LAZARE

(abrév. d'Éléazar =Dieu a aidé). 1. Le pauvre de la parabole (Lu 16:9-31).C'est le seul personnage d'une parabole que Jésus ait désigné d'unnom propre. Comment ne pas voir une intention dans le choix de cenom? (Déjà dans l'histoire des Macchabées, le nom d'Eléazar étaitdevenu le mot d'ordre du combat libérateur: «l'aide deDieu») (2Ma 8:23). Si donc Lazare est transporté au ciel,n'est-ce pas pour avoir trouvé en «Dieu son aide»? Désormais il vivra«dans le sein d'Abraham» (le père des croyants), image, pour le Juif,de la plus haute félicité (voir Sein, 5, b) Quant au riche, il reçoit le salaire de sa dureté, lui qui,luxueusement vêtu et abondamment nourri, n'a pas su voir «à sa porte»ni soulager le pauvre, malade, affamé, «dont les chiens mêmesviennent lécher les ulcères». Cette parabole ajoute donc àl'entretien de Jésus sur l'argent, non peut-être une condamnationabsolue de la richesse, mais un sévère avertissement aux riches: ilsne sont que des administrateurs de Dieu (Lu 16:2) à qui ilsdoivent rendre un jour des comptes. Dans la seconde partie, Jésussemble, à travers ce que lui montre le présent, entrevoir l'avenir:les plus grands miracles et sa résurrection elle-même convaincrontseulement les âmes de bonne volonté, qui ont «écouté Moïse et lesprophètes». D'ailleurs, leurs écrits suffisent (Ils sont sicatégoriques!) à prouver que Dieu lui-même condamne toute jouissanceégoïste.Cette parabole, n'apparaît en rien contraire, quant au fond, àl'enseignement général de l'Évangile. Quant à la forme, Jésus s'esttoujours appuyé sur les conceptions de son temps et ne dépasse pasplus ici qu'ailleurs les bornes du langage imagé. Certes, il ne fautpas chercher dans les expressions de flamme, grand abîme, tourment,sein d'Abraham, une description précise de l'au-delà: ce seraitdéformer la pensée de Jésus, dont le but pratique est ailleurs. Le nom du mendiant Lazare a donné au Moyen âge, à travers lelatin Lazarus, le mot populaire de ladre, nom vulgaire deslépreux dont ce personnage biblique a été fait le patron (bien que laparabole n'en fasse point un lépreux, puisqu'il est à demeure enpleine ville), ainsi que la désignation des lazarets, hospicesqui furent primitivement des léproseries. On constate d'ailleursquelque confusion entre les deux personnages bibliques de ce nom;ainsi, l'ordre hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem, fondé parles croisés au XII° siècle pour assister les lépreux et les pèlerins,et qui devait toujours avoir pour Grand-Maître un lépreux, reçut plustard des rois de France une décoration portant l'effigie de Lazare deBéthanie sortant du tombeau. 2. Le frère de Marthe et Marie, ressuscité par Jésus (Jn 11:1,2612:1,11).L'évangéliste semble avoir méthodiquement choisi les épisodes pournous donner la pensée de son Maître sur les sujets essentiels. Danscette fresque (Jn 11) traite de la mort et de la résurrection,problème qui a peut-être, de tous, le plus tourmenté les hommes. «Jesuis, dit Jésus, la résurrection et la vie...» (lirespécialement (Jn 11:23,26); le cours du récit apporte de cetteaffirmation une preuve typique.Soulignons d'autre part la place que tient notre récit dansl'enchaînement des faits. Jésus, recherché par les Juifs, vientd'échapper à leurs mains et s'est retiré au delà du Jourdain (Jn10:40), mais sans abandonner la lutte. Il attend l'occasionfavorable pour reparaître, et voici que la maladie de Lazare luisemble une réponse de Dieu (Jn 11:4). Délibérément il laisses'écouler quelques jours pour que la puissance divine éclate sansconteste possible (Jn 11:15-40,42). Le miracle a lieu devant ungrand concours de Juifs et dans des conditions telles qu'on ne peutadmettre ni supercherie, ni mort apparente.Le chap. 12 (Jn 12)nous montre de quel poids pèse cet événementdans le verdict des chefs contre Jésus. Ces quelques remarquessuffisent à indiquer combien ce chap. 11 (Jn 11) fait corpsavec l'ensemble du 4 e évangile. L'historicité du récit a été fortement contestée. On s'appuie surle silence des Synoptiques: comment pouvaient-ils omettre un siconsidérable événement? Mais l'argument «du silence», en bonnelogique, est de faible valeur. Les Synoptiques passent sous silencele ministère de Jésus en Judée, tandis que le 4 e évangile, enrapportant plusieurs voyages de Jésus à Jérusalem, paraît plus exact,au témoignage même de Matthieu (Mt 23:37) et Luc (Lu 13:34). D'autre part, les Synoptiques ont des récits de résurrections(fils de la veuve de Naïn, Lu 7:11; fillette de Jaïrus, Mr5:21,43,Lu 8:41; et Jésus lui-même); indubitablement, d'après eux,Jésus a rappelé des mores à la vie. Jean n'affirme ici rien de plus;la seule différence serait qu'il a pris dans son récit toutes lesprécautions pour que nul ne pût, en conscience, croire à autre chosequ'une mort réelle suivie d'une réelle résurrection. On allègue alorsque la valeur historique du 4 e évang, reste douteuse: mystique, ilse préoccupait avant tout de vérités spirituelles. Grave problème,qui dépasse les limites de cet article (voir Jean, évangile de).Cependant la seule remarque faite ci-dessus au sujet du ministère deJésus en Judée montre chez Jean, au moins sur certains points, etnotamment des points d'histoire, des apports de valeur. Sesaffirmations ne peuvent donc être rejetées en bloc; pour chaquepassage la critique doit produire ses preuves, et pour le nôtre,jusqu'ici elles ne paraissent pas convaincantes. Reste, il est vrai,le plus fort argument: un tel miracle est inconcevable car il restescientifiquement impossible qu'une cellule organique, en voie dedécomposition, à plus forte raison un organisme, puisse reprendreconstitution normale et vie. A quoi l'on répondra: la science n'a pasle droit d'affirmer une impossibilité, car elle constate des faits.Si le fait de la résurrection de Lazare a été parfaitement constaté,la science doit l'enregistrer. Rejeter le fait parce qu'inconcevableconstitue une erreur de méthode, contraire à l'esprit scientifique. Le chrétien qui constate dans sa vie et dans le monde lapuissance divine dira avec Jésus: «A Dieu, rien d'impossible!» cartout le christianisme repose sur cette affimation en même temps qu'ilen apporte la preuve. Aussi, devant l'importance donnée par Jean à cerécit, telle que nous l'avons soulignée plus haut, le croyantaccepte-t-il le miracle, non peut-être sans quelque résistance de saraison (comme Marthe (Jn 11:39)), mais certain au fond delui-même de la toute-puissance de son Maître (Jn 11:21,32). Ilpeut alors et sans réserve saisir toute la richesse spirituelle de cepassage.: puissance de la foi en Dieu, autorité salvatrice du Christ,jusque sur la mort, promesses de vie éternelle pour tous ceux quis'attendent à Lui, toutes affirmations qui se trouvent sinaturellement enchaînées les unes aux autres. Parmi les traditions légendaires relatives à Lazare, rappelonscelle qui lui attribue ainsi qu'à Marthe et Marie l'introduction duchristianisme à Marseille et dans la basse région du Rhône (voirGaule, 3). J.-P. B.Révision Yves Petrakian 2005