MER MORTE

La plus grande mer intérieure de la Terre Sainte.Nom. Le nom «mer Morte» ne se rencontre pas dans la Bible, bien qu'il soitemployé par d'autres écrivains de l'antiquité. Le texte hébreumassorétique dit «mer Salée» (yâm hammèlakh) neuf fois (Ge14:3,No 34:12 etc.). Dans cinq passages (De 3:17 4:49,Jos 3:1612:3,2Ro 14:25) on trouve «mer de l'Araba» (dans tous ces versets,Sg. et Vers. Syn. traduisent incorrectement «mer de la plaine»; lesens originel d'Araba est plus probablement «sec»). Dans Eze Eze47:18,Joe 2:20,Za 14:8, nous trouvons «mer orientale» (yâmhaqqadmôni), et dans Am 8:12,Mic 7:12 seulement ce mer» (yâm) «Mer Morte» semble avoir été d'abord employé en grec(thalassa nekra; cf. Pausanias V, 7:3 et Galien 4:20). Nous le trouvons enlatin dans Justin XXXVI, 3:16; aussi dans la traduction de la Vulgate(Incorrecte) de Jos 3:16 (mare solitudinis quod nunc vocaturmortuum). Josèphe emploie asphaltitis limnè (Ant., I, 9) et Sodomitis limnè (V, 1). Les Arabes d'aujourd'hui l'appellent Bahr Lout , vestige probable de la tradition relative au Lotbiblique.Caractéristiques des eaux. La mer Morte s'étend à l'extrémité S. de la dépression de la surfaceterrestre qui commence à environ 150 km. au Nord, près du lac Houle(voir Araba). Elle reçoit par conséquent les eaux du Jourdain(environ 6 millions de mc. par jour) et d'autres affluents. Elle n'apas de débouché. Les eaux qu'elle absorbe disparaissent parévaporation, laissant des dépôts minéraux qui consistentprincipalement en chlorures de magnésium, de sodium et de calcium.Ces éléments donnent à l'eau un goût désagréable et cette consistancehuileuse que peuvent attester tous ceux qui s'y sont baignés.L'analyse exacte des éléments chimiques à une profondeur de 340 m.,suivant le capitaine Lynch (Report of the U. S. Exped. to theJordan and Dead Sea, 1852), donne les proportions: chlorures demagnésium, 14,889 pour cent; de sodium, 7.855 pour cent de calcium,3,107 pour cent; de potassium, 0,137 pour cent Ces élémentsconstituent donc 26 pour cent du volume total à la profondeurindiquée. (Les éléments en solution dans l'océan Atlantiqueconstituent seulement 6 pour cent du volume total.) Rien d'étonnantsi le corps humain, excepté la tête, ne peut s'enfoncer dans ceseaux! Ces éléments chimiques sont dus à la fois à la naturebitumineuse d'une grande partie du bassin, aux apports des affluentset aux sources salines qui se trouvent le long de la côte.Géologie. Les caractéristiques exceptionnelles de la mer Morte ont donné lieu àde nombreuses hypothèses sur la formation géologique de la dépressionà laquelle appartient le lac. Les géologues croient que, dans lestemps préhistoriques, toute la surface qui se trouve dans levoisinage du golfe actuel d'Akaba, y compris la péninsule du Sinaï (àl'exception des hauts sommets), et qui s'étend au delà de la valléeJourdain-Akaba jusqu'au pied du mont Hermon, était couverte par deseaux qui se sont réunies dans ce qui est maintenant la mer Rouge (cf.Blanckenhorn, Tristram, Lartet, Hull). A la fin de la période éocène,cette terre fut soulevée hors de la mer, non sans laisser à lasurface du sol une dépression semblable à celle qui existemaintenant. Durant les périodes pliocène et pléistocène, cettedépression fut probablement remplie d'eau et forma un vaste lacintérieur de plus de 300 km. de longueur. Des terrasses lacustressituées à différents niveaux de la vallée d'Akaba, au Sud de la merMorte, permettent de supposer que ces eaux s'abaissèrent par degrésvers la fin de la période glaciaire. Les observateurs compétents ontcessé d'admettre que la mer Morte est le produit d'une actionvolcanique, encore que les tremblements de terre ne soient pasinconnus dans cette région. Quel que soit le mérite de ces théories,il est indiscutable que la mer actuelle et ses environs sont, dans lepays de notre Seigneur, les silencieux témoins des formidablesphénomènes naturels des époques géologiques.Dimensions et contour. Ainsi, au stade actuel d'un lent développement, nous avons un lac de80 km. de longueur et de 16 km. dans sa largeur la plus grande, etd'une surface totale d'environ 1.000 km 2 (une fois et demie aussigrand que le lac Léman). Sur le bord oriental se trouve une grandepéninsule appelée aujourd'hui el-Lîsân (=la langue), composée demarne calcaire et qui s'étend à 5 km. de la côte O.; el-Lîsân (fig. 151) semble ainsi séparer la mer en deux parties inégales. Leseaux du nord, de beaucoup les plus abondantes, atteignent uneprofondeur de 393 mètres. La partie S. est d'une très faibleprofondeur, qui varie de 2 à 6 mètres. Quelles bizarreries de lanature nous constatons ici! Les plaines de Moab s'élèvent à près de1.000 m. au-dessus du niveau de la mer. La surface de la merMorte est à 398 m. au-dessous du niveau méditerranéen et le fond,de ce lac est encore à environ 400 m. plus bas. La mer Morte et lavallée du Jourdain en ce point se trouvent au-dessous de la mer, à unniveau de beaucoup inférieur à toute autre région du globe.Importance biblique. La mer Morte n'intervient pas souvent d'une manière directe dansl'histoire d'Israël. Cependant elle a toujours servi debarrière-frontière entre la Palestine et les contrées du sud-est.Elle a aussi affecté la pensée religieuse des Hébreux. Quand ilsréfléchissaient aux conditions du jugement et du châtiment du péché,il est naturel qu'ils aient pensé à la mer «du Sel». C'est ainsi queSodome et Gomorrhe, jadis prospères dans la vallée de Siddim,projettent leur ombre sur toute la philosophie de la religiond'Israël. L'histoire de Lot et de sa famille, aux derniers jours deSodome, est racontée dans Ge 19. La leçon trouve son applicationdans De 29:23 et dans les prophéties de Am 4:11,Esa 1:93:9,Jer 23:14 49:18 50:40,Sop 2:9,La 4:6,Eze 16:46,49,53,55 Jésusfait des allusions fréquentes à la perversité de ces deuxvilles. (cf. Mt 10:13 11:24,Mr 6:11,Lu 10:12 17:29) En contrasteavec ces sombres tableaux, les descriptions prophétiques d' Eze47 (cf. Za 14:8) parlent d'une transformation anticipée dudésert en un lieu fertile grâce au torrent d'eau vive qui sortira dutemple de la Jérusalem restaurée.Erreurs populaires. Au sujet de la mer Morte se sont fait jour des récits exagérés.Beaucoup de gens se figurent qu'en volant au-dessus de ses eaux lesoiseaux meurent, mais nous en avons vu nous-même plusieurs lessurvoler sans aucun mal. On a prétendu qu'il s'y trouve certainspoissons; mais il n'y en a qu'à l'embouchure du Jourdain et despetits affluents qui descendent des montagnes. Contrairement à uneopinion courante, des. tempêtes peuvent s'élever sur la mer Morte; lecapitaine Lynch, explorateur, a vu son bateau frappé par les vaguescomme par des coups de marteau.On croit aussi que la vue en est laide et triste; mais ses eaux, auxcouleurs changeantes, vertes ou bleues, ont vraiment leur beauté. Ona supposé que la stérilité de la mer Morte et de ses environs dépendde quelque particularité de son eau; mais elle est plutôt due aumanque permanent d'eaux courantes et de pluie et à la chaleurintense. Aucun nom ne pouvait mieux convenir à ce phénomène unique dela nature que celui de mer Morte.Sodome et Gomorrhe. Une étude sur la mer Morte ne saurait être complète sans un examendes vues de l'orientaliste américain, W. F. Albright, à propos del'emplacement de Sodome et Gomorrhe. La localisation des deux «villesde la plaine», soit à l'extrémité N. soit à l'extrémité S. de la merMorte, est matière à controverse (voir Plaine [villes de la]). Lesconclusions d'Albright viennent à l'appui de l'hypothèse sud. Ilrétablit l'opinion traditionnelle souvent rejetée que le site exactdes villes de la plaine, mentionné dans Ge 14, peut avoir étésubmergé par les eaux peu profondes du sud. Il fonde sonargumentation sur le fait que le niveau de la mer Morte s'est élevémême dans les temps modernes et que sa surface est plus grande qu'ily a un siècle.La question de savoir si la région située à l'extrémité sud de la merétait occupée pendant l'âge du bronze, se résout par l'affirmatived'après les découvertes d'Albright à Bâb ed-Drâb, lieu situé non loinde l'extrémité sud de la mer. Les preuves nouvelles qu'il apportenous donnent le lieu en question comme un centre de pèlerinagesreligieux des Cananéens de cette période. D'où y venaient lespèlerins, sinon des cités de la région maintenant aride ou submergée?Il est remarquable que la preuve archéologique ainsi apportée assignel'abandon d'ed-Drâb à peu près à la période même où Sodome etGomorrhe furent détruites. Le même savant en a trouvé uneconfirmation plus récente dans certains retranchements datant del'âge du bronze, sur la ligne d'Irbid à Djérach, ce qui est en faveurde l'historicité souvent disputée des villes mentionnées dans Ge14:5 comme jalonnant la marche des rois d'Orient conduits parKedor-Laomer contre les princes cananéens de la région de la merMorte (cf. Bull. Amer. Schools of Orient. Res., oct. 1929, p.10). L'archéologie peut donc encore donner quelque vie à Ge 14aussi bien qu'à cette région désolée du S. de la mer maintenantappelée «Morte». BIBLIOGRAPHIE.--Lynch, Rapport cité plus haut; Duc de Luynes, Voyage d'exploration à la mer Morte, 1875, spéct vol. III parLartet; G.A. Smith, Hist. Geog., 1894, pp. 499-516;Hull, Memoir on the Geol. and Geog. of Arabia Petroea, Palestine,etc., 1889; W.F. Albright, art.«The JordanValley in the Bronze Age» (Ann. Amer. Schools of Orient.Res., vol. VI, 1924-25, pp. 54ss). A.R. S.