MOUTARDE

(gr. sinapi). Ce mot peut désigner diverses plantes de la fam.des Crucifères fournissant le condiment du même nom; ce sont surtoutdes espèces du genre sénevé (sinapis), et tout particulièrementle sinapis nigra L., ou moutarde noire, très commune enPalestine, notamment aux abords du lac de Galilée. Herbe annuelle, àtige rameuse; feuilles inférieures lyrées, celles du sommet entières,pétiolées; fleurs jaunes, rapprochées, à sépales étalés; fruits(siliques) glabres dressés contre la tige.La moutarde n'est nommée dans la Bible qu'en deux occasions, au coursdes enseignements de Jésus: la parabole du grain de moutarde(Mr 4:30-32,Mt 13:31 et suivant, Lu 13:18 et suivant); l'image comparant un peu de foi à un grain demoutarde (Mt 17:20,Lu 17:6).Dans les deux cas, le point de comparaison porte sur le contrasteentre la petitesse de la graine et la grandeur de ses possibilités.Sans doute, on a objecté à Mr 4:31b et Mt 13:32 qu'ilexiste des graines plus petites encore que celles de la moutardenoire. Mais il ne s'agit point ici de leçon scientifique; le langagedu Maître est à la fois poétique (cf. Mr 4:30,Lu 13:18) etproverbial: le grain de moutarde représentait couramment ce qui estpresque imperceptible. Le Talmud le cite en parlant de la moindresouillure, la moindre goutte de sang. etc.; et le Coran dit: «A larésurrection, sur les balances justes, personne ne sera trompé dupoids d'un grain de moutarde...Devant son tribunal, ce qui nepèserait qu'un grain de moutarde, fût-il caché...au ciel ou sur laterre, sera produit par Dieu...» (21:48 31:15). Le caractèresentencieux des paroles du Seigneur est encore confirmé par la fin deMt 17:20: «transporter les montagnes» est un type proverbiald'exploit (1Co 13:2), et on appelait les plus grands rabbins des«déracineurs de montagnes». De même, en prenant à la lettre la description de l' «arbre dansles branches duquel les oiseaux font leurs nids», on a cru qu'elle nepouvait s'appliquer au simple pied de moutarde, et l'on a dit queJésus avait en vue une plante arborescente des climats tropicaux quise trouve dans le bassin torride de la mer Morte, et très rarement aubord du lac de Galilée: le salvadore de Perse, que les Arabesappellent khardal comme la moutarde. Ce salvadora Persica Garcin est un arbuste de la fam. des Salvadoracées, dont la racine etl'écorce sont âcres et vésicantes et le fruit comestible, d'unesaveur aromatique âcre, comme la moutarde. Mais là encore il ne fautpas presser rigoureusement le sens du langage populaire de Jésus;l'arbre en question était beaucoup trop rare en Palestine pour avoirpu servir à une comparaison familière, et la description de laparabole s'applique évidemment à une plante annuelle ou bisannuelle,qu'on sème, et non à une plante vivace comme le salvadore. Lamoutarde elle-même, qui en France ne dépasse guère 1 m. ou 1 m. 50,peut atteindre 3 m. sur les rives du Jourdain; on en a vu desexemplaires dépassant la tête d'un homme à cheval. En style oriental,une telle plante peut être appelée arbre, dans le sens d'arbrisseau, surtout quand on la compare aux légumes (MarcMatthieu) et autres plantes cultivées de jardin (Luc). Quant aux oiseaux, ils s'assemblent en effet sur les branchesquand les fruits mûrs s'entr'ouvrant baissent tomber les graines,dont ils sont très friands. Mais c'est encore probablement dépasserle sens du verbe original que de le traduire par font leurs nids (voir ce mot) alors qu'il signifie simplement se posent, ou, toutau plus, demeurent; après la Vulgate, Lasserre traduit habitent ; Cramp, et Bbl. Cent.: s'abritent. Cette descriptiondes oiseaux est du reste encore une citation proverbiale, faisantallusion à Eze 17:23,Ps 104:12; il n'y faut donc pas chercherune absolue rigueur de termes. Les Pères de l'Église, comme Hilaire de Poitiers, ont parfoistiré des applications spirituelles de l'usage de cette plante dans lamédecine: l'antiquité connaissait déjà les propriétés révulsives dela farine de graines de moutarde, en sinapismes (du grec sinapis) ; les évangiles n'y font aucune allusion.