Compagnon de saint Paul, considéré par la tradition unanime del'antiquité chrétienne comme l'auteur du 3 e évangile et du livre desActes des Apôtres. 1. Le nom de Luc. Sa forme grecque dans le N.T., Loukâs, était très rare chez lesanciens; on l'a trouvée dans quelques inscriptions chrétiennes etsaint Augustin nomme aussi un Lucas (Ép., 179, 1), mais c'est àpeine si l'on connaît aujourd'hui deux ou trois inscriptions faisantfoi de l'emploi de ce nom antérieurement à saint Luc (VGT, p.381). Loukâs est selon toute apparence un diminutif à nuancefamilière, l'abréviation d'un nom de composition plus classique(comp. Silas =Silouanos ou Silvain, Épaphras =Épaphrodite, Nymphas=Nymphodore, Démas =Démétrius, etc.). Mais son origine est encoreobscure. On y voit généralement un abrégé de Loukanos (qui depuisla seconde moitié du 1 er siècle supplanta peu à peu l'orthographeancienne: Leukanos), transcription grecque du latin Lucanus Ce nom bien connu, qu'illustra le poète Lucain, neveu de Sénèqueet contemporain de Néron, peut désigner un Lucanien, originaire de laprovince du S. de l'Italie appelée Lucanie, mais ce n'est pas uneraison pour attribuer (comme Godet) cette origine à Luc: Lucainlui-même venait d'Andalousie. La forme Lucanus est employée parplusieurs manuscrits de la Vieille Version Latine dans le titre du 3e évangile: secundum Lucanum (=selon Lucanus), au lieu de latraduction habituelle: secundum Lucam ou de la formule grecque kata Loukân (=selon Luc); elle est gravée aussi sur lebas-relief d'un sarcophage d'Arles (V e siècle), dont un moulage estau musée de Saint-Germain, et qui porte les quatre nomsd'évangélistes: Matteus, Marcus, Lucanus (non Lucas),Ioannes Ces divers textes apportent sans doute des présomptions à ladérivation Lucanus-Lucas, mais sans en fournir, à vrai dire, unepreuve décisive: Lucas pourrait aussi provenir d'autres noms,tels que Lucius, Lucilius, ou même Lucianus, et des argumentsnouveaux sont plus favorables au premier de ces trois, Lucius, quiest, plus exactement, un prénom latin, fort répandu, porté même parplusieurs personnages bibliques (voir Lucius). Rendel Harris etPreuschen ont récemment découvert, dans une catène arménienne, sorted'anthologie commentée des Actes des Apôtres datant du II° siècle, lamention du nom de l'auteur présumé: un des passages écrits dans tousles manuscrits à la première personne du pluriel («fragments en: nous »;voir Actes des Apôtres) adopte ici la première personne dusingulier, déterminée par un nom propre: «Mais [moi], Lucius, etceux qui étaient avec moi, nous nous embarquâmes»; même si cetteleçon, absolument isolée dans tous les manuscrits connus, est sansautorité historique, elle fournit cependant un témoin à la forme dunom propre. Or, de son côté W. Ramsay a trouvé près d'Antioche dePisidie, en 1911/1912, des inscriptions de l'époque romaine d'où ilressort que dans cette région les noms Loukâs et Loukios pouvaient alors être interchangeables. Leur équivalence ne suffitpoint, du reste, à justifier l'identification (proposée par Origène,etc.) de Luc avec l'un ou l'autre des deux Lucius du N.T.: l'un, sansdoute, était de Cyrène (Ac 13:1), grande ville africaine quipossédait une bonne école de médecine, mais si c'était Luc lui-mêmenous aurions une phrase à la première personne dès le verset 2:«Pendant que nous célébrions le culte du Seigneur et que nousjeûnions, le Saint-Esprit nous dit...»; l'autre, parent desaint Paul (Ro 16:21), était évidemment juif, alors que Luc,comme on le verra, était grec. Au IV e siècle, les ConstitutionsApostoliques (VI, 18:5) distinguent nettement de ces deux LuciusLuc l'évangéliste. Les inscriptions signalées par Ramsay laissentd'ailleurs une incertitude: si le personnage qu'elles appellenttantôt Loukios tantôt Loukâs était oriental ou grec, c'est unnom grec qu'il portait, sous sa forme officielle et sous sa formeintime; mais s'il était citoyen de Rome, il portait le prénom romainofficiel ainsi que sa forme abrégée. Cette deuxième conclusiontendrait à confirmer l'hypothèse souvent soutenue d'après laquelleLuc aurait été affranchi, peut-être grâce à son protecteur Théophile(voir ce mot). En effet, les noms propres gréco-latins en âs (désinencecontractée) étaient souvent donnés à des esclaves et des affranchis,dont un grand nombre sous l'empire durent leur affranchissement àleurs connaissances médicales: tels les médecins particuliers deJules César et d'Auguste; César avait même fait citoyens romains tousles médecins de Rome. Ce sont autant d'étroites analogies pourappuyer la possibilité que Luc le médecin eût ainsi obtenu la libertécivile avec la dignité civique; cette vraisemblable conjecture estmême indépendante de la dérivation controversée du nom d'affranchi,puisque l'appellation Lucanus est un nom romain aussi caractéristiqueque le prénom Lucius. 2. Luc dans les épîtres. Luc est nommé trois fois dans le N.T., et il est à remarquer quec'est dans les trois passages où saint Paul parle aussi de Marc (voirce mot, parag. 6, 7); ainsi se trouvent rapprochés les deux disciplesnon apôtres en qui la tradition chrétienne a reconnu desévangélistes. Dans Col 4:14 et Phm 24, deux épîtres écritesau même moment, soit déjà dans la prison de Césarée (voir Colossiens,III), soit plutôt (comme nous le croyons) pendant la premièrecaptivité de Rome, le grand apôtre présente Luc d'abord avec saqualité: «le médecin», puis comme un ami qui lui est très cher: «lebien-aimé», ensuite comme un de ses «compagnons d'oeuvre» (grec sunergoï, terme appliqué aussi à Marc, Aristarque et Démas dansPhm 1:24, comme à Marc, Aristarque et Jésus Justus dans Col4:11, trad.: qui travaillent avec moi), et ceux-ci envoient avecPaul leurs salutations aux destinataires des deux épîtres adresséesen même temps à la communauté de Colosses et au frère qui la reçoitchez lui, Philémon. Au cours de sa seconde captivité de Rome (voirPastorales), Paul a de nouveau Luc auprès de lui, mais alors c'estson seul compagnon (2Ti 4:11), plusieurs autres étant en missionau loin; quant à Démas, qui se trouvait avec Luc parmi les compagnonsd'oeuvre dans les circonstances précédentes (Col 4:14,Phm 1:24),il a finalement abandonné l'apôtre et désertél'évangélisation (2Ti 4:10). De la remarque de Paul sur les trois «seuls» compagnons detravail «circoncis», c'est-à-dire Juifs d'origine (Col 4:11), ils'ensuit que Luc nommé 3 versets plus loin était d'origine païenne.Il est loisible de supposer, mais rien ne permet d'affirmer qu'il aitd'abord été prosélyte de la synagogue avant de devenir chrétien: unesprit cultivé, comme un médecin et comme l'auteur du 3 e évang, etdes Actes, ne devait avoir aucune peine à se familiariser avec lescoutumes et les Ecritures d'Israël, une fois converti auchristianisme qui s'édifiait sur la base de la religion de l'A.T.; deplus, un compagnon de Paul était bien placé pour apprendre à bientôtconnaître la perspective entre les deux alliances. En tout cas, issudu paganisme, Luc ne doit donc pas être identifié, comme diversauteurs anciens et modernes l'ont cru, avec des personnages de racejuive: il ne peut avoir été l'un des 70 (ou des 72) disciples dontLuc (Lu 10) est seul à mentionner la mission (Idée fausse qui,sans doute, a fait choisir la péricope Lu 10:1 et suivants pourl'évangile du jour de saint Luc évangéliste, dans le paroissienromain et dans le Prayer-Book anglais); ni le compagnon anonyme deCléopas (voir ce mot) dans le tableau si vivant conservé seulementpar Luc (Lu 24:13,35), mais qui dépeint clairement en ces deuxhommes deux fidèles Juifs (Lu 24:27-32); ni le disciple Silas,l'un des judéo-chrétiens de Palestine les plus en vue (Ac15:22), et qui aurait raconté, par exemple, dans ce chap. 15, leSynode de Jérusalem à la première personne, s'il n'était autre queLuc lui-même. D'ailleurs, une fois que nous aurons admis en Luc letraditionnel auteur du 3° évangile, le soin qu'il met dans sa préfaceà se distinguer des «témoins oculaires» du ministère duSeigneur (Lu 1:1 et suivants) exclut toute possibilité de leretrouver dans les évangiles, non seulement parmi les Israélitesprécités, mais aussi bien parmi les prosélytes grecs qui obtinrent dePhilippe et d'André d'être amenés à Jésus (Jn 12:30 etsuivant). C'est pourquoi l'on ne saurait trouver de «passages-nous»dans l'évangile de Luc: en définitive, Luc appartient à la secondegénération chrétienne et non à la première; il fut disciple, non deJésus, mais de saint Paul. 3. Luc dans le livre des Actes. C'est précisément en compagnon du grand missionnaire qu'il apparaîtaussi, mais sans se nommer, dans le livre des Actes. Le constanttémoignage des premiers siècles le désigne comme l'auteur de cetouvrage d'histoire par lequel se continue son évangile. Même lescritiques qui croient devoir distinguer entre un rédacteur finalinconnu, ami de Théophile, et l'auteur de la plus importante de sessources, reconnaissent généralement en celle-ci, en tout cas,l'oeuvre de Luc, récit des missions de Paul, dont il avait été témoinet qu'il relate donc en disant: «nous» (voir Actes des Apôtres,sources...). Où donc et comment se trouvent répartis ces passagesécrits à la première personne du pluriel, qui vont nous renseignersur quelques-unes des époques les plus importantes de la carrière deLuc? Si l'on fait abstraction d'une variante du texte dit béta (Codexde Bèze, divers manuscrits latin, etc.) dans Ac 11:28: «comme nous étions réunis, l'un d'eux, nommé Agabus, se leva, etc.», cequi révélerait en l'auteur un membre de l'Église d'Antioche,--erreurmanifeste au milieu d'un tableau strictement impersonnel «desdisciples» de cette ville (verset 26-39),--les fragments à latournure «nous» interrompent au moins trois fois la narrationgénérale à la troisième personne: 1° à l'aller du second voyage, de Troas àPhilippes (Ac 16:10,17); 2° au retour du troisième, de Philippes àJérusalem (Ac 20 5-21:18); 3° pendant tout le voyage du prisonnier, de Césaréeà Rome (Ac 27 1-28:16). L'attribution traditionnelle de ces passages à Luc se confirmepar la contre-épreuve, quand on cherche si quelque autre compagnon dePaul, plus ou moins connu comme tel par ses épîtres, ne se serait pastrouvé avec lui, plutôt que Luc, au cours de ces trois périodes: cene pourrait être Silas, car en ce cas il aurait écrit «nous» end'autres longs morceaux (Ac 15 etc.); ni Timothée, car dansAc 20:4 il était séparé du compagnon qui écrit «nous»; niÉpaphrodite, car étant délégué vers Paul prisonnier à Rome (Php2:25) il n'avait pas fait avec lui le voyage de Ac 27; niTite, car, bien que passé sous silence dans les Actes, il occupaauprès de l'apôtre une place si notoire (cf. Ga 2:1 etsuivant, 2Co 2:13 7:6,13 8:6,23 12:18 Tit 1:4 etc. Voir Tite)que ses mémoires (s'il en avait écrit) n'auraient jamais pu dansl'Église être mis à l'actif d'un disciple plus obscur; bref, pour quela tradition se soit décidément attachée, dans les milieux chrétiens,à un personnage de second plan comme Luc, c'est visiblement parcequ'il est en effet à l'origine de l'ouvrage. En suivant donc les informations si précieuses de son journal devoyage fragmentaire complétées de leurs dates approximatives (voirChronol. du N.T., II, 3), on s'aperçoit de la présence de Luc: 1° D'abord aux côtés de Paul à Troas, au moment oùsa seconde mission (fin de l'an 4g), hésitante depuis la Phrygie,reçoit de l'appel du Macédonien une direction imprévue et tenue pourcontraignante: (Ac 16:9 et suivant) Luc partage avec Paul laconviction que cet appel vient de Dieu; il entre dans la petitetroupe des évangélistes et raconte en témoin oculaire: la traverséejusqu'en Macédoine, l'arrivée à Philippes, la réunion des femmes, laréception de Lydie, l'importunité de la pauvre esclave que l'apôtreguérit; puis, lorsque, sur la plainte des maîtres, Paul et Silas sontemprisonnés, Luc n'est pas englobé dans les mauvaistraitements (Lu 16:19 et suivants); il semble être demeuré àPhilippes, car il n'est plus question de lui pendant le reste duvoyage, ni même pendant la plus grande partie du suivant (séjour de 3ans de Paul à Éphèse, visite en Macédoine, 3 mois en Grèce). 2° Mais c'est encore à Philippes qu'on le retrouve,appartenant de nouveau à l'escorte missionnaire, au retour de cetroisième voyage (printemps 56), dont Luc décrit en témoin lesémouvantes étapes, dominées par de sombres pressentiments: Troas,Milet (cependant, pas de pronom «nous» dans Ac 20:16,38), Tyr,Ptolémaïs, Césarée, Jérusalem, chez Mnason puis chez Jacques (Ac21:18). Il est facile d'admettre qu'à ce point critique Luc n'ait pusuivre de près les troubles au temple juif, l'arrestation de Paul,ses comparutions successives et sa captivité de 2 ans à Césarée. 3° Mais ses notes de voyage reparaissent sitôtqu'est décidé le transfèrement du prisonnier devant le tribunal deCésar (Ac 27:1), et elles en rapportent avec une précisionexceptionnelle les incidents mouvementés, difficultés de navigation,naufrage, hivernage a Malte, escales successives jusqu'àl'installation de Paul à Rome (Ac 28:16). La plupart de ces renseignements historiques sur Luc se placentdonc chronologiquement avant ceux que nous ont fournis les épîtres(ci-dessus, parag. 2); même, ils s'y placent tous si les ép. aux Colet à Philémon ont été écrites seulement pendant la captivité de Romeet non pas déjà pendant celle de Césarée. Durant les deux annéesd'immobilisation de l'apôtre à Césarée, il était facile à un de sescompagnons jouissant comme Luc d'une pleine liberté, de se documenterdans cette ville, à Jérusalem et dans le reste de la Palestine, envue de l'ouvrage en deux volumes, évangile du Seigneur et actes deses apôtres, que l'auteur devait présenter à Théophile comme lerésultat d'une minutieuse enquête (Lu 1:1,4). Lorsqu'on accepteainsi la conviction de l'antiquité chrétienne quant à la compositionde ces deux livres par Luc le médecin (voir Évang, synopt., IV, 1,2°, B), leurs caractères de forme et de fond fournissent de nouvellesindications sur la personne de l'auteur, en qui l'on voit un écrivainde race, de formation gréco-romaine et plus particulièrement grecque,qui ordonne tous ses récits en fonction de l'évangélisation del'Empire, s'intéresse personnellement aux malades, aux malheureux,aux faibles, et subit la forte empreinte de la personnalité de saintPaul, sans toujours se rendre un compte très exact, semble-t-il, del'immense portée révolutionnaire du paulinisme, mais sans jamais sedépartir d'un caractère égal et conciliant, plus désireux d'arrondirles angles que de les accuser (voir Luc [évangile de]). 4. L'origine de Luc. Quant à son pays d'origine, ses deux brusques apparitions dans lesAct., avec le pronom «nous», ne pourraient-elles pas mettre lelecteur sur la voie? La première fois, il surgit à propos de l'appeldu Macédonien et se rend avec Paul à Philippes, où il demeure quandPaul repart; la seconde fois, Paul se retrouve avec lui à Philippes;sa façon de définir celle-ci dans sa narration: «la première ville dudistrict de Macédoine» (Ac 16:12), prend évidemment positionpour Philippes contre les cités voisines, Amphipolis etThessalonique, qui lui disputaient alors le titre de «première»; enajoutant: «et une colonie romaine» (précision unique dans les Actes,alors qu'elle eût été aussi légitime pour Antioche de Pisidie,Lystre, Corinthe, etc.), ne trahirait-il pas une certaine fibre, pourne pas dire fierté, patriotique? On note encore, dans Ac 16:13,avec l'incertitude d'un ancien païen non initié aux pratiques juives:«nous pensions qu'on s'y rassemblait pour la prière», la connaissancedes lieux qui amène pourtant les visiteurs juste au bon endroit.C'est pourquoi Renan déjà supposait Luc originaire de Philippes. Ilaurait donc été macédonien. D'où l'ingénieuse hypothèse de Ramsay (St. Paul the Traveller, pp. 200ss), qui peut se concevoir ainsi:on sait que saint Paul, au cours de ses voyages, était quelquefoismalade; (cf. Ga 4:13,2Co 12:7) en arrivant à Troas au termed'un itinéraire mouvementé à travers les hauts-plateaux anatoliens,il consulte un médecin, Luc: esprit ouvert, coeur sympathique,celui-ci, gagné d'emblée au message apostolique du nouveau venu (enadmettant qu'il ne fût pas déjà chrétien), souhaite et demande cemessage pour son pays de Macédoine; ses suggestions finissent par sedresser dans un songe de l'apôtre, sous les traits d' «un certainhomme macédonien» (grec anêr Ma-kédôn tis) qui l'appelle ausecours, et que Paul reconnaît pour tel...parce qu'il le connaît:c'est Luc, dont il rêve parce que Dieu confirme ainsi Lui-mêmel'appel de l'homme (la Pechitto dit ici: «Passe en Macédoine et viens me secourir!»). Voilà le signe attendu des directions de sonEsprit! Conséquence: «Aussitôt après cette vision de Paul, nouscherchâmes (le premier nous de Luc) à partir pour la Macédoine, convaincus que Dieu nous appelait à y prêcherl'Évangile» (Ac 16:10). Cette hypothèse de Ramsay est tenue pourimprobable dans l'article Paul [ses voyages], parag. III Sans doute, l'origine macédonienne de Luc est contredite par unetrès vieille et générale tradition qui le rattachait à Antioche deSyrie. Une sorte de biographie apocryphe (vers 225), annexée à diversmanuscrits latin de l'évangile de Luc le dit: Syrien d'Antioche.Pourtant, Eusèbe (Mort en 340) n'est pas très explicite: «Lucétant par sa famille [plutôt que: par sa naissance; grec g énos] de ceux qui sont d'Antioche» (H.E., III, 4:6). Cela «ne dit pasexpressément qu'il y fût né, mais du moins qu'il y avait les droitset les devoirs résultant de l'origine» (Lagrange, Comment.Luc, p. XIII). Plus tard Jérôme (Mort en 420) dit: «Luc le médecind'Antioche» (De vir. M., 7), et Isidore de Séville (Mort en 636):«Luc, Syrien antiochien de nationalité, médecin de profession, etc.» (De vita et ob. sanct., 82). Mais cette tradition est à peu prèsabandonnée aujourd'hui, comme provenant vraisemblablement de laconfusion entre Luc et le Lucius prosélyte d'Antioche (Ac 13:1),peut-être aussi d'une confusion entre le Théophile patron de Luc etl'évêque Théophile d'Antioche (Mort en 182). Quant à la connaissanceque l'auteur des Ac aurait d'Antioche (Ac 11,Ac 13,Ac 15), loind'être assez particulière pour révéler en lui un Antiochien, ellepasse au contraire aux yeux des critiques pour une information deseconde main, de valeur moindre que celle des morceaux écrits à lapremière personne. De même l'argument que Luc aurait fait ses étudesmédicales à Tarse, parce que la cité natale de l'apôtre possédait uneécole de médecine célèbre, pour intéressant qu'il puisse être, n'apas de force probante: la science médicale était alors fort enhonneur en bien des cités de culture hellénique. Un certain nombre de critiques, enfin, ont cru retrouver Luc dansl'un des deux «frères» que saint Paul délégua de Macédoine, avecTite, auprès des Corinthiens, pour terminer la collecte destinée àl'Église de Jérusalem (2Co 8:18-22). Il semble que les noms deces deux hommes de confiance aient dû être exprimés par l'apôtre, etl'on se demande pour quel motif ils auraient pu disparaître dans lescopies ultérieures de l'épître; certains auteurs supposent qu'ilsauraient démérité dans la suite (Bbl. Cent.). Une hypothèsedésobligeante de cette nature n'est pourtant par contraignante dansl'état actuel de la question. Déjà Chrysostome et Jérôme voyaient Lucdans «le frère dont l'éloge est répandu dans les Églises à cause dece qu'il a fait pour l'Évangile» (verset 18). Il ne faut pas,toutefois, faire de ces derniers mots une allusion à la rédaction parLuc du 3 e évangile, allusion impossible dans une lettre écrite vers55/56, longtemps avant les évangiles; c'est cette insoutenableinterprétation qui s'est glissée dans le paroissien romain, oùl'épître pour l'office de saint Luc évangéliste (18 octobre) modifiele texte de Paul par les termes que nous reproduisons en italiques:«Nous avons envoyé aussi notre frère Luc, qui est devenu célèbredans toutes les Églises par l'Évangile qu'il a publié » (voirÉvangile, pour les deux significations de ce mot). Indépendamment decette explication singulièrement inexacte, il n'est nullementimpossible que les compagnons de l'apôtre au retour du troisièmevoyage étant les délégués des diverses Églises, porteurs de leurscontributions respectives (cf. 2Co 8:18 et Ac 20:4 etsuivants), Luc ait été l'un d'eux (voir le «nous» d' Ac 20:5 etsuivant), ayant à son actif son témoignage de pagano-chrétien àl'Évangile, peut-être de beaux services de médecin chrétien, et sacollaboration avec l'apôtre des païens. Ceci viendrait appuyer sonorigine macédonienne, qui ne pouvait que renforcer son autorité dedélégué d'une Église de Macédoine. Les anciens commentateurs quiconjecturaient Luc dans le premier de ces deux auxiliaires pensaientvolontiers à Apollos pour le second; mais Calvin préfère voir Lucdans ce second, considérant que le premier devait être Barnabas. Aureste, comme toujours en pareil cas, nombreuses ont été lessuggestions pour assigner des noms connus à ces deux anonymes.L'hypothèse la plus digne d'attention, au sujet de l'éventuelleallusion à Luc lui-même dans 2Co 8:18, est celle qui prend ausens propre l'expression «le frère», et fait de Luc le propre frèrede Tite nommé plus haut (verset 16; comp, aussi 2Co 12:18, où ilfaut lire: «avec Tite j'ai envoyé le frère » (=son frère?), etnon pas: «l'un de nos frères»). Cette étroite parenté entre Luc,auteur du livre des Actes, et Tite (voir ce mot), l'un des principauxdisciples de saint Paul, contribuerait à rendre compte du silencetotal de ce livre, si étrange à l'égard d'un pareil collaborateur:l'écrivain aurait tu par modestie le nom et l'oeuvre de son frèrecomme s'il s'agissait de lui-même; cette hypothèse, qui paraît ne seheurter à aucune impossibilité absolue, est soutenue par quelquesautorités (Souter, etc.). 5. Légendes sur Luc. Pour le surplus, tout est pure légende, souvent contradictoire.Épiphane fait prêcher Luc «en Dalmatie et en Gaule, en Italie et enMacédoine, mais tout d'abord en Gaule» (Adv. Hoer., II, 51:11).D'après Jérôme et une vieille biographie latine, il ne se seraitjamais marié. Une tradition qui a joui d'une grande fortune, jusqu'ànos jours, le gratifie du don de la peinture: d'après le plus ancientémoignage connu, celui d'un certain Théodore le Lecteur, deConstantinople, daté suivant les historiens soit du VIII e sièclesoit, au plus tôt, du VI e, l'impératrice Eudoxie aurait envoyé à safille Pulchérie, épouse de Théodose II, un portrait (icône) de la«mère de Dieu» peint par «Luc l'apôtre» (Pères grecs, coll.Migne, 86:165); ce portrait aurait été porté à Venise en 1204,d'après une Histoire Ecclésiastique (2:43) de Nicéphore Calliste(XIV e siècle). En q8o, le ménologe du pape Basile II attribue aussià Luc le portrait de la Vierge Marie; dans la chapelle Pauline deSainte-Marie-Majeure, à Rome, on en montre un très ancien attribué demême à Luc; un autre, de la chapelle Saint-Laurent, a été certifiéauthentique par le pape Grégoire IX (1234), etc. Pourtant, saintAugustin, qui connaissait bien la Palestine, ignorait tout de tellesoeuvres; il avait nettement déclaré: «Nous ne connaissons pas levisage de la Vierge Marie» (De Trin., 8:5 - 7). C'est au figuréque Luc avait le droit de passer pour peintre, et en particulier pourl'auteur d'un portrait de la mère du Seigneur; car il est bien vraique nul mieux que le 3 e évangéliste n'a dépeint la mère dansl'évangile de l'enfance, ni le fils d'un bout à l'autre de sacarrière, et c'est aux tableaux si nombreux et si vivants despersonnages, des scènes et des paraboles rédigées par saint Luc, quel'art chrétien doit les plus beaux trésors de son inspiration àtravers les siècles. La vérité cachée dans cette tradition fausse serapportait donc à la plume de l'évangéliste et non pas à son pinceau. Divers témoignages, tout aussi sujets à caution, font mourir Lucà 74 ans, à 80 ou à 94, en Béotie, en Bithynie, en Achaïe, àConstantinople, etc. Une énumération oratoire de Grégoire de Nazianzesemble en faire un martyr, mais le sens en est douteux. D'aprèsJérôme, ses restes auraient été transférés à Constantinople. Onmontre dans l'église de Sainte-Justine à Padoue son prétendusarcophage, soi-disant rapporté de Constantinople. Jn L.