JOSUÉ (livre de)

Titre. Le livre de Josué ouvre la série des livres dits historiques dansnos Bibles françaises, et Nebiim richônîm (ou prophètes de la 1re série) dans la Bible hébraïque. Il porte le nom de Josué (dans legrec des LXX, lésons =Jésus), parce que celui-ci en est lepersonnage principal.Plan. Le livre raconte la conquête de la partie occidentale du pays deCanaan par les Israélites sous la direction de Josué, fils de Nun.Les ch. 1 à 12 renferment l'histoire de la conquête proprement dite.Les ch. 13 à 21 relatent comment se fit le partage du pays conquis etdonnent le relevé topographique du territoire attribué à chaquetribu. Les ch. 22 à 24 sont consacrés aux dernières années et à lamort de Josué. A. La conquête (1-12).Josué fait procéder aux préparatifs indispensables à la conquête etobtient des tribus déjà établies en Galaad leur participation à lanouvelle campagne (Jos 1). Deux espions sont envoyés à Jérico ettrouvent asile auprès d'une femme à laquelle ils promettent en retourla VI° sauve pour elle et sa famille lors de la prise de laville (Jos 2). Alors a lieu le passage du Jourdain; aprèsl'érection de pierres commémoratives de cet événement, un campementest établi dans la plaine de Jérico, à Guilgal (Jos 3-Jos 4).Josué procède à la circoncision du peuple et fait célébrer laPâque (Jos 5). Jérico est prise, les habitants sont massacrés,la ville brûlée et rasée (Jos 6). Une défaite, éprouvée sous lesmurs de la ville d'Aï, fait découvrir un vol sacrilège dont lecoupable, Acan, est immédiatement puni de mort (Jos 7). Attaquéede nouveau, Aï est prise et subit le sort de Jérico (Jos8:1-29). Parvenu dans la région de Sichem, Josué fait élever unautel sur le mont Ébal et lit la Loi devant tout le peuple (Jos8:30-35). Les habitants de Gabaon obtiennent par ruse une allianceavec les Israélites (Jos 9). A cette nouvelle, une ligue de cinqrois cananéens se forme contre les envahisseurs et assiège Gabaon.Mais Josué inflige une défaite complète aux cinq rois, qui sont mis àmort. Cette victoire, célébrée par un poème, aujourd'hui perdu, estcomplétée par la prise et la destruction de plusieurs villes de larégion méridionale (Jos 10). Une nouvelle coalition cananéennese forme dans la région du N. sous l'impulsion de Jabin, roi deHatsor. Josué bat ses adversaires aux eaux de Mérom et soumet toutela partie septentrionale du pays (Jos 11:1,15). Cette premièrepartie se termine par la conclusion suivante: «Josué conquit tout lepays exactement comme Jéhovah l'avait prescrit à Moïse. Puis il leremit en toute propriété au peuple d'Israël, une part par tribu.Toute guerre ayant cessé, le pays connut la paix.» (Jos 11:23).Le ch. 12 (Jos 12) donne la liste de tous les rois vaincus parles Israélites, tant en Galaad à l'époque de Moïse, qu'en Canaan avecJosué. B. Le partage (Jos 13-21).Josué, devenu vieux, reçoit l'ordre de partager le pays non encoreconquis entre les neuf tribus et demie dépourvues de territoires. Lesparts déjà attribuées par Moïse aux tribus de Ruben, Gad etdemi-Manassé, sont ensuite décrites (Jos 13). Partage, partirage au sort, du reste du territoire entre les autres tribus. Lapremière part, le territoire d'Hébron, est attribuée à Caleb, enexécution d'une promesse à lui faite par Moïse (Jos 14). La partde Juda est ensuite décrite d'après ses limites et les localités quiy sont comprises. Dans cette description est intercalé, d'une façoninattendue, le récit de la prise d'Hébron et de Débir par Caleb etOthniel (Jos 15). Les fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, sontensuite servis (Jos 16). Quoique comprise dans les fils deJoseph, la tribu de Manassé se voit maintenant attribuer une partpersonnelle par le sort. Les fils de Joseph se plaignent à Josuéd'être trop à l'étroit dans leur territoire (Jos 17). Au ch. 18,(Jos 18) les enfants d'Israël sont à Silo, où ils dressent latente sacrée; et cette fois le pays leur est soumis. Cependant, septtribus n'ont pas encore reçu de lot et Josué leur reproche leurnégligence à prendre possession du pays. Trois hommes par tribu sontenvoyés reconnaître les territoires non occupés et les répartissenten sept parts. Josué tire alors au sort les parts de Benjamin,Siméon, Zabulon, Issacar, Asser, Nephthali et Daniel. Un apanageparticulier est octroyé à Josué (Jos 18-19). Sur l'ordre de Jéhovah,six villes de refuge pour les meurtriers involontaires sontdésignées, trois dans la Palestine trans-jordane et trois dans laPalestine cisjordane (Jos 20). Enfin, à la demande des Lévites,Éléazar, Josué et les chefs de famille tirent au sort quarante-huitvilles, qui leur sont attribuées (Jos 21). Conclusion de cetteseconde partie, analogue à celle de la première: «Jéhovah donna ainsiaux Israélites la totalité du pays qu'il avait juré à leurs pères dedonner. Ils en prirent possession et s'y établirent. Jéhovah leurassura le repos sur toutes leurs frontières comme il l'avait juré àleurs pères. Aucun de leurs ennemis ne subsista devant eux, Jéhovahles livra tous entre leurs mains.» (Jos 21:43 et suivant). C. Adieux et testament de Josué. Les combattants des tribus transjordanes, renvoyés chez eux etarrivés aux bords du Jourdain, y élèvent un autel. Leur acte alarmeles autres tribus, qui se préparent à leur faire la guerre. Lesexplications demandées rassurent tout le monde (Jos 22). Josuéconvoque le peuple et lui fait ses adieux et ses dernièresrecommandations (Jos 23). Encore une fois Josué assemble toutesles tribus d'Israël à Sichem. Il leur rappelle les principales étapesde leur histoire et leur fait prendre l'engagement d'être toujoursfidèles à Jéhovah. Puis il conclut pour elles une alliance avecJéhovah, leur donnant des lois et des ordonnances et dressant sous lechêne sacré du sanctuaire de Sichem une pierre en témoignage de cettealliance. Peu après Josué meurt dans son apanage (Jos 24).Examen critique. L'intention du rédacteur du livre paraît avoir été de donner un récitschématique de la conquête de Canaan, faite en trois campagnesrapides: le passage du Jourdain et la prise de Jérico etd'Aï; la conquête du S. à la suite de la bataille deGabaon; la conquête du N. à la suite de celle de Mérom.La population cananéenne ayant été entièrement extirpée, le pays estpartagé par tirage au sort entre toutes les tribus. Cettemerveilleuse épopée a mis les Israélites en possession indiscutée dupays de la promesse. Josué, son oeuvre accomplie, n'a plus qu'àmourir paisiblement après avoir solennellement renouvelé l'allianceentre Jéhovah et Israël conclue au Sinaï. Mais une simple lecture du livre révèle tout ce que cetteconception a d'artificiel et combien peu les données des sourcesutilisées par le rédacteur sont en harmonie avec son point de vue.C'est entre la première et la deuxième partie que les contradictionssont les plus violentes. En voici quelques-unes: (a) Jos 11:23: «Josué s'empara donc de tout lepays, comme l'Éternel l'avait dit à Moïse, et Josué le donna enhéritage à Israël, selon leurs divisions, par tribus». Or, au débutde Jos 13, Jéhovah, parlant à Josué, énumère toutes les régionsnon encore conquises dont il promet de chasser tous les habitants. Ildonne l'ordre de répartir ces régions entre les tribus alors que cepartage semblait chose déjà faite. (b) D'après Jos 10:36,37, Josué prend Hébron, enmassacre tous les habitants, roi compris, et la même chose estracontée de Débir, etc. D'après Jos 14:6,15, Hébron et lesvilles voisines n'ont pas été conquises, les Anakim peuplent encoretoute la région et c'est Caleb qui demande l'autorisation de partiren guerre contre eux. Ce renseignement est confirmé (Jos15:13,19). La prise d'Hébron et la défaite des Anakim sontattribuées à Caleb et la prise de Débir à Othniel. (c) D'après Jos 16:10, les Éphraïmites nechassèrent point les Cananéens de Guézer, dont pourtant le roifigure (Jos 10:33 12:13) parmi ceux que les enfants d'Israëlbattirent et dont Josué donna le pays en possession aux tribusd'Israël (Jos 12). (d) Les Cananéens de Beth-Séan, Jibléam, Dor etEn-Dor, Thaanac, Méguiddo et villes voisines restèrent dans leursvilles: tout ce que purent faire les Manassites, ce fut d'en exigerun tribut (Jos 17:11,18). Et pourtant trois de ces rois figurentdans Jos 12:21-23 parmi les rois vaincus dont le pays futpartagé. (e) Les fils de Joseph se plaignent à Josué d'êtretrop à l'étroit parce que les chars de fer des Cananéens des valléesdu Jourdain et de Jizréel les empêchent de s'étendre (Jos 17:14-18).Le pays n'a donc pas été entièrement conquis,contrairement aux affirmations de Jos 11:16 et suivant et Jos12:7 et suivant. C'est bien d'ailleurs ce que reconnaît Josuélui-même dans son premier discours d'adieux. (voir Jos23:4-5,7,12 et suivant) Quel contraste entre ces déclarationset des affirmations telles, par ex., que celles de Jos 11:19et suivant Il est donc manifeste que deux conceptions différentesde la conquête de Canaan s'affrontent dans le livre de Josué. L'unequi, reconstruisant les événements d'une façon factice, veut que laconquête ait été effectuée en quelques jours, les habitantsexterminés parce qu'adorateurs de faux dieux et le pays, ainsinettoyé, attribué, par l'intervention de Dieu lui-même, en toutepropriété définitive à chaque tribu. L'autre, plus près desévénements, s'appuyant sur des faits et des traditions locales,s'efforce de raconter objectivement les principales étapes de laconquête; pour elle, cette conquête dura fort longtemps, ne fut pastoujours l'oeuvre de toutes les tribus associées, mais parfois cellede tribus isolées et aussi le résultat d'une pénétration pacifique. Ces deux conceptions contradictoires ne peuvent avoir été cellesd'un seul auteur. Il se pose ainsi pour ce livre, comme pour ceux duPent., une question des sources de cet ouvrage et de son mode decomposition.Sources. Il y a une liaison évidente entre le Pent. et Josué. C'est pourréaliser la promesse de possession de Canaan qui leur avait été faiteet réitérée tant de fois dans Gen., Ex., No et Deut., que Moïse aarraché les Israélites à l'esclavage des Egyptiens et les a conduitsà travers le désert jusqu'aux rives du Jourdain. La tâche que Moïsen'a pu achever, c'est Josué qui la mènera à bonne fin. Son livre estdonc la conclusion naturelle du Pent.; c'est pourquoi il a parulégitime de souligner cette étroite parenté historique en substituantparfois la dénomination d 'Hexateuque (les six livres) à celle de Pentateuque (voir ce mot), et de rattacher ainsi directementJosué au groupe des cinq premiers livres de l'A.T.Il ne faut pas oublier toutefois que ce ne sont pas despréoccupations historiques qui ont présidé à l'élaboration du canonde l'A.T, et que jamais les docteurs juifs n'ont donné à Jos la mêmevaleur canonique qu'à la collection sacrée des cinq livres de laThora: le terme d'Hexateuque ne peut donc être employé qu'à titreexceptionnel.Deutéronomiste.En plus de cette liaison de sujet, il y a une étroite parenté destyle et de conception entre Josué et Exode, Nombres et surtoutDeutéronome (voir ce mot). Des fragments de ce dernier livre sontreproduits presque textuellement: Jos 1:3 et suivant etDe 11:24,Jos 1:6 et De 31:23,Jos 24:13 et De 6:10 etsuivant, Jos 24:11 et suivant et Ex 23:28,De 7:20. De cettecomparaison, il ressort que les ch. 1, 23 et 24 sont entièrementdeutéronomiques de style et d'inspiration. Dans le reste du livre, laparenté avec le Deutéronome se manifeste par les nombreux passages àtendance édifiante, au ton homilétique et par le rôle essentielattribué à Moïse qui a tout organisé, tout réglé d'avance, en sorteque Josué n'est plus qu'un simple exécutant (Jos 11:15). Ce rôlefait la grandeur de Josué et lui vaut l'assistance que Jéhovah prêtaà Moïse, et quelque chose de la gloire de Moïse rejaillit surlui. (voir Jos 1 5,7 3:7 4:14) Le thème du Deutéronome est: Jéhovah a promis de mettre Israël enpossession de Canaan. La consigne de Josué est d'achever laréalisation de cette promesse divine commencée par Moïse. Tout sonlivre tient entre l'ordre donné (Jos 1:6,De 31:7-23) et sonexécution (Jos 21:43-45 22:4 23:14-16). Un autre point de vue du Deutéronome est que la fidélité de Jéhovah à saparole doit avoir pour contrepartie indispensable la fidélitéd'Israël à son Dieu et l'exécution de ses ordres. L'un de ces ordresest celui d'exterminer les Cananéens de peur qu'ils n'entraînent lepeuple dans l'idolâtrie (De 7:1,26 20:13-18). C'est pourmaintenir le peuple dans ces sentiments de fidélité que Josué luifait renouveler à Sichem l'alliance conclue au Sinaï. Le récit decette cérémonie est fait deux fois (Jos 8:30-35 24:1-28). De toutes ces constatations, il ressort que ce sont les auteurs duDeutéronome qui ont travaillé à la rédaction de Jos., lui ont donné sonplan et lui ont imprimé leur tendance d'esprit, leur préoccupation decatéchiser le peuple par le moyen de son histoire.Jéhoviste et Élohiste. Mais pour cette rédaction, ils ont utilisé des ouvrages déjàexistants, les récits des sources «jéhoviste» et «élohiste», qui sontdéjà à la base des livres du Pentateuque. A ces deux sourceshistoriques sont empruntés les faits essentiels de Jos: envoi desespions à Jérico, passage du Jourdain avec érection de pierrescommémoratives et circoncision à Guilgal, prise de Jérico etrencontre de Josué avec le chef des armées célestes, sacrilèged'Acan, prise d'Aï, stratagème des Gabaonites, bataille de Gabaon, deMérom. Elles présentent la conquête comme une oeuvre de longuehaleine, avec alternatives de combats et de pénétration pacifique, etsoulignent constamment son caractère inachevé. Josué est pour ellesun chef complet, homme de guerre et prêtre. Mais ces deux sourcesjumelles ne racontent pas exactement de la même façon les événements:aussi, pour donner un récit complet, on les a tantôt juxtaposées,tantôt fusionnées plus ou moins adroitement. De là proviennent engénéral les répétitions, contradictions et anomalies que l'onrencontre dans ces récits. On a, par ex., deux versions de l'aventuredes espions, du passage du Jourdain, de l'érection des pierrescommémoratives de ce passage (d'après l'une, elles sont dressées sur larive droite, d'après l'autre au milieu du fleuve), de la prise deJérico (dans l'une, le signal de l'attaque est donné par un ordre deJosué, dans l'autre par une sonnerie de cor, etc.), du sacrilèged'Acan, de la prise d'Aï, de l'alliance avec les Gabaonites. Bien desessais ont été faits pour reconstituer chacune de ces versions, maisaucun n'a encore emporté l'assentiment général, tellement la tâcheest rendue difficile par les additions et corrections postérieures.Et l'on manque de critères suffisamment sûrs pour attribuer tel outel détail, même telle ou telle version reconstituée, à la sourcejéhoviste ou à la source élohiste. Il suffit de comparer deuxrécentes tentatives, celle de la Bible du Centenaire (1923) etcelle de H. Gressmann dans die Schriften des A.T. (Goettingen1922), pour se rendre compte du caractère encore conjectural d'unepareille discrimination. Même pour les récits n'appartenant qu'à uneseule source, il n'y a pas accord sur la désignation de cette source.Document sacerdotal. Un autre écrivain encore, celui qu'on appelle sacerdotal, P(prêtre), a apporté sa collaboration à la rédaction de Josué. Par sonstyle caractéristique, sa préoccupation d'exalter avant tout ladignité et les fonctions sacerdotales, d'établir selon desgénéalogies et une chronologie rigoureuses les origines divines dupeuple élu, dans une prédestination absolue, tout ce qui est sorti desa plume se distingue aisément. C'est à lui qu'il faut attribuer lerécit de la première Pâque (Jos 5:10,12); mais son interventionest surtout sensible lors du partage de Canaan entre les tribus(13-21). Tandis que l'écrivain deutéronomique, s'inspirant desanciens documents jéhoviste et élohiste, attribue à Josuéseul (Jos 13:1 14:6 18:3) la répartition du territoire àconquérir, pour le rédacteur P cette répartition eut lieu après laconquête complète, au cours d'une assemblée solennelle tenue à Silo,lieu de résidence de l'arche, sous la direction du prêtre Éléazar,successeur légitime d'Aaron, de Josué et des chefs de famille destribus (Jos 18:1 14:1 19:51 21:1 et suivant). C'est pour lui unevéritable opération cadastrale pour laquelle seul un prêtre estqualifié. La description méthodique de chaque territoire est ensuitedonnée, avec une sécheresse tout administrative. Malheureusement, ceprécieux relevé topographique a été très mutilé: il n'est complet quepour les tribus de Juda (Jos 15:1-12,20-62) et deBenjamin (Jos 18:11-27).Composition. Ce livre est donc un ouvrage très composite. Il a eu pour point dedépart deux documents J et E rapportant les anciennes traditions surla période de la conquête et la personnalité de Josué. Un écrivain,désireux de continuer l'effort d'éducation religieuse entrepris parla rédaction du Deut., a utilisé ces documents pour écrire l'histoirede l'entrée dans le pays promis aux ancêtres d'Israël: ce fut lapremière édition du livre de Josué, peut-être faisant corps avec leDeutéronome. Plus tard, lorsque fut rédigée l'histoire sacerdotaled'Israël, les renseignements qu'elle renfermait sur la période de laconquête de Canaan furent adjoints en partie au livre de Josué etplus ou moins amalgamés avec la première rédaction. Ce fut la secondeédition qui, avant d'atteindre la forme sous laquelle elle nous estparvenue, subit encore bien des retouches.Texte. De ces retouches, les LXX nous apportent un témoignage tardif par lesvariantes et additions de la traduction. Voici les additions les pluslongues et les plus curieuses. Après Jos 24:30: «Ils mirent aveclui (Josué), dans le sépulcre où ils l'ensevelirent, les couteaux depierre avec lesquels il avait circoncis les enfants d'Israël àGuilgal, quand il les eut fait sortir du pays d'Egypte, comme Jéhovahle leur avait prescrit; et ils y sont encore aujourd'hui.» AprèsJos 24:33: «Ce jour-là les enfants d'Israël prirent l'arche deDieu; et ils la faisaient circuler parmi eux. Et Phinées devintprêtre à la place d'Éléazar son père jusqu'à sa mort, et il futenseveli aussi à Guibéa. Les enfants d'Israël s'en retournèrent dansleurs territoires et leurs villes. Les enfants d'Israël adorèrent lesAstartés et les dieux des nations qui les environnaient: et Jéhovahles livra entre les mains d'Églon, roi de Moab, qui régna sur euxpendant dix-huit ans.» D'autre part, les fragments Jos 5:4-7 6:3,620:4-6 manquent dans les LXX Ailleurs, Jos 15:59, cetteversion possède onze noms de villes qui manquent dans le texte hébreu.Valeur historique. La conquête rapide et complète du pays de Canaan par une armée uniesous un chef habile et heureux n'a rien d'impossible en elle-même: ilsuffit de songer aux conquêtes d'un Alexandre et à l'épopéeislamique. Mais ce sont les sources les plus anciennes du livre quiprésentent les événements sous un autre jour. L'historicité du livrede Josué est donc en corrélation directe avec la valeur historiquedes récits jéhoviste et élohiste. Ce qui a été conservé dans Jos., deces deux documents, raconte les principaux faits qui se sont succédédepuis le passage du Jourdain, pour aboutir: au récit de la victoire remportée par les tribussur une première coalition de peuplades cananéennes liguées contreGabaon, alliée d'Israël (Jos 10); à celui de la défaite d'une seconde coalition quis'était formée dans le N. à l'appel du roi de Hatsor (Jos 11); à celui de la grande assemblée de Sichem et de lamort de Josué (Jos 24). Si l'on fait abstraction du caractère merveilleux dont sontimprégnés ces récits, caractère propre à tous les récits populairestransmis oralement pendant des siècles, il n'existe aucune raisonvalable de douter de la réalité des faits qui sont à leur base etconcordent avec ceux racontés dans le livre des Juges. Toutefois, ilfaut reconnaître que nous ne sommes pas en présence d'une véritablehistoire de la conquête; nous n'en connaissons qu'un certain nombred'événements remarquables. Cela est-il dû au silence des sources ou àleur mutilation? Peut-être aux deux. Comment se fit la conquête ducentre du pays, celle où se trouve plus tard si fortement établie latribu d'Éphraïm? Comment Josué parvint-il dans la région de Sichem etde quelle nature furent les rapports avec les habitants de cetteville, qui ne furent point massacrés comme ceux de Jérico et d'Aï?Comment chaque tribu prit-elle possession de son territoire? On nenous le dit pas. A côté de la version fantaisiste de P, nouspossédons des vestiges d'une tradition ignorant tout partage posteventum. Les tribus auraient tiré au sort, non le pays conquis,mais leur tour de partir en guerre (Jos 14:6-12 17:14-18 18:2),ce qui est conforme à la version du livre desJuges (Jug 1). Les Calébites et la tribu de Juda, servis lespremiers dans le partage, ont dû aussi pénétrer les premiers enCanaan. Ils durent être suivis par la tribu de Joseph (Jos16:1), seconde au partage (qui se scinda plus tard en Manassé etEphraïm), entraînant avec elle toutes les tribus secondaires qui sedéveloppèrent en luttant pour se conquérir un domaine. C'est cetteseconde vague qu'aurait conduite Josué. La concordance remarquable deces données avec celles du livre des Juges est tout en faveur de leurhistoricité. Mais elles sont insuffisantes pour reconstituer cettepériode si importante de l'histoire d'Israël. Combien de temps dura-t-elle? Encore sur ce point Jos ne nousrenseigne pas. La seule donnée que l'on trouve à ce sujet est ladéclaration de Caleb (Jos 14:7,10), qu'il est âgé de 85 ans etque c'est quarante-cinq ans auparavant que Moïse lui fit la promessede lui accorder un territoire. Comme il avait 40 ans à ce moment-làet que le séjour au désert fut de quarante ans, la conquête auraitduré cinq ans. Mais Hébron, que Caleb sollicite, n'est pas encoreprise (Jos 14:12) et, d'autre part, Josué mourut à 110 ans, soitplus de trente ans après avoir franchi le Jourdain.La valeur historique de Jos s'affirme grande encore par des détailsépars ici et là sur la VI° sociale et les pratiques religieuses deces temps reculés. Il est regrettable que deux faits religieux querapportaient les sources utilisées aient été défigurés par lesécrivains postérieurs: la construction d'un autel (c-à-d, d'unsanctuaire) par les tribus transjordanes (Jos 22:9-34) dans levoisinage du Jourdain, la cérémonie religieuse accomplie à Sichem, qui adonné lieu à deux récits (Jos 8:30-35 24:1-31). L'importance del'acte qui a eu pour témoin un arbre sacré, sous lequel déjà Abrahamet Jacob (Ge 12:6 35:4) s'étaient arrêtés et avaient érigé unautel, et pour théâtre la vallée située entre le Garizim, montagnebénie, et l'Ébal, montagne maudite, est hautement attestée par lefait que le Deut., sous trois formes différentes, le présente commeprescrit d'avance par Moïse (De 11:26-32 27:1-3,4-14) Une allianceavec Jéhovah, rappelant celle du Sinaï, semble avoir été conclue làpar Josué, en même temps qu'il promulguait un code sacré.Malheureusement il n'est plus possible de se rendre compte exactementde ce qui s'est passé alors.Rappelons encore les renseignements géographiques sur les tribus,donnés par les fragments empruntés à P, mais qui sont relatifs àl'époque des rois et non à celle de la conquête.Date. Le livre ayant été sous sa première forme rédigé par un écrivaindeutéronomique, doit dater de l'époque où parut le Deutéronome, toutau moins sa partie historique, à laquelle il est étroitementrattaché, soit donc le début du VI e siècle. Sous sa seconde forme,adjonctions des parties sacerdotales, il doit dater de l'époque oùfut clos le recueil de la Thora (fin du V e siècle), car il estvraisemblable que le rédacteur d'alors recueillit et utilisa ce quin'avait pu entrer dans ce recueil.Valeur religieuse. La valeur religieuse du livre de Josué est plus grande que sa valeurhistorique. C'est l'écrivain deutéronomique qui la lui donne en nousfaisant entendre un écho de la prédication prophétique, appel à seconsacrer à Dieu sans réserve. L'histoire d'Israël est pour lui unenseignement religieux, car derrière les hommes qui s'agitent sur lascène du monde, il aperçoit Dieu qui les conduit; derrière l'écrand'événements extérieurs causés, semble-t-il, uniquement par lesmisérables passions humaines, ou par le jeu des forces naturelles, ilvoit l'action souveraine d'un Dieu qui besogne pour se créer unpeuple saint et établir par lui la justice sur la terre. L'homme quimarche avec Dieu, lui obéit aveuglément, est un conquérantinvincible, mais qu'il prenne garde de purifier son coeur. Qu'on ne se scandalise pas de voir cet auteur approuver lesmassacres des Cananéens, les présenter même comme ordonnés par Dieu,alors qu'ils étaient un abominable trait des moeurs orientales(conservé jusqu'à nos jours par les Turcs); ce n'est pas en effet lasoif du sang qui l'inspire, ni une haine féroce contre des ennemisdepuis longtemps disparus lorsqu'il écrit; ce qui l'inspire c'est unehorreur farouche du mal (voir Interdit, Guerre), de ce mal, source detous les autres, l'idolâtrie, c'est-à-dire l'adoration de la créaturemise à la place du Créateur, Maître souverain de l'univers et del'homme. L'idolâtrie, c'est l'offense suprême faite à Dieu, c'est uneblessure mortelle faite à l'être humain, ainsi que l'exprime si bienle mot célèbre de Carlyle: «Qui touche Dieu touche l'homme.» «Quoi qu'il arrive, moi et ma maison, nous servirons l'Éternel!»s'écrie Josué. Cet appel religieux, c'est tout le livre. Il suffit àlui assurer des lecteurs reconnaissants. BIBLIOGRAPHIE --Jean Calvin, Comment, sur Josué, Genève 1564.--A. Westphal, Jéhovah --L. Gautier, Introd, à l'A.T., t. I--Bbl. Cent --A. Lods, Israël, I--G.A. Smith, Joshua.(ICC)