VII Faune de la Palestine. La Palestine, qui forme un trait d'union géographique entre deuxgrands continents, est aussi le centre de jonction de plusieursrégions zoologiques dont la juxtaposition permet le développementd'une faune riche et variée. Avec le N. de la Syrie, son prolongementnaturel, elle constitue une des provinces méridionales de la régionpaléarctique dont l'ensemble comprend: l'Europe, l'Afrique (au Norddu Sahara et des déserts libyens) et l'Asie occidentale. Sur 110espèces de mammifères, 55 environ appartiennent à la faunepaléarctique. La Palestine sud, le bassin de la mer Morte et lavallée du Jourdain se rattachent au contraire à d'autres régionszoologiques. Elles renferment 34 espèces de la faune éthiopienne (Nubie et Egypte) et 16 environ de la faune indienne (parl'Arabie et la Mésopotamie). Les auteurs bibliques citent un grandnombre d'animaux dont le caractère et les traits de moeurs,admirablement observés, illustrent des images ou des récits. 1. MAMMIFERES.La Palestine est parcourue par de nombreux troupeaux de moutonscommuns (ovis aries) et de moutons appartenant à une race encore plusrépandue, à queue large et épaisse (ovis laticauda). Il y a aussideux races de chèvres: la ch. commune (capra hircus) et la ch. àgrandes cornes et à longues oreilles pendantes (c. membrica). Leboeuf ordinaire (bos taurus) est de petite taille, mais dans larégion marécageuse du lac Hoûlé vit le buffle (bos bubalus), auxmembres puissants et au caractère irascible. L'âne, très utilisécomme bête de somme, comprend deux variétés: l'âne blanc du désertsyrien et l'âne noir, plus commun et qui a moins de valeur. Lecheval, importé en Palestine assez tardivement, n'est guère employéque comme monture. Le chameau ne se trouve que chez les populationsnomades où il est utilisé à des travaux divers; on y rencontresurtout le dromadaire à une bosse (camelus dromadarius). Le chien,moins domestiqué qu'en Europe, joue surtout le rôle de gardien dansles villages et auprès des tentes bédouines. Le chacal (canisaureus), très voisin du chien, chasse par bandes. Le renard, trèsrépandu aussi, a des moeurs différentes de celles du chacal. Ondistingue le renard égyptien (vulpes nilotica), abondant dans le S.de la Palestine, du vulpes flavescens, qui habite la Galilée et leLiban. Les loups ne sont pas rares. Il y en a deux races: le loupcommun (canis lupus) qui vit en Galilée et dans les régionsmontagneuses de Basan, et le loup égyptien (canis lupaster), beaucoupplus petit et aux membres plus grêles, qui habite le sud. L'hyènerayée (hyeena striata) a une démarche lourde; elle vit en troupe.L'ours (ursus), qui vit dans le Liban, et le léopard (felis pardus),qui habite dans les environs de la mer Morte, sont en voie dedisparition. Le lion, très fréquent autrefois, n'existe plusaujourd'hui. Le lynx (felis mani-culata) et les animaux appartenantaux groupes des viverridés (civette mangouste, que les Égyptiensembaumaient) et des mustélidés (fouine et blaireau) ne sont pas raresen Palestine. Les sangliers sont nombreux dans les endroits fourréset marécageux. Le cerf est devenu rare. Les gazelles sont au contraire trèsrépandues. Au S., on rencontre surtout les gazelles dorcas, de petitetaille; à l'Est, les antilopes d'Arabie, beaucoup plus grandes et àlongues cornes (a. addax et a. oryx). Autour de la mer Morte existeune très belle variété de bouquetin (ibex Sinaïtica). Les rongeurs sont représentés par plusieurs espèces de lièvres etde nombreux rats: mus alexandrinus dans les villes de la côte; m.sylva-ticus dans les plaines, m. prsetextus dans la vallée duJourdain, m. musculus (souris), répandus partout. On peut classer àcôté d'eux les gerboises (dipus) et le daman (hyrax Syriacus),véritable curiosité zoologique. Les chéiroptères ou chauves-sourissont représentés surtout par le vesperugo, aux courtes oreilles; lerhinolophe, au nez membraneux; et l'oreillard du lac de Galilée(plecotus). Parmi les insectivores les plus communs, on peut citer leshérissons (erinaceus) et les taupes (talpa). 2. OISEAUX.La faune ornithologique de la Palestine est très riche (340 espèces).Cela tient à la variété des stations biologiques qu'y rencontrent lesoiseaux, à son climat spécial et aussi à ce qu'elle est un couloir depassage entre des régions désertiques. Comme la Camargue et la valléedu Rhône en France, elle constitue un relais très important pour les oiseauxmigrateurs qui vont de l'est africain en Europe et en Asie occidentale et viceversa, en suivant la grande voie caucaso-zambézienne. La zone littorale et pélagique comprend les espècesméditerranéennes bien connues: goélands et mouettes (larus),hirondelles de mer (sternus), plongeons (colymbus), cormorans(phalacrocorax), aigles de mer (pygargus). La zone aquicole: marais et rivières de la côte, Kison, nahrez-Zerka, nahr el-Falik, etc., lacs Hoûlé et de Tibériade, Jourdainet mer Morte, sont fréquentés surtout par des échassiers et despalmipèdes: cigognes (ciconia), hérons (ardea), aigrettes (a.egretta), spatules (platalea), grues (grus), ibis (ib. falcinelle)l'oiseau sacré des anciens Égyptiens, flamants aux ailes rosés(pheenicopterus antiquorum), bécasses (scolopax), glaréoles(glareola), combattants (pavoncella), vanneaux (vanellus), pélicans(pele-canus), de nombreuses espèces de canards sauvages et desarcelles (anas boschas, tadorna, nigra, etc.), des busards desmarais (circus), etc. Les rives du Jourdain sont peuplées de martins-pêcheurs (alcedo),de cingles plongeurs (cinclus). Les eaux de la mer Morte, de grèbeshuppés (podiceps cristatus) et de canards sauvages, tandis que savallée torride est habitée par des oiseaux des régions chaudes: uncolibri (nectarina osea) et le pyenonotus. Au printemps, entre Jéricoet la mer Morte, les cigognes ne sont pas rares. La zone des collines et basses montagnes, avec ses haieset ses nombreux buissons, comprend des fauvettes (sylvia), desrouges-gorges (erithacus), des mésanges (parus), des pinsons(fringilla), des moineaux (passer), des bulbuls (rossignols de laPalestine), des loriots (oriolus), des guêpiers (merops), des coucous(cuculus), des huppes (upupa), des traquets jaunes (saxicola), desgrives (turdus), des alouettes huppées (galerita cristata), despigeons ramiers (palumbus), des tourterelles (turtur), deshirondelles (hirundo), de petites chouettes vivant sur les arbres(athene persica), des éperviers (acci-piter), etc. La région steppico-désertique est très peuplée, en hiver etau printemps (saison humide), par des oiseaux adaptés à la marche età la course qui se réunissent souvent en troupes: outardes (otis),perdrix chukar (caccabis chuka), perdrix rouges des rochers, perdrixjaunes (ammoperdix Heyi) de la couleur du sol, qui s'adaptent auclimat désertique de la mer Morte, ainsi que l'amydrus Tristrami, aucorps bleuâtre et aux ailes jaunes. Les cailles (coturnix communis)abondent, mais ne restent qu'une partie de l'année, de même que lesmerles rosés (turdus roseus). Il y a de nombreuses espècesd'alouettes (alauda), des corneilles (corvus), etc. Les régions montagneuses et désertiques (environs de lamer Morte, désert de Juda, gorges profondes des ouadi) sont peupléesde rapaces diurnes de grande taille. L'aigle doré (aquilachrysaetus), l'aigle fauve (a. fulva), le gypaète barbu, le vautourpercnoptère (neophron) et le vautour chauve, diverses espèces defaucons (falco) et le milan royal (milvus). Les rapaces nocturnessont représentés par les grands-ducs (bubo), les hiboux (otus), leschats-huants (syrnium). Au commencement et à la fin de l'hiver, on rencontre, en outre,isolées ou en bandes, des espèces de passage qui ne font guère quetraverser le pays sans y séjourner. 3. VERTEBRES INFERIEURS ET INVERTEBRES.Les amphibiens et les reptiles ont en Palestine de nombreusesespèces. Le climat chaud et les terrains calcaires et rocailleux,tout criblés de petites excavations, favorisent leur développement.Les amphibiens sont représentés par le genre grenouille (rana):gr. verte, gr. brune, gr. tachetée, puis par le genre crapaud (bufo)dont une espèce de petite taille, bufo pantherinus, est très répandue. Les multiples espèces de serpents ont des habitats trèsdivers; elles sont quelquefois remarquables par la coloration deleurs écailles; citons parmi les colubridés une belle couleuvre noire(zamenis car-bonarius) et le rhynchocalamus melanocephalus, jaunecitron avec des taches bleu foncé. Il y a plusieurs espèces devipéridés, toutes venimeuses, parmi lesquelles la vipère aspic(vipera haje), la vipère des sables (echis arenicola) et la vipèrecornue (cérastes). Parmi les sauriens, on peut citer le genre lézard (lacerta):lézard des sables; lézard vert à longue queue; le genre caméléon(chamasleo), commun sur le littoral; le khardon des régionsmontagneuses, dont la queue et le dos sont garnis de piquants; legecko (platydactylus) qui pendant la nuit fait entendre un cri aigu;l'orvet (anguis), dont le corps est serpentiforme, etc. Les tortues sont représentées par la thalassochelyscorticata, grosse tortue marine qui vit près des côtes; l'emyscaspica, tortue d'eau douce, qu'on rencontre en abondance dans lesruisseaux et les bassins; et enfin la tortue terrestre commune(testudo Mauritanica). Les poissons sont très nombreux dans les nappes d'eau douce(lacs de Tibériade, de Hoûlé, Jourdain, etc.); ils appartiennent auxgenres capoeta (poissons argentés), discognathus, chromis, dont lesmâles gardent les oeufs dans leur gueule jusqu'à l'éclosion (chromispaterfamilias); barbus, aux rayons de la nageoire dorsale bleuâtres;blennius, à la peau visqueuse dépourvue d'écaillés; clarias, siluresde grande dimension, couleur de vase, avec de très longs barbillons,et qui poussent un sifflement aigu quand on les sort de l'eau. Uncertain nombre d'espèces peuvent vivre dans les sources salées etmême chaudes: cyprinodon dispar, c. moscas, à la taille minuscule. Les vagues rejettent sur le sable de la côte de nombreux animauxmarins appartenant à des groupes divers de soophytes: grossesméduses élégantes; coralliaires rouges ou blancs; spongiaires parmilesquels la fameuse «éponge de Syrie» recherchée pour sa finesse; échinodermes: l'étoile de mer rouge orangé (asterias rubens), legros oursin méditerranéen comestible (echinus melo), l'oursin desgrands fonds (brissus unicolor). Les mollusques sont très variés; citons parmi les bivalves:huîtres (ostrea), peignes (pecten), pec-toncles (pectunculusglycimeris), l'amande de mer; bucardes (cardium), donaces (donaxtrunculus); tellines (t. planata, t. costas); moules (mytilus) etpholades (pholas) sur les côtes rocheuses, etc. Parmi les gastéropodes univalves, citons les cérithes(cerithium), les turbos, les nasses (nassa), les casques, dont onfait des camées, et surtout les murex dont une glande fournit unemagnifique teinture très employée autrefois. Les murex bran-darisdonnent un principe rouge vif (pourpre de Tyr qui rendit célèbres lesteinturiers de cette région). Les murex trunculus donnent un principeviolacé. Sur les grèves du lac de Tibériade, on trouve d'innombrablescoquilles appartenant aux genres neritina, melania, melanopsis,cyrena et unio. Parmi les crustacés, citons les cancéridés, crabes marins;les telephusa fluviatilis, crabes d'eau douce; les ocypoda ippeus,crabes-chevaliers aux très longues pattes; de nombreuses crevettesd'eau douce, parmi lesquelles l'orchestia Tiberiadis. Comme dans tous les pays d'Orient, les insectes sontinnombrables. Les diptères comme les taons (tabanus), les mouchesnoires et bleues (musca et calliphora) abondent partout et sont fortgênants (Baal était appelé dieu des mouches: Baal-Zébub). Dans lesendroits marécageux pullulent les moustiques (culex). Les coléoptèrescomprennent de très belles espèces. Dans les dunes et les terrainssablonneux, on rencontre le scarabée sacré roulant de grosses boules.Sur les chardons violets se trouvent la cétoine éclatante (cetoniafloricola), les longicornes bariolés (agapanthia cardui), lescharançons verdâtres, etc. Parmi les hyménoptères, les bourdons(bombus), les frelons (vespa), les abeilles (apis), les fourmis;l'une des plus curieuses est la «fourmi-glaneuse» (atta barbara):noire et de très grande taille, elle construit plusieurs grenierssuperposés de grandes dimensions. Les orthoptères blattidés etacridiidés sont nuisibles. Les criquets (acridium) forment parfoisdes groupes compacts qui sont un véritable fléau pour les récoltes.La Bible fait allusion à plusieurs espèces différentes (voirSauterelle). Parmi les arachnides, on peut signaler, à côté de nombreusesaraignées, le scorpion de Syrie, 1' «agrab» des Arabes, trèsvenimeux. Les myriapodes comprennent des genres européens (glomerisou cloporte, géophile, etc.), des genres tropicaux de grossedimension. Près de Mâr Sâba, on rencontre, en abondance, un énormeiule noir long de 15 à 20 cm., le spirotreptus syriacus.