MITSPA ou MITSPÉ

La signification de ce nom (lieu de garde ou d'observation) expliquepourquoi tant de sites en Palestine ont reçu cette appellation. Ilimporte de les bien distinguer pour ne pas fausser la compréhensiondes textes. 1. Dans le bas pays, mention d'un Mitspé en compagnie deGad (Kh. el-Medschdele?) et de Lakis (Tell el-Hésy), attribuéaux fils de Juda (Jos 15:38). Utilisant un renseignementd'Eusèbe (Onom., 279), certains l'ont identifié avec Telles-Sâfiyé, 12 km. au Nord-N.-O, de Beit Djibrîn (Eleuthéropolis),mais le même site est réclamé plus justement, semble-t-il, pourLibna (Jos 10:29). La localisation de Mitspé de la Séphéla estdonc encore inconnue. 2. Un «pays de Mitspa» était occupé au pied de l'Hermonpar les Hivites, quand Josué se heurta à la coalition des rois duNord (Jos 11:3). La même localité donnait aussi probablement sonnom à une vallée, celle qui fut le théâtre de la poursuite pendantlaquelle les Israélites exterminèrent tous leurs ennemis («vallée deMitspa», Jos 11:8). Cette cité de Mitspa a été recherchée tantôtà el-Moutellé, qui domine la plaine du Houlé (eaux de Mérom?),tantôt au Kalaat es-Soubeïbé, un peu à l'Est de Banyas (Césaréede Philippe), sur les pentes de l'Hermon. 3. Quand Jacob se réconcilia avec Laban, les deux hommesélevèrent un monceau de pierres et scellèrent leur alliance par unrepas; puis Laban donna au monument dressé les noms de Galed et deMitspa, ajoutant: «Que Dieu veille entre moi et toi» (Ge31:46-49). On ne saurait situer cette scène, à plus forte raisonretrouver ce lieu d'observation dévolu à Dieu; tout au plussongerait-on à une des hauteurs du Dj. Adjloûn, en TransJordanie,dans la région comprise entre les deux torrents du Yarmoûk au Nord etdu Jabbok au Sud 4. C'est en TransJordanie aussi que se trouvait la villede Mitspa, bien connue au temps des Juges. L'un d'eux, Jephté, yavait sa résidence (Jug 11:11,34); on peut admettre qu'il s'agitde la même cité, appelée parfois Mitspa de Galaad, en Jug 11:29.Le site en reste indéfini et la mention d'un Ramath-Mitspé (Jos13:26) complique encore le problème. Pour la localisation de Mitspade Jephté, on a proposé le Djeb-Ocha, au Nord de Es-Salt, mais iln'y a là qu'une hypothèse que rien ne vient confirmer. 5. Mitspé de Moab, où David mit ses parents en lieu sûr,n'a pas non plus été identifiée. Le roi de Moab y avait uneforteresse (1Sa 22:3,5). Ce seul renseignement ne suffit paspour tenter une localisation quelconque. 6. Mitspé de Benjamin (Jos 18:26) est la Mitspa quijoua le plus grand rôle dans l'histoire des Israélites. La villeétait le lieu de réunion de l'assemblée des «enfantsd'Israël» (Jug 20:1,3 21:1,5,8,1Sa 7:5,7,11 10:17) et l'une desrésidences de Samuel, lorsqu'il jugeait (1Sa 7:6,16). Le roi deJuda Asa la fortifia en utilisant des matériaux pris à Rama (1Ro15:22,2Ch 16:6). Après la prise de Jérusalem par Nébucadnetsar (586av. J.-C), le gouverneur Guédalia, choisi par le roi de Babylone,s'installa à Mitspa, où des Juifs anti-caldéens le mirent àmort (2Ro 25:23,25,Jer 40:6,8,10,12 41:1-3). Au retour de l'exilMitspa était chef-lieu de district (Ne 2:7-15-19), et au tempsdes Macchabées on y gardait encore le souvenir d'un «lieu de prièrepour Israël» (1Ma 3:46, où Massépha =Mitspa).L'identification de Mitspa de Benjamin n'est pas non plus établie.Deux sites sont proposés, l'un et l'autre défendables. Le Nebi-Satnouîl (895 m. d'altitude, à 7 km. au Nord-N.-O. deJérusalem) a pour lui son caractère d'éminence, qui en fait unmagnifique poste d'observation; les croisés y avaient élevé uneéglise sur le «tombeau de Samuel» qu'aujourd'hui encore montre latradition musulmane. A cette localisation s'oppose celle qui chercheMitspa à Tell en-Nasbé (Vincent, Dalman), au bord de la route deNaplouse et à 12 km. de Jérusalem. Cette identification rend mieuxcompte de certains récits. Si Asa fortifia Mitspa (1Ro 15:22),c'était pour arrêter les empiétements de Baésa, roi d'Israël, quiavait poussé jusqu'à Rama (er-Râm, ) 4 km. au Sud-S.-E. de Tellen-Nasbé) et songeait à s'y retrancher (1Ro 15:17,21). AvecMitspa-Nasbé, on comprend mieux aussi l'arrivée des pèlerins de Si!o,Sichem et Samarie, en marche vers Jérusalem (Jer 41:5). Desfouilles dirigées en 1926-1927 par M. Badé tendraient à confirmerencore cette thèse: elles ont dégagé un très beau rempart avec porteset bastions, des cavernes funéraires, une citerne où M. Badéreconnaîtrait volontiers celle où Ismaël précipita ses malheureusesvictimes (Jer 41:7,9), un haut-lieu mais sans pierres dressées.Une anse estampillée laisse entrevoir trois caractères, oùl'explorateur serait tenté de lire le nom même de Mitspa, argumentsdécisifs en faveur de l'identification Nasbé-Mitspa, si les avisn'étaient à ce propos très partagés. La continuation des fouillesapportera sans doute de nouvelles lumières et il faut les attendrepatiemment. A. P.