MARQUES ET SIGNES

I Marque. Nous rendons par ce mot l'hébreu ôt et divers termes grecs (sèméïon, kharagma, stigmata), quand il s'agit d'un signe oud'une empreinte qui s'attache à la personne même comme sceau d'unpacte ou affirmation d'une souveraineté. Nous sommes peu renseignéssur la nature de la plupart des «marques» mentionnées dans la Bible. 1. MARQUE DE CAÏN (Ge 4:15).Le narrateur a-t-il en vue un signe extérieur qui aurait faitconnaître partout le meurtrier? Cela paraît peu probable. L'ancêtredes forgerons passait-il peut-être pour avoir été couvert d'une sortede tabou par le maniement du feu? Le défaut d'unité du récit,l'obscurité qui plane sur des coutumes auxquelles il peut être faitallusion, rendent toute conjecture hasardeuse. Ceux qui traduisent«signe» au lieu de «marque» évitent la difficulté en ramenant lasécurité de Caïn à une promesse qu'il reçoit de Dieu et dont il doitreconnaître lui-même le témoignage au moment du danger. 2. MARQUES DE JESUS (Ga 6:17).On a beaucoup discuté sur les «stigmates» de saint Paul. Diverseshypothèses sont plausibles. On a pensé aux stigmates des mystiques(s. François d'Assise, etc.). Le plus simple est sans doute de penseraux cicatrices qui rappellent les souffrances et dangers de sacarrière. Il est ainsi «marqué» pour Christ, comme ces esclaves quel'on marquait au fer rouge en les vouant au service de certainesdivinités païennes. D'ailleurs, le titre d'esclave est revendiqué parl'apôtre. 3. MARQUE DE LA BETE (Ap 13:16 et suivant).On pense en général que cette marque désigne un cachet officielromain, estampille obligatoire pour commercer (voir les intéressantescitations et reproductions de papyrus ainsi «marqués», dansDeissmann, NBS, pp. 68ss). Mais il peut s'agir aussi d'uneattestation accordée à ceux qui sacrifiaient au César divinisé, ouencore d'une marque volontairement reçue (sorte de tatouage) par ceuxqui voulaient ainsi montrer leur zèle. Cependant il ne faut pasexclure non plus la pensée d'une marque mystique, correspondant ausceau dont sont marqués les élus (Apo 7:3 13:16 19:20 20:4,Eze 9:4-6), où la marque en question doit être la lettre tav [v. ce mot] ou une sorte de croix. L'une de ces hypothèsesn'exclut pas les autres. Dans certains passages, par ex. dans le dernier cité, les marquessont sans doute considérées comme des tatouages (voir ce mot); dans(Za 13:6), il s'agit d'incisions (voir ce mot).II Signe. Ce terme, dans nos traductions françaises, correspond d'une manièregénérale à l'hébreu ôt et au grec sèméïon. On le considèrecouramment comme l'équivalent de «miracle». Mais les deux notions nese recouvrent pas. Le «signe» n'est pas nécessairement un miracle; ildésigne une manifestation particulière de la volonté de Dieu, quidoit être interprétée par ceux à qui elle s'adresse. Ge 9:12,l'arc-en-ciel est présenté comme «signe d'alliance», de même lacirconcision (Ge 17:11), le sabbat (Ex 31:13). Tout ce quiatteste ou rappelle une intervention révélatrice ou rédemptrice estun «signe». (cf. Ex 3:12) Le miracle, la prévision de l'avenir,etc. sont des signes accréditant le message des prophètes. Aussi lessignes sont-ils souvent imités par les faux prophètes (De 13:2,Ex7:11,Ap 12:1 13:13). Dans le ministère des prophètes le sens dusigne s'élargit jusqu'à comprendre la vie entière de l'homme de Dieu.Ésaïe ne se borne pas à fournir à l'occasion un signe de la part deDieu (Esa 38:22 parallèle 2Ro 20:8 et suivant;voirCadran d'Achaz); mais aussi il devient lui-même, ainsi que les siens,un signe de la part de Jéhovah (Esa 8:18); de même Eze12:6-11 24:24 (Vers. Syn., symbole). Le signe suprême de l'Éternelest l'accomplissement de son salut: c'est par la volonté et lepouvoir de sauver que se révèle la nature de Dieu. Dès lors il est naturel que dans le N.T. la notion du signe, bienqu'associée au miracle, ait une extension plus grande. La tendancedes contemporains de Jésus est de ne voir le signe que dans lemiracle, et par suite de rechercher dans le miracle même l'élémentprodigieux. Au contraire, Jésus souligne ce qui dans le miraclerévèle le caractère de Dieu (miséricorde, vie, pardon) et par suiteillustre sa propre mission de Sauveur. Pour Jésus le miracle est unsigne parce qu'il est une oeuvre, c'est-à-dire ce qui porte le cachetde l'ouvrier. Plutôt qu'à des preuves matérielles, qui nepersuaderaient pas les esprits prévenus, Jésus fait appel aux donnéesde la Révélation: «Ils ont Moïse et les prophètes...» (Lu16:29-31). Il refuse d'accorder des signes de nature cosmique,réclamés par les pharisiens et les Sadducéens. Ceux-ci, fidèles àleur tendance rationaliste, demandent un signe venu du ciel; typiquesreprésentants de leur «génération méchante et adultère», ils sontcapables de prédire le temps, mais non point de distinguer les signesannonciateurs de l'avènement du Christ: ils n'auront pas d'autresigne que celui de Jonas, prédicateur de la repentance pour lesNinivites, qui acceptèrent ses appels, comme plus tard les Gentilsaccepteront le salut (Mt 16:1,4, cf. Mr 8:11 et suivant,Lu 11:29-32). L'accent porte donc sur l'ensemble de la missiondu prophète. D'autres voient ici surtout une prédiction de larésurrection, dont l'épisode du grand poisson serait l'image; maisMt 12:40 (cf. Lu 11:30) peut aussi n'être que l'explicationdu signe, aperçue après l'événement. (cf. Jn 2:22) Le 4eévangile emploie exclusivement le grec sèméïon, au sens de signe,pour désigner les miracles de Jésus (Jn 2:11-18-23 3:2 etc.),au lieu du terme des évangiles, syn.: dunamis (=puissance). Dans l'Église apostolique, signe, miracle, prodige tendent à seconfondre (Ac 4:16 6:8 8:6-13,2Co 12:12). Dans le langageapocalyptique le signe est tantôt une apparition dans le ciel (signedu Fils de l'homme se confondant avec l'annonce de sa seconde venue,Mt 24:30), tantôt un phénomène cosmique révélateur (Ap12:1). Voir Miracle. Le «signe de la croix», apparu sans doute de bonne heure parmiles chrétiens, probablement à l'origine comme signe dereconnaissance, était très répandu à l'époque de Tertullien (début duIII e siècle), qui en parle mais déclare nettement: «Si vous cherchezdans la Bible la raison de cette pratique, vous ne l'y trouverezpas.» (De la couronne, IV). ET.-C.