MIRACLE

Le mot miracle signifie étymologiquement: chose surprenante et digned'admiration. Il s'applique à un événement inaccoutumé etimprévisible, ordinairement considéré comme inexplicable. Aucun de ces caractères ne peut suffire à définir le miracle. Lemiracle est nécessairement un événement rare en son genre, car unévénement qui se répète fréquemment devient habituel, même s'il estimprévisible et inexplicable; mais il ne manque pas d'événementsrares et inexplicables qui ne sont pas des miracles. Le miracle estimprévisible, car il paraît sans relations causales avec le reste desévénements, mais l'imprévisible a sa place aussi parmi les phénomènesnaturels, en météorologie par exemple. Il en va de même pourl'explicabilité: si le miracle paraît mystérieux, il s'en faut quenous soyons en mesure de comprendre tout ce qui se présente dans lanature. Le miracle se distingue des événements naturels, imprévisibles,inaccoutumés et inexplicables, en ce que les événements naturels, simystérieux soient-ils pour nous, sont réputés naturels, c'est-à-dire causés par des forces naturelles avec lesquelles ils ontdes relations constantes, capables de s'exprimer par des loisuniverselles, bien que notre connaissance du monde soit insuffisantepour les exprimer encore; tandis que le miracle est réputé surnaturel, c'est-à-dire causé par une puissance surnaturelle,sans égard aux lois naturelles ou en dépit d'elles: ainsi noustrouvons le sens profond de l'idée de miracle qui est uneintervention surnaturelle au sein du monde naturel. Il convient eneffet de réserver le nom de miracle aux événements qui arrivent dansl'ordre des choses naturelles: on peut, sans doute, par extension,nommer miracle les interventions surnaturelles dans l'ordre moral ouspirituel (changements intérieurs, conversions, etc.), mais cesmiracles moraux ou religieux ne répondent pas au sens précis du motmiracle et ne soulèvent pas les difficultés qui s'attachent aumiracle naturel. Voir Nature. Bien des esprits considèrent qu'on ne peut pas admettre unepuissance surnaturelle qui agirait dans le monde sans égard aux loisnaturelles ou en dépit d'elles. Si les lois naturelles régissent lemonde, elles ne peuvent souffrir de dérogations: or le miracleserait, selon une expression consacrée, une violation des loisnaturelles. Il faut donc, ou renoncer à l'ordre naturel, ou renoncerau miracle. «L'Éternel a donné des lois, il ne les violera pas», ditle Psalmiste (Ps 148:6); que devient alors le miracle? Seule une juste estimation de la valeur des lois naturelles et dumiracle peut résoudre l'antinomie. Nous devons donc, tout d'abord,examiner ce qu'il convient d'entendre par loi naturelle, et commentle miracle, qui ne saurait être une violation de lois, conservecependant sa pleine valeur. 1. Le miracle et les lois naturelles. La connaissance scientifique du monde se fonde sur l'observationdirecte ou indirecte des choses. Mais les observations du mondeextérieur ne peuvent constituer une science qu'autant qu'elles serontreliées les unes aux autres par des rapports constants. Le savantreconnaît que les phénomènes naturels ont entre eux des rapports decause à effet: c'est seulement parce que les phénomènes dépendent lesuns des autres, parce qu'il n'y a pas d'effet sans cause et que lesmêmes causes produisent toujours les mêmes effets, que le savant peuttenter de comprendre le monde et de l'expliquer. Ces relations universelles et constantes sont formulées par lascience et reçoivent le nom de lois naturelles. On a cru pendantlongtemps que les lois naturelles exprimaient l'ordre du monde etassuraient à elles seules le réglage de l'univers: ainsi sont néesles théories mécanistes, qui veulent voir dans le monde une machinese mouvant mécaniquement selon des lois nécessaires. Le monde peut setransformer de mille manières, sans rien changer à son immuablerigidité nécessaire, car tout s'opère selon des lois qui


régissent tous les mouvements. Même les choses les plusdistinguées ne sont que le résultat d'actions physiques, et il seraitvain d'admettre une action extérieure sur les événements nécessaires d'un monde déterminé par des lois. Mais une telle théorie, pour avoir eu une grande vogue, n'en estpas moins fortement ébranlée aujourd'hui, non seulement par lascience elle-même, mais par la logique. Contre elle se dressent, aucoeur de la science, des principes nouveaux. Le principe de Carnotlaisse entendre que le monde ne peut produire deux fois la mêmefigure, qu'il tend vers un état d'équilibre calorifique et que laformule «rien ne se crée, rien ne se perd» est à tout le moinsexagérée. Les principes d'évolution, que ce soit selon le mode deDarwin, de Lamarck, de de Vries ou d'autres, posent des constatationsanalogues. Malgré la défense des savants, des voies nouvelles sontouvertes à l'esprit pour supposer que le monde a un but et ne tournepas en rond. D'autre part les théories mécanistes sont contraintes d'engloberdans l'étroitesse de leur déterminisme cosmique les actions humaines.La liberté et la morale disparaissent, l'une devenant une pureillusion, l'autre une pieuse absurdité dont le fondement réel n'estpas une question d'obligation de conscience, mais une question derelation sociale. Si l'on sort de ces conceptions étroites et insuffisantes, lemonde apparaît, non plus comme une mécanique, mais comme unehistoire; l'homme, de ce chef, n'est plus un ridicule jouet qui seberne lui-même--accident physico-chimique de la croûte terrestre--,mais un acteur de l'histoire, un agent conscient et responsable. Illui est alors loisible de chercher de tout son être à comprendre lesmystères de la création et à pénétrer les secrets des lois de lanature, sans perdre de vue que ces lois n'épuisent pas la réalité,mais en sont simplement une fragmentaire expression. Il est évident qu'on ne peut admettre le miracle dans un mondedéterminé mécaniquement par des lois. S'il y a des lois, elles nepeuvent être violables à merci, fût-ce par le Créateur. Certes on peut entendre que le jeu des lois est fort compliqué etque toute loi peut être modifiée ou inhibée par le jeu d'une autreloi. L'avion, par exemple, se fondant sur une loi de la résistance del'air, peut violer la loi de la pesanteur en faisant voler du pluslourd que l'air. Il est loisible dès lors de comprendre que Dieu peutmettre en oeuvre des lois que nous ignorons encore et produire desphénomènes inexplicables. Les savants ont laissé s'implanter dans l'esprit du public l'idéefausse et funeste que les lois régissent le monde. Or les lois nesauraient rendre compte de la marche historique du monde où nousvivons. Elles s'appliqueraient aussi parfaitement à des mondesradicalement différents du nôtre, et permettraient la construction detoute sorte d'univers, sans rien changer à leur expression. Les loisn'ont pas, comme le pensent des esprits superficiels, de puissancepar elles-mêmes: un pendule oscille sans calculer la racine carrée desa longueur, et la lampe électrique ignore sa résistance au courantqu'elle devrait connaître pour appliquer la loi de Joule. Les lois ne sont que des transcriptions dans notre pensée derelations naturelles qui débordent cette pensée, parce que lesrelations mécaniques qui existent entre les phénomènes en sont les conditions, mais non le déterminisme. Les phénomènes ontentre eux des relations régulières et constantes, parce qu'ils nesont pas possibles en dehors de certaines conditions. Cesconditions, la science les étudie et les exprime dans des lois Les lois sont par conséquent l'expression de la possibilité desphénomènes naturels: cela seul est possible qui est conforme à uneloi. Mais les lois naturelles, prévoyant tout ce qui est possible, sebornent à exprimer les conditions des choses: la réalité, ledéterminisme du monde, ce qui fait qu'il est tel qu'il est et nonautrement, échappe complètement à l'emprise des lois. Les lois sontgénérales et universelles, tandis que le réel est particulier etunique. Bacon disait à juste titre qu'il n'y a de science que dugénéral: il faut ajouter qu'il n'est de réalité que du particulier.Ainsi les lois ne régissent rien du tout: elles formulentseulement les conditions de la possibilité des choses. Ledéterminisme du monde n'est pas, comme le pensent les théoriesmécanistes, une immanente nécessité; il est une puissancetranscendante. Le gouvernement du monde, son évolution comme sa création,appartiennent à Dieu. On comprend dès lors aisément comment Dieu peut ordonner dans lemonde les phénomènes naturels selon sa volonté créatrice: l'Éternelrègne. Mais on comprend aussi combien il est faux de dire que lemiracle est une violation des lois de la nature, puisque, pourvioler une loi, il faut appeler à l'être l'impossible, le néant. Tout est possible à Dieu, car il connaît toutes les possibilitésdu monde, c'est-à-dire toutes les lois, connues de nous ou non; c'esttoujours en accord avec ces lois que l'action de Dieu se manifesteradans le monde. 2. Le miracle et la conscience religieuse. La conscience religieuse assiste à chaque instant à des miracles.Elle appelle miracle l'apparition d'événements que ne comportait pasla marche normale des choses et qui manifestent par conséquent uneintervention de Dieu. Sans doute les miracles moraux ou religieux sont pour elle lesplus fréquents, mais il n'est pas rare qu'elle voie, jusque dansl'ordre matériel, l'intervention directe de Dieu, expérimentant ainsila profondeur de la pensée de l'apôtre: «La piété a les promesses dela vie présente et celles de la vie à venir.» Pour le croyant lemiracle n'est qu'une forme de la Providence de Dieu, forme frappanteparce qu'inattendue et manifestement puissante. Le miracle est pourlui le témoin de la réalité des choses spirituelles, le témoin de laprésence de Dieu dans sa vie et dans le monde qui l'entoure, de sonamour, de sa puissance. C'est pourquoi le miracle est le sceau de sa vie spirituelle.C'est lui qui, non seulement traduit à ses yeux la puissance de Dieu,mais de plus tend à constituer dans son coeur le trésor d'expériencesspirituelles personnelles qui sont la seule preuve intangible de laréalité de sa communion avec Dieu, c'est-à-dire de sa vie religieuse. Le miracle ne doit donc pas être envisagé comme une actionfantaisiste et capricieuse de Dieu, mais comme une actionsurnaturelle de Dieu s'insérant dans l'ordre naturel. Le miraclen'est jamais une violation des lois naturelles: il demeure toujoursconforme à quelque loi et n'est pas inexplicable en soi. Il semble àtort qu'un miracle explicable n'est plus un miracle. Certes le miracle incompréhensible, anormal, prodigieux, imposeet paraît seul digne d'un Dieu puissant. Pour que le miracle soitinexplicable et exceptionnel, il faut qu'il soit une dérogation à deslois naturelles reconnues comme assurant normalement l'ordre et lamarche du monde; autrement dit, le miracle-prodige impose la croyanceà un ordre nécessaire des choses. Au contraire, si l'on voit dans le miracle une intervention deDieu conforme à l'ordre légal, le miracle devient à la foisexplicable en soi et fréquent, on pourrait dire normal: Dieu règnesur le monde. Dès lors le miracle revient près de nous; il entre ànouveau dans nos vies quotidiennes. Il devient possible dereconnaître sans arrière-pensée l'activité de Dieu dans le monde etde contempler sa divine Providence et son oeuvre créatrice. Le miracle est à chaque pas de la vie du croyant: seul le soucide voir des prodiges nous empêche de le reconnaître. Il ne faut pasêtre de ces croyants qui, résignés, proclament que l'ère des miraclesest close: ce ne sont pas les miracles qui sont taris, mais notrefoi. S'il y avait des miracles autrefois, c'est qu'on savaitreconnaître tout simplement l'action de Dieu dans le monde, sanss'embarrasser de notions fausses sur les lois naturelles, sanschercher par conséquent des prodiges de charlatans. La conception vulgaire du miracle présente un autre danger:accréditant l'idée que n'importe quoi est possible, elle ouvre laporte à la superstition et au magisme. Le surnaturel chrétien ne doitpas être un contre-naturel, sous peine de ne pouvoir être défini avecla précision voulue; si l'on refuse le contrôle des lois de la naturepour les actions surnaturelles, on ne peut plus distinguer lesurnaturel chrétien du «surnaturel» païen. Certes l'ordre des lois de la nature, nous l'avons dit, n'estqu'une vue théorique: le déterminisme pratique, historique du mondeappartient à Dieu. Mais l'ordre théorique, expression de lapossibilité naturelle des choses, conserve toute sa valeur, commemoyen de connaissance et de compréhension du monde (science pure) etcomme moyen d'action sur le monde par la connaissance de sespossibilités (sciences appliquées, arts). On pourra prétendre que seul un miracle prodigieux peut prouverla puissance de Dieu. Autrefois l'apologétique déduisait des miraclesbibliques, et spécialement des miracles de Jésus, la preuve de lavaleur du message évangélique. Cette voie est aujourd'huiheureusement abandonnée. On estime que c'est la vie de Jésus, sapersonne et son oeuvre et la valeur religieuse de la Bible quiaccréditent les miracles bibliques. Il faut renoncer à administrer lapreuve du surnaturel: un prodige ne prouvera jamais rien à ceux quin'admettront pas préalablement son origine surnaturelle. Les plus éminents miracles dont le chrétien bénéficie sont ceuxqui ont le moins l'air «miraculeux»; ils sont habituels: la création,la rédemption, la prière, etc. En présence d'un miracle le monde parle de chances, decoïncidences, de hasard, etc. Le croyant, lui, sait à quoi s'entenir, car il ne se soucie, ni de prouver l'inexplicabilité dumiracle, ni de lui trouver une explication. Il considère le miraclecomme une oeuvre de Dieu. Il ne réclame nullement que l'action divinesoit aussi irrationnelle et incompréhensible que possible; il chercheseulement la valeur religieuse de l'événement miraculeux. Si, faisant oeuvre de science, il tente l'explication du miracle,c'est-à-dire s'il recherche les conditions dans lesquelles Dieu aagi, ses études doivent réussir, parce que Dieu n'a violé aucuneloi. Mais l'explication possible d'un miracle n'ôte rien de sa valeuraux yeux du croyant. Quand même il serait prouvé qu'un raz de maréerepoussa les eaux de la mer Rouge, la foi du chrétien n'en serait pasébranlée. Il devra au contraire bénir Dieu de lui enlever un soucirationnel, d'ailleurs légitime, en lui permettant de comprendre sonaction. La valeur religieuse du miracle demeurera toujours: Dieu estintervenu pour sauver Israël de la maison de servitude. Une fois connues les conditions dans lesquelles s'est opéré unmiracle, celui-ci perdra son caractère fantastique: il n'en sera queplus assimilable à la vie propre de l'enfant de Dieu. La valeur dumiracle n'est pas son invraisemblance, mais l'oeuvre qu'il accomplit.Pourquoi Dieu opérerait-il d'impossibles révolutions quand sa sagessepeut commander normalement le monde et y réaliser les fins qu'ils'est proposées? Le miracle de la mer Rouge, auquel nous avons faitallusion, est expliqué par l'écrivain sacré lui-même: «Il se leva ungrand vent d'Orient» (Ex 14:21). N'est-il plus question demiracle parce que Dieu n'envoya pas deux anges pour tenir en respectla muraille liquide? 3. Le miracle et la Bible. Il est de nombreux passages où les événements ne sont pas rapportésavec autant de précisions: l'écrivain sacré ne s'est jamais posé lesquestions que notre mentalité moderne nous amène à poser. Les récitsbibliques n'ont que faire des explications scientifiques dont noussommes assoiffés. Ils rendent témoignage à la puissance de Dieu, et,comme Dieu agit sans s'occuper de notre science, Il fit bien deschoses auxquelles les auteurs sacrés ne comprirent rien, sinon queDieu intervenait. Il est donc naturel que leurs récits soient, d'unpoint de vue scientifique qui était bien en dehors de leurspréoccupations, insuffisants, déconcertants ou incompréhensibles. Il serait puéril de repousser un miracle parce qu'il ne seraitpas relaté en termes scientifiques modernes. A ce compte-là ilfaudrait contester que Descartes eût de l'esprit parce que le siègede l'intelligence n'est pas dans la glande pinéale comme il lepensait. Le chrétien doit rechercher la valeur religieuse des chosesbibliques et non leur prêter une portée scientifique. Si Balaamentendit parler son âne, il ne s'ensuit pas que les ânes puissentparler. Il est vrai que plusieurs miracles ont un caractère nettementinvraisemblable. Le chrétien ne doit pas perdre de vue que l'écrivainsacré n'était pas rebuté par les mêmes scrupules rationnels ouscientifiques que lui. Que le soleil se soit arrêté sur Gabaon estd'une invraisemblance totale; l'explication astronomique que fournitl'écrivain sacré a-t-elle une valeur souveraine? Il entend exprimerde façon à la fois précise et poétique que Dieu intervientmiraculeusement: cela seul nous importe; il n'y a pas à faire de lascience avec les choses religieuses. Tenterons-nous d'expliquer un à un tous les miracles de laBible?--Non. Le croyant sait à quoi s'en tenir avec ce qui précède etce que lui dicte son coeur. Les miracles de la Bible sont ce qu'ilssont. Ils se présentent sans appareil scientifique, ou du moins sansprétentions scientifiques, sans honte et sans fard, dans leursplendide brutalité, aspirant non à nous étonner et moins encore ànous instruire, mais à nous montrer avec éclat la puissancesouveraine de Dieu. La grande majorité des miracles de l'A.T, sont rapportés au coursde l'exode des Hébreux et pendant le ministère d'Elie et d'Elisée.Les premiers sont, pour la plupart, explicables aujourd'hui, ce quine leur ôte rien de leur valeur religieuse qui, comme nous venons dele dire, ne réside pas dans l'invraisemblance, mais dansl'intervention de Dieu pour que toutes choses concourent au bien deceux qui l'aiment (cf. les plaies d'Egypte, etc.). Les seconds ont lecaractère spécial de miracles à conviction, véritables lettres decrédit des prophètes. De même pour Ésaïe, dans 2Ro 20:10. Le récit de la victoire de Josué nous montre la facilité aveclaquelle les écrivains sacrés admettaient les interprétations dumiracle. Le récit mentionne que l'Éternel arrêta le soleil, ce quiparaît n'être qu'une paraphrase du chant poétique (Jos10:12-14). La Bible nous rapporte ces récits, fût-ce en un styleimagé, l'action miraculeuse de la main puissante de Dieu. Les miracles du N.T. sont accomplis par Jésus et par sesdisciples. Jésus a toujours évité de se servir de sa puissancesurnaturelle pour contraindre les gens à le suivre: il ne voulait pasqu'on le prît pour un thaumaturge. Le caractère dominant de sesmiracles est un but de bienfaisance et de soulagement de la misère;ils nous montrent que la foi et la puissance qu'ils confèrent peuventseules remédier à la misère où le péché a plongé l'humanité. Jésus a refusé de faire des miracles pour lui-même;(Mt 4:6 16:4,Jn 4:48) il a toujours exigé avant toute interventionsurnaturelle la foi de celui qui devait être l'objet de sonaction (Mt 13:58,Lu 8:43,45,Jn 5:6-8). C'est au nom du Père et par le Père que Jésus fait ses miracles:pour ses miracles, comme pour tout, Jésus puisait auprès de Dieu sesforces et ses directions par la prière (Jn 11:41). Les apôtres, revêtus de la puissance de l'Esprit, ont étécapables d'accomplir des miracles. On peut sans peine voir la grandedifférence d'inspiration entre les miracles du Sauveur et ceux desdisciples. Mais le livre des Actes est parsemé de miracles quimontrent que la promesse du Christ se réalisait dans la primitiveÉglise (Ac 2 43 5:12,16 6:8 8:13 3 7 14:9 9:34 16:18 28:8 9:4020:10). Dans notre N.T. le mot miracle est employé sans aucune précision.Le texte sacré est autrement plus riche que nos traductions et montrela valeur essentielle de l'intervention divine. Le mot miracle, dansson acception vulgaire, traduit fort mal le sens des mots bibliques.Les trois évangiles synoptiques, relatant les oeuvres de Jésus,n'emploient jamais, à proprement parler, le mot miracle. Le mot grecle plus souvent employé, dunamis, signifie puissance,pouvoir. Ce mot se trouve dans Mt 7:22 11:21 13:54-58 14:2 Mr9:39 Lu 19:37 Ac 19:11 1Co 12:10,29, etc. L'action miraculeuse duChrist n'est pas présentée comme un prodige, mais comme l'effetnaturel d'une puissance surnaturelle; Jésus ne «faisait pas desmiracles», il «exerçait son pouvoir». On mesure combien cette notionest éloignée du sens du mot miracle et combien elle est plus claireet spirituellement plus riche. Le 4e évang, se sert presque exclusivement d'un autre mot: sèméïon, dont le sens est signe, preuve. On trouve ce termedans tout l'évangile de saint Jean et l'Apocalypse (où il est traduitpar prodige); on le trouve aussi dans Mt 12:39 24:3-30,Mr16:17-20,Lu 23:8,Ac 4:16,30 8:6,13,Ro 4:11,1Co 1:22,2Co 12:12,2Th3:17. Ici encore le sens vulgaire du mot miracle ne se retrouvepas; les oeuvres de Jésus sont présentées comme des signes de Dieu oudes preuves de sa puissance surnaturelle. Dans les Actes et les épîtres on rencontre les deux motsmentionnés, mais souvent se trouve un autre mot grec, téras, dontle sens se rapproche davantage du sens ordinaire du mot miracle, etque nos versions rendent le plus souvent par prodige. Ce motn'est pas employé seul, mais avec «signe» ou «pouvoir»; il signifieproprement anomalie, événement anormal, miracle. (On le rencontredans Mt 24:24,Ac 2:19,22,43 5:12 6:8 4:30 15:12,1Ch 1:22,2Co12:12,Ga 3:5,2Th 2:9,Heb 2:4) Mais le mot grec ne peut évidemmentpas contenir le sens présenté par le mot miracle dans son acceptioncourante de violation des lois naturelles, car la notion d'ordrenaturel était étrangère aux écrivains sacrés; le sens propre de cemot téras est «monstruosité». Enfin, très rarement, on rencontre le mot thauma (d'oùthaumaturge), qui signifie proprement événement-étonnant, admirable(2Co 11:14, cf, thaumasia, Mt 21:15). Notons en terminant qu'il ne faut pas perdre de vue, lorsqu'onparle du miracle, la réalité de puissances d'un ordre plus élevé queles forces physico-chimiques seules étudiées jusqu'ici. La sciencen'a guère consenti encore à prêter attention aux phénomènesmétapsychiques qui, en dépit de bien des supercheries et de beaucoupd'interprétations erronées, présentent quelques faits aussi certainsque mystérieux. C'est un lieu commun, d'autre part, de parleraujourd'hui de l'action du moral sur le physique. Enfin, la puissance spirituelle réclamée pour accomplir desmiracles est fonction de la communion avec Dieu et de la foi, ainsique Jésus l'a enseigné à ses disciples (Mt 17:20,Lu 17:6,Mt21:22,Jn 14:12). H. L.Révision Yves Petrakian 2005