JUSTICE, JUSTE

(hébreu: tsèdèq, tsedâqâh, tsaddîq; grec: dikaïosunè,dikaïos) 1. La justice de Dieu. Elle est la manifestation de la sainteté de Dieu dans ses rapportsavec la créature morale (Ge 18:25,De 32:4 Ps 7:9,17 11:7 85:1389:15 98:2 119:7,142 145:17 Esa 45:21,Jer 12:1,Jn 17:25,Ro 3:5,2510:3). Si la sainteté exprime l'essence de Dieu en lui-même,indépendamment de toute relation avec le monde créé, la justice,elle, implique toujours un rapport entre le Créateur et la créature.Et ce rapport ne peut être que moral, puisque Dieu est saint et quel'homme est doué de conscience et de liberté. La justice divine est législative, en ce sens qu'elle établit etqu'elle garantit les lois du monde moral. Ces lois ont un caractèrede nécessité, car elles sont inévitables et inviolables; ellesmaintiennent et défendent l'ordre moral créé par la volonté sainte deDieu. Grâce à elles, il est impossible que cet ordre n'existe pas ouqu'il soit autre que ce qu'il est. «Nul ne peut servir deuxMaîtres...» (Mt 6:24). «Un bon arbre ne peut donner de mauvaisfruits ni un mauvais arbre de bons fruits» (Mt 7:18). Ainsi serévèle une justice immanente qui est inflexible et inéluctable. «Nevous y trompez pas, on ne se moque pas de Dieu: ce que l'homme sème,il le moissonnera aussi» (Ga 6:7). La justice divine est aussi rétributive. Dieu n'est pas seulementle législateur, mais encore le rémunérateur, le juge (Jas 4:12).Ses jugements sont conformes aux exigences de sa sainteté (Ps7:12 9:9 51:6 98:9 119:62,75,137,Esa 30:18,Ac 17:31,Ro 2:5-12,2Ti4:8,Ap 16:7). Il rend à chacun selon ses oeuvres (Jer 17:1032:19,Ap 22:12). Il donne à chacun ce qui lui est dû (Esa49:4,Mt 6:4,6). L'idée de droit qui apparaît ici soulève une difficulté. En effet,au point de vue humain, la justice suppose la réciprocité, car lesnotions de droit et de devoir sont corrélatives. Il n'en va pas demême dans les rapports de Dieu avec l'homme. Celui-ci, en tant quecréature, ne possède par lui-même aucun droit primordial; s'il a doncdes devoirs envers Dieu, la réciproque n'est pas vraie, carstrictement rien ne lui est dû. Nous savons, d'autre part, qu'il nepeut acquérir, par ses oeuvres, aucun mérite, à cause du péché quiest en lui. Tout ce qu'il possède, il le tient de la pure grâce deDieu. Comment donc concevoir la justice rémunératrice? Elle ne peutêtre que l'accomplissement d'une promesse que Dieu, par amour etlibrement, fait à l'homme. La créature a désormais le droit decompter sur cette sorte d'engagement d'honneur qu'a pris le Créateurà son égard. La justice de Dieu repose ainsi tout entière sur safidélité. «Dieu n'est point un homme pour mentir, ni un fils d'hommepour se repentir. Ce qu'il a dit, ne le fera-t-Il pas? Ce qu'il adéclaré, ne l'exécu-tera-t-Il pas?» (No 23:19). Maints passagesnous montrent cette liaison indissoluble de la fidélité et de lajustice (De 32:4,1Sa 26:23,Ps 36:6,7 96:13,1Jn 1:9). La question se présente tout autrement quand il s'agit duchâtiment. La justice de Dieu, qui garantit l'ordre moral, ne peutpas, sous peine de se renier elle-même, ne pas condamner le péché etenglober le pécheur dans ce jugement de condamnation. Elle est lasanction de notre état de déchéance et de perdition. Ainsi toutserait dit, si Dieu n'était que sainteté; mais Il est encore amour.Aussi sa grâce rend-elle possible la séparation du péché, qui restecondamné, et du pécheur, à qui est offerte, en Jésus-Christ, lapossibilité du pardon. La justice de Dieu est donc inséparable de samiséricorde. Après avoir été pour l'homme perdu la preuve irrécusablede sa condamnation, elle devient pour le croyant, par l'assurancequ'elle lui donne de la fidélité de l'amour rédempteur, le fondementde sa certitude de salut et de vie éternelle.2. La justice de l'homme. Il faut la considérer sous son double aspect: par rapport à Dieu etpar rapport aux hommes. (a) Dans son sens religieux, la justice est laconformité à la volonté de Dieu. Idéalement, elle est l'état de celuiqui se met en face de Dieu dans une attitude d'entière dépendance etde soumission totale. Jésus-Christ a pleinement réalisé cettejustice. Il a pu se rendre ce témoignage: «Ma nourriture, c'est defaire la volonté de Celui qui m'a envoyé» (Jn 4:34, cf. Jn5:30). Déjà, lors de son baptême, il avait «accompli toutejustice» (Mt 3:15), par son obéissance complète à la volonté deson Père. Aussi est-il présenté, dans un bon nombre de passages,comme le Juste (Ac 3:14 7:52 22:14,1Pi 3:18,1Jn 2:1). C'est verscet idéal que doivent tendre les hommes (Mt 5:6,10,20 6:33). Ilssont appelés justes, non plus dans un sens absolu mais dans un sensrelatif, en tant qu'ils ont la ferme volonté de «pratiquer lajustice» (Ps 15:1 et suivant, Pr 21:15,Mic 6:8,Ac 10:35,1Jn3:7,Ap 22:11). La justice apparaît aussi, dans plusieurs textes, comme laconformité à la Loi, qui est l'expression de la volonté de Dieu(De 6:25 24:13,Ps 119:121,Eze 3:20 18:5-9). Le juste est doncici celui qui met en pratique les commandements de la Loi. Cetteconception de la justice est, en principe, aussi légitime que laprécédente; mais elle est susceptible de dégénérer beaucoup plusfacilement, car, étant en fonction de la Loi, elle est soumise auxvicissitudes de celle-ci. Or l'histoire nous montre que cettedégénérescence s'est produite: la Loi a perdu peu à peu son caractèred'absoluité morale, pour devenir un ensemble d'ordonnances légales.La justice a suivi le même processus, pour n'être plus à la finqu'une justice formaliste: la propre justice, telle que nous latrouvons chez les Scribes et les Pharisiens et contre laquelle Jésuss'est élevé avec tant de vigueur (Mt 5:20 6:13 23:23-28,Lu18:9). D'ailleurs toute tentative pour réaliser ainsi la justiceest vouée à un échec certain. En effet, comment l'homme, souillé parle péché, pourrait-il accomplir la Loi et devenir juste aux yeux deDieu? C'est là une impossibilité absolue. «Il n'y a point de juste,pas même un seul» (Ro 3:10). Nous trouvons déjà dans l'A.T,l'intuition de cette vérité: «Nous sommes tous comme des impurs ettoute notre justice est comme un vêtement souillé» (Esa 64:6,cf. Job 4:17 9:2 25:4,Ps 14:1-3,Da 9:5-7). Mais c'est saint Paulqui nous en donne une démonstration irréfragable (voir en particulierRo 1:18-3:20). Incapable d'acquérir par lui-même la justice,l'homme ne peut que la recevoir comme un don de la grâce de Dieu,accordé à la foi (Ro 1:16 et suivant). Voir Justification. (b) Examinons maintenant la justice par rapport auxhommes. A vrai dire, il n'existe dans la Bible qu'une seule et mêmejustice, toujours religieuse dans son principe mais qui, sur le plandes relations humaines, devient une justice sociale. Sous cette formenouvelle, elle implique l'égalité des hommes entre eux. Cette égalité n'est pas, comme on le prétend si souventaujourd'hui, une réalité naturelle. La nature, bien loin d'êtreégalitaire, nous offre continuellement le spectacle des plus grandesinégalités. La seule égalité véritable est l'égalité spirituelle, envertu de laquelle il y a chez tout être humain, quelles que soient,par ailleurs, son infériorité, sa dégradation ou sa déchéance, unevaleur propre, la même partout et toujours, qui fait qu'un homme estun homme, c'est-à-dire une personne morale. Or, c'est par la volontécréatrice de Dieu qu'existent cette valeur et cette dignité de lapersonne humaine. «Dieu dit: Faisons l'homme à notre image et à notreressemblance» (Ge 1:26). Cette identique image de Dieu en touthomme est le principe de l'égalité (voir ce mot). Dieu, présent enchacun, est toujours égal à Lui-même. Or, la justice est la reconnaissance de cette égale valeur et lerespect de cette égale dignité de tous les hommes. Elle s'exprimenécessairement sous la forme de la réciprocité, qui est la seulerelation normale là où existe l'égalité. «Tout ce que vous voulez queles hommes vous fassent, faites-le-leur aussi vous-mêmes» (Mt7:12). C'est sur cette loi de la réciprocité que se fondent les deuxnotions corrélatives de devoir et de droit. Tout devoir entraîne undroit équivalent, et à tout droit correspond un devoir. Ce droit etce devoir, à la fois distincts et unis, composent la justice. Biendes passages affirment avec force l'obligation de pratiquer cettejustice (Ps 15:1-3,Esa 28:17,Jer 7:5,7 22:3,Am 5:24), qui doitse manifester dans toutes les relations humaines, en particulier dansles jugements (Le 19:15) et dans les transactions commerciales(balances, mesures, poids justes: Le 19:35,36,Pr 11:1 16:11,Eze45:10). L'exemple des balances justes nous montre le rapport quiexiste entre la justice et la justesse. La justice est la justessedans l'ordre moral, comme la justesse est, dans l'ordre matériel, lesymbole et la preuve de la justice. Les prophètes ont pu être appelésles prédicateurs de la justice. On sait avec quelle force ils se sontélevés contre toutes les iniquités (Esa 10:1 59:1,8,Jer22:13-16,Am 2:6 4:1 5:7,12 6:12 8:4-6,Mic 2:1 3:9-12 6:10 etsuivant). On a souvent opposé l'amour et la justice et on a cherché à montrerla supériorité tantôt de l'un, tantôt de l'autre, alors que,normalement, ils ne peuvent exister l'un sans l'autre. Si la justicetrouve son accomplissement dans l'amour (voir ce mot), celui-ci, àson tour, n'a de valeur morale qu'en tant qu'il est fondé sur lajustice. C'est bien ce qu'indique le sommaire de la Loi (Mr12:29-31). Il est juste que nous aimions Dieu, puisqu'il nous aaimés le premier, et que nous l'aimions d'un amour total, puisquec'est de Lui que nous tenons tout. Il est juste que j'aime monprochain comme moi-même, puisqu'il a, devant Dieu, la même valeur quemoi. Sans doute, l'amour dépasse la justice, mais comme un édificedépasse les fondations sur lesquelles il repose et sans lesquelles ilne pourrait rester debout. Alb. D.