Le premier des douze «petits prophètes». L'une des plus grandespersonnalités de l'A.T. Il a fait jaillir dans le monde des âmes unesource d'eau vive que rien, par la suite, n'a pu tarir. 1. La personne d'Osée. Nous avons sur elle un petit nombre de renseignements précis. Ilétait fils d'un nommé Bééri (Os 11), et sa femme s'appelaitGomer, fille (c-à-d, probablement originaire) de Diblaïm (Os13). Conformément à une habitude chère aux prophètes, il avaitappelé ses enfants de noms symboliques (Os 1:5,6,9) par lesquelss'exprimait son profond pessimisme en présence de la situation moraleet politique de la nation où il vivait: Jizréel (écho lointain etsévère du massacre par lequel Jéhu avait exterminé la familled'Achab, 2Ro 9 et 2Ro 10); Lo-Ruhama (celle dont on n'apas pitié); Lo-Ammi (pas mon peuple). D'autre part, Os 2:1paraît signifier que le ménage du prophète fut troublé par desévénements douloureux (voir plus bas, parag. 3). Quelques indications plus générales sur la personnalité d' Oséeressortent d'une étude attentive de son livre. Comme Amos, ilprophétise dans le royaume du Nord, mais, à la différence de sonprédécesseur, qui était venu des montagnes de Juda, il appartient,lui, selon toute vraisemblance, au terroir d'Israël. Il cite en effetuniquement des localités ressortissant au royaume des Dix Tribus, etles spécialistes croient pouvoir reconnaître chez lui quelques formesparticulières à l'hébreu septentrional. On est en droit aussid'affirmer avec certitude qu'il est un rural. Il parle des «villes»d'une manière abstraite et dédaigneuse (Os 8:14 13:10)et de la vie des champs, au contraire, avec une compréhension etune poésie qui font penser aux paraboles de l'Évangile. Il connaît lemonde des plantes (Os 2:15 9:10 10:1,4) et les labeurs de laculture et de la moisson (Os 10:11,12); il est familier avec letravail des bêtes domestiques (Os 10:11 11:4) et avec le vol desoiseaux (Os 7 8:1); il a vu les animaux sauvages et la menacequ'ils font peser sur les habitants de la campagne (Os 5:1413:7 et suivant). Enfin et surtout, comme tout bon citoyen deschamps, il est sensible à la rosée (Os 6:4), à la pluiefécondante (Os 6:3), au vent d'Orient qui dessèche touteschoses (Os 13:5). Déjà là se marque la qualité de son âmesensible et vibrante. --On a soutenu qu'il appartenait à une famille sacerdotale. Maissa sévérité à l'égard des prêtres rend cette hypothèse peu probable.Par contre il n'y a pas lieu de douter qu'il ait porté officiellement(à la différence d'Amos) le nom de prophète (Os 9:7). Mais il acondamné le prophétisme vulgaire avec la même force que lesacerdotalisme (Os 4:5) et les noms qu'il a donnés à ses enfantssemblent bien montrer que, dès le début, il s'est distingué desbandes de prophètes courtisans qui gagnaient leur vie à prophétiserle bonheur. En tout cas, la passion qui anime ses oracles, lasouffrance qu'ils expriment, la puissance spirituelle qui s'en dégageprouvent que dans l'âme de ce prophète «de profession» habitait uneadmirable «vocation». 2. L'époque d'Osée. La suscription du livre mentionne, comme contemporains du prophète,Ozias, Achaz, Ézéchias, rois de Juda, et Jéroboam, fils de Joas, roid'Israël (Os 11). Comme toute l'activité d'Osée a eu pour théâtrele royaume du Nord, il est normal de penser que les noms des rois deJuda sont ici adventices, ajoutés par un copiste de bonne volonté àl'usage des lecteurs Judéens du livre, à une époque postérieure.Quant au Jéroboam fils de Joas, roi d'Israël, que la suscription cite in fine, c'est le personnage connu dans l'histoire sous le nom deJéroboam II le dernier grand roi des Dix Tribus, dont le gouvernementfut marqué par des succès' politiques et un essor économiqueremarquables, et qui mourut, après un règne de 40 ans, en 744. Ilsemble d'ailleurs probable que les mots: «au temps de Jéroboam»ne concernent que le contenu des chap. 1-3 d'Osée, lesquels alorsseraient de peu antérieurs à 744. --Les chap. 4-14, par contre, se révèlent comme étant en pleineharmonie avec la période excessivement troublée qui s'ouvre pourIsraël avec l'assassinat, après six mois seulement de règne, deZacharie, fils de Jéroboam II A ce moment, les facteurs extérieursviennent se joindre aux dissensions intestines pour affaiblir leroyaume un moment si prospère. C'était l'affaiblissement de lapuissance assyrienne qui avait valu aux petites nations de l'AsieAntérieure quelques années de tranquillité. Mais l'avènement del'énergique Tiglath-Piléser III (745-727) rend à la grande puissancemésopotamienne sa vigueur combative. Et pendant ce temps, à Samarie,les révolutions de palais se succèdent. Challoum, meurtrier etsuccesseur de Zacharie, ne règne qu'un mois. Il est remplacé parMénahem, qui garde le pouvoir 10 ans mais est obligé de verser unlourd tribut au roi d'Assyrie triomphant. Pékahia, son fils, au boutde 2 ans, est victime d'une nouvelle conspiration qui met sur letrône Pékah, fils de Rémalia. Celui-ci a la désastreuse idéed'entreprendre (735). de concert avec Retsin, de Damas, une guerrefratricide contre le royaume de Juda. Appelé au secours par lesJérusalémites affolés, Tiglath-Piléser, se hâte de profiter del'occasion, et il enlève au royaume d'Israël une bonne partie de sonterritoire, emmenant les habitants en captivité. Ceci n'est du restequ'une préface à des événements plus graves. Pékah, assassiné par lespartisans de la soumission à l'Assyrie, est remplacé par Osée, filsd'Ela, qui paie d'abord fidèlement tribut aux vainqueurs, mais qui nesait pas résister aux intrigues politiques provoquées dans toute larégion par la mort de Tiglath-Piléser, et qui attire ainsi sur sonpays une nouvelle attaque assyrienne, dont l'aboutissement sera, en722, sous Sargon, la chute définitive de Samarie (2Ro 15 et2Ro 17). --Il est impossible de savoir si Osée le prophète a connu cesheures sinistres de l'effondrement de son peuple., Les oracles quenous avons de lui n'en parlent pas. Mais tout au long des dernierschapitres de son livre on sent venir la catastrophe. Et l'on nepourrait rien comprendre aux sombres prophéties qui remplissent cespages si l'on ignorait les troubles que traversait Israël à l'époqueoù elles furent écrites. 3. Le livre d'Osée. Comme nous l'avons constaté précédemment (parag. 2), le livre quiporte le nom d' Osée est composé de deux parties distinctes: d'un côtéles chap. -1-3, sans doute antérieurs à 744; et de l'autre les chap.4-14, s'échelonnant sur les années 743-725 environ. Les chap. 1-3 posent un des problèmes critiques les plus délicatsde l'A.T. L'histoire de cette «femme de prostitution» que le prophèteépouse sur l'ordre de Yahvé, qu'il chasse ensuite à cause de soninconduite, mais à qui finalement, après un temps d'épreuve, ilpardonne, la réinstallant dans ses prérogatives d'épouse et de mère,cette histoire reproduit-elle des faits réels qui auraient eu pourthéâtre le ménage d'Osée, ou n'est-elle qu'une allégorie destinée àprésenter sous un jour saisissant l'infidélité d'Israël? Lutherdéfendait la première interprétation, Calvin soutenait la seconde, etles avis ont été longtemps très partagés sur ce point. Il semblaitcependant que, sous l'influence de Wellhausen notamment, la théorieallégorique était de plus en plus abandonnée et que l'unanimité étaitsur le point de se faire sur la réalité des événements relatés dansces trois chap., lorsque des études récentes ont de nouveau toutremis en question. Après avoir critiqué vigoureusement (dans son Introduction) l'interprétation allégorique, le professeur LucienGautier ne craignait pas d'avouer, sur la fin de sa vie, que degraves hésitations lui étaient venues à ce sujet. --Peut-être cependant la difficulté d'interprétation que mettenten lumière ces oscillations de la recherche historique n'est-ellequ'apparente, et destinée à s'évanouir si, avec le prof. PaulHumbert, une distinction nécessaire est établie entre le chap. I er,qui mentionne des faits réels, de l'ordre biographique, et les chap.2-3, qui contiennent des exhortations de forme allégorique. Laplupart des difficultés des deux opinions contraires disparaissentdès l'instant qu'une telle distinction est adoptée. Ainsi les«allégoristes» avaient toujours échoué à expliquer le fait que le nomde la femme d'Osée dans 13 n'avait aucune signification symbolique;mais cette objection n'a plus de force si nous admettons le caractèreautobiographique du chap. 1 er. Inversement, les «réalistes» étaientimpuissants à expliquer, dans les chap. 2 et 3, la coexistence dedeux histoires de femme infidèle, analogues dans leur contexturegénérale, mais historiquement difficiles à concilier; cettedifficulté n'existe plus dès que les chap, en question sontconsidérés comme allégoriques; parlant à l'âme de son peuple, leprophète utilise sous deux formes différentes le même thème de lafemme infidèle à la fois punie et aimée. --La répartition des chap. 1-3 d'Osée entre deux éléments, l'unautobiographique, l'autre symbolique, nous paraît donc s'imposer.Mais il y aurait, d'autre part, exagération certaine à pousser cettedistinction jusqu'à la séparation absolue, et à isoler complètementl'un de l'autre ces deux éléments qui, si distincts qu'ils soient,demeurent solidaires. Littérairement parlant il n'y a pas, entre eux,solution de continuité: le prophète commence par parler de lui-mêmeet de sa famille; puis, par un mouvement de pensée qui n'estpeut-être pas très conforme aux exigences de notre logique, mais quisemble assez dans la ligne du génie oriental, il en vient à adresserun appel véhément à la conscience et au coeur de son peuple.Insensiblement l'autobiographie a coulé en allégorie. Au point de vuespirituel aussi les liens sont étroits entre le chap. 1 er et ce quile suit. N'est-ce pas le fait autobiographique discrètement mentionnédans 12 qui explique, au moins en grande partie, les magnifiquesallégories des chap. 2 et 3? S'il n'avait pas souffert par sa femme,Osée aurait-il compris si profondément les sentiments de Yahvésouffrant par son peuple? S'il n'avait pas éprouvé une telleindignation contre l'épouse infidèle, aurait-il su mettre des accentssi pathétiques dans la bouche de Yahvé trompé par la nation infidèle?S'il n'avait pas aimé Gomer d'un amour espérant contre touteespérance, aurait-il pu parler d'une manière si émouvante desperspectives d'un retour d'Israël à son Dieu? «On ne peut passupposer que tout le contenu de ces chapitres soit une étudeabstraite de psychologie des émotions. C'est une expérience humaineactuelle qui donne à Osée la clef de la vérité divine» (Cheyne). --Dans le séculaire débat qui a pour objet la signification dudébut du livre d'Osée, nous en venons par conséquent à adopter uneposition synthétique: dans l'esprit du prophète, c'est l'allégoriequi est l'essentiel. Il n'écrit pas pour se raconter lui-même, maispour accomplir son ministère de prophète en parlant à son peuple.Mais il s'appuie pour cela sur des faits personnels, qu'il indiqueavec une extrême sobriété. Les deux éléments biographique etsymbolique se complètent et s'éclairent mutuellement: lesmerveilleuses pensées des chap. 2 et 3 ont leurs racines dans lesfaits rappelés au chap. I er; et à son tour, l'étrange affirmation de12, qui nous montre l'Éternel ordonnant à son serviteur de prendreune femme de prostitution, s'illumine si nous nous rendons comptequ'aux yeux du prophète ébloui, une série d'événements qui lui aapporté de si hautes révélations divines ne peut qu'avoir été vouluede Dieu entièrement et dès ses tout premiers débuts. (La lecture deschap. 1-3 est grandement facilitée si l'on retranche quelquespassages visiblement interpolés comme Os 1:7 2:1-3 et peut-êtreOs 2:21 et suivant. Quant à Os 2:8 et suivant, sa placenormale est à la suite de Os 2:15) La seconde partie du livre d' Osée (chap. 4-14) est toutedifférente de la première. Ce n'est plus un récit s'achevant en uneallégorie prestigieuse; c'est une série de courts oracles qui sesuccèdent le plus souvent sans lien, et dont l'aspect entrecoupécorrespond bien à la période troublée qui les a vus naître et à lanature passionnée du prophète qui les a prononcés. Les invectives lesplus sévères voisinent avec les effusions les plus tendres. Et lesefforts tentés pour retrouver dans ce chaos un plan n'ont abouti qu'àdes résultats tout à fait décevants. Le plus probable est qu'à uneexception près, les oracles nous sont donnés dans leur ordrechronologique, tels qu'ils sont sortis, tout brûlants, de l'âme duprophète. --Le texte de ces chap, est extrêmement difficile à interpréter.D'une part il est rempli d'allusions à des faits que nous neconnaissons pas et de jeux de mots intraduisibles; et d'autre part ilest matériellement en très mauvais état: les fautes de copie,peut-être aussi les gloses interprétatives, y sont nombreuses; latraduction des LXX, mauvaise elle-même, est d'un secours médiocre, etles tentatives de correction des exégètes n'aboutissent pas toujoursà des résultats satisfaisants. En plusieurs endroits, il fautsimplement renoncer à comprendre.--D'une façon générale, leshistoriens sont d'accord pour éliminer comme postérieures la plupartdes mentions de Juda qui parsèment le livre.(Os 4:15 5:5,10,12,13,14 6:4,11 8:14 10:11 12:1-3) Ces mentions donnent presque toujours l'impression de survenirartificiellement, et elles étonnent dans une prédication entièrementconsacrée à agir sur l'Israël du Nord. Il est donc naturel d'y voirdes adjonctions dues à un annotateur judéen postérieur, désireuxd'annexer en quelque sorte Osée à son pays. Cet annotateur (qui étaitpeut-être plusieurs) paraît avoir quelquefois ajouté des phrasesentières, quelquefois substitué simplement le mot de Juda à celuid'Israël. --Les chercheurs sont moins unanimes au sujet des fragmentscontenant des promesses, c'est-à-dire essentiellement les chap,11 et 14. K. Marti et Cheyne, notamment, nient l'authenticité de cespassages qu'ils estiment impossibles à concilier avec les autresprophéties, toutes plus menaçantes les unes que les autres, d'Osée.Mais une telle logique paraît trop rigoureuse, et pas assez conformeà la réalité psychologique. D'une même âme, lorsqu'elle estpassionnée comme celle d' Osée surtout, peuvent bien jaillirsuccessivement les accents de l'indignation qui condamne et ceux dela tendresse qui espère. Des contrastes analogues se rencontrent chezJérémie, dans l'épître aux Philippiens, dans l'Évangile lui-même.Selon ses dispositions intérieures du moment, selon les réactions deses auditeurs, un prophète peut fort bien jeter à certains moments lefeu et la flamme de la condamnation, et d'autres fois essayerd'obtenir la conversion de ses auditeurs par une prédication d'amour.Et par suite il n'y a pas lieu, sous prétexte qu'elles ne rendent pasle même son que les autres, de rejeter les paroles dites depromesses. Il convient seulement d'admettre que l'oracleeschatologique du chap. 14 n'est probablement pas à sa placechronologique. Il doit dater d'une période où la situation étaitmoins grave que celle supposée par le chap. 13. On l'aura mis à lafin du livre pour que celui-ci, conformément à la règle générale, setermine sur une note d'espérance. 4. Le message d'Osée. On a dit souvent que, par opposition avec Amos, le prédicateur de lajustice de Dieu, Osée était le chantre de l'amour divin. Cetteaffirmation est exacte, à condition toutefois de ne pas envisagerl'amour divin sous le seul angle de la compassion, de l'indulgence etde la tendresse. Car le livre d' Osée fait entendre, dans la bouche del'Éternel, des grondements d'indignation, des condamnationsimpitoyables, qui égalent et peut-être même dépassent tout ce qu'a puexprimer Amos. Osée croit de toutes ses forces à l'amour de Dieu, maiscomme il voit le plus souvent cet amour bafoué par les infidélités dupeuple, il en résulte chez lui des explosions de colère quin'effacent pas, mais parfois tendent à submerger les déclarationsplus tendres. «L'amour de Dieu est une chose terrible.» Ces mots d'unde ses meilleurs commentateurs, G.A. Smith, rendent bien l'impressionque donne la lecture du livre d'Osée. On pourrait aussi parler, iciplus que partout ailleurs, de la sainte jalousie (voir ce mot, parag.II) de Dieu à l'égard de sa créature. L'Eternel souffre et condamne parce qu'il aime. --Ce message de l'amour divin indigné et souffrant étaitpsychologiquement nécessaire au moment où il a retenti. Il fallait eneffet que la prédication austère du Dieu juste apportée par Amos fûtcomplétée. Mais comment eût-elle pu l'être sans danger si l'amour deDieu avait été prêché uniquement sous sa forme indulgente et tendre?Israël eût alors été ramené à sa conception ancienne d'un Dieu facileet toujours bienveillant pour son peuple. Au lieu qu'en entendantOsée, il apprend à connaître le véritable caractère de Dieu qui aimeson peuple d'une manière inouïe, mais qui, précisément à cause decela, exige de lui fidélité, ou du moins repentance sincère.--Pourexprimer les droits que l'amour de Dieu a sur Israël, Osée emploiediverses images, celle de la relation du père vis-à-vis de sonfils (Os 11:1-4), celle du Créateur (Os 8:14), celle del'Alliance (Os 6:7, cf. Os 8:1-12). Mais la parabole àlaquelle il a recours le plus souvent, non seulement dans les chap.1-3, mais aussi dans le reste du livre, c'est celle du mariage, del'union conjugale qui unit deux êtres par le tréfonds de leurpersonne, et dont toute violation est un crime. Dieu est l'époux d'Israël, et par conséquent toute infidélité àDieu est un adultère, une prostitution. Inlassablement Osée revient surcette pensée, interprétant à sa lumière le passé et le présent de lanation. Prostitution, l'adhésion au culte des Baals consentie par lesHébreux arrivant en Palestine sous le prétexte que c'était des Baalsque venaient «le blé, le moût et l'huile» (Os 4:7).Prostitution, l'actuel culte des hauts-lieux (Os 4:13).Prostitution, l'adoration des idoles (Os 4 17 8:4 10:5 11:2)Prostitution, la mauvaise conduite et les paroles mensongères (Os7:13). Maintes fois d'ailleurs la dénonciation de cette prostitutionsymbolique se mue en indignation contre la prostitution réelle quiétait pratiquée jusque dans les lieux de culte et qui paraît à cetteépoque avoir une grande extension parmi le peuple (Os 4:12-14;[cf. le passage si profond où Osée montre les effets stérilisants del'inconduite dans la vie des individus et de la nation, Os9:10-14]). Ajoutons à tout cela la polémique ardente contre les alliances étrangères, considérées, elles aussi, comme une graveinfidélité à l'Éternel (Os 5:13 7:11 8:9 10:4,6 12:2 14:3), etles attaques lancées contre la royauté débauchée et impie, qui aété établie sans le consentement de Yahvé et qui usurpe sa place(Os 7:3-7 8:4 13:10; [cf. aussi Os 9:9 10:9, si du moins,comme certains le pensent, l'expression: jour de Guibéa, se rapporteà la fondation de la royauté; d'autres voient là plutôt une allusionau scandale de Jug 20:13 et suivants. M. Humbert, avec les LXX,fait de Guibéa un nom commun: les collines; nous aurions alors iciune allusion au culte des hauts-lieux]). Mentionnons encore les invectives contre les prêtres infidèles à leur mission et avides (Os 4:1,10 6:9), cellescontre les prophètes trompeurs également (Os 4:5), et nousaurons une idée des principaux sujets d'indignation d'Osée. Toutesces infidélités méritent un châtiment. Et la parole du prophète netarit pas quand elle décrit les catastrophes que le péché du peupleattirera sur lui. Le lion qui déchire (Os 5:14), l'aigle quifond sur sa proie (Os 8:1), la tempête qui dévaste (Os8:7), le filet de l'oiseleur (Os 9:8), la plante vénéneuse dansle sillon des champs (Os 10:4), le dur travail du labour (Os10:11), les attaques de la panthère et de l'ourse (Os 13:7 etsuivant), le vent d'orient qui dessèche (Os 13:15), la carie etla teigne qui rongent (Os 5:13), autant d'images qui lui serventà décrire la calamité qui, voulue de Dieu, va frapper l'Israëlinfidèle. N'y a-t-il donc aucune espérance? S'il n'y en avait aucune,l'Éternel ne serait pas un Dieu d'amour. A côté de l'indignationhabite en lui une infinie tendresse pour le peuple qui est le sien.Et les plus beaux passages d' Osée sont ceux où il décrit, dans lepassé et dans le présent, cette affection impénitente de Yahvé pourIsraël. Comme un père, Yahvé a aimé son peuple au temps de sajeunesse (Os 11:1), il a guidé ses premiers paschancelants (Os 11:3). Comme un cultivateur qui use envers sesbêtes de tendres ménagements, Yahvé a aidé Israël dans les passagesdifficiles, il a relâché le joug qui lui faisait mal, il l'aabondamment nourri (Os 11:4). Maintenant encore, lesépouvantables iniquités du peuple ne parviennent pas à empêcher leDieu qui aime de sentir passer en lui les vagues de l'amour qui veutpardonner: «Mon coeur s'agite au dedans de moi; toutes mescompassions sont émues. Non, je n'agirai pas selon mon ardentecolère. Car je suis Dieu, et non pas homme...» (Os 11:9). --Seulement, pour que la délivrance désirée par Dieu se produise,il faut que certaines conditions soient, par le peuple, réalisées.Profondément imbu des principes qui sont la gloire du prophétismehébreu, Osée ne saurait laisser croire que Dieu puisse pardonner sansque le pécheur «revienne». A de certains moments, ce retour d'Israëlapparaît, chez notre prophète, comme conditionné par un nouveauséjour au désert (Os 2:9 3:3 12:10), et dans cette idée semanifeste la nostalgie des Israélites pieux pour lesquels le passé separtage en deux périodes, celle de Moïse, des tentes, des troupeauxet du culte sans cérémonial, qui est l'âge d'or de la foi; et cellede la vie en Canaan, avec «le vin, le moût et l'huile» mais aussiavec les Baals, avec les sacrifices païens, avec les idoles. Osée semontre ici le frère spirituel des Naziréens et des Récabites, cesprotestataires de l'idéal nomade, qui eurent sans aucun doute unegrande influence pour le maintien de la foi yahviste. Mais il suit aussi parfois une ligne moins archaïque. Il formuledes exigences d'ordre moral qui s'apparentent avec celles d'Amos, etque reprendront les prophètes postérieurs: «Semez la justice,moissonnez la miséricorde; défrichez-vous un champ nouveau!» (Os10:12, cf. Jer 4:3). Il donne, de la repentance qui devraitêtre celle du peuple, une description à la fois très actuelle deforme et éternelle d'inspiration: «Israël, reviens à l'Éternel tonDieu...Apportez avec vous des paroles et revenez à l'Éternel. Dites:Pardonne-nous nos iniquités. Nous t'offrirons l'hommage de noslèvres. L'Assyrien et la cavalerie de l'Egypte ne seront plus nossauveurs. Et nous ne dirons plus à l'ouvrage de nos mains: NotreDieu!» (Os 14:1,3). Enfin, sous-jacente à toute la prédicationd' Osée se trouve l'invitation pressante et mille fois répétée à connaître l'Éternel (Os 4:1,6 5:4 2:10-23 11:3 6:6 8:2).Cette connaissance n'est pas conçue uniquement comme quelque chosed'intellectuel; c'est un attachement à l'Éternel, une intimité aveclui semblable à celle de l'amour conjugal, une obéissance à savolonté, une vie selon son esprit. Car «Yahvé aime la piété et nonles sacrifices, la connaissance de Dieu plus que lesholocaustes» (Os 6:6). Malheureusement le peuple n'a pas cetteconnaissance. Malgré ses prétentions et ses bons mouvements passagers,(Os 8:2) il ne sert pas Dieu de cette manière. Quand, sous lecoup du malheur, il fait mine de revenir à l'Eternel, c'est unerepentance superficielle qui se dissipe comme la rosée (Os6:1,6). Et c'est pour cela que les menaces de mort se multiplient àl'horizon et que la destruction semble désormais inévitable. «Lesrachèterai-je du séjour des morts; les délivrerai-je de la mort? Omort, où est ta peste? O séjour des morts, où est ta destruction?Plus de compassion!» (Os 13:14: c'est le passage cité, avec unsens tout à fait différent d'ailleurs, par saint Paul dans 1Co15:55). Toutes les données psychologiques et religieuses de la parabolede l'enfant prodigue se trouvent donc dans le message d'Osée. Mais onsent qu'à de certains moments il ne croît plus au retour possible,non pas par la faute du Père, mais par celle de l'absent. De là leson sauvage que rendent certaines pages de son livre. Il restecependant que, sous une forme abrupte, ce livre est le premier quiait révélé au monde la véritable réalité de l'Amour de Dieu. Dansl'activité de Jérémie, dans les évangiles, dans la 1 re ép. de Jean,retentiront des échos de cette parole et de cette expérience. Et Paulexprimera la pensée profonde de son lointain prédécesseur lorsqu'ilécrira dans son épître aux Romains: «Ne_sais-tu pas que c'est labonté de Dieu qui t'appelle à la repentance?» (Ro 2:4). A. AL