(grec antichristos =adversaire du Christ; il aurait fallutranscrire Antichrist, et c'est par erreur que le grec anti = contre, confondu avec le latin ante =avant, a donnéAntéchrist). --Personnage dans lequel, selon l'enseignement biblique et latradition chrétienne, s'incarnera, aux derniers temps, l'oppositionau Christ. Plusieurs historiens modernes vont chercher les originesde cette croyance jusque dans les mythes babyloniens et persans quidécrivent les luttes de la lumière et des puissances ténébreuses; ilest en tout cas certain qu'elle plonge ses racines dans le sol del'A.T. et qu'elle appartint au judaïsme avant de passer dans lechristianisme. On verra par ce qui suit qu'il n'est pas facile deramener à l'unité les divers aspects sous lesquels elle se présente. Ézéchiel, déjà, annonce (Eze 38) pour la fin des temps uneconjuration des peuples contre Israël, conjuration que dirige unpersonnage symbolique, Gog, roi de Magog, dont Dieu lui-mêmeanéantira les efforts. Même conception chez Zacharie (Zac 12-14), oùl'histoire du monde se termine par une sanglante bataille livrée sousles murs mêmes de Jérusalem dans laquelle les ennemis d'Israël et deson Dieu seront écrasés. Même conception surtout chez Daniel (Da8:9-14,23-26), où les exploits sanguinaires et impies d'AntiochusÉpiphane, roi de Syrie (167 av. J.-C), servent de prototype à larévolte finale, qui aboutira à la destruction des empires terrestreset à l'établissement du «royaume des saints». Passant au N.T., nous constatons, d'une part, que l'oppositionde principe entre Dieu et le monde s'est encore accentuée et, d'autrepart, que l'attente messianique s'est débarrassée de ses élémentsnationaux et politiques. Israël et ses destinées ont cédé la place àl'Église, et la lutte dans laquelle celle-ci se trouve engagée est lalutte toute spirituelle de la vérité contre l'erreur et le péché;néanmoins, les visions d'avenir esquissées dans l'A.T. exercent uneaction sur la façon dont les premiers chrétiens se représentent lesbouleversements de la fin. Dès le début de son ministère, Jésusprévient ses disciples des persécutions qui les attendent et quiiront en empirant à mesure que l'on approchera de la fin, mais lafigure troublante de l'Antéchrist n'apparaît pas dans ses discours,qui se bornent à annoncer (voir Mt 24 et parallèle) la venue deplusieurs faux prophètes et faux christs, qui seront, dans ladétresse finale, la dernière incarnation du messianisme politiquejuif. C'est saint Paul qui, sans le nommer encore, décrit pour lapremière fois le terrible adversaire à. l'apparition duquel leschrétiens doivent se préparer et dont le triomphe momentané montreraque le retour du Seigneur est proche (2Th 2:1-12). Déjà lors deson bref passage à Thessalonique, l'apôtre avait touché à ce sujet(verset 5); mais, son enseignement ayant été mal compris et ayantsemé le désarroi parmi ses auditeurs, il y revient par écrit etrappelle en termes visiblement empruntés à Da 8 qu'avant que leChrist revienne, il faut que surgisse celui qu'il appelle «l'homme depéché, le fils de perdition, l'adversaire qui s'élève au-dessus detout ce qu'on appelle Dieu ou qu'on adore, au point de s'asseoir dansle temple de Dieu, en se proclamant Dieu. Il paraîtra avec lapuissance de Satan, opérant toute sorte de miracles, de signes et deprodiges menteurs, et séduisant par toute sorte de fraudes ceux quidoivent périr faute d'avoir ouvert leur coeur à la vérité qui les eûtsauvés». Qui sera cet instrument de l'adversaire par excellence et de quelmilieu, juif ou païen, sortira-t-il? Paul ne juge pas nécessaire dele dire dans sa lettre, mais ses lecteurs savent à quoi s'en tenirsur ces divers points; ils savent que l'ennemi est déjà à l'oeuvre,autrement dit, sans doute, que la tendance qu'il incarnera influedéjà sur le cours des événements; mais, pour le moment, il y a encorequelque chose ou quelqu'un (l'apôtre emploie successivement le neutreet le masculin) qui lui fait obstacle. Quand cet obstacle auradisparu, l'Antéchrist, car c'est bien de lui qu'il s'agit, déploieratoutes ses séductions et donnera libre cours à sa rage; maisl'avènement du Christ viendra brusquement mettre fin à son pouvoir. Nous n'avons naturellement aucun moyen d'élucider les problèmesque fait naître pareille conception. Les douloureuses expériences quesaint Paul avait faites parmi ses compatriotes pouvaient facilementl'avoir amené à penser, comme beaucoup l'ont cru, que ce serait dansles milieux juifs que naîtrait et s'organiserait la révolte suprême;comme aussi la tentative toute récente de Caligula (37-41 ap. J.-C.)d'ériger sa propre statue dans le temple de Jérusalem, et surtout lesindications très précises de Daniel pouvaient l'engager à en chercherle foyer dans les milieux païens. On admet généralement qu'il voyaitdans la forte organisation de l'empire romain l'obstacle qui, pour lemoment, retardait la manifestation de l'Antéchrist. Unifiée et fortement individualisée chez saint Paul, l'idée del'opposition au Christ se diversifie de nouveau dans l'Apocalypse (Ap 13) où elle est symbolisée, à l'exemple encore de ce qu'ontrouve chez Daniel, par deux bêtes, dont l'une (verset 1-10)monte de la mer, c'est-à-dire, semble-t-il, du milieu des nations, etfigure une puissance politique qui exerce une tyrannie d'une rareviolence, et dont l'autre (verset 11-18) monte de la terre, sefaisant l'auxiliaire et comme la servante de la première et, par lacontrainte autant que par la ruse, obligeant les hommes à porter samarque et à se soumettre à son autorité; on se rappelle que c'est àpropos de cette «marque» de la bête que l'auteur de l'Apocalypseindique ce nombre de 666 qui a si fort intrigué les commentateurs etque l'on a interprété de tant de façons; on s'accorde généralement ày voir aujourd'hui la transcription numérique des mots: César Néron.La seconde bête se retrouve dans la suite du livre (Ap 16:1319:20), sous le nom du faux prophète. Le mot d'Antéchrist, bien que certainement en usage et comprisdans les milieux chrétiens, ne se rencontre, dans la Bible, que dansles ép. de Jean (1Jn 2:18-23 4:3,2Jn 7), et il y est pris dansun autre sens que dans les documents que nous venons de passer enrevue. L'Antéchrist, qui vient, qui est déjà là et qui compte plusd'un représentant, est sorti du sein de l'Église elle-même; ce n'estplus le tyran qui l'opprime et, du dehors, met son existence endanger; c'est le faux docteur qui répand l'hérésie et notamment celuiqui nie que Jésus soit le Christ ou qui ne confesse pas Jésus venu enchair, c-à-d. celui qui distingue entre l'homme Jésus et le Christcéleste, qui aurait fait momentanément de lui son instrument. Nous n'avons pas à poursuivre, en dehors de la Bible, l'histoirede cette croyance, pas plus que nous n'avons à rechercher l'influencequ'elle a exercée sur la vie de l'Église et sur la doctrinechrétienne. Il va de soi que, surtout aux époques troublées, lesimpressionnants tableaux de Da 8,2Th 2,Ap 13, ont ému lesesprits et donné naissance à bien des spéculations; les mouvementssectaires se sont, en général, montrés très avides de ce genre derecherches. L'Église catholique, dans son ensemble, en est restée à laconception exposée dans les ép. johanniques: l'Antéchrist, c'estcelui qui propage l'erreur et le schisme. A l'époque de la Réforme,on n'hésite pas à identifier Antéchrist et papauté: l'Église romainen'était-elle pas clairement visée par les dénonciations del'Ecriture? Le pape ne se donne-t-il pas pour le vicaire deJésus-Christ? N'a-t-on pas persécuté par son ordre, de la façon laplus cruelle, ceux qui refusaient de reconnaître son autorité? Cetteidée est aujourd'hui encore celle des milieux ultra-protestants.Ailleurs, on s'est remis à chercher l'Antéchrist parmi lesreprésentants de la puissance politique, et il n'est guère deconquérant, de souverain ou d'homme d'État plus ou moins hostile auchristianisme, qui n'ait été tenu pour l'Antéchrist. Impossibled'attribuer une valeur quelconque à ces essais de divination.A l'heure présente,--et il en sera vraisemblablement toujoursainsi,--les théologiens forment deux camps opposés; on trouve d'uncôté (peut-être sont-ils plus rares que jadis) ceux qui regardent lespassages bibliques rappelés ci-dessus comme d'authentiquesprédictions, faisant corps avec la révélation et attendant encoreleur accomplissement; et de l'autre ceux qui n'y voient que lesdocuments de l'émotion causée dans les âmes croyantes par certainsaccès de rage persécutrice (Antiochus, Néron), où l'on discernait leprélude de détresses plus terribles encore. Nous croyons bien que lessombres tableaux que nous trouvons dans certaines pages de la Biblesont en rapport étroit avec des circonstances aujourd'hui disparues;mais nous estimons aussi qu'il faudrait être bien décidé à se bercerd'illusions pour se persuader qu'on ne les reverra plus et quel'antéchristianisme a dit son dernier mot.Consulter les Comment, sur 2Th et Apo Voir aussi les publications surle prochain retour du Christ, qui ont foisonné après la guerre, ontrecours à des rapprochements arbitraires qui les privent de toutevaleur. AUG. Th.