Beaucoup de commentateurs voient dans ces anges des messagers desÉglises, chargés de leur porter les paroles du prophète. Mais cettedésignation est soumise à de sérieuses objections. L'auteur écrit auxÉglises elles-mêmes et il est visible que l'ange leur est identifié.Il n'est pas le messager, mais le destinataire même du message.D'autre part, il nous est expliqué que les sept anges sont les septétoiles (Ap 1:20) que le Christ tient dans sa main. Ap 3:1les associe aux sept esprits, qui dans l'univers assurentl'omniprésence divine (Ap 5:6 3:1). Nous sommes donc bien dansle monde céleste, et cela est d'autant plus certain que nulle partdans l'Apocalypse le mot ange ne désigne un être humain, alors quepourtant le rôle des anges est prédominant et qu'ils apparaissentpartout. Enfin, il est naturel de se tenir, pour interpréter le nomdonné à ces représentants des Églises, sur le plan de la vision, quiest le plan céleste. Tout est vu sur ce plan: le temple, l'autel,l'Église. On comprend donc que s'il existe un mode célested'existence, une présence en Dieu, pour les Églises, ce soit à cettepersonnalité suprasensible que le Voyant s'adresse, car c'est elle,en réalité, qu'il a devant lui. Or la fonction des anges (voir ce mot) dans le monde spirituelest complexe. On risque de la fausser en la définissant d'une manièreexclusive. A l'égard de Dieu, les anges remplissent sans doute lerôle de messagers: mais ils sont aussi les moyens, et comme lesorganes de sa présence universelle et multiple. Dieu a une infinitéd'anges à ses ordres, parce qu'en réalité son Esprit est partoutagissant. Dieu, d'ailleurs, n'est pas seul à avoir des anges. Satan ales siens. Chaque fidèle, par cela même qu'il possède une vie cachéeavec Christ en Dieu, a son ange qui est sa vie même, en tant qu'ilfait partie du monde invisible. L'Église a dans l'Apocalypse sapersonnalité transcendante, que la vision fait apparaître. LesÉglises locales sont aussi des organismes spirituels, qui ont leuractivité visible ici-bas, mais leur vie invisible auprès de Dieu. L'angélologie juive a permis à la pensée chrétienne de trouver unmoyen de rendre en quelque sorte sensible la réalité de la vie enDieu. En s'adressant à l'ange de chaque Église, le Voyant a devantles yeux ces Églises mêmes, en tant que présentes dans la communiondu Christ glorifié. L'Apocalypse entière est la vivante, expressionde ce dualisme. Un drame se déroule dans l'invisible, drame dont lesvrais protagonistes sont cachés, tandis que l'aspect humain apparaîtaux regards. En se plaçant à ce point de vue, on n'est pas surprisque le Voyant, transporté de l'autre côté du voile, parle aux Églisesqu'il y rencontre, sous leur aspect transcendant. Il peut donc leuradresser des reproches, ce qu'il ne ferait point s'il s'agissaitseulement d'anges gardiens. Par là s'élimine l'opinion que ces angesseraient les évêques. Peu naturelle en elle-même, parce qu'elle faitdes anges des êtres humains, cette interprétation apparaît commedominée par un a priori ecclésiastique. Et. C.