MATTHIEU (évangile de) 4.

IV Caractères. 1. LA LANGUE.De même que pour établir ses principes de composition, la comparaisonde Matthieu avec sa source Marc est capitale pour préciser les caractèresparticuliers de forme et de fond du plus récent de ces deuxévangiles. En simplifiant les expressions redondantes celui-ci allège laphrase souvent embarrassée du premier. Il remplace souvent laconjonction: et (haï) de Marc par la particule grecque dé, beaucoup plus souple et nuancée. L'adverbe caractéristique de Marc:aussitôt (gr. euthus ou euthéôs), qui s'y trouvait 41 fois,ne paraît plus que 7 fois dans Matthieu; l'adverbe: de nouveau (palin), 26 fois dans Marc n'est plus que 16 fois dans Matthieu;le verbe au présent historique, forme vivante mais populaire, trèsfamilière à Marc (150 fois), est 93 fois dans Matthieu, dont 21 sontde Marc; 228 fois est évité par Matthieu le verbe à l'imparfait,tournure souvent lourde en grec. Pour donner leur valeur réelle àtous ces nombres en contraste, il faut tenir compte de la proportiondes deux ouvrages, Matthieu étant plus long que Marc à peu près des2/3 de celui-ci. D'autres améliorations encore du style spontané maisgêné de Marc (la conjugaison par périphrase, ou avec l'auxiliaire:commencer à..., la reprise de la préposition des verbes composés)contribuent à rapprocher Matthieu de la langue classique. Dans le même sens il préfère les mots usuels aux expressionssouvent pittoresques mais d'un usage exceptionnel qu'il trouve chezMarc; son vocabulaire particulier emploie davantage de termes du grecordinaire ou de celui des LXX Dans ces révisions de forme onreconnaît une époque moins proche du sujet traité; après les auteursqui, sous le coup des faits extraordinaires de l'Évangile, lançaientl'explosion d'un témoignage, sans considérations secondaires, voiciles rédacteurs proprement dits qui estiment le sujet digne de seconformer aux exigences littéraires pour avoir plus d'accès et decrédit auprès du public instruit. 2. LES RECTIFICATIONS.Ce n'est pas seulement la forme que Matthieu corrige chez Marc; c'estaussi quelquefois le fond, lorsque tel détail du récit lui paraîtêtre une erreur ou une inexactitude. En certains cas, ce sontincontestablement les rectifications justifiées d'un lecteur plusattentif ou mieux renseigné. C'est ainsi qu'il fait disparaître lamention erronée du sacerdoce d'Abiathar là où il aurait fallu lire:Abimélec (Mr 2:26 parallèle Mt 12:4); qu'il substitue autitre populaire de roi, auquel Hérode prétendait, son titre officielde tétrarque (Mr 6:14 parallèle Mt 14:1). Au même souci d'exactitude il faut sans doute attribuer lacorrection de la formule primitive relative à la résurrection: «après3 jours» (Mr 8:31 9:31 10:34) qui devient: «le 3 e jour» dansMatthieu (Mt 16:21 17:23 20:19), ce qui est strictement plusjuste pour désigner l'intervalle entre le crucifiement du vendredisoir et l'ouverture du tombeau vide le dimanche matin; pourtantMatthieu a conservé une fois la locution ancienne (Mt 27:63),probablement sans s'en rendre compte. Dans d'autres cas, ses modifications portent sur des nomspropres: «Lévi fils d'Alphée» devient «un homme appelé Matthieu»(Mr 2:14 parallèle Mt 9:9), peut-être sous l'influence desLogia oeuvre de Matthieu; au lieu de Géraséniens, nous avonsGadaréniens (Mr 5:1 parallèle Mt 8:28); au lieu dumystérieux Dalmanutha, le non moins mystérieux Magadan (Mr 8:10parallèle Mt 15:39). Une quantité d'autres corrections peuvent être signalées; lesprincipales vont nous apparaître maintenant comme provenant deconceptions religieuses particulières de l'évangéliste. 3. L'ACCOMPLISSEMENT DES ÉCRITURES.Nous l'avons vu plus haut, Matthieu a rattaché une grande partie duministère du Messie à des prophéties de l'A.T., qu'il cite en lesintroduisant par la même formule: «Ainsi fut accompli ce qui avaitété dit par...» (Mt 4:14 8:17, etc., cf. Mt 1:22 2:15,17,23).Le programme de Jésus placé par lui à l'entrée de songrand discours: «venu, non pour abolir la loi et les prophètes, maispour les accomplir» (Mt 5:17 et suivants), domine toute laprésentation de son évangile. Il en a contracté l'habitude de rattacher les incidents auxÉcritures qu'à ses yeux ils accomplissent, pour faire mieux ressortirla réalité de cet accomplissement. Là où Marc ne parle que d'un ânon, il met en scène deux animaux,parce qu'il pense à la prophétie de Zacharie (Za 9:9), qu'ilcite expressément; et la répétition en parallèle poétique relative àl'ânon: «monté sur un âne, sur un ânon, le petit de celle qui portele joug», s'applique pour lui distinctement à un ânon et une ânesse(Mr 11:2 et suivants parallèle Mt 21:2 et suivants). Là où Marc écrit: «ils promirent de lui donner de l'argent»,Matthieu modifie: «ils lui comptèrent 30 pièces d'argent» (Mr14:11 parallèle Mt 26:15), se rapprochant ainsi de Za11:12. Et un peu plus loin (Mt 27:9), à propos du champ dupotier, il cite librement Za 11:12-13, mais il les attribuepar inadvertance à Jérémie, sans doute influencé par le souvenir del'achat d'un champ par ce prophète (Jer 32:6-9) et de sesimages du potier (Jer 18:2 19:10). Notre évangéliste semble commettre lui-même une erreur de nomdans une allusion aux Écritures: (Mt 23:35) il met dans lediscours de Jésus la remarque tragique: «depuis le sang d'Abeljusqu'au sang de Zacharie», c'est-à-dire que les meurtres d'innocentsremplissent l'A.T, depuis les premières pages (Ge 4) jusqu'auxdernières (2Ch 24:20,22) --car l'A.T, hébreu se termine par leslivres des Chroniques--; seulement la victime mentionnée en cedernier cas est Zacharie fils de Jéhojada, tandis que l'évangélistelui donne machinalement un autre patronyme, qui provient du prophète(Za 11, cf. aussi Esa 8:2), «Zacharie fils de Barachie»; on acherché d'autres explications à cette anomalie, mais la plusnaturelle est bien celle d'un lapsus échappé au rédacteur ou à l'undes premiers copistes de Matthieu, et que Luc de son côté n'a pascommis (Lu 11:51). Ailleurs, le «vin mêlé de myrrhe» de Mr 15:23 devient dansMatthieu (Mt 27:34) un «vin mêlé de fiel», sans doute parcequ'il pense à la plainte du psalmiste: «mes adversaires mettent dufiel dans ma nourriture, et pour apaiser ma soif ils m'abreuvent devinaigre» (Ps 69:22); la 2 e partie de ce verset se trouvantréalisée dans Mt 27:48, l'évangéliste a vu la réalisation de la1re dans Mt 27:34; mais il fait ainsi des deux breuvagesprésentés au Crucifié des boissons préparées contre lui par lamalveillance (comme dans le psaume), tandis que le «vin mêlé demyrrhe» était un stupéfiant, offert au supplicié par miséricorde, etque du reste celui-ci refusa pour garder sa lucidité, et le vinaigreétait le mauvais vin aigri des soldats (Jn 19:29). Cette tendance à trouver dans les évangiles les accomplissementsmatériels de nombreux passages de l'A.T, devait prendre un essorextraordinaire chez certains Pères de l'Église; c'est ainsi queJustin Martyr (Apol., 13 2) affirme que «l'ânon attaché», d'aprèsles évangiles, ne pouvait l'être qu'à un cep de vigne, car il estécrit de Juda: «Il attache à la vigne son ânon, et au meilleur cep lepetit de son ânesse» (Ge 49:11). On voit par cet exemple que sile rédacteur juif de Matthieu part d'un juste point de vue lorsqu'ilappuie la nouvelle alliance sur l'ancienne, il n'en est pas moinsvrai que sa tendance à accentuer les interprétations littéralistes del'A.T, l'éloigné peu à peu des événements historiques, dans la voiede l'allégorie. Il y avait été certainement précédé lui-même par lespréoccupations théologiques des communautés primitives, mais c'estcelui des évangiles qui y a le plus prêté. 4. L'AUTORITE DES DISCIPLES.Il arrive fréquemment aussi que l'évangéliste atténue ou même fassedisparaître, de Marc les traits qui pourraient sembler défavorablesaux disciples de Jésus. L'observation que leur fait leur Maître:«vous ne comprenez pas cette parabole? comment donc comprendrez-voustoutes les paraboles?» (Mr 4:13) sonne presque comme unreproche, dans sa surprise attristée; elle a disparu du parallèleMt 13:16 et suivant, où tout au contraire il leur adresse unebénédiction: «quant à vous, heureux vos yeux parce qu'ils voient...!» La mention de leur incompréhension du miracle des pains et del'endurcissement de leur coeur est remplacée par leur adorationprosternée devant le Fils de Dieu (Mr 6:52 parallèle Mt14:33). Supprimées, au moment de la transfiguration, la remarque quePierre «ne savait pas ce qu'il disait parce qu'ils étaient effrayés»,et l'ignorance des trois disciples se demandant ce que c'était queressusciter des morts (Mr 9:6,10 parallèle Mt 17:4-9). Supprimée de même la remarque analogue, en Gethsémané, qu' «ilsne savaient que lui répondre» (Mr 14:40 parallèle Mt26:43). La conclusion analogue, après une annonce de sa mort: «ils necomprenaient point cette parole, et ils craignaient de l'interroger»,devient simplement: «ils furent fort affligés» (Mr 9:32parallèle Mt 17:23). La leçon de Jésus sur l'humilité, provoquée chez Marc par unediscussion des disciples sur le plus grand d'entre eux, est amenéechez Matthieu par la question tout impersonnelle qu'ils lui posentsur le plus grand dans le Royaume (Mr 9:33 et suivants,parallèle Mt 18:1 et suivants). La demande intéressée de Jacques et Jean ambitionnant lespremières places dans la gloire du Seigneur, est prêtée par Matthieuà leur mère, ce qui épargne les disciples; mais le réviseur ne s'estpas avisé de modifier aussi le pluriel de la réponse de Jésus, quis'adresse aux frères, ni la conséquence qui est l'indignation des dixautres non contre la mère mais contre les deux frères (Mr10:35,41 parallèle Mt 20:2-24). A ce souci d'épargner les disciples se rattachent peut-être lespassages tendant à mettre en avant l'autorité de Pierre (Mt 14:2816:17 et suivants), et que Matthieu ajoute à Marc celui-ci lesayant sans doute passés sous silence parce que Pierre lui-même(d'après qui Marc rédigea son évangile) évitait de se faire valoir(voir Marc [évangile de], III, 3). Cette tendance de Matthieu à rehausser les Douze n'est pas d'ailleurssans quelques exceptions: il n'a pas supprimé, loin de là, tout cequi pouvait risquer de jeter un blâme sur leur souvenir; il en a mêmeconservé que Luc de son côté devait supprimer:

les reproches de Jésus pour leur manque de mémoire (Mr 8:17 parallèle Mt 16:8 parallèle Lu 12:1),sa dure réprimande à Pierre en qui s'incarne le Tentateur (Mr 8:33 parallèle Mt 16:23 parallèle Lu 9:22),le pénible épisode lui-même des deux fils de Zébédée,enfin la fuite générale des Onze après l'arrestation de leur Maître (Mr 14:50 parallèle Mt 26:56,Lu 22:53).
La tendance de Matthieu, pour n'être pas absolue, n'en est pas moinsgénérale, et Luc la partage en une certaine mesure. Elle manifeste unrespect tout particulier, nous allions dire une sorte de culte, pourles apôtres du Seigneur qui après l'Ascension et la Pentecôte avaientfondé l'Eglise sous l'action de l'Esprit. Ils ne sont plus présentésici comme des compagnons familiers avec qui l'on a vécu, mais en euxdéjà commencent à poindre des personnages qui prendront figurehiératique par l'association de leur ministère à l'action éternellede leur Maître terrestre désormais glorifié. Tant il est-vrai quenotre évangile sous sa forme actuelle ne peut avoir été conçu parl'un d'entre eux, par l'apôtre Matthieu de la tradition, mais qu'ilappartient à une génération plus récente, élevée dans la vénérationde la piété à l'égard des témoins, confidents, successeurs etreprésentants du Seigneur Jésus-Christ. 5. LA MAJESTE DU CHRIST.A plus forte raison son culte pour le Seigneur inspire-t-il àMatthieu une tendance à rehausser son autorité; et ceci, doublement: 1° Négativement Il atténue ou supprime bien des éléments qui à ses yeux auraientrisqué de rabaisser le Messie dans l'adoration de ses lecteurs. Surle témoignage oculaire de Pierre, Marc avait retenu, en des tableauxmouvementés et vivants, nombre de traits de physionomie humaine deJésus de Nazareth. Mais Matthieu préfère généralement passer sous silenceses émotions:
indignation affligée (Mr 3:5 parallèle Mt 12:13), étonnement attristé (Mr 6:6 parallèle Mt 13:58), soupir (Mr 8:12 parallèle Mt 16:2), encore indignation (Mr 10:14 parallèle Mt 19:14), affection (Mr 10:21 parallèle Mt 19:21);
Il adoucit en «tristesse» le terme de «frayeur» (grec ekthambesthaï, litt, surprise terrifiée) qui, appliqué au Christ,lui aura paru excessif (Mr 14:33 parallèle Mt 26:37). Il supprime le plus souvent les questions par où Jésus s'informe,paraissant donc ignorer ce qu'il demande:
«quel est ton nom?» (Mr 5:9 parallèle Mt 8:29 et suivant), «qui a touché mes vêtements?» (Mr 5:30 parallèle Mt 9:21 et suivant), «combien de pains avez-vous?» (Mr 6:38 parallèle Mt 14:17), «sur quoi discutez-vous?» (Mr 9:16 parallèle Mt 17:14), «combien y a-t-il de temps que cela lui arrive?» (Mr 9:21 parallèle Mt 17:17 et suivant), «de quoi parliez-vous en chemin?» (Mr 9:33 parallèle Mt 18:1), «où est la salle pour la Pâque?» (Mr 14:14 parallèle Mt 26:18).
Combien plus supprimera-t-il donc les indications qui feraientsupposer une certaine impuissance du Maître:
la désobéissance du lépreux, qui l'empêche d'entrer ouvertement dans les villes (Mr 1:45 parallèle Mt 8:4), l'ordre à l'esprit impur qui n'obéit pas immédiatement (Mr 5:8 parallèle Mt 8:29 et suivant), sa volonté de rester caché et l'impossibilité de l'obtenir (Mr 7:24 parallèle Mt 15:21), la terrible convulsion pendant la guérison de l'enfant démoniaque (Mr 9:25,27 parallèle Mt 17:1 et suivant).
En modifiant la première réponse de Jésus au jeune riche, ilévite l'inférence (qui serait d'ailleurs inexacte) que Jésus ne sereconnaîtrait pas bon (Mr 10:18 parallèle Mt 19:17). Il supprime la tentative des siens de se saisir de lui parcequ'il aurait perdu l'esprit (Mr 3:21 parallèle Mt 12:24). Il juge trop énergique le verbe de Marc: «l'Esprit poussa Jésus audésert», et le remplace par «emmena» (Mr 11:2 parallèle Mt4:1); la compagnie des bêtes sauvages lui paraît sans douteincompatible avec la majesté du Seigneur, mais il conserve celle desanges (Mr 1:13 parallèle Mt 4:11); d'après Marc lesdisciples «emmènent» Jésus dans la barque, d'après Mt 11 l'y«suivent» (Mr 4:36 parallèle Mt 8:23); le «charpentier»devient le «fils du charpentier» (Mr 6:3 parallèle Mt13:55); Matthieu remplace le terme vulgaire et presque choquant de«cadavre» (ptôma), appliqué au «corps» du Crucifié (Mr 15:45parallèle Mt 27:59). Sa désapprobation des familiarités déplacées lui fait supprimertoutes les mentions de la foule pressant Jésus:
Mr 1:33,45 parallèle Mt 8:16,4, Mr 3:9 parallèle Mt 12:15, Mr 5:31 parallèle Mt 9:21 et suivant), l'empêchant même de prendre ses repas (Mr 3:20 parallèle Mt 12:22, Mr 6:31 parallèle Mt 14:13,
et les guérisons opérées au moyen de la salive, l'une d'elles nese faisant que sur deux interventions de Jésus (Mr 7:8:22). Dansune annonce des outrages qu'il subira, Matthieu seul supprime ledétail des crachats (Mr 8:34 parallèle Lu 18:32,Mt 20:19).Il n'est pas jusqu'au reproche que les Douze osent adresser à Jésusdans la tempête: «Seigneur, cela ne te fait-il rien que nouspérissions?» qui ne devienne l'appel d'une édifiante prière:«Seigneur, sauve-nous! nous périssons!» (Mr 4:38 parallèle Mt8:25), ce qui épargne à la fois le caractère des disciples et lapersonne du Sauveur. 2° Positivement .Matthieu accentue la toute-puissance et la majesté du Seigneur. Marc disait: «on lui amena tous les malades et lesdémoniaques...Il guérit plusieurs malades et chassa plusieurs démons»; Matthieu transpose: «on lui amena plusieurs démoniaques,il chassa les esprits et guérit tous les malades» (Mr13:22,34 parallèle Mt 8:16). Trois fois Matthieu souligne une guérison par la précision «àcette heure même» (Mt 9:23 15:25 17:18), lui qui en d'autrescirconstances supprime si souvent l'adverbe «aussitôt», cher à Marc. Il applique aussi cet adverbe au dessèchement du figuier maudit,alors que d'après Marc cet effet n'est visible que le lendemain(Mr 11:20 parallèle Mt 21:19). Au lieu d'un démoniaque guéri au delà du lac, Matthieu en a deux(Mr 5:2 et suivants parallèle Mt 8:28); au lieu d'unaveugle guéri près de Jérico, Matthieu en a deux (Mr 10:46parallèle Mt 20:30). Lui seul fait mention de phénomènes extraordinaires consécutifs àla mort de Jésus (Mt 27:51,53). Certes, sa foi chrétienne, si humaine et si morale tout ensemble,ne saurait être assimilée aux antiques superstitions quimultipliaient les prodiges accompagnant la mort de César (Virgile, Géorg., I, 466-497) et de ses successeurs (Suétone, pass.) pour consacrer l'apothéose impériale; il n'en reste pas moins quedans la pensée de notre évangéliste les faits inexplicables survenusau moment où le Seigneur expirait contribuaient à sanctionner pour lepublic sa divinité glorieuse. Poussant plus loin dans cette voie,l'hagiographie des évangiles apocryphes--que la chrétienté devaitrepousser--allait plus tard se donner libre carrière end'invraisemblables déroulements du prodigieux dans le ministère duChrist; de ce produit stérile et faux de la pure imagination,Matthieu se trouve encore fort éloigné, dans sa sobriété d'évangilecanonisé par l'Église primitive; mais son inclination certainementinconsciente à renforcer de traits thaumaturgiques la gloire de sonSauveur trahit le goût d'une certaine piété judéo-chrétiennehéritière de celle des Juifs, qui «demandent des miracles» (1Co1:22), et présage l'orientation où s'engageront au siècle suivanttant d'amateurs de merveilleux.