NOÉ (arche de)

La Vulg, a rendu par le mot latin arca (d'où arche) à la foisl'arche de Noé (Ge 6) et l'arche de l'alliance (Ex 25); lesLXX (cf. Heb 11:7) et la Pechitto avaient déjà traduit dans lesdeux cas par le même mot grec kibôtos. Mais le rapprochement estici tout verbal. Les deux arches en effet n'ont rien de commun, nipar les dimensions, ni par l'affectation, ni par le mot hébreu quiles désigne. L'arche de l'alliance se dit en hébreu arôn ;construite en bois d'acacia à l'imitation du naos de l'Egypte,elle avait environ 1 m. 35 de long et mesurait, tant pour la hauteurque pour la largeur, environ 80 cm.; c'était un coffre portatif,destiné à contenir «le témoignage», c-à-d, les tables de la Loi (voirArche). L'arche de Noé, destinée à flotter sur l'eau et construite enbois de gopher, sans doute résineux, léger et dur comme lecyprès, était appelée en hébreu tébâh, mot dérivé de l'égypt. tebt =caisse, sarcophage (Targums: tebota ; cf. ci-dessus, kibôtos). On ne rencontre le mot tébâh dans l'A.T, qu'uneautre fois, pour désigner la caisse de joncs bitumée dans laquelleMoïse fut exposé sur le Nil (Ex 2:3). L'arche de Noé, caissegigantesque bitumée elle aussi, comme le sont encore aujourd'hui lesrustiques embarcations qui servent sur l'Euphrate à transporter lenaphte, devait avoir environ 156 m. de long, 26 m. de large et 16 m.de haut (la coudée indiquée dans Ge 6:15 dut être la coudéecommune, coudée d'homme, évaluée à un peu plus de 50 cm.). Elle n'avait rien qui permît de faciliter en quoi que ce fût lanavigation, ni gouvernail, ni voile, ni rames; mais par son volume,elle atteignait des dimensions que les navires ne connaissent quedepuis la construction moderne. Elle pouvait donc porter, avec sacapacité qui approchait de 65.000 mètres cubes, une cargaison trèsconsidérable. Point n'était besoin, pour nous en convaincre, de ladémonstration du riche marchand hollandais Pierre Jansen, qui fitconstruire à Hoorn au début du XVII e siècle une arche, modèleréduit, et estima que les proportions de l'embarcation de Noé étaientparticulièrement favorables pour le transport du fret. Il faut se représenter l'arche de Noé, non pas comme la barque duhéros sumérien du déluge Uta-napichtim (appelé ailleurs Atrakhasis ouXisouthros) qui semble avoir été faite de six ponts, divisés en 9compartiments, mais comme une sorte de maison flottante, distribuéeen trois étages de cases (litt, «.de nids»), avec des moyensd'éclairage: tsohar, mot qui ne reparaît pas ailleurs, qu'ontraduit: «ouverture pour la lumière», et qui peut indiquer soit unelarge baie donnant sur l'extérieur, soit une série de fenêtrespercées dans le toit probablement en forme de dôme. Lesrenseignements du texte ici sont fort obscurs. Ils ne disent pas nonplus si la porte qui doit être ouverte «sur le côté» se trouvait surles flancs latéraux, devant ou derrière (Ge 6:16). L'arche devait contenir, outre la famille de Noé, un couple detous les êtres vivants (toute chair) pour en conserver la race sur laterre, oiseaux, quadrupèdes, reptiles (Ge 6:19 et suivant). Uneautre tradition (P) dit: sept couples des animaux purs et un coupledes animaux impurs (Ge 7:2), avec toutes les provisionsnécessaires à leur entretien. Ici reparaît dans le domaine pratiquel'amplification légendaire de notre récit du déluge. Comment un hommeaurait-il été en mesure d'exécuter un tel commandement, d'accumulerdans une caisse flottante, même démesurée, tant d'animaux avec leursprovisions, et de mener pendant 40 jours l'intendance d'une aussiformidable ménagerie? sans parler des oiseaux dont la capture eût étéhors de sa portée et des bêtes dont la seule rencontre est mortelle àl'homme,--bêtes dont l'habitacle humain eût été bien reconnaissantd'être débarrassé par le déluge. Les considérations relatives àl'arche, aussi bien que celles relatives à Noé, nous ramènent d'undéluge universel à un déluge régional et aux proportions d'unvaisseau providentiel où la famille sauvée des eaux grâce à safidélité aux ordres divins aurait emporté avec elle, non des couplesde tous les animaux vivant sur la terre, avec leurs provisions, maisles êtres et le matériel qui étaient dans l'horizon de son activitéet qui devaient permettre à la contrée submergée de reprendre sa vieféconde après la catastrophe. La tradition avait déjà mué cetteinondation locale en fléau cosmique lorsqu'elle parvint à l'annalistehébreu (J), qui la présenta comme le châtiment de la corruptionhumaine dans un récit sobre et plein de grandeur où l'on voit que lescoups de la justice divine ne suffisent pas à rétablir l'ordre moralau sein de l'humanité (Ge 9:25). Pour les rapports entre le récit biblique et les textessuméro-babyloniens, voir Déluge.