Pour les chrétiens, la Bible est la Parole de Dieu, mais il estévident qu'elle est aussi un recueil de paroles d'hommes. Il estindispensable pour comprendre l'A.T. de tenir compte de ces deuxcaractères et de rendre justice à l'un et à l'autre. Le cerveau et lecoeur ont également part à l'interprétation équitable de l'A.T. Livrede dévotion pour le coeur, il soulève d'innombrables problèmes quel'esprit doit aborder avec courage et loyauté. Cette étude est cequ'on appelle la critique (v. ce mot). Celle-ci n'est pas seulementpermise, elle est inévitable, si l'homme veut se servir de sonintelligence. Au sens étymologique et en fait, la critique est unsimple énoncé de jugement, rien de plus, rien de moins. Les problèmesdont les critiques cherchent la solution n'ont pas été inventés pareux, ils sont posés par les faits eux-mêmes. Quand le prophèteattribue à Jéhovah ces paroles: «Je prends plaisir à la bonté et nonau sacrifice» (Os 6:6, cf. Jer 7:22) et que d'autre part unlivre entier, celui du Lévitique, est consacré à la célébration dessacrifices ordonnés par Dieu, cette contradiction pose une question àlaquelle tout homme qui réfléchit voudra trouver une réponse. Il ensera de même si nous comparons le texte d' Ex 33:11, disant quel'Éternel parlait à Moïse face à face, avec l'affirmation de l'apôtreJn 1:18: «Personne n'a jamais vu Dieu.» Il importe avant tout de se rappeler que l'A.T. est un livreantique adressé à des hommes de l'antiquité, un recueil sémitiquedestiné à des Sémites. Les premiers mots des livres prophétiquesindiquent presque tous l'époque à laquelle l'auteur prophétisait et,par suite, la génération d'hommes auxquels il parlait. Le message deAm 1:1 ou celui de Esa 1:1 n'était pas, primitivement,destiné à des Français du XX e siècle de notre ère, mais à desHébreux du VIII e siècle av. J.-C. Ce message est assurément féconden enseignement pour nous aussi. Mais pour découvrir ce qu'il signifie aujourd'hui, il faut nous efforcer, par tous les moyensà notre portée, de comprendre ce qu'il signifiait alors. Tel estl'objet de la méthode historique. L'avantage essentiel de cette méthode est de mettre en évidencele caractère progressif de la révélation. Entre l'histoire de laconquête de Canaan avec les guerres implacables, les massacres odieuxqui l'accompagnèrent, et les appels à l'amour du quatrième évangileou de l'épître aux Philippiens, quel abîme! Ce caractère progressifde la révélation est exprimé d'une façon frappante dans le préambulede l'épître aux Hébreux: «Dieu, après avoir lui-même parlé autrefoisà nos pères par les prophètes, a parlé en ces derniers temps par sonFils», incarnation de la Parole parfaite. Cette évidence d'uneprogression de la révélation divine à travers les siècles soulage etlibère des consciences d'hommes qu'avaient troublées les difficultésd'ordre moral ou intellectuel soulevées par l'A.T. On ne s'étonne pasque la moralité à cette époque reculée fût de qualité bieninférieure, mais elle se perfectionne à mesure que progressel'humanité. Jaël, qui assassina traîtreusement l'ennemi Sisera, sonhôte, fut exaltée comme devant être bénie entre les femmes! (Jug5:24) Combien plus haute et plus noble nous apparaît la moraled'époques postérieures: Job 31:29,Pr 25:21. Au point de vue scientifique, le récit contenu dans le chapitre Ier de la Genèse, merveilleuse anticipation de l'explication modernedu monde--évolution continue de l'imparfait au plus parfait--nerenferme qu'une science désuète et nous n'avons pas le droit d'enattendre autre chose. Jésus aimait l'A.T. et cependant déclarait queson enseignement était, de beaucoup, dépassé en profondeur par celuiqu'il apportait Lui-même. A «ce qui a été dit aux anciens», Il opposeson affirmation souveraine: «mais moi je vous dis» (Mt 5:21et suivant). Tandis que nous nous efforçons de comprendre ce vieux monde quifut le berceau de la Bible, rappelons-nous que l'objet essentiel del'A.T. n'est pas d'instruire, mais d'édifier et de stimuler la viereligieuse. Ce but, heureusement, est, à plus d'une reprise,clairement exposé dans la Bible elle-même. «Toutes les choses qui ontété écrites auparavant l'ont été pour notre instruction, afin que,par la patience et par la consolation que donnent les Écritures, nouspossédions l'espérance» (Ro 15:4). Ce but est défini plusclairement encore dans le passage bien connu: «Toute Écriture estdivinement inspirée et utile pour enseigner, pour convaincre, pourcorriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieusoit accompli et bien préparé pour toute bonne oeuvre» (2Ti3:16). L'A.T. est donc destiné--et il le peut--à armer les hommespour le double combat de la vie morale et de l'accomplissement dudevoir social. Des passages tels que ceux des Ps 19:8-12 etPs 119 proclament cette puissance. Leurs auteurs étaient deshommes de Dieu animés de l'Esprit saint (2Pi 1:21) et, dans unecommunion bienfaisante avec eux, nous recevons un peu de leur force. L'esprit religieux qui vivifie les pages de l'A.T. importebeaucoup plus que les questions de critique et d'histoire qui s'yrattachent, et tout effort de compréhension sincère mettra l'accentsur celui-là de préférence à celles-ci. Notre étude resteraimparfaite jusqu'à ce que nous nous sentions placés par elle en laprésence de Dieu, partageant en quelque mesure l'amour de l'auteurpour Lui, sa pénétration du plan divin, son attachement à ce quidonne à l'existence sa noblesse. Cette recherche doit aboutir à unenrichissement de notre vie spirituelle. Le récit de la chute ne doitpas être envisagé simplement comme un incident dans l'histoire desorigines de l'humanité; il nous faut voir en lui l'interprétationd'un voyant, une analyse magistrale du drame de la tentation,l'histoire, en un mot, non seulement de la chute du premier homme,mais de celle de tout homme, de la nôtre! Rappelons-nous que derrièreles textes de l'A.T., il y a une personnalité, un homme dont l'esprita médité, dont le coeur a battu, qui écrivait afin de gagner seslecteurs à la cause de Dieu et du bien. Notre effort doit tendre, àtravers les paroles scripturaires et au delà, à nous rendre présentsces hommes qui nous livrent leurs expériences intimes de la vie et deDieu. Le but de toute étude sincère devrait être de maintenir lecontact entre eux et nous, de partager le frémissement divin de leursvisions. Les travaux historiques, bien loin de faire obstacle à cerésultat qui est du domaine spirituel, le favoriseront. L'A.T. se peuplera alors de visages aimés, de récitsd'expériences vibrantes, nous y sentirons brûler l'ardeur depassions, d'angoisses semblables aux nôtres, mais au traversdesquelles brille, comme si elle rayonnait de Dieu Lui-même, unepermanente et vive lumière. Ses poètes et ses prosateurs nousrévèlent le Dieu présent dans la nature, agissant dans l'histoire dumonde, travaillant au plus profond de l'âme humaine. Toute recherchehistorique loyale devrait être accompagnée du désir de découvrir cesvaleurs éternelles et de l'effort pour y parvenir. Car ces hommes, qui parlèrent avec tant de force à leur propregénération, parleront à la nôtre si nous voulons les écouterl'oreille ouverte, l'esprit avide de connaître, le coeur disposé àrecevoir. La lecture des prophètes peut parfois sembler obscure; maislorsque, grâce à une étude consciencieuse et pénétrée de sympathie,nous avons appris à les comprendre, combien ils nous semblentrapprochés du monde où nous vivons! Leurs reproches enflammés ont unécho singulièrement actuel, car la civilisation qui menaçait dedétruire le peuple et la, religion de Jéhovah était fondée sur lesmêmes principes et faisait surgir les mêmes problèmes que celle,infiniment plus complexe, des temps modernes. Leurs appels à lajustice, à la miséricorde, à l'humilité sont plus urgents aujourd'huique jamais (Mic 6:8). S'attacher simultanément au caractère historique et à la véritééternelle qui brille à travers ses pages, garder l'oreille ouverte àla voix de Dieu parlant par l'organe de ces hommes d'autrefois, telleest la vraie méthode qui nous aidera à comprendre l'Ancien Testament.J--E. McF.