JEÛNE

Abstinence plus ou moins complète de nourriture. Dans la Bible, lesexpressions: jeûner, humilier, affliger, mortifier son âme, ont lamême signification. (voir Ps 35:18,Esa 58:3,5) Le jeûne est unepratique religieuse qui remonte à une haute antiquité. En Orient,chez les Indous, en Egypte, en Israël, plus tard chez les Musulmans,il joue un grand rôle. C'est une manifestation de tristesse quisymbolise divers états d'âme: signe de deuil (1Sa 31:13,2Sa1:12), de frayeur (2Ch 20:3), d'humiliation (1Sa 7:6,Jon3:5 et suivants, 1Ro 21:27); cette marque d'humiliation étaitsans doute considérée comme ayant une vertu magique de propitiation;les prophètes cependant mettaient l'accent sur la repentance etl'humilité du coeur dont le jeûne est simplement un symbole (Jer14:12,Joe 2:12,Za 7:5 et suivant). Par le jeûne aussi, on sepréparait religieusement à une entreprise difficile (Est 4:16,Esd8:21); c'est cette préparation spirituelle que Jésus recherche dansle jeûne (Mt 4:1-11).Avant l'exil, la loi de Moïse est très sobre en préceptesrelatifs au jeûne. Une seule fois dans l'année, un jeûne très sévèreest ordonné au peuple d'Israël, le jour des Expiations (Le16:29-31 23:27-32); c'est celui dont il sera question dans Ac27:9, comme fixant la limite extrême de la saison de navigation,car on le célébrait à la fin de septembre. Tous les autres jeûnesmentionnés avant l'exil sont volontaires, individuels, ou prescrits àl'occasion de quelque calamité publique ou de quelque besoin spécial.Après l'exil, plusieurs jeûnes annuels furent institués pourcommémorer des désastres nationaux: (Za 7:6 8:19) la ruine deJérusalem et du Temple (2Ro 25:8 et suivant), le meurtre deGuédalia (2Ro 25:25), la première invasion des Caldéens (Jer52:6-11), le commencement du siège de Jérusalem (2Ro 25:1). Peuà peu, d'autres jeûnes furent ajoutés à ceux-là, entre autres lejeûne de la fête de Purim, en souvenir de la délivrance du peuple autemps d'Esther.A l'époque du Christ, le jeûne avait pris une place considérabledans la vie religieuse. Les personnes pieuses jeûnaient dansl'attente d'un Sauveur (Lu 2:37); pour d'autres, jeûner était ensoi une marque de piété: Jean-Baptiste et ses disciples observaientles pratiques ascétiques de jeûnes rigoureux (Mt 9:14); lespharisiens, plus formalistes encore, jeûnaient deux fois lasemaine (Lu 18:12) le jeudi et le lundi, en souvenir, dit latradition, des jours où Moïse monta sur la montagne et en descendit.Chez les Juifs, le jeûne durait ordinairement du lever au coucher dusoleil. Celui du jour des Expiations durait du soir au lendemainsoir. Pendant les jeûnes prolongés, on était autorisé à mangerpendant la nuit (comp, le Ramadan de l'islam). En général, le jeûnes'accompagnait d'autres manifestations de tristesse, comme dedéchirer ses vêtements, se couvrir d'un sac ou d'un suaire blanc ounoir, s'asseoir sur la cendre (Da 9:3). On s'abstenait aussi detout travail pendant le jeûne (voir Deuil).Jésus-Christ apporta un esprit nouveau dans l'observation dujeûne. Sans le supprimer--puisqu'il le pratique lui-même--nid'ailleurs l'ordonner à ses disciples (Mt 9:14 et suivant), ille considère surtout comme un acte personnel, volontaire etsecret (Mt 6:16,18), destiné avant tout a libérer l'âme del'esclavage de la chair pour la rendre plus accessible à l'action deDieu. C'est dans cet esprit qu'il le pratique pour se préparer à sonministère (Lu 4:1,4), et qu'il le recommande, avec la prière,pour recevoir la puissance divine (Mt 17:21). C'est dans cetesprit qu'on jeûnait dans l'Eglise primitive, pour se consacrer à desolennelles entreprises (Ac 13:2 14:23). Paul jeûnaitaussi (2Co 6:5 11:27), mais ne recommande nulle part le jeûne etle condamne même en tant que prescription légale etformaliste (Ro,14:17,Col 2:16,1Ti 4:1-5).Dans l'Église chrétienne, le jeûne reprit plus tard la valeurd'une pratique de sainteté et, dès le II° siècle, des jeûnesréguliers furent institués: carêmes, jeûnes hebdomadaires duvendredi, etc. Les Réformateurs, tout en enlevant au jeûne toutcaractère obligatoire, le recommandent pour «tenir le corps enbride», mais sans superstition ni formalisme. R. de R.