seconsidéra comme lié par l'accord qu'il avait conclu. Après la mort de Bassus, Flavius Silva fut chargé de la directiondes affaires militaires, qui n'étaient pas achevées puisque Masadatenait encore. Là commandait Éléazar, fils de Jaïr, descendant etprobablement petit-fils de Judas le Galiléen (Ac 9:37), zéloteardent et chef courageux; aussi les Romains durent-ils procéder à unsiège difficile. Les opérations militaires étaient rendues fortpénibles par la nature du terrain: Masada, située sur un plateau, ausommet d'un rocher, dominait des ravins profonds; elle n'étaitaccessible que par deux seuls mauvais passages, qui permettaientl'escalade du rocher: elle constituait le plus précieux des refugespour des patriotes fermement décidés à vendre chèrement leur vie.L'attaque fut longue: il fallut entourer Masada d'un rempart pour quepersonne ne pût échapper, avoir recours à l'incendie et aux bélierspour pratiquer les brèches nécessaires à l'envahissement de laforteresse; les Romains ne manquèrent pas de mettre à profit lesexpériences tout récemment acquises lors du siège de Jérusalem. Lavoyant réduite à toute extrémité, Éléazar exhorta ses compagnons delutte à tuer leurs femmes et leurs enfants pour les préserver dudéshonneur et de l'esclavage, enfin à incendier la citadelle avant dese tuer l'un l'autre: ils épargneraient les approvisionnements pourmontrer aux ennemis que s'ils avaient péri, ce n'était pas parce queles vivres manquaient, mais bien parce qu'ils avaient préféré la mortà la servitude. Si ce premier discours ne toucha pas les coeurs, ildevait en être autrement du second qu'il leur adressa plus tard; ilaffirmait que, puisque tel était le décret rendu par Dieu même contretoute la race juive, il fallait s'y soumettre et mourir. Alors, aprèsavoir fait à leurs femmes et à leurs enfants de déchirants adieux,ils les firent mourir de leurs propres mains; puis ils tirèrent ausort dix d'entre eux, qu'ils chargèrent de faire passer leurs frèresde vie à trépas; puis, de la même façon, ils désignèrent, parmi lesdix restants, celui qui égorgerait les autres, avant de se jeterlui-même sur son épée et de tomber sans vie auprès des cadavres dessiens. Les seuls survivants de cette scène atroce furent une femmeâgée et une autre, parente d'Éléazar, avec ses cinq enfants, quis'étaient cachés dans un aqueduc souterrain, pendant que les soldatsétaient absorbés par leur sanglant labeur. Pénétrant dans l'enceintefortifiée, les Romains, épouvantés par les ravages du feu, lasolitude et l'impressionnant silence qui les environnaient, se mirentà pousser des cris perçants qui firent sortir de leur retraite lespauvres rescapés. Entendant de leurs bouches le récit de cestragiques événements, les Romains eurent peine à y croire, mais, àleur entrée dans le palais royal qui en avait été le théâtre, ilsdurent se convaincre de sa réalité: aussi furent-ils remplisd'admiration «de la noblesse du dessein et de l'immuable mépris de lamort» dont ces héros leur avaient donné la preuve (2 mai 73 ap. J.-C). Mais, avant que ces faits se fussent produits, Titus avaitordonné de célébrer de grands jeux à Césarée de Philippe, puis enl'honneur de l'anniversaire de son frère Domitien (24 oct. 70 ap.J.-C), à Césarée de Palestine, puis pour célébrer l'anniversaire deson père Vespasien (17 nov.), à Béryte, et ailleurs encore; partoutles prisonniers juifs, contraints au métier de gladiateurs, étaientappelés à lutter les uns contre les autres. Après avoir congédié leslégions à Alexandrie, Titus prit le chemin de Rome, emmenant avec lui700 des plus beaux captifs juifs, avec les chefs de l'insurrection,Jean de Giscala et Simon Bar Giora; il atteignit la capitale vers lami-juin 71 ap. J.-C. Cette même année, le Sénat décerna à Vespasienet à ses deux fils, Titus et Domitien, les honneurs d'un triompheparticulièrement solennel; tandis que Jean de Giscala était condamnéà la captivité perpétuelle, Simon, le jour même du triomphe, futégorgé dans la prison. On voyait dans le cortège les dépouilles dutemple, entre autres la table des pains de proposition, le chandelieraux sept branches et un rouleau de la loi. Ces précieux restes furentplus tard transportés, sur l'ordre de Vespasien, dans le temple parlui érigé en l'honneur de la déesse de la Paix (75 ap. J.-C), sauf lerouleau de la loi qui, avec les tentures de pourpre arrachées autemple de Jérusalem, orna le palais de l'empereur. L'arc de triomphede Titus sur le Forum en perpétue le souvenir (fig. 268, 269). On neconnaît pas bien la destinée ultérieure de ces précieuses reliques;on suppose que, lors du pillage de Rome par les Vandales en 455 ap.J.-C, elles furent transportées en Afrique par Genséric, avant d'êtreemportées par Bélisaire lorsqu'en 635 il mit fin au royaume vandale(voir Schürer, Gesch., I, 637). Enfin on frappa de nombreusesmonnaies en l'honneur de cette victoire; la plus caractéristique nousparaît être une monnaie d'airain (fig. 179) portant à l'avers la têtede Vespasien avec l'inscription: TITUS VESPASIANUS IMPERATOR PONTIFEX TK(ibunicia potestas) Cos.II (c-à-d.: pour la seconde foisconsul); comme il fut nommé consul pour la seconde fois le I erjanvier 72 et pour la troisième fois le 1 er janvier 74, la monnaie adonc été frappée entre 72 et 73 ap. J.-C Au revers, Titus a le piedsur un casque, ce qui symbolise la victoire qu'il vient de remporter.Il est représenté en costume militaire. De la main gauche, il tientun poignard. Les lettres S.C. signifient: en vertu d'une délibérationdu Sénat, parce que, pour frapper des monnaies de bronze, il fallaitl'autorisation du Sénat, autorisation qui n'était pas nécessaire pourla frappe de monnaies d'or et d'argent. La femme assise et éplorée,c'est la Judée vaincue et captive. Ern. M.