LUC (évangile de) 4.
IV Caractères. 1. DE FOND. 1° EVANGILE UNIVERSALISTE.La bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ s'adresse à tous leshommes. Cette universalité du message divin, évidemment proclamée parles quatre évangiles, inspire plus particulièrement celui de Luc. (a) Au delà du judaïsme En dehors de l'évangile de l'enfance, Luc apparaît assez affranchi desconceptions juives. Certes il ne les ignore ni ne les passe soussilence, car il reste fidèle à ses sources et à l'histoire pourconstater que Jésus accomplit «toutes les Écritures» (Lu 24:27),«la loi de Moïse, les prophètes et les Psaumes» (Lu 24:44,division classique en 3 parties de l'A.T, hébreu), pour montrerl'Évangile surgissant de la piété des humbles et des pauvres d'Israël(Lu 1 et Lu 2,Lu 3:1-17 4:42,44 6 20 7:4-6 18-35 etc), pourdresser enfin dans sa réalité tragique le conflit provoqué par le judaïsmeofficiel (Lu 5:21,30 6:2,7 9:22 11:37 19:42 46 Lu 20,Lu 22 etc.) qui a «rejetéle dessein de Dieu à son égard» (Lu 7:30) et qui fera tomberJérusalem sous le châtiment des nations (Lu 21:24). Mais Luc ne s'intéresse guère aux rites ni aux discussionsrabbiniques, ou tout au moins s'adapte-t-il aux lecteurs qu'il viseet qui, eux, n'y prendront pas d'intérêt: aussi ne reproduit-il pas,de Marc, les débats sur la pureté légale (Mr 7:1,23), sur lelevain des pharisiens (Mr 8:14,21), sur le divorce (Mr10:2,12), l'allusion au retour d'Élie (Mr 9:11,13),l'accusation contre Jésus d'avoir voulu détruire le temple (Mr14:58 15:29 et suivant), même le costume de Jean-Baptiste, allusionimplicite à Élie (Mr 1:6 parallèle Lu 3:3 etsuivants, cf. 2Ro 1:8). C'est sans doute par égard pour les païens qu'il ne conserve pasl'épisode de la Cananéenne, où l'attitude étrange de Jésus demandaitexplications (Mr 7:24-30 parallèle Mt 15:21,28); lasuppression des autres épisodes de ce voyage de Jésus en pays païen,vers Tyr et Sidon (Mr 7:24-8:26), doit avoir des motifsparticuliers pour chaque péricope, comme ceux qu'on a relevés plushaut (II, 2, 2°), et qui ont primé l'intérêt de Luc pour les païens.Par ailleurs il rapporte plusieurs déclarations sur le salut offertaux païens (Lu 2 32 4:25-27 24:47). Il fait de même une place aux Samaritains, montrantl'Évangile porté dans leur province (Lu 9:51 17:11), et dansdeux occasions un de ces «étrangers» méritant (Lu 10:30 17:15et suivants). Il a le souci des péagers, méprisés par les autorités juivesnon seulement pour les indélicatesses professionnelles qu'on leurreprochait à tort ou à raison, mais encore parce que n'étant pas despratiquants du cérémonial israélite ils étaient tenus pour des«pécheurs» (Lu 3:12 15:1 18:9,14 19:2,10). Quant aux pécheurs proprement dits, il montre de très grandscoupables sauvés (Lu 7 37 15:11 23:40). En fidèle disciple du Seigneur à travers l'apôtre Paul, il voitla grâce de Dieu dominant de très haut toutes barrières nationales ouconfessionnelles: par exemple dans la condamnation del'intolérance (Lu 9:49,55) ou l'attitude du père dans laparabole du fils aîné (Lu 15:25-32). Aussi, tandis que Matthieu (Mt 1:1 et suivants) faisaitpartir d'Abraham, père des croyants d'Israël, la «généalogie deJésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham», Luc la fait remonter de«Jésus, fils de Joseph (à ce que l'on croyait)...», au delàd'Abraham, jusqu'à Adam, lui-même «fils de Dieu» (Lu 3:23-38).point de vue bien typique de l'Évangile destiné à l'humanité toutentière. Il introduit l'apparition de Jean-Baptiste par la citation deEsa 40 commune aux quatre évangiles, mais lui seul la poussejusqu'à: «toute créature verra le salut de Dieu» (Lu 3:6); et ilferme le ministère itinérant du Seigneur par la proclamationuniversaliste et miséricordieuse: «Le Fils de l'homme est venuchercher et sauver ce qui est perdu» (Lu 19:10). (b) Parmi les pauvres Ceux-ci sont de temps à autre mentionnés ou mis en scène, soitexplicitement soit implicitement (Lu 1:53 2:7,8-24 4:18 6:2016:20 et suivants); d'autre part, d'assez nombreux passages relatifsaux richesses en dénoncent principalement les méfaits. Aussi a-t-on soutenu que notre évangéliste avait subi l'influencedes Ébionites, et même utilisé une source provenant de ce groupementquasi monastique, qui condamnait l'argent par parti pris et faisaitde la pauvreté une vertu en soi. C'est beaucoup exagérer le point devue de Luc: la parole de Jésus qu'il rapporte sur les riches (Lu18:25), à propos du jeune homme, est commune aux trois synoptiques;dans la parabole du mauvais riche et de Lazare (Lu 16:19-31),celui-ci, au ciel, est «dans le sein d'Abraham», lequel avait été unriche sur la terre, et si Lazare est au ciel ce n'est pas parce quepauvre, mais, en contraste avec l'égoïste et matérialiste riche,parce que croyant, son nom de Lazare étant le seul nom propre imaginépar Jésus dans une parabole et devant donc avoir, pour les Juifsattentifs à la signification des noms de personnes, un sensintentionnel, et précisément c'est: «Dieu est mon aide» (voirLazare). Par ailleurs Luc est le seul à faire l'éloge du riche Josephd'Arimathée (Lu 23:50 et suivant, cf. Jn 19:38). Sansdoute, c'est lui qui nous fournit le plus grand nombre de paraboleset d'épisodes sur la richesse (riche insensé, Lu 12:16; économeinfidèle, Lu 16:9,11, etc.), mais il n'en est pas ébionite pourcela. C'est exagérer aussi que de le désigner de l'épithète moderne,et tout anachronique, de «socialiste». Il est vrai, sans doute, qu'onpeut le rapprocher à cet égard du prophète Amos et de l'épître deJacques; la forme qu'il donne aux béatitudes, doublées desmalédictions (Lu 6:20,26), semble en faire porter l'accent surles situations matérielles (ce qui n'est qu'une apparence), etrappelle les invectives de ces deux auteurs contre les richesexploiteurs des malheureux (Am 2:6 4:1 5:11 8:4, etc., Jas2:1,7-9 5:1,6). Mais, en général, le ton de Luc est au moins aussifavorable aux riches que celui de Marc ou de Matthieu: il ne relèvepas comme eux l'ascétisme de Jean au désert (Mr 1:6parallèle), ni leur expression péjorative: la séduction desrichesses (Mr 4:19 parallèle), ni la mention des «champs» àabandonner pour l'Évangile (Mr 10:29 parallèle); lui seulconserve l'observation de Jésus sur celui qui est à table «plusgrand» (humainement parlant) que celui qui le sert (Lu 22:27);lui seul présente les femmes dans l'aisance auxquelles Jésus dutquelque assistance (Lu 8:2 et suivant); lui-même Lucbénéficie certainement du patronage d'un riche: Théophile. Comme dans les appels directs qu'il rapporte du Précurseur(Lu 3:10-14), il s'inspire, non de revendications égalitaires aunom de la seule justice outragée, mais de la charité supérieurecélébrée par saint Paul, qui chez lui se manifeste dans une sorte de«sens social», humain autant que religieux: il vibre de sympathiepour toutes les victimes, de la pauvreté sans doute, mais encore,d'une façon générale, du péché. (c) Les femmes Dans la société antique, en Orient au moins autant qu'en Grèce et àRome, la première des victimes était la femme, objet de mépris,d'injustices et de sévices, parmi les Juifs comme parmi les païens.Rien d'étonnant si l'humanité de Luc a souligné mieux que personnel'oeuvre du Sauveur rendant à la femme toute sa dignité, et sonégalité avec l'homme devant Dieu. Et en effet, tout en présentant la plupart des femmes quiparaissaient déjà dans Marc et Matthieu: belle-mère de Pierre, Lu 4 38 parallèle; fille de Jaïrus, Lu 8:42,49,55 parallèle; femme malade, Lu 9:43,48 parallèle; deux femmes supposées en train de moudre ensemble, Lu 17 33 parallèle; pauvre veuve du temple, Lu 21:1,4 parallèle; visiteuses de la croix et du tombeau, Lu 23:49-55 24:1,10 parallèle,
il en introduit de nouvelles, tout le long de l'évangile: Elisabeth (Lu 1:24 et suivant), Marie (Lu 1:26 et suivants), Anne la prophétesse (Lu 2:36,38), la veuve de Naïn (Lu 7:12,15), la pécheresse (Lu 7:37,50), les compagnes qui assistaient Jésus (Lu 8:2 et suivant), Marthe et Marie (Lu 10:38,42), la femme anonyme qui bénit la mère de Jésus (Lu 11:27), l'infirme (Lu 13:11,13), la femme à la drachme (Lu 15:8 et suivant), la veuve victorieuse du juge (Lu 18:3,5), les «filles de Jérusalem» (Lu 23:27 et suivants).
Dans deux déclarations analogues de Jésus sur le choix àfaire entre lui et les siens, Luc ajoute la mention de l'épouse àcelles des parents et des enfants (comp. Lu 14:26 et Mt 10:37Lu 18:29 et Mr 10:29 parallèle Mt 19:29). Cesobservations, qui trouveraient d'autres exemples dans le 2 e volumede Luc (Ac 1:14 9:36 12:12 16:14-16 etc.), tendent à confirmerl'hypothèse déjà suggérée d'informations trouvées par lui chez lediacre Philippe, dont les quatre filles prophétesses (Ac 21:8et suivant) devaient rappeler avec prédilection les souvenirsrelatifs à tant de soeurs en la foi. L'apôtre Paul, à son tour, devait dans ses voyages et dans sesépîtres rendre hommage aux femmes qui servaient Dieu dansl'Église. (cf. Ro 16 etc.) Il est d'ailleurs tout à fait inexact de voir en Luc le point dedépart du culte de Marie: deux réponses de Jésus comme celles deLu 8:21 et Lu 11:28, en plaçant la famille spirituelleau-dessus de toute considération de parenté naturelle, démententpéremptoirement cette assertion. Aux trois points de vue que nous venons de considérer, Luc estdonc l'évangile qui fournit les plus frappantes illustrations de lagrande parole de saint Paul: «Il n'y a plus ici ni Juif ni Grec, niesclave ni libre, ni homme ni femme: vous êtes tous un enJésus-Christ» (Ga 3:28). 2° ÉVANGILE DE LA PIÉTÉ PERSONNELLE, (a) La famille Comme le laisse prévoir sa sympathie pour la condition des humbles etde la femme, Luc nous montre aussi le Christ des relations sociales,domestiques; lui seul parle des repas de Lu 7:36 10:38 14 1 19:624:30, lui seul conserve les images ou paraboles au cadre familialde Lu 11:5 13:25 15:8,11 10:34 et suivant. Le grain de moutarde, qui est semé d'après Marc dans la terre,d'après Matthieu dans un champ, l'est, d'après Luc, dans unjardin (Lu 13:19). L'affirmation rédemptrice de Jésus: «Aujourd'hui le salut estentré dans cette maison» (Lu 19:9), annonce les conversions enfamille des païens qui croiront, eux et toute leur maison (Ac16:15,31 etc.), et les réunions de frères qui se tiendront dansles maisons (Col 4:15 etc.). (b) La prière Bien entendu, tous les évangiles parlent souvent de la prière; maisc'est chez Luc qu'elle tient la plus grande place. D'abord, parl'exemple de Jésus: 7 fois Luc est le seul à le montrer priant (voirLu 3:21 5:16 6:12 9:18,29 11:1 23:34,46, cf. Lu 22:32).Puis, par les exhortations du Maître (Lu 11 5 18:1,11 etc.).Par là aussi, Luc se rapproche de Paul, qui connaît le Christ parprière et vision (Ac 18:9 27:23,2Co 12:2 3,8 etc.). (c) La louange C'est un des traits les plus frappants de la physionomie de Luc: luiqui note fréquemment les émotions de ses personnages: crainte, joie,voix forte, etc., il revient avec prédilection à l'expression desactions de grâces. Quoique non juif, son évangile s'ouvre et se ferme avecl'adoration dans le temple (Lu 1:9 24:53); nous lui devons leshymnes passés dans nos liturgies et nos cultes: le Gloria des anges (Lu 2:14), le Magnificat de Marie (Lu 1:46 et suivants), le Benedictus de Zacharie (Lu 1:68 et suivants), le Nunc dimittis de Siméon; (Lu 2:29 et suivants) voir art. à ces divers titres.
Les expressions: «louer Dieu, bénir Dieu, donner gloire à Dieu,glorifier Dieu», sont presque spéciales à Luc, et extrêmementfréquentes chez lui.Les termes «joie» et «se réjouir», qui sont 15 fois dans Matthieu etMarc réunis, se trouvent 31 fois dans Luc et les Actes. En cela ilannonce l'Évangile de la chambre haute (Jn 13-17) et serapproche encore de saint Paul (1 Thess., Phil., etc.). (d) On voit donc en quel sens on a pu appeler Luc l'évangile de Paul Il l'est en effet quant au ton général. Il met en lumière, comme l'apôtre des païens, la foi et larepentance sans les oeuvres de la Loi, le pardon, le salut gratuit,l'action du Saint-Esprit (nommé 12 fois dans l'évangile et 41 dansles Ac; comp. Mt 5 fois, Mr 4,Jn 4). Il montre le Christ missionnaire faisant face à la résistance deson propre peuple, et la portée universelle de son Évangile,constatations dont saint Paul a fait la théorie dans Ro 9-11 etailleurs. Luc a modifié parfois le vocabulaire de ses sources pour serapprocher, consciemment ou non, de celui de Paul: «grâce» au lieu de«récompense» (Lu 6 32 parallèle Mt 5:46),«miséricordieux» au lieu de «parfait» (6:36 parallèle Mt5:48, cf. 2Co 8:3), etc. Mais son oeuvre n'en est pas pourcela un ouvrage de combat qui opposerait par exemple la théologiepaulinienne à celle de Pierre dans Marc. Marc avait reçu de Pierreson information, Luc a reçu de Paul son inspiration; l'un et l'autreont voulu écrire l'histoire du Seigneur pour lui rendre témoignage etlui gagner des âmes consacrées, mais sans esprit de parti théologiqueni ecclésiastique. 2. DE FORME. 1° OEUVRE LITTERAIRE.Un auteur inspiré de telles idées générales est évidemment doué d'unevive sensibilité. Elle s'exprime en effet dans la forme donnée à sonoeuvre. Luc est un artiste. Il lui arrive, naturellement, de résumeret de fondre la fraîcheur du témoignage oral dans un résumé plusterne d'historien ultérieur (comp., par ex., Mr 1:35-39parallèle Lc 4:42, 44); mais lorsqu'il reprend à son compte unetradition des synoptiques, il est généralement plus personnel que sesparallèles. Il raconte avec effet, met en saillie les harmonies et lesoppositions, expose des tableaux d'un pittoresque, d'un charme plusapprêtés sans doute que les qualités spontanées des descriptions deMarc, mais qui saisissent par leur grâce comme celles-ci saisissentpar leur force. De ce talent pictural de notre évangéliste provient sans doute lalégende ancienne qui fait de Luc un peintre, auteur du portrait de laVierge: c'est que personne n'a présenté Marie avec autant de reliefque lui (voir Luc, parag. 5). Il a d'ailleurs exercé une profondeinfluence sur l'art chrétien, dont il est en somme l'initiateur: àses récits vivants remonte l'idée des innombrables Annonciations,Visitations, Adorations des Bergers, Crèches et Saintes Familles,Présentations au Temple, Jésus parmi les Docteurs, Christ pleurantsur Jérusalem, Enfant Prodigue, Bon Samaritain, Chemin d'Emmaüs, etc. Il ne dépeint pas seulement les situations, mais aussi lespersonnes: Zacharie, Anne, Zachée, Hérode Antipas, etc. S'il a moinsde traits proprement descriptifs que Marc, il a beaucoup plus detraits de caractères: par exemple, il ne parle pas du vêtement deJean-Baptiste (Mr 1:6), mais il ajoute ses exhortationsappropriées aux uns et aux autres et l'impression éprouvée par lafoule (Lu 3:10,15). Il présente volontiers personnages ou situations en contraste, cequi est encore un trait de tempérament dramatique, retenant souventen cela, d'ailleurs, la maîtrise pédagogique de l'enseignement deJésus lui-même: Zacharie incrédule et Marie croyante (Lu 1:18,38), pécheresse humble et pharisien orgueilleux (Lu 7:37,47), les deux soeurs (Lu 10:38,42), les deux frères (Lu 15:12,29), le riche et Lazare (Lu 16:19,25), Juifs ingrats et Samaritain reconnaissant (Lu 17:17), pharisien et péager (Lu 18:10,14), etc.
Son antithèse fondamentale, qui de temps en tempsaffleure au cours de son évangile, oppose l'oeuvre de Satan à cellede Christ (Lu 4:13 10:17,20 13:16 22:3,31-53); un de ses filsconducteurs est l'hostilité grandissante des scribes et pharisienscontre Jésus: (Lu 11:52 12:1 13:15 etc.) en cela aussi ilannonce le 4 e évangile. Toutes ces qualités font de ce 3 e évangile un fidèle reflet dela vie, avec jeux d'ombre et de lumière, conflits ou ententes descaractères, oeuvre triomphante d'un Maître plein d'amour dans unehumanité livrée aux tragédies de la vie présente. Voilà pourquoiRenan a pu le qualifier «le plus beau livre du monde». 2° LE STYLE.Le caractère le plus immédiatement apparent de sa langue en est lavariété. Sans doute à la fois consciemment pour s'adapter à sonsujet, et inconsciemment parce qu'il suit la forme de ses sources, ilpeut passer d'un grec aussi hébraïsant que la traduction des LXX à ungrec classique comme celui de Xénophon. Dans les Actes, le passageest graduel de la Palestine aux pays païens; mais dans l'évangilec'est brusquement que dès l'entrée la langue élégante de la préfacecesse au verset 4, pour faire place dès le verset 5 à une langueintensément hébraïque: c'est très sensible, même en français. Laforme de cette préface est celle de plus d'un historien antique,Hérodote, Thucydide, Polybe; elle ressemble plus encore à celles desmédecins de son temps (voir plus loin). Quant aux éléments juifs, accentués surtout dans ch. 1-2, ilssubsistent à des degrés divers dans tout l'évangile, mais avec levocabulaire le plus riche du N.T.; les termes grecs qui lui sontparticuliers sont très nombreux (l'évangile, 300; avec les Actes,715), beaucoup d'autres (environ 200) sont propres à lui et à saintPaul. Ces expressions, comme sa syntaxe et son style, l'avoisinentbeaucoup plus aux écrivains classiques que les autres évangélistes,et témoignent de sa culture hellénique approfondie. La variété de salangue est le fait d'un Grec cultivé, auteur de goût et de talentcapable de reproduire strictement ses sources ou bien de les adapterlibrement quoique fidèlement; qui a, de plus, subi quelque influencedu Juif de la Dispersion saint Paul, et qui pour les citations del'A.T, s'est servi de la traduction des LXX 3° LANGAGE MEDICAL.On a parfois exagéré les traces, dans ses deux volumes, duvocabulaire et des observations d'un médecin. Pourtant, même aprèsavoir écarté, comme il convient, les termes appartenant déjà aux LXXou à telle autre source d'où Luc a pu les tirer, on conserve encorebien des traits de détail dont l'ensemble pourrait marquer un certainpli professionnel.Luc n'écrit jamais paralytique (grec paralutikos), mot populairede Marc et Matthieu, mais paralysé (grec paralélumménos), motsavant (Lu 5:18 etc.).Seul il parle d'un hydropique (Lu 14:2).Il modifie: «elle avait la fièvre» (Marc-Matthieu) en: «atteinted'une fièvre violente» (Lu 4:38, comme Ac 28:8), et lesimple «lépreux» (Marc-Matthieu) en «un homme plein de lèpre» (Lu5:12).Dans Lu 7:15 et Ac 9:40, «se mit sur son séant» est unverbe technique s'appliquant aux malades qui commencent à se souleverau lit. Lui seul garde la citation par Jésus du proverbe: «Médecin,guéris-toi toi-même» (Lu 4:23). Il conserve de Mr 5:26 lamention des médecins qu'avait supprimée Matthieu, mais il supprimel'observation, peu obligeante à leur égard, qu'entre leurs mainsl'état de la malade avait plutôt empiré (Lu 8:43).Plusieurs fois il précise la durée d'une maladie (Lu 13:11,etc.), deux fois l'âge du malade en le rattachant à son mal (Lu8:42,Ac 4:22).Il est le seul à rapporter que le Ressuscité ait mangé (Lu24:41,43) et il fait faire allusion plus tard par Pierre à ce cassingulier (Ac 10:41).Les descriptions proprement médicales sont assez fréquentes dans lesActes (Ac 3:7 9:8,18 19:12 28:6).La préface de l'évangile, construite sur le type régulier desprologues grecs, offre d'étroites coïncidences avec celles destraités médicaux; ainsi celui Sur l'ancienne médecine, attribué àHippocrate (460-350 av. J.-C.): «Que de gens ont entrepris de parlerou d'écrire sur la médecine, etc.», et surtout celui Sur la matièremédicale, de Dioscoride, médecin militaire qui devait êtreoriginaire de Cilicie comme saint Paul et peut-être son contemporain:«Beaucoup d'anciens et aussi de modernes ayant écrit sur lapréparation des remèdes, leurs vertus et la façon de les contrôler,je vais m'efforcer, très cher Horeïos, de t'offrir pour traiter cesujet un zèle qui ne soit ni vide ni irréfléchi...» Notre évangileest bien résumé dans le dernier mot qu'à la fin de son 2 e volume Luccitera de son maître Paul: «que je les guérisse!» (Ac 28:27).C'est la Bonne Nouvelle du divin Médecin, pour les plus infirmes, lesplus indignes, les plus indigents.