NOM

I Valeur accordée au nom. Chez les peuples bibliques comme dans toute l'antiquité et surtout enOrient, les noms étaient revêtus d'une importance considérable, nomsd'endroits et parfois d'objets aussi bien que de personnes ou dedivinités. A cet égard, la mentalité primitive ressemble à lamentalité enfantine: «Pour les enfants, le nom fait partie del'essence des choses...; il est dans l'objet, non à titre d'étiquettecollée contre l'objet, mais à titre de caractère invisible» (J.Piaget). Ainsi, pour le non-civilisé, «il y a une relation intimeentre le nom et la chose nommée: le nom révèle la chose,» au pointque «posséder le nom d'un objet, c'est être, croient nombre d'hommes,en état d'agir sur lui et par lui» (R. Allier). Sur le problème del'origine des noms, il y a un essai d'explication étiologique dans lerécit jéhoviste de la création, à propos des animaux, nommés parl'homme à la vue de chacun d'eux (Ge 2:19 et suivant), commedans les nombreuses interprétations étymologiques des noms propres(voir parag. III). Quelle que soit d'ailleurs son origine, le nom esttenu pour constitutif de la personnalité, et celle-ci tombe sousl'influence de qui le connaît; d'où les précautions prises par lessauvages pour éviter de livrer leur vrai nom, jusqu'à se faireappeler d'un nom fictif. Le terme hébreu lui-même (chèm, plur, chemôth) peutdésigner, sous la forme «noms», des personnes connues par leurs noms(Vers. Syn., nominativement: No 1:2 18 20 3:40 etc.). Le N.T.emploie dans le même sens le grec onoma (Ac 1:15,Ap 3:411:13), usage qui se retrouve dans divers papyrus des premierssiècles. Les «noms inscrits dans les cieux» (Lu 10:20, Phi 4:3;voirLivre) représentent les élus eux-mêmes; ceux qui procurent la paixseront appelés fils deDieu (Mt 5:9), parce qu'ils seront fils de Dieu, leur nouveau nom exprimant leur natureprofonde, conforme à celle de Dieu; (cf. Mt 5:45,Lu 20:36) lapersécution rejettera le nom des fidèles comme infâme (Lu 6:22),parce qu'elle tiendra leur fidélité même pour une infamie. Le nom d'un individu évoque avec sa personne tous les attributsplus ou moins indéfinissables qui la constituent; un exemple extrêmese trouve dans les hyperboles poétiques du Cantique: (Ca 1:3)«Ton nom même exhale comme un parfum», déclaration amenée par jeu demots grâce à la ressemblance de chemanèka (=tes parfums) avec chemèka (ton nom). Le nom que l'on acquiert et qui devient célèbre (1Sa 18:30)est le renom (2Sa 8:13), la réputation (Ne 6:13), lagloire (Eze 39:13); il est souvent attribué à JVHH (Jer32:20,Esa 63:12,14,Da 9:15 etc.); mais les gens de rien sont une«race sans nom» (Job 30:8). Le nom est un souvenir qu'on laisseaprès soi, un monument au sens étymologique de ce mot (Esa 55:1356:5), ou bien au contraire qui périt oublié (Ps 41:6, Sag2:4). Le nom d'un homme après sa mort est conservé par ses fils et safamille (De 25:6 et suivant, Ru 4:5-10,2Sa 18:18), etdétruire sa postérité c'est exterminer son nom (1Sa 24:22,2Sa14:7,Job 18:17,Pr 10:7). Il en est de même pour les rois et lespeuples (De 7:2 Esa 14:22 etc.), d'où le programme desconstructeurs de Babel: «se faire un nom» (Ge 11:4); en effet,«des enfants et la fondation d'une ville perpétuent lenom» (Sir 40:19). Aussi, nombre de familles, tribus etnations se réclament-elles d'un héros éponyme, c'est-à-dire dontelles ont reçu le nom: enfants d'Israël, d'Édom, de Moab, etc.; lenom de l'ancêtre est fréquemment employé pour désigner lescollectivités: Israël =les Israélites, Édom =les Édomites, Moab =les Moabites (Esa 11:14-16 etc.). Dans la Table des Peuples(voir art.) de Ge 10, ceux-ci sont ainsi désignés par l'ancêtrepatronymique, sauf aux verset 1318 où sont nommés au pluriel lesmembres eux-mêmes de certains peuples: les Ludim, les Amoréens, lesCananéens, etc. Ailleurs, les fils d'Ismaël apparaissent à la foiscomme individus et comme tribus: princes et chefs de clans (Ge25:16); et il arrive souvent que dans les listes généalogiques,notamment celles de 1Ch 1-9, les noms de personnes correspondentà des noms de lieux et inversement: Éphrata, père de Bethléhem;Aschur, père de Thékoa (1Ch 4:4-5 etc.). Vu l'importance ainsi attribuée aux noms en Orient, il n'est pasétonnant que les expressions courantes en Occident pour opposer levide d'un nom à la réalité, ou pour dénoncer une vertu qui ne l'est«que de nom» n'apparaissent pour ainsi dire pas dans la Bible. (cf. Sir 37:1) C'est un juge romain qui méprise les «noms»,comme les doctrines et la loi juives (Ac 18:15). Noter enfin leterrible verdict: «Tu as le nom [=la réputation] de vivre, maistu es mort» (Ap 3:1).II Noms divins. 1. Les divers noms propres donnés à Dieu dans les Écritures, et lesétapes qu'ils représentent au cours de Sa révélation, sont étudiésdans l'article Dieu [les noms de]. On y voit Sa personne souveraineet rédemptrice se dégager progressivement, à la vue de sesadorateurs, du nominalisme matérialiste des cultes primitifs jusqu'auspiritualisme le plus absolu. L'homme primitif, en effet, suivant lemême raisonnement pour ses dieux que pour ses semblables, s'efforçaitde connaître et de prononcer fort exactement les noms des divinitésqu'il voulait se rendre favorables (notnina numina =les nomssont des dieux): «l'énoncé de ce vocable (divin) avait, d'après lamentalité antique, le pouvoir de le faire venir» (Lods). Cettegrossière conception magique s'épura dans la religion d'Israël, qui,même lorsque l'adorateur «crie à JVHH», n'admet pas que cet appelnominal puisse faire pression sur le Dieu tout-puissant; le langagebiblique a pu conserver quelques traces de l'antique notion d'uneinfluence inhérente au nom (cf. Ge 32:29,Jug 13:17 et suivant,Mr 5:9), mais au lieu du pouvoir du nom sur le Dieu qu'on nomme,l'Ecriture proclame toujours le pouvoir personnel et libre, absolu,de Dieu lui-même: Son nom, c'est Sa nature; et puisque Sa nature estSa toute-puissance, Son nom c'est Sa puissance agissante, en train des'exercer. Cette équivalence ressort d'innombrables parallélismeshébreux (Ps 54:3,Pr 18:10,No 6:27,Esa 30:27 etc.) et plusencore de révélations caractéristiques comme celle du nom de JVHH àMoïse (voir Dieu [les noms de], t. I,-p. 295), du troisièmecommandement du Décalogue (voir ce mot, t. I, p. 275), de la prièresacerdotale (voir art., parag. II). On sait que plus tard, par unexcès inverse, les Juifs évitaient même de proférer, pour ne pas leprofaner, le nom sacré;d'où l'expression: «le Nom», remplaçant JVHHdans l'hébreu de Le 24:11 (où les rabbins ont même changé leverbe qâbab-- blasphémer, en nâqab =prononcer, afin dejustifier l'abstention juive du nom sacré), et encore dans Sir 23:10 (cf. Sag 14:21: «le nom qui n'appartient qu'à un seul»).La locution «le nom de sa sainteté» (en franc., «son saint nom») estun hébraïsme pour désigner l'Éternel en mettant l'accent sur cetattribut de Sa sainteté (Eze 36:22,Ps 103:1,Le 20:3, Sir17:10 etc.). 2. La révélation progressive de Dieu à l'homme se complète dans celle deJésus-Christ; et les divers noms que lui donnent les livres saintssuivent le développement de l'incarnation et de la rédemption (voirJésus-Christ [noms et titres de], Emmanuel, etc). D'autre part,l'assimilation courante en Israël du nom et de la personne seretrouve fréquemment appliquée à Jésus; elle était d'ailleurs passéeaussi, en diverses formules, dans la langue commune de l'empireromain. Comme le nom d'un individu, avons-nous dit (parag. I), évoquesa personnalité totale, dans son rayonnement extérieur aussi bien quedans sa nature profonde, le nom de Jésus c'est, avec sa personnemême, son autorité, sa cause, son oeuvre, sa dignité (Mt 10:22,Ac5:41 8:12 15:26 3Jn 1:7,Ap 2:13 3:8 etc.). L'expression grecque eïs to onoma =en son nom (avec indication d'une tendance: vers son nom), se lit dans des inscriptions du I er siècle av.J.-C, par ex. la mention d'objets vendus à un acheteur «pour le nomdu dieu Zeus»: l'acheteur n'est ici que «le fidéi-commissaire dudomaine sacré» (Waddington, Inscr, grec et latin, Paris 1870); demême qu'acheter un article au nom de Zeus c'est l'acheter pour qu'ilappartienne à Zeus, de même être «baptisé dans le nom du Père,etc.» (Mt 28:19), ou «croire dans le nom du Seigneur» (Jn1:12 2:23 3:18), c'est affirmer par son baptême ou par sa foi quel'on se livre en la possession même du Père, du Seigneur (Deissmann, BS, pp. 143SS; NBS, p. 25). «Croire au nom de son FilsJésus-Christ» (1Jn 3:23), c'est se donner à la personne filialeet rédemptrice que nous révèle l'Évangile. Quant à l'expression èntô onomati...--au nom de, si fréquente dans le N.T (Mr 9:38 Mt7:22,Lu 10:17 Ac 4:18 10:48,1Co 5:4 6:11,Eph 5:20 etc.). et devenuecourante dans toutes les langues modernes mais inconnue au grecclassique, on en a trouvé une analogue dans le serment de loyalismejuré à Caligula par les habitants d'Assos près Troas et signé parcinq anciens qui, «après avoir prié pour le salut de l'empereur,célébrèrent un sacrifice au nom de la cité » (simple datif: tôtes poleôs onomati ; même construction que dans Jas 5:10). D'où la valeur absolue pour l'Église chrétienne du «nom» de Jésusle Sauveur--toute-puissance pour le salut du monde--proclamée en desdéclarations apostoliques concordantes et fondamentales. (lire Ac4:12,Php 2:9,Heb 1:4,1Jn 5:13) A ce nom «éminent», «au-dessus detout nom», s'opposèrent bientôt les autorités du monde, juives etromaines, les «noms blasphématoires» du paganisme oppresseur: (Ap13:1 17:5) comme les Juifs du temps des Macchabées avaient subi lespersécutions déchaînées contre le «nom» de JVHH (2Ma 8:4,etc.), de même mais sous une tout autre inspiration, celle du Christen personne, les chrétiens souffrirent et moururent pour ce nom; (cf.Ac 9:16 21:13,1Pi 4:14,Ap 2:3-13 3:8) et le «nom caché» réservéaux fidèles représente, comme celui qui sera gravé sur les fronts desrachetés, leur appartenance définitive, éternelle, au Dieu deJésus-Christ (Ap 2:17 3:5 14:1 19:12 22:4).III Noms de personnes. 1. LEUR ATTRIBUTION.Il semble qu'à l'origine le nom des enfants fût choisi par lamère (Ge 4:1-25 29:32 30:6 et suivants, etc.) plus souvent quepar le père (Ge 4:26 35:18). Plus tard ce dernier cas devientplus fréquent (Ex 2:22,2Sa 12:24,Os 1:4 et suivant, etc.). Onvoit même intervenir les voisines (Ru 4:17). D'après diverssavants, le nom de l'enfant était primitivement conçu comme devantécarter de lui les influences mauvaises. «Pour l'ancien Hébreu le nomest tout autre chose qu'une résonance. Le nom manifeste la naturemême de celui qui le porte; il n'est nullement indifférent qu'il enporte un quelconque...L'appel de ce nom, aussi bien que tout motprononcé, agit aussitôt extérieurement comme une force absolumentréelle, matérielle, qui met en oeuvre son potentiel...Il ne convientdonc pas de recevoir un nom qui annonce le malheur. Si Rachelmourante appelle Benoni (=enfant de ma douleur) l'enfant dont lanaissance lui coûte la vie, le père change ce nom en celui deBenjamin (=enfant de la droite, côté qui apporte le bonheur). Toutnom doit donc avoir, le plus possible, le son d'un euphémisme...Dansd'autres cas, le choix d'un nom aussi antipathique que possible, outrompeur, peut avoir eu primitivement pour but d'écarter des êtresredoutés et malfaisants» (Bertholet, Hist. Civ. Isr., p. 182s). Toujours à cause de cette importance accordée aux noms, leursexplications étymologiques (1nterprétations populaires, suivant lesassonances plutôt que les règles linguistiques, et parfoisdifférentes selon les sources) jouent dans l'A.T, un rôle surprenantpour de modernes Occidentaux. Leur grand nombre dénote unepréoccupation habituelle, tantôt allusion aux circonstances, tantôtinvocation religieuse ou programme de vie, image plus ou moinsinspiratrice: Caïn =l'acquisition (Ge 4:1), Noé =repos (Ge5:29), Isaac =[l'enfant du] rire (Ge 17 17 18:13), Jacob =[l'homme du] talon (âkeb) et Esaü =le velu (Ge 25:25 etsuivant); Samuel =exaucement de Dieu (1Sa 1:20), etc. Plus d'unefois de telles étymologies ne furent que des tentatives pourexpliquer par l'hébreu des noms venus de langues étrangères: le casle plus typique est sans doute celui du nom de Moïse, certainementd'origine égyptienne malgré l'interprétation traditionnelle: (Ex2:10) sauvé des eaux (voir Moïse, I, 2, et II). A l'époque de Jésus il sera devenu assez coutumier de perpétuerles mêmes noms dans une famille; (cf. Lu 1:59 et suivants) cettehabitude, que devaient observer en particulier bien des générationsde rabbins, semble remonter au IV e siècle environ. Chaque individune portait donc qu'un seul nom. Les exemples de surnoms s'expliquent par une occasion exceptionnelle, généralement unchangement de vie, où le nouveau nom est décerné par une autoritésupérieure; ce nom nouveau peut être en rapport, mais aussi sansrapport, avec l'ancien: Dieu change Abram en Abraham (Ge 17:5),Saraï en Sara (Ge 17:15), Jacob en Israël (Ge 32:28), lePharaon change Joseph en Tsaphnath-Panéach (Ge 41:45), leministre babylonien change les noms de Daniel et de ses compagnons,qui tous contenaient celui de leur Dieu, en des noms religieux deBabylone (Da 1:6 et suivant); Jésus change Simon enCéphas (Mr 3:16). Certains personnages paraissent avoir deuxnoms interchangeables: Lévi et Matthieu, Nathanaël et Barthélemy,Jean et Marc. Ou bien, deux noms sont équivalents par traduction dansune autre langue: Josué se grécise en Jason et Jésus, Siméon enSimon, Céphas se traduit par Pierre. D'autres noms sontcomplémentaires, suivant les milieux où l'on s'en sert: l'hébreu Saulet le grec Paul, les formes Silas et Silvain, etc. Enfin certainssurnoms sont destinés à distinguer un personnage des autres porteursd'un même nom répandu: Judas. Macchabée, Judas l'Iscariote (cf. Jn13:26 14:22), Thomas appelé Didyme c-à-d. Jumeau (Jn20:24), etc. (voir art. à tous ces noms). De bonne heure on avaitété amené à distinguer aussi les individus par l'addition du nom deleur père: Josué fils de Nun (No 26:65), Judas fils de SimonIscariote (Jn 6:71), etc.; parfois aussi par leur lieud'origine (2Sa 23:24 et suivants), ce qui nous ramène àl'observation du parag. I sur l'équivalence de tels noms de lieuxavec tels noms de personnages, ou tels patronymes, ou tels ancêtreséponymes de familles, clans ou nations. 2. LEUR COMPOSITION.Aux temps anciens, les noms propres hébreux sont des appellatifscourants: Adam =homme, Laban =blanc, Rachel =brebis, Tamar =palmier, Débora =abeille (pour les noms d'animaux devenus noms depersonnes,voir Animal). Les formes agglutinantes de l'hébreupermettaient de concentrer en un mot bref les allusions les plusdiverses: Ruben =voyez un fils, Jédida =bien-aimée, Réhum =pris enpitié, Baruc =béni, Naomi =mon délice; Salomon, de la racinesignifiant «paix», etc. Mais le plus grand nombre des noms propres del'A.T, sont des mots composés, voire des phrases complètes, dont laplupart «théophores», c-à-d, renfermant une appellation de Dieu,surtout El =Dieu, ou Jah =JVHH, ou sa désignation par une procheparenté: frère, père, oncle, roi, maître, etc., ou une allusionclaire dans le sujet sous-entendu d'un verbe à la 3° personne: Joseph=[II] a ôté, ou augmenté, Nathan =[II] a donné (abrév, de Jonathan=JVHH a donné, ou de Nathanaël =El a donné); Abiel =Dieu est père,Abija =JVHH est père, Abitub =[Dieu] le père est bon, Eliam =Dieuest oncle (nom retourné en Ammiel), Élimélec =mon Dieu est roi,Malchija =JVHH est mon roi, Adonija =JVHH est maître, Ézéchiel =Dieu est fort, etc. Tous les peuples sémites ont ainsi adopté desnoms théophores avec ceux de leurs grands dieux: en assyr. Assour,Nébo; en araméen Hadad; en phénic. Astoreth; en égypt. Amon, Thot,etc. En hébreu la variété des combinaisons possibles est très riche;même sans connaître cette langue, il est facile de reconnaître leséléments composants El et JVHH, soit au commencement soit à la fin denombreux noms propres (El..., Jéh..., Jo...;el,...ja). Lors de larestauration juive au retour de l'exil, apparaissent des noms pluscompliqués, véritables professions de foi que l'on a pu comparer auxprénoms bibliques recherchés qu'affectionnaient les Puritains ou,encore aujourd'hui, les néophytes de certains milieux pieux peucultivés: Tob-Adonija =le Seigneur JVHH est bon (2Ch 17:8),Eljoénaï =à JVHH sont mes yeux (1Ch 3:23 etc.), Bésodia =dansle conseil de JVHH (Ne 3:6), Betsaléel =à l'ombre protectricede Dieu (Ex 31:2), etc. Il n'est pas jusqu'à la nomenclature de9 frères (1Ch 25:4) qui ne constitue toute une prière à JVHH(voir Héman). N'y a-t-il pas quelque chose de significatif et d'émouvant dansce besoin de la piété des pères et des mères, de consacrer leursenfants au Seigneur en plaçant d'avance tout leur avenir sous lesigne d'une devise de croyant? Sans doute, cette coutume n'enprésentait pas moins un risque de formalisme dans lequel le judaïsmeest trop souvent tombé, revenant ainsi, par ses formules mêmes depiété savamment élaborées, à la même erreur que le primitif dans sesgrossières incantations magiques relatives au nom de son dieu. 3. LEUR EVOLUTION.Un aperçu d'ensemble sur l'histoire des noms de personnes en Israëlfait donc apparaître un progrès parallèle à celui de la foi en Dieu.D'abord simples noms d'animaux ou d'objets, ils ne revêtent quegraduellement une portée religieuse; et ce sont en premier lieu desnoms théophores, principalement élohistes, c-à-d. composés avec lenom générique de la divinité, El; après David, les noms jéhovistes(avec JVHH) deviennent plus nombreux, et plus encore les nomssemi-divins où l'Éternel est désigné par les termes des relationsdomestiques et sociales; ceux-ci disparaissent au temps dur del'exil, mais après le retour la ferveur piétiste et l'imploration desfidèles repliés sur le temple remettent à la mode les noms élohisteset jéhovistes, en leur trouvant des développements nouveauxrévélateurs des profonds besoins des âmes inassouvies (cf. Gray, Hébreu Prop. Marnes, pp. 243SS). A la lumière de ces multiples constatations, le lecteur duprésent ouvrage comprendra pourquoi l'on s'y est astreint à fournirentre parenthèses le sens de tant de noms propres, dont quelques-unsapparemment insignifiants. Ces termes n'étaient point usés pour leurpeuple, comme le sont aujourd'hui la plupart de nos prénoms et nomsde famille; mais, à la façon d'une effigie de monnaie toute neuve,leur étymologie populaire disait aux croyants comme aux étrangers lespréoccupations actuelles des âmes et les solennelles révélations deleur Dieu. Le nom de Josué leur parlait de sauveur (Sir46:1), comme plus tard le même nom de Jésus (Mt 1:21). Le stylefamilier jouait volontiers sur le sens des noms: Nabal,l'insensé (1Sa 25:25), Onésime, l'utile (Phm 1:10); etcertains textes prophétiques comme ceux de Michée (voir ce mot) sontémaillés de tels jeux de mots par assonances et consonances. Ainsi s'explique donc la grande importance attribuée par lesprophètes aux noms symboliques (voir Symbolisme): ceux qu'ilsdonnent à leurs enfants, comme Lo-Ammi, Lo-Ruhama, Emmanuel,Maher-Salal-Has-Baz, etc. (Os 1:4,6-9 2:1,23,Esa 7:14 8:3), sontpour leurs auditeurs d'inoubliables textes de prédications, unecondensation vivante des plans divins de destruction rétributive etde grâce salvatrice. D'où la valeur, enfin, des noms nouveaux, prédiction, sanction et sceau des renouvellements de l'individu et dela société. (cf. Eze 48:35,Esa 62:1-5 65:15,Jn 1:42,Ap 2:173:12 etc.) Tel, le païen aujourd'hui converti et baptisé par lemissionnaire adopte un nom biblique, chrétien, proclamation publiquede sa nouvelle naissance et de sa vie nouvelle en Jésus-Christ.IV Noms de lieux. La toponomastique, science de l'étymologie des noms de localités, estsouvent réduite à des hypothèses et sujette à de grandesincertitudes. Elle l'est particulièrement pour la topographie del'A.T. Ces noms sont en général d'époque cananéenne oupré-cananéenne, fort antérieurs à l'occupation israélite de laPalestine et d'une autre provenance que l'hébreu; de plus, ils ont aucours des âges subi maintes altérations et déformations. On peut toutefois reconnaître des appellations hébraïques dues: A des particularités naturelles: source (En;ex. En-Guédi), source jaillissante (Béer; ex. Béer-Séba), eaux(Mé...), bois ou forêts (Jéarim), hauteurs (Guibéa, Gabaon, Rama),arbres (figuier: Bethphagé; pommier: Beth-Tappuach; chêne: Éla;acacia: Abel-Sittim). A des utilisations des sites: camp(Mahanaïm), tour de garde (Migdol, Méguiddo, Mitspa), village(Hatser), abri momentané de bergers (Succoth), refuge (Adullam). A d'antiques traditions: Esek, Sitna,Réhoboth, Béer-Lachaï-Roï (=puits du Vivant-qui-me-voit). A d'anciens clans: Samarie. A des noms d'animaux: Ajalon (=cerf),Ir-Nahas (=ville du serpent), Beth-Nimra (=maison de la panthère),etc. On en a relevé deux douzaines, presque la moitié des nomsd'animaux mentionnés dans la Bible; Robertson Smith et d'autressavants y ont vu, d'ailleurs sans preuve, un indice de primitivescroyances totémiques chez les Sémites. Mais «un groupe humain a puprendre le nom d'un animal sans pour cela se croire apparenté à tousles représentants de l'espèce en question» (Lods, Isr., I, p.129). A d'anciens sanctuaires, israélites oucananéens, dont la localité conserve le nom de la divinité locale,soit El (Dieu), soit Baal, Anath, Nébo, Samas (le dieu solaire),etc.; ex., Béthel, Péniel, Migdalel, Bamoth-Baal, Baal-Hatsor,Beth-Sémès, Anatoth, etc. (voir art. à ces divers noms).L'inscription de Thoutmès, à Thèbes (environ 1500 av. J.-C),mentionne Jacobel et peut-être josephel (=Dieu de Jacob, de Joseph),qui pourraient avoir été des clans du S. de la Palestine. Jn L.