Au sing, ce terme correspond à l'hébreu goï et au grec ethnos. Nation désigne souvent Israël (Ge 12:2 18:18,Ex 19:6), parfoisavec un accent de reproche (De 32:28,Esa 1:4). Peu à peu,cependant, on prit l'habitude de se servir, pour les descendants deJacob, du mot am =peuple; sans doute, ici et là (De 6:14,Jug2:12,1Ch 5:25), le mot pluriel amîtn désigne les païens (voir cemot); mais, plus fréquemment, ceux-ci sont désignés par goïm, pluriel de goï. Ce contraste entre am et goïm estmarqué dans 1Ch 17:21. Tout d'abord, la distinction entre Israël et les nations étaitpurement ethnique et géographique; Yahvé était le dieu d'Israël, sasphère d'action était considérée comme limitée: il agissait àl'intérieur de son peuple. A ce moment on trouvait naturel que chaquenation eût ses propres dieux (1Sa 26:19 et suivant), exerçantleurs droits dans une certaine région. Mais dès qu'on fut arrivé à sereprésenter Yahvé comme le Dieu de toute la terre, l'opposition futplus tranchée. Désormais, on conçut Israël comme le peuple qui seulconnaît le vrai Dieu, et les nations comme adorant de vaines idoles.Dans le parallélisme des poètes, nations et méchants devinrent destermes interchangeables (Ps 9:6). Ce nouveau point de vue eut des conséquences sociales trèsprofondes. Au début de la conquête, il y avait constamment desmariages entre Israélites et Cananéens, entre Israélites et Moabites,et ainsi une partie du peuple s'amalgamait avec la populationambiante. Au nom de la religion, les prophètes se mirent à insistersur la nécessité d'une séparation d'avec les nations, et sous leurinfluence, non sans beaucoup de résistance, le peuple d'Israël, peu àpeu, devint un «peuple à part». La réforme deutéronomique, accomplie par Josias, fut toute dansce sens: le peuple ne doit servir que l'Éternel, il doit le servird'une façon pure, il doit se garder de tout mélange avec des famillesétrangères à l'alliance de son Dieu (De 7:3 et suivant). Tout cechap. 7 est très net à cet égard; il établit les principes duparticularisme: «Tu es un peuple saint, ou séparé, pour l'Éternel tonDieu. L'Éternel t'a choisi, pour que tu fusses un peuple qui luiappartînt entre tous les peuples qui sont sur la surface de la terre»(verset 6). Il convient de remarquer ici que cette même loideutéronomique, si intransigeante à l'égard des «nations» idolâtres,recommande la bienveillance envers l'étranger (voir ce mot) qui s'estmis sous la protection de l'Éternel et qui, pour cette raison, aacquis un droit inaliénable (De 10:18 16:14 24:20). La captivité de Babylone fit accentuer par les hommes de Dieu ledevoir de la séparation. Alors que beaucoup de déportés étaienttentés de fusionner avec la population du pays où on les avaitétablis, les chefs spirituels du peuple réagissent contre unepareille tendance. Tout mélange avec les païens fut dénoncé commecriminel à l'égard de Dieu. Ézéchiel, dans son programme deréorganisation du peuple juif, en Palestine, insista sur le caractère saint, c'est-à-dire séparé, d'Israël (Eze 40 à Eze 48;voirsurtout Eze 44:7,9). La loi du Lévitique, que plusieurscritiques croient avoir été rédigée à cette époque, intensifia cetteséparation (Le 18:24-30 20:23). Et, après le retour desdéportés, Esdras et Néhémie vinrent de Perse soumettre les Juifs àcette législation stricte que, dans leur ambiance étrangère, ilsétaient disposés à oublier (Esd 9:1-15 10:2,11,13,Ne13:1-3,23-31). Ici et là, cependant, on peut noter chez les auteurs bibliquesune protestation contre un exclusivisme trop absolu: le livre de Ruthsemble indiquer que la méthode d'Esdras, et de Néhémie n'avait pasque des admirateurs, et le livre de Jonas essaie de convaincre Israëlque son particularisme ne doit pas lui faire oublier la mission qu'ilest appelé à accomplir au milieu des nations, selon le programme siadmirablement tracé par le second Ésaïe: (Esa 42:6 49:6) Israël,peuple de Dieu, doit travailler au salut de ceux qui ne connaissentpas l'Éternel. (Voir A. Causse, Israël et la vision del'humanité.) La révolte des Macchabées aboutit à une séparation plus absolueencore d'avec tous les incirconcis. Ceux-ci furent dénoncés commeimpies (3Ma 1:14,16,27) Le symbolisme du livre de Danielfait des empires païens des monstres aussi hideux que redoutables,tandis qu'Israël présente une face humaine. On trouve cette même attitude intransigeante chez les Juifs dutemps de Jésus, surtout chez les Pharisiens. Jésus lui-même nepartageait pas l'étroitesse de son entourage, mais ses discipleseurent grand'peine à se libérer du particularisme dans lequel ilsavaient été élevés (Ac 10:28 11:3 15:1-29,Ga 2:12); et lacarrière de Paul, apôtre parmi les païens (Ga 2:9), fut entravéepar les fanatiques qui avaient transporté dans l'Église leur orgueilde race et leur exclusivisme. Nos anciennes versions, au lieu de parler de «nations», ou de«païens», disaient de préférence ce gentils» (voir ce mot). Ch. B.