PALESTINE 8.

VIII Préhistoire de la Palestine. Bien avant l'arrivée des Cananéens et des Israélites en Palestine, cepays était habité par des populations non sémites, auxquelles lestextes bibliques font clairement allusion et sur lesquelles lesfouilles archéologiques récentes jettent quelque lumière. Nous ne lesconnaissons que par les restes de leur industrie, les traces de leurshabitats ou les fragiles débris de leurs ossements. Cette lointaineépoque est connue sous le nom de préhistoire palestinienne. Onpeut la diviser en trois grandes étapes: la période paléolithique ou de la pierretaillée; la période néolithique ou de la pierre polie; la période cananéenne ou des premiersmétaux (bronze et or), à la fin de laquelle s'introduit l'emploi dufer. 1. LES PALEOLITHIQUES.Les plus anciennes traces de l'existence de l'homme en Palestine serencontrent sur le plateau oriental transjordanien de la Belkâ, lepays des Ammonites et des Moabites, et sur les monts de Juda dansleur partie septentrionale. L'existence de cette civilisation primitive est décelée par uninstrument grossier, en pierre dure, ayant dû servir à la fois d'armeet d'outil. C'est une sorte de hache fruste de 8 à 25 cm. delongueur, irrégulièrement taillée sur les deux faces. Elle devait setenir à la main sans manche, d'où le nom de «coup de poing», pour ladistinguer de la vraie hache de pierre emmanchée qui n'est apparueque plus tard. Si l'on en juge par les traces qu'ils ont laissées, ces hommes,exclusivement pêcheurs et chasseurs, devaient vivre par petits clanssur les plateaux, à proximité des nappes d'eau et des rivières plusimportantes et plus nombreuses que les ouadi actuels. Auxprécipitations atmosphériques très abondantes venait s'ajouter l'eaude la fonte des derniers glaciers de la chaîne du Liban. Au lieu dessteppes arides et monotones actuelles, les plateaux étaientrecouverts de forêts dont on retrouve çà et là des vestiges; c'estl'époque chelléenne ou chelléo-acheuléenne, car, à côté destypes d'instruments à forme très grossière, on en trouve beaucoupd'une grande finesse. Les stations les plus caractéristiques sontcelles de Derat, Amman, Mesatta, mont Scopus, el-Bkeïa, Tell Nasbeh,etc. Sous l'influence de causes mal connues, correspondant sans douteà une extension des glaciers; le climat se modifie, il devientfroid et humide: c'est la période moustérienne. L'homme cherchédes abris naturels dans les grottes, les cavernes ou les creux derochers. Il se couvre de vêtements faits de peaux de bêtes et inventeun outillage approprié à ses besoins nouveaux: des racloirs endemi-lune pour nettoyer les peaux de bêtes, des perçoirs pour lestrouer, des lames tranchantes et pointues formées d'un éclat retouchéd'un côté seulement. Le froid s'accentue encore, mais il devient plus sec; c'est lapériode solutréo-magdalénienne. Les outils sont du même type queceux du moustérien, mais leurs formes sont plus élégantes et plusvariées. En outre, on y voit apparaître de nombreux objets en os eten ivoire: aiguilles, poinçons, harpons, indiquant plus despécialisation dans les travaux. C'est à cette période que seproduisent les premières manifestations artistiques: coquillespercées formant des colliers ou des amulettes, dessins d'animauxdivers gravés sur des os, jouant sans doute un rôle dans les ritesreligieux totémi-ques ou magiques. Les hommes se mesurent avec lebouquetin, l'aurochs, l'ours et le lion des cavernes. Les débris dessquelettes humains trouvés dans les grottes du Liban portent parfoisles traces des dents de fauves et parfois, aussi, les marques desarmes de pierre, indice incontestable du meurtre ou de la guerre. 2. LES NEOLITHIQUES.Les siècles s'écoulent...la température et le climat deviennent cequ'ils sont aujourd'hui. L'homme palestinien descendant desPaléolithiques ou venu à la suite de migrations transformecomplètement sa technique. Le mastoc et fruste coup de poing enpierre grossièrement taillée est remplacé par de légères et éléganteshaches polies, usées sur des pierres dures ou «polissoirs» qui leurdonnent un tranchant régulier. Elles ne sont plus tenues à la mainmais fixées à un manche en bois ou en corne de cerf. Beaucoup de ces populations sont encore troglodytiques, maiselles aménagent leur antre pour le rendre plus confortable,agrandissant les boyaux ou les transformant en petites chambresisolées. Quelquefois, elles les groupent dans des réseaux de galeriesnaturelles dont l'ensemble imposant constitue une véritable citésouterraine, comme celle de Derat en TransJordanie. Ces populations,s'accroissant en nombre, abandonnent les grottes, abris trop exigus.L'antre devient alors sépulture ou sanctuaire, souvent les deux. On yensevelit ou on y incinère les morts. Telle est la caverne de Guézer,remplie de cendres et dont les murs étaient noircis par une épaissecouche de suie. Les populations néolithiques construisent sur les plateaux deshuttes en terre battue ou des cabanes en pierres sèches. Ellesutilisent des emplacements présentant des protections naturelles:sommets de collines, boucles d'oued, éperon ou arête de rochers.Souvent même elles entourent leurs petites agglomérations d'un mur enterre tassée ou en pierrailles. Les débris de ces emplacementsconstituent des «stations de plein air», très nombreuses enPalestine. Plusieurs, du reste, ont été utilisées plus tard par lesCananéens ou les Israélites pour y construire leurs forteresses.Telles sont les stations de Méguiddo, Tibné, Guézer, Tell es-Safy,etc. On en trouve quelques-unes au bord de la mer, aux points où leslignes du rivage ont peu varié: à Tyr, Césarée, Jaffa, Gaza. D'autresenfin se trouvent aux confins du désert (el-Aris) ou sur les plateauxentourant la mer Morte: Engeddi, el-Mereighat, etc. Ces hommes n'étaient plus exclusivement pêcheurs et chasseurs,ils étaient aussi bergers et agriculteurs. Ils avaient des animauxdomestiques dont on a trouvé de nombreux ossements, et pratiquaientl'élevage. Ils se livraient en outre à la culture du sol, car onrencontre dans leurs fonds de cabanes des débris de faucilles ensilex, des broyeurs pour écraser les grains de céréales. Ilsconfectionnaient des vases en terre cuite. Cette poterie, d'abordtrès fruste, est faite à la main sans tour. La pâte irrégulièrementcuite renferme de petits graviers destinés sans doute à laconsolider. Elle porte parfois des ébauches d'ornements faits avecl'ongle, la pointe de silex ou des fragments de coquilles. Ils avaient des croyances religieuses qui se manifestent par laprésence d'amulettes en pierre ou en os, peut-être même des idoles,représentées par de grossières figurines. Dans leurs souterrains, ontrouve souvent, creusées à la surface des rochers, des cavités enforme d' «écuelles» ou de «cupules» de dimensions variables, réuniesquelquefois par des rainures ou des rigoles. Elles étaient destinéesà recueillir des offrandes ou des libations. C'est à la fin de cette époque qu'appartiennent les très nombreux monuments mégalithiques de la Palestine. Les plus répandus sontles dolmens (fig. 160), formés de grosses dalles plates allongéessur des pierres dressées. Précédés quelquefois d'une allée couverte,ils sont d'autres fois étroits comme un portique (trilithe) Sépulture collective, on y trouve des traces de rites religieux(cupules, objets votifs, etc.). Les menhirs sont des pierreslevées plus ou moins aplaties ou arrondies, aux angles émoussés. Cesmonolithes sont tantôt isolés, tantôt groupés en alignementsrectilignes ou circulaires; dans ce dernier cas, ils portent le nomde cromlechs. Ils symbolisent la divinité ou son habitat,quelquefois des bornes sacrées. On trouve souvent à leur pied desrestes d'offrandes. Enfin, les cairns sont des amas de pierresformant des tertres funéraires. On rencontre les monuments mégalithiques en très grand nombre àl'Est du Jourdain sur tous les plateaux de TransJordanie, enparticulier sur le Djôlân, à l'orient du lac de Galilée, dans lespays de Galaad et d'el-Belkâ. Sur la rive occidentale du Jourdain,ils sont peu nombreux et presque toujours isolés; tels sont ceux dela haute Galilée, de Meirôn et du mont Guilboa. On explique cetterareté dans cette région par le fait que les rois fidèles ont souventordonné leur destruction. Le peuple d'Israël dans ses heuresd'infidélité était toujours tenté par les cultes litholâtriques.C'est contre eux que s'insurgent les prophètes. Jérémie s'indignecontre ceux qui disent à la pierre: «C'est toi qui m'as donné lavie» (Jer 2:27). Le prophète Habacuc (Hab 2:19) prononce lamalédiction contre celui qui dit à la pierre immobile, croyantl'animer: «Lève-toi!» On sait peu de chose sur les races néolithiquespalestiniennes. Il est probable qu'il y en a eu plusieurs, dont deuxassez différentes. Les ossements trouvés dans la grotte de Guézersemblent appartenir à une race de petite taille qui pratiquaitl'incinération. Les hommes constructeurs des dolmens semblent avoireu, au contraire, une haute stature, et ils inhumaient leurs morts.Quelques auteurs pensent que les peuples autochtones auxquels fontallusion les textes bibliques (Ge 14:5,No 13:33,De 2:20 etc.)pourraient bien être les derniers descendants des tribus néolithiques.Les noms d'Anakim, d'Émim, de Zamzoumim, de Rephaïm semblenttraduire et mettre en relief leurs caractères physiques dominants:grande taille, terribles, à voix bourdonnante, géants (voir ce mot).De même, les Horiens (voir ce mot), anciens habitants de Séir,devaient être probablement troglodytes. En somme, l'étude de la répartition des stations préhistoriquessur le sol palestinien nous montre qu'à- chaque grande période de lapréhistoire les hommes ont occupé des portions assez bien déterminéesdu pays. Les Paléolithiques occupent la surface des hauts-plateaux transjordaniens, la partie orientale des monts deJuda et des monts de Séir; tandis que les Néolithiques ont construitles dolmens et les menhirs «plus au flanc des ravins et autourdes sources » (H. Vincent). Les monuments mégalithiques semblentdonc jalonner la grande voie de migration par le N. qui suit à peuprès les grandes dépressions de l'Oronte et du Jourdain, et cellesdes ouadi adjacents. C'est la route que prendront les Cananéensenvahisseurs. Les stations de plein air néolithiques sont, aucontraire, en bordure ou au milieu des grandes plaines côtières etaux confins du désert. Quelques-unes d'entre elles, bien placées, ontété successivement occupées par les populations cananéennes de l'âgedes métaux, par les Égyptiens, puis les Israélites. A la lueur de ces faits, très lointains, nous pouvons mieuxcomprendre la possibilité et la direction des migrations sémites etla marche des patriarches bibliques qui, poussés par une inspirationintérieure, sont allés vers le «Pays de la promesse»! 3. LES CANANEENS (voir Canaan).Au début du III° millénaire, les Néolithiques de la Palestine sontremplacés par des peuples d'origine obscure: les Cananéens. Pourquelques auteurs, cette pénétration par des émigrants étrangers seserait faite en deux étapes, par deux couches successives depopulations. Les Amoréens auraient d'abord occupé le pays. Ilsauraient cédé la place ensuite aux Cananéens proprement dits,vers 2500. Ceux-ci auraient refoulé les premiers dans les montagnes.D'autres auteurs admettent, au contraire, qu'il n'y aurait eu qu'uneseule couche de populations. Les Amoréens auraient occupé le N. de laPalestine et la région du Liban (Amourrou); tandis que les Cananéensproprement dits auraient habité le sud (Kinaahna) et les plainescôtières. C'est ce que paraissent indiquer quelques textes del'A.T (No 13:29,De 1:7,Jos 5:1, etc.;voir Amoréens). Lesfouilles ne révèlent aucun hiatus net entre ces deux civilisations,amoréenne et cananéenne, très voisines. On peut donc, sansinconvénient, les confondre dans une étude générale. Les vestiges de ces émigrants cananéens se distinguent aisémentde ceux des Néolithiques. Ils emploient encore, mais beaucoup plusrarement, la pierre dure et le silex. Ils connaissent le bronze etles métaux précieux, et en particulier l'or. Le fer n'a été utiliséqu'à la fin du II e millénaire. Ils enterrent leurs morts dans dessépultures spéciales, avec un mobilier funéraire caractéristique. Ils ont de petites maisons construites en torchis et souventaussi en pierres sèches. Elles sont alors recouvertes d'une toiturede pierres plates formant voûte. Elles ont deux, rarement troispetites chambres, réduits minuscules, n'ayant d'autre ouverture quela porte d'entrée. Le foyer est dans la pièce principale, «à même lesol». Quelquefois existe une petite citerne avec un étroit orifice.Elles ont un très pauvre mobilier. Quelques débris de jarres à grainsou de vases grossiers, des fragments de meules, quelques restesd'amulettes ou d'idoles aux formes frustes. Les maisons sontentassées sans ordre, laissant entre elles des rues étroites etcontournées, véritables dédales dans lesquels la circulation devaitêtre malaisée. Leurs villes étaient admirablement fortifiées. Elles étaienttoujours situées sur des emplacements faciles à défendre (crêtes,plateaux escarpés, etc.). Elles étaient entourées d'enceintes enpierres sèches ou en briques, consolidées par de grosses pièces debois. Elles étaient protégées par des talus et des contre-escarpes deterre battue. Les remparts étaient coupés de portes massives,flanquées elles-mêmes de grosses tours de défense. Ces fortificationsen ligne brisée, avec des angles saillants, révèlent un art militaireconsommé, et l'on comprend la crainte qu'inspiraient aux Israélitesces migdols cananéens. L'industrie et les arts marquent unsérieux progrès sur la période néolithique. Les potiers connaissentl'usage du tour et du four. La céramique devient régulière, sesformes sont symétriques et élégantes. Les anses s'amincissent ets'allongent (vases à étrier); des décorations apparaissent: damiersgéométriques, oiseaux, antilopes, poulpes, etc. Ils fabriquent deslampes en terre cuite et confectionnent de menus objets servant à laparure et aux usages religieux. Ce sont de petites figurines, desamulettes, des talismans, à la fois bijoux et fétiches. Ils ont des objets en bronze représentant des animaux divers(boeufs, serpents, chiens) ou leurs attributs (cornes, croissant,dent). Ils utilisent les pierres précieuses et le corail pour fairedes colliers. C'est sur les hauteurs, au sommet des collines ou même dans lesparties les plus élevées des villes, que se trouvent les sanctuaires cananéens, les «hauts-lieux» (voir ce mot), appelés bamoth par les Israélites. Ils représentent une portion de terre«sacrée» appartenant aux dieux. Ils sont entourés de murs quidélimitent la propriété divine, le «haram» (téménos des Grecs).C'est là que sont plantés les bosquets d'arbres verts, que sontdressées les pierres «tabou» (bétyles, masséboth, hamma-nim), lespieux divins (achéras), les autels, les idoles. A Tell es-Safy, leharam est rectangulaire, avec, au milieu, trois stèles de pierredevant lesquelles est disposée une fosse à offrandes arrondie. AGuézer, le sanctuaire comprend un alignement de 8 pierres levées aumilieu desquelles se trouve un bassin cubique (fig. 113). Les Cananéens introduisent des rites funéraires nouveaux. Ilsensevelissent leurs morts dans des sépultures formées par une chambresouterraine profonde, renfermant des ustensiles de cuisine avec desrestes de provisions, des objets votifs, des armes en bronze et ensilex, des objets de parure (perles, épingles à cheveux), et enfindes lampes en terre cuite, destinées sans doute à éclairer le mortdans sa route ténébreuse. Ces chambres communiquent avec l'extérieurpar une sorte de puits, d'où leur nom: «tombes à puits». Les conceptions religieuses des Cananéens peuvent se ramener à un naturisme idolâtrique. Elles présentent donc à l'étude deuxséries de faits théoriquement distinctes, mais qui pratiquements'enchaînent et se pénètrent: des manifestations d'un culte de lanature, très ancien, révélant des croyances primitives; et uneidolâtrie évoluant vers un polythéisme dont les divinités serontsurtout locales. Leur naturisme se manifeste de très nombreuses façons. Ilsadressent un culte aux sources, aux rivières et aux pierres sacrées.Ils professent une vénération spéciale pour les blocs de rocherspointant au-dessus des collines, qu'ils transforment souvent enautels et sur lesquels ils viennent déposer leurs libations et leursoffrandes. Presque tous les sanctuaires cananéens naissent autourd'un rocher sacré. Peu à peu se fait une distinction psychologique etreligieuse entre l'autel et le dieu. C'est alors qu'ils dressent àcôté ou en face du «rocher-autel», table du dieu, des pierres quireprésentent la divinité elle-même. Ces pierres sont d'abordaniconiques (sans image). Bloc fruste et mal équarri, on y grave plustard les traits stylisés de la divinité qu'il est censé représenter.Ce ne sont plus alors de simples «pierres levées», mais des pierres«iconiques», véritables idoles auxquelles on donne quelquefois le nomde «menhir-statue» ou de «stèle-statue». Elles ont des vertusdifférentes: elles sont curatives, elles préservent de toutes sortesde maux; elles inspirent aussi les oracles et donnent la fécondité,etc. La litholâtrie des Cananéens est donc compliquée. Leurs«pierres levées» très diverses portent le nom générique de bétyle, mais chacune d'elles a une forme particulière. La masséba correspond au menhir néolithique; grossièrementquadrangulaire ou conique, on l'érigé sur les hauts-lieux. Elle a unbut nettement religieux. On les oignait d'huile et on versait à leurpied des libations. Le cippe est une colonne tronquée sanschapiteau dont l'extrémité est quelquefois en pointe. La stèle est large et aplatie et porte souvent des inscriptions. Elles sontdressées en souvenir d'une grâce obtenue ou d'une promesse faite à ladivinité; elles sont en général commémoratives; On peut rapprocherdes stèles les «loukhot», sortes de tables de. pierre, et les«khammânim», colonnes (voir ce mot) consacrées au soleil (Le26:30,Esa 17:8). Elles ne doivent pas être confondues avec lesbornes limites, ou gueboul, dont l'usage a persisté chez lesHébreux (fig. 49); ceux qui les déplaçaient étaient maudits (De27:17,Pr 23:10). En l'absence de gros blocs, les Cananéensaccumulaient, en tas, des pierres de toutes dimensions. Ce tas (gal) rappellera un souvenir, une sépulture. Les tas disposés encercle, autour d'un autel, constituent un petit cromlech: le guilgal Le naturisme des Cananéens se manifeste aussi par le culte del'arbre: la dendrolâtrie. Dans ce pays où les collines sèches,les steppes dénudées et les déserts arides tiennent une aussi grandeplace, l'arbre, surtout celui qui est grand et touffu (térébinthe,chêne), apparaît comme le symbole de la vie, la manifestation d'undieu auprès duquel on viendra chercher la guérison ou des directionspour l'avenir. Telle est l'origine de l'appellation «chêne desdevins» (Jug 9:37). On met les sépultures à l'abri de leur ombre(«chêne des pleurs») et on leur offre des sacrifices. Comme lesindividus isolés, les groupes d'arbres sont sacrés. Les hauts-lieux étaient formés de bocages constitués, d'après laBible, de trois essences principales: térébinthes, chênes etpeupliers blancs. C'est à l'ombre de ces arbres que se pratiquaientles rites licencieux condamnés si sévèrement par les prophètes. A côté de la masséba de pierre, les Cananéens dressent des pieuxde bois sur lesquels ils font des entailles ou sculptent des organesrudimentaires qui leur donnent une physionomie vaguement humaine etles transforment en idoles. C'est l'ébauche de l'Astartécananéenne, l' achéra, dont le culte était très répandu.L'idolâtrie avait aussi une autre source. Ils avaient de petitesfigurines grossières en métal, en terre cuite ou en bois: les théraphim, qui tenaient de l'idole et du fétiche. Les vieillestraductions bibliques leur donnaient parfois le nom de«marmousets» (Eze 6:4 14:5 30:13, Bbl. de Genève, XVI e siècle),à cause de leur ressemblance avec les magots chinois. Ellesreprésentent des divinités familiales qui rappellent beaucoup les«dieux lares» protecteurs du foyer. Les Cananéens avaient aussi de grandes divinités, voisines decelles des Syriens et des Phéniciens. Ils pensaient qu'une forcedivine, El, énergie puissante et mystérieuse, pouvaits'objectiver dans des dieux locaux. Parmi eux, les plus connusétaient les Baals (Baalim). Ce nom ne désigne pas un dieu uniqueadoré par tous les Cananéens, c'est un terme générique qui signifie Adôn (Seigneur), divinité voisine, joue un rôle analogue. A côté du dieu,maître ou seigneur, existe la conception du dieu-roi: Mélek. Ceroi, comme tous les potentats de l'époque, était brutal et dur. Telsétaient Milkom, dieu des Ammonites, Kémos, dieu des Moabites,Melkart, dieu de Tyr. Il était souvent sanguinaire et réclamaitparfois des victimes humaines ou d'horribles sacrifices d'enfants.Tel était le dieu Moloc (dérivé de Mélek). Les figurations de cesgrandes divinités étaient rares. Elles étaient surtout représentéespar leurs attributs: poisson, croissant, cornes de béliers, etc.Associées aux divinités masculines, il y avait des divinitésféminines. A côté de Baal, Baalat; à côté de Mélek, Milkat. Elles nereprésentaient pas des épouses soumises; elles étaient des divinitésindépendantes ayant souvent «la suprématie sur les dieux». Ce faitsemble être l'indice d'un très ancien état social où la femme devaitjouer un rôle important (matriarcat). La Bible nous fait connaîtreune déesse cananéenne du nom d'Achéra dont les prophètes ontbeaucoup combattu le culte. Elle se confond sans doute avec la Vénusorientale: Astoreth ou Astarté, déesse de la végétation, de lafortune, des plaisirs sensuels et aussi de la guerre, dont le culte aété très répandu dans tout l'Orient. Elle répondait à des conceptionscomplexes et contradictoires que notre mentalité occidentale a de lapeine à saisir. Ses représentations en substances diverses, bronze,terre cuite, bois, ivoire, sont nombreuses et variées. Ellesempruntent quelquefois les vêtements et les parures extérieures desdivinités égyptiennes ou caldéennes, quelquefois aussi elles sontnues. Leur physionomie est toujours caractéristique, et sous desapparences variées elles ont souvent la même attitude, le même gesteprovocateur et impudique. Les cultes cananéens se pratiquaient dans les sanctuaires, sur«toute colline élevée et sous tout arbre vert» (Jer 2:20). Ilsétaient très nettement orgiastiques. Ils comprenaient, à côté desoffrandes des divers produits du sol, des scènes d'ivresse extatiqueet de débauche sacrée. Il y avait aussi des sacrifices de jeunesenfants. A Thaanac, à Guézer, on en a trouvé de véritablescimetières. Les squelettes des petites victimes, qui avaient toutesmoins d'un mois, étaient disposés dans des jarres avec différentsobjets funéraires: plats, bols, cruches, le tout tassé avec du sablefin. Comme ces lugubres dépouilles d'enfants, tous du même âge,étaient déposées non loin d'un autel de pierre, il semble bien qu'ils'agisse de sacrifices de nouveau-nés. D'autre part on observe endivers endroits, dans des temples ou des habitations particulières,des squelettes emmurés étendus sous les seuils. A Thaanac, desfouilles ont mis à jour, sous l'autel même, des cadavres d'adultes,victimes offertes à la divinité, sans doute au moment de l'érectiondu monument. Ce sont des sacrifices humains de fondation (fig.90, 91). Ailleurs on a trouvé des corps d'adolescents coupés en deuxdont la partie supérieure seule avait eu les honneurs de lasépulture. La Bible fait enfin allusion aux rites cananéens quiconsistaient à faire «passer les enfants par le feu». Les roisinfidèles imitèrent cette pratique qui rendit tristement célèbresAchaz et Manassé (2Ro 16:3 17:17). Quand on connaît cette religion licencieuse, démoralisante etsanguinaire, on comprend l'interdiction absolue des mariages desIsraélites avec les Cananéens et la sévérité des prophètes à l'égardde ceux qui se laissaient influencer par ces cultes. Les «bons»Israélites évitaient, du reste, de prononcer les noms de ces dieuxétrangers et, quand ils étaient obligés de le faire, ils lesremplaçaient souvent par les mots de: honte, abomination! C'est à la fin de la période cananéenne que commence à serépandre l'usage du fer en Palestine. Il s'est introduit asseztardivement, sans doute à cause de la rareté de minerais riches enfer. On a émis plusieurs hypothèses pour expliquer l'origine de sonimportation. Les uns l'attribuent aux Philistins, d'autres auxHittites, aux Phéniciens ou aux tribus kéniennes. Cette industriese propagea, en tout cas, avec rapidité et atteignit tout de suite unhaut degré de perfection. Les Cananéens fabriquaient des chars defer, célèbres dans l'antiquité, et dont l'emploi retarda la conquêtedes Israélites (Jos 17:16,Jug 1:19). C'est vers le XV e siècle que les Israélites entrèrent enpossession de la «terre promise». Elle devint le cadre où sedéroulèrent les étapes douloureuses de l'histoire de la rédemptionqui firent d'elle la «terre sainte», chère au coeur de tous lescroyants. BIBLIOGRAPHIE.-- L. Lartet, Essai sur la géologie de laPalestine; Hull, The Geol. of Pal. and Arabia Petr.; Dr Lortet, La Syrie d'aujourd'hui; P.H. Vincent, Canaan d'aprèsl'exploration récente ; Mgr Legendre, Le pays biblique ; Guthe, Paloestina; G.A. Smith, Hist. Geog. of Palestine. L, p,