OREILLE

I Sens propre. Nombreuses sont dans la Bible les mentions de l'organe de l'ouïe(Ps 94:9,Pr 20:12, Sir 17:6 38:28, 1Co 12:16 etc.).Les Israélites hommes ou femmes peuvent porter des anneaux ou bouclesd'oreilles (Ge 35:4,Ex 32:2 et suivant, Eze 16:12;voirOrnements).Dans certains rites on marquait de sang ou d'huile le lobe del'oreille droite, le pouce et l'orteil droits (Ex 29:20,etc.;voir Pouce). L'esclave qui renonçait à sa liberté avaitl'oreille poinçonnée par son maître (Ex 21:6,De 15:17;voirEsclave).L'antiquité pratiquait sur les vaincus ou les coupables le supplicede l'essorillement (Eze 23:25); d'après Hérodote, Cambyse avaitfait couper les oreilles à tous les mages de son empire. On sait quel'apôtre Pierre, voulant défendre son Maître en Gethsémané, tranched'un coup d'épée l'oreille d'un serviteur, blessure que Jésusguérit (Mr 14:47 et parallèle ;voir Malchus), «Les oreilles dessourds sont ouvertes»: (Esa 35:5,Mr 7:35) c'est une périphrasedésignant leur guérison.Aussi claires sont quelques expressions courantes: dire à l'oreille,c-à-d, en secret (Mt 10:27,Lu 12:3), des oreilles qui tintentaux mauvaises nouvelles (1Sa 3:11,2Ro 21:12,Jer 19:3, cf. Job15:21,Mic 7:16); et la comparaison pittoresque: «saisir un chienpar les oreilles» (Pr 26:17), pour indiquer que l'on s'est mispar imprudence dans un grand embarras, équivaut exactement à laproverbiale locution latine tenere luputn auribus (=tenir un louppar les oreilles).Dans Am 3:12 le prophète, annonçant qu' «il ne restera d'Israëlque des débris informes», les compare aux pattes et au bout d'oreilleque le berger réussit à grand'peine à arracher de la gueule du lion,«pièces à conviction qu'il rapporte au maître du troupeau pour luifaire constater le rapt d'une pièce de bétail par les fauves» (Ex22:13,Ge 31:39) (Bbl. Cent.). Plusieurs des passages quidéveloppent les ridicules des idoles font remarquer qu'elles ont desoreilles mais n'entendent point (Ps 115:6 135:17, Sag 15:15).II Sens figuré. 1. L'HOMME.L'organe de l'ouïe étant l'intermédiaire par où la parole porteuse depensée se communique à la pensée d'autrui, les oreilles représententsouvent l'accès à la personnalité du prochain: c'est à elles qu'estfaite une demande (Ge 44:18), qu'est proclamée la loi (De5:1 31:28 etc.).Une expression très fréquente, généralement appliquée à l'action deDieu, est: ouvrir, ou découvrir, l'oreille (Job 33:16 36:10,etc.), dans le sens de faire connaître, apprendre aux hommes; presquetoujours elle est remplacée dans nos versions par des équivalents:révéler, informer (1Sa 9:15 20:2,12 etc.). Dans Ps 40:7,la traduction: «tu m'as ouvert les oreilles» (Sg.), qu'on interprète:«tu m'as donné des oreilles attentives [à ta parole]» (Vers. Syn.),n'est pas sûre; le verbe signifie plutôt creuser, et la traduction:«tu m'as percé les oreilles» (Ost., Mart.), expliquée par lepoinçonnement de l'oreille de l'esclave (Ex 21:6), paraît peunaturelle; l'obscurité de ces mots, qui semblent d'ailleursinterrompre le verset, a été sentie déjà par les auteurs desLXX et dela Vulgate, qui ont: «tu m'as façonné un corps» (traduction suiviedans la citation de Heb 10:5).Par contre, dans Esa 50:4 et suivant le sens n'est pasdouteux: l'Éternel m'a ouvert l'oreille pour me disposer à l'écouteren disciple. A l'inverse, Dieu peut aussi dans certains cas endurcirles oreilles (Esa 6:10) des mauvais auditeurs, ce qui nous amèneaux expressions les plus fréquentes et les plus importantes à releverici. En effet, les oreilles étant l'organe destiné à entendre,(De 29:4,1Sa 15:14 etc.) elles sont souvent personnifiées commereprésentant celui-là même qui entend (Job 42:5,Esa 30:21,Mt13:16), qui comprend et qui juge (Job 12:11 13:1 34:3). Leurfaçon d'entendre, et par conséquent d'écouter, manifeste ladisposition plus ou moins marquée à tenir compte de ce qui est dit,donc d'exaucer et d'obéir. On incline l'oreille pour accueillir favorablement unerequête (Ps 17:6 31:3), pour marquer sa sympathie (Sir4:8), pour recueillir des leçons (Sir 51:16). D'oùl'appel que reçoivent souvent les auditeurs à prêterl'oreille (Job 13:17,Pr 2:2 22:17, Sir 33:18 etc.), c-à-d,à faire attention; à avoir des oreilles attentives (Esa 32:3,Pr25:12, Sir 3:29,Bar 2:31 etc.), ce qui signifievolontairement tendues. Même, les oreilles des sages recherchent laconnaissance (Pr 18:15,Ec 1:8). Il faut ouvrir l'oreille à la réprimande (Pr 15:31), lafermer aux propos sanguinaires (Esa 33:15), tandis que c'est unpéché de la fermer aux cris du malheureux (Pr 21:13) ou à lavoix de Dieu (Ps 58:5); ce dernier texte décrit le méchant enune image fort expressive: «quand le charmeur n'empêchait pas leserpent de mordre, (cf. Jer 8:17,Eccl,10:11, Sir 12:13) ildisait que l'animal était sourd ou avait fermé l'oreille; laressemblance des méchants avec une vipère sourde [Vers. Syn.: aspicsourd], c'est qu'il n'existe aucun moyen de les empêcher de nuire:Dieu lui-même leur laisse le champ libre» (Bbl. Cent.). Même attitude de résistance quand on détourne son oreille de laloi (Pr 28:9), quand on se bouche les oreilles (Za7:11, Sir 27:14, Ac 7:57), quand on fait la sourdeoreille (Ac 28:27, trad. Stapfer). Parmi les paroles attribuéesà Jésus dans les papyrus d'Oxyrhynchus découverts en 1896 (voirAgrapha), se trouve celle-ci: «Tu entends d'une oreille; mais tu asfermé l'autre.» C'est l'oreille ainsi devenue intentionnellementsourde que les Israélites qualifiaient parfois d'incirconcise (Jer6:10,Ac 7:51;voir Circoncision). C'est donc en définitive d'une véritable attitude spirituelle quel'oreille corporelle peut être l'emblème. Deux passages sontcaractéristiques à cet égard: La déclaration pessimiste du prophèteÉsaïe: (Esa 6:9) ayant le coeur endurci, le peuple a lesoreilles dures et les yeux bouchés, il a des yeux et ne voit point,des oreilles et n'entend point, etc.; thème souvent traité par lesprophètes (Jer 5:21,Eze 12:2,Esa 43:8) et que les apôtresreprendront (Ac 28:26 et suivant, Ro 11:8). La déclaration du Seigneur à propos desparaboles, qu'il rattache précisément à cette parole d'Ésaïe: «Jeleur parle en paraboles parce qu'en voyant ils ne voient point,etc.» (Mt 13:13,15). Il s'agit de «faire connaître à ceux à quicela est donné les mystères du Royaume de Dieu» (Mt 13:11, cf.Mr 4:11,Lu 8:10), c-à-d, des vérités divines non pointnécessairement inaccessibles en elles-mêmes, mais hors de la portéede l'homme qui n'en a pas reçu la révélation d'En-haut; l'âme qui areçu cette révélation peut en reconnaître et apprécier la valeur dansla mesure même où elle se conforme à la volonté de Dieu; (cf. Jn7:17) c'est cette faculté divinement inspirée de discerner sa voixet de vibrer harmoniquement avec elle qui constitue comme un senssurnaturel, sorte d'oreille ou d'ouïe spirituelle.Telle est la signification profonde du solennel avertissementplusieurs fois répété par le Maître: «Que celui qui a des oreillespour entendre, entende!» (Mr 4:9-23 parallèle Mt13:9,43 parallèle Lu 8:8,Mt 11:15,Lu 14:35, cf. Ap2:7,11,17 etc.). 2. DIEU.Le langage religieux toujours anthropomorphique des Israélites nepouvait pas manquer d'attribuer à Dieu les oreilles attentives dujuge prêt à écouter, du roi ou du père prêt à exaucer.L'A.T, parle fréquemment de l'oreille de Jéhovah (No 11:18,2Ro19:28,Esa 59:1,Eze 8:18,Ps 18:7, cf. Jas 5:4 etc.); dans Sag1:10 elle est appelée jalouse, en ce sens que rien n'échappe au Dieujaloux, c-à-d, exclusif (voir Jalousie). Et les croyants luiadressent leurs prières émues en termes simplement humains: Ne fermepas l'oreille! (La 3:56) Prête l'oreille! (Ps 86:1 88:3,Da9:18) Incline ton oreille! (Esa 37:17,Ps 17:6, Bar 2:16)Jn L.