JEAN (épîtres de)

Le N.T. contient trois lettres dont la tradition attribue lacomposition à l'apôtre Jean.I PREMIÈRE ÉPÎTRE. 1. Contenu. On chercherait vainement dans 1Jean le plan nettement tracé qu'ontrouve dans certaines ép. de Paul. (Romains 1Cor., Galates) Il estsans doute possible d'y discerner un certain nombre de thèmes, etplusieurs critiques se sont appliqués à grouper les exhortationscontenues dans ce livre autour des trois suivants: Dieu estlumière (1Jn 1:5), Dieu est juste (1Jn 2:29), Dieuest amour (1Jn 4:8). L'idée peut se défendre; mais force estbien de reconnaître, lorsqu'on lit l'ép., que ces trois sujets sontconstamment ramenés l'un à l'autre et que les mêmes certitudes et lesmêmes devoirs sont rappelés, sous ces trois chefs, en termes souventidentiques. De toute évidence, l'auteur n'est point un logicien et nese préoccupe nullement d'exposer sa pensée de façon suivie etsystématique; il parle plutôt qu'il ne rédige et procède parassociation d'idées plutôt que par raisonnement. Même en distinguant,dans sa lettre, un plus grand nombre de morceaux qu'on ne le faitd'habitude, nous constaterons que ces morceaux sont à bien des égardsparallèles et non successifs, qu'ils reprennent les mêmesaffirmations, et qu'il est plus facile d'en extraire les idéesprincipales que d'en faire un véritable résumé. L'épître, tout comme l'évangile, a son prologue (1Jn1:1-4), où l'auteur, parlant peut-être au nom d'un groupe d'amis quil'entourent, se présente, sans se nommer, comme un témoin qui a vu deses yeux, entendu de ses oreilles et touché de ses mains la Parolede vie qui s'est incarnée en Jésus; il écrit pour que ses lecteurs,ayant la même foi, soient, comme lui et avec lui, en communion avecle Père et avec le Fils et pour que leur joie soit parfaite. Puis ilpasse au message ou à la nouvelle (v.7) qu'il est chargé d'apporter.PREMIER MORCEAU: (1Jn 1:5-2:17) Le croyant et le péché Dieu est lumière, c-à-d, sainteté. Donc, ne vivons pas dans le péché.Ne nous berçons pas non plus de l'illusion que nous sommes sanspéché. Confessons plutôt nos fautes; et, si nous marchons dans lalumière, si nous cherchons sincèrement à faire le bien, l'oeuvreexpiatoire de Jésus-Christ couvrira nos manquements. Connaître Dieu,au vrai sens de ce terme, c'est garder ses commandements; demeurer enChrist, c'est vivre comme il a vécu. Rappeler ces choses, ce n'estque répéter ce que les lecteurs ont entendu dès le commencement;elles sont pourtant nouvelles en ce sens que les temps, qui avancent,nous obligent chaque jour davantage à y prendre garde et à nousredire que marcher dans la lumière, c'est aimer ses frères, et queles haïr, c'est se plonger dans les ténèbres. Les destinataires de lalettre peuvent comprendre ce message parce que tous, jeunes et vieux,ils ont fait l'expérience du pardon et remporté la victoire sur lemal. Que cette victoire soit toujours plus complète. Séparons-nousd'un monde destiné à périr avec tout ce qu'il renferme.DEUXIEME MORCEAU (1Jn 2:18-29) Les Antéchrists . Ladernière heure est venue. Nous le reconnaissons au fait que desantéchrists se sont élevés du milieu des croyants, parmi lesquels ilsétaient dissimulés, faux docteurs qui nient que Jésus soit le Christet ne reconnaissent pas en lui l'authentique Fils de Dieu. L'onctiondivine que nous avons reçue, le Saint-Esprit, qui nous éclaire etnous dirige, nous permet de les discerner et nous pousse à les éviter.TROISIEME MORCEAU: (1Jn 3:1,24) Enfants de Dieu. Voilà ladignité à laquelle Dieu nous a promus, dignité présentement voilée,mais qui sera bientôt mise en pleine lumière. C'est pourquoi, vivonsconformément à notre vraie nature. Fuyons le péché; car pécher, c'estdésobéir à Celui que nous appelons notre Père, c'est transgresser saloi, c'est se séparer de lui; quiconque pèche se range du côté dudiable; quiconque est véritablement né de Dieu ne peut, moralement,s'opposer à lui. Et surtout, aimons nos frères, enfants de Dieu commenous; n'imitons pas Caïn, le meurtrier; suivons plutôt l'exemple deCelui qui s'est donné pour nous; ne nous contentons pas de bonnesparoles et accomplissons des actes de véritable charité. Nous sauronspar là que nous sommes dans la vérité, qu'aucune barrière ne noussépare de Dieu, que nous pouvons regarder à lui avec une pleineconfiance et tout lui demander.QUATRIEME MORCEAU: (1Jn 4:1,8) Les faux docteurs. L'auteurrevient à son deuxième thème. Il y a dans l'Église de faux docteursou de faux prophètes, reconnaissables à ceci qu'ils ne confessent pasJésus-Christ et nient l'incarnation. Ils sont du monde et le mondeles écoute; le croyant, né de Dieu et qui connaît Dieu, refuse de lessuivre.CINQUIEME MORCEAU: (1Jn 4:7-21) Aimons-nous. L'amour estpour le croyant le devoir suprême, car Dieu est amour; il l'a prouvéen envoyant son Fils ici-bas en victime expiatoire pour nos péchés.C'est bien ce que nous avons compris comme croyants et ce qui nousdonne une pleine assurance en Dieu, assurance qui n'est fondée quesi, en apprenant à aimer Dieu, nous avons appris aussi à aimer nosfrères.SIXIEME MORCEAU: (1Jn 5) La foi en Jésus. Croire que Jésusest le Christ, c'est être né de Dieu; c'est avoir appris de lui àgarder ses commandements, à aimer ses frères et à éviter le péché. CeChrist, venu à la fois avec l'eau du baptême et le sang de sonsacrifice, est, en nous, l'objet d'une attestation divine, qui nousle fait reconnaître et nous engendre à la vie éternelle. Forts decette assurance, prions, intercédons pour nos frères, surtout pourceux que le péché met en danger; tenons-nous à l'écart du péché,auquel nous avons définitivement renoncé; restons en relation étroiteavec Jésus, la véritable, l'unique source de la vie, et «gardons-nousdes idoles». 2. Destinataires. Et d'abord, est-ce bien une lettre? Elle n'en a pas les caractèreshabituels, puisqu'elle ne porte ni adresse, ni signature, nisalutations et qu'on n'y remarque aucune de ces allusionspersonnelles ou familières qui sont le trait distinctif du genreépistolaire. Plusieurs savants, frappés de l'absence de ces indices,en ont conclu qu'il fallait voir dans cet écrit une sorte d'homélieou de manuel pratique destiné à accompagner et à compléterl'évangile, ou même un traité polémique dirigé contre les erreursmorales ou doctrinales qui commençaient à se répandre dans l'Église.Mais la liberté et la simplicité du langage, l'emploi répétéd'expressions comme: Je vous écris, Je vous ai écrit, la fréquencedes appels et surtout l'intimité des rapports qui existent, on lesent, entre l'auteur et les lecteurs, font plutôt penser à unelettre. Il y a, du reste, toutes sortes de lettres; et celle-ciparaît avoir été adressée moins à un groupe d'individus dont chacuneût été personnellement connu de l'écrivain qu'à l'ensemble deschrétiens d'une région où l'Évangile devait avoir fait déjà d'asseznombreuses conquêtes. Sans remonter nécessairement à une très hauteantiquité, l'appellation d'ép. catholiques (voir ce mot), ougénérales, sous laquelle on rangea longtemps les lettres de Jacques,de Pierre, de Jean et de Jude et que la version d'Ostervald acontinué à reproduire jusqu'à une époque toute récente, correspondaitpleinement à la réalité. Où devons-nous chercher la collectivité chrétienne à laquelle 1Jeanfut tout d'abord destiné? Le fait que l'épître est écrite en grec nenous est d'aucun secours pour répondre à cette question, puisqu'au Ier siècle de l'ère chrétienne la langue grecque était comprise dansla plupart des provinces du vaste empire romain. Mais l'étroiteparenté qui existe indubitablement entre l'évangile et l'épître a faitconclure d'une façon toute naturelle que celle-ci fut, elle aussi,écrite en Asie Mineure et, selon toute vraisemblance, à Éphèse,l'Asie Mineure étant, au surplus, à la fin du I er siècle, la seulerégion où la population chrétienne eût déjà une certaine densité.C'est, du reste, dans un écrit originaire d'Asie Mineure, la lettreaux Philippiens de Polycarpe, évêque de Smyrne, que nous percevons lepremier écho de 1Jean: «Quiconque ne confesse pas Jésus-Christ venuen chair est un antéchrist» (Polyc, ad Php 7, cf.1Jn 4:3). On sait aussi par Eusèbe (H.E., III, 39) qu'uncontemporain de Polycarpe, Papias, évêque d'Hiéra-polis, faisaitusage du témoignage des lettres de Jean et de Pierre. Enfin, et cecinous paraît un indice des plus certains, tout porte à croire quel'hérésie combattue dans l'épître était celle d'un certain Cérinthe, quihabitait à Éphèse à la fin de l'âge apostolique et que, s'il faut encroire la tradition, l'apôtre Jean aurait redouté à l'égal d'unennemi personnel (voir art. précéd., parag.II). Une question plus importante pour l'intelligence de l'épître est cellede l'état spirituel et moral et des besoins de la collectivitéchrétienne en vue de laquelle elle a été écrite.Les exhortations de l'auteur nous permettent de nous en faire uneidée assez précise et les points suivants nous paraissent mériterd'être relevés. L'épître insiste avec force et à diverses reprisessur le privilège dont jouissent ses lecteurs d'avoir part à la vraievie, d'être des enfants de Dieu, dont la dignité, momentanémentvoilée, ne tardera pas à être mise en pleine lumière et qui possèdentdans leur foi une force capable de triompher de toutes les tentationset de résister victorieusement à tous les assauts dont ils sontl'objet; ce sont là les encouragements qu'on adresse toutnaturellement aux minorités méprisées et combattues que l'on chercheà préserver du découragement. Le paganisme et les excès qu'il favorisaitrestaient pour les chrétiens une très grave menace; cela résulte à lafois de l'exhortation finale: «Petits enfants, gardez-vous desidoles» (1Jn 5:21) et de l'énergie solennelle avec laquellel'épître affirme l'impossibilité d'unir la foi chrétienne à une vie depéché. Dieu est lumière, et c'est mentir que de se prétendre encommunion avec lui lorsqu'on vit dans le péché (1Jn 1:5 etsuivant). Il faut choisir entre Dieu et le monde (1Jn 2:15).Quiconque se dit enfant de Dieu doit se purifier, comme lui-même estpur (1Jn 3:3). Quiconque est né de Dieu ne pèche point (1Jn3:9). La fréquence tout aussi grande des exhortations àl'amour fraternel nous transporte au milieu de communautés deformation récente, dont les membres, encore assez peu nombreux, ontdes occasions presque quotidiennes de se heurter et de se porterrancune. Le message chrétien était dénaturé sur un pointde haute importance par de prétendus inspirés (1Jn 4:1) dontl'enseignement pouvait avoir les conséquences les plus fâcheuses; end'autres termes, l'hérésie avait fait son apparition. L'erreurcombattue par l'épître était une erreur christologique. Les fauxprophètes et les antéchrists contre lesquels l'auteur met seslecteurs en garde paraissent avoir fait une distinction entre l'hommeJésus et l'être supérieur, le Christ ou le Fils de Dieu, qui s'étaitmomentanément uni à lui au moment du baptême, mais qui, d'après eux,l'avait quitté à l'heure de la souffrance et de la mort. L'auteurs'élève avec vigueur contre cette conception, dans laquelle on a vuavec assez de raison une première manifestation du docéiisine (dugrec dokeîn, paraître, sembler), qui réduit l'humanité du Christà une apparence. Il insiste sur le fait que Jésus et le Fils de Dieusont un seul et même être et sur cet autre fait que ce Jésus, qui estle Christ, est venu non seulement avec l'eau du baptême, ainsi que leprétendaient les faux docteurs, mais avec l'eau et le sang (1Jn5:6) et que c'est bien son propre sang, et non celui d'un êtrehumain auquel il s'était temporairement uni, qui a été versé pournotre salut. Il y avait ainsi dans la situation des Églises d'Asie uncertain nombre de traits alarmants auxquels l'auteur de l'épîtreéprouvait le besoin de les rendre attentives et de l'influencedesquels il voulait les aider à se dégager. Tout cela aincontestablement un air de vie et de réalité, qui confirme notreimpression que cette lettre est une vraie lettre, écrite pourrépondre à de réels besoins. Au reste tous ceux qui connaissent deprès les communautés nées de l'évangélisation ne manqueront pas defaire ici d'instructifs rapprochements; ils reconnaîtront sans peinedans les dangers signalés par l'épître ceux qui menacent les Églisesjeunes et encore peu affermies et contre lesquels il faut lesprémunir aujourd'hui comme au premier siècle. 3. Auteur. Il ne se nomme nulle part, pas plus que les lecteurs ne sont désignéscomme habitants de telle ou telle ville ou de telle ou telleprovince. Mais il se révèle, lui aussi, par un certain nombre detraits qu'il est assez facile de dégager. Sa manière de s'exprimer et tout particulièrementles noms qu'il donne à ses lecteurs dénotent, à ne pas s'y méprendre,un homme d'un âge. avancé; il connaît sans doute ce nom de frère dontles premiers chrétiens aimaient à se saluer et il lui arrive parfoisd'en faire usage (1Jn 3:13), mais les termes qu'il affectionnesont ceux qu'un père emploie de préférence pour parler à ses enfants:jeunes gens, enfants, petits enfants, bien-aimés. Ce langage frapped'autant plus que l'écrivain ne revendique nullement, relativement àses lecteurs, la qualité d'un père dans la foi, comme Paul le fait sifréquemment dans ses lettres (1Co 4:14,17 Ga 4:13 1Ti 2:1-8);il n'a été ni l'apôtre, ni l'un des évangélistes de leur région et iljuge utile de leur rappeler à plusieurs reprises (1Jn 2:7-13-24,273:11) qu'il né leur apporte ou ne leur demande rien de nouveau,mais se borne à leur remettre en mémoire ce qu'ils ont entendu «dèsle commencement». D'autre part, la connaissance très exacte qu'il ade leur situation, l'autorité avec laquelle il leur parle et lesrecommandations qu'il leur prodigue avec la plus entière libertéétablissent qu'il a fait parmi eux un séjour prolongé et qu'il adepuis longtemps gagné leur confiance. L'auteur de l'ép., cela ne fait pour nous l'objetd'aucun doute, se pose en témoin de l'histoire évangélique. Il nousimporte assez peu de savoir si, dans les assez nombreux passages oùil fait usage de la première personne du pluriel, il recourtmodestement à une figure de style ou, parle réellement au nom dequelques collaborateurs; le fait essentiel à nos yeux est précisémentque, dans son entrée en matière (1Jn 1:1,4), qui correspond sibien au prologue de l'évangile, il se range expressément au nombre deceux qui ont vu, contemplé, entendu et même touché en la personne deJésus l'être en qui s'est incarnée la «parole de vie», comme il sedonne plus loin pour l'un de ceux qui furent témoins de lamanifestation suprême de Dieu qui éclata dans la mort expiatoire duChrist (1Jn 3:9,11) et qui, pour cette raison, peuvent dire avecun accent de pleine conviction: «Nous savons» (1Jn 3:2,145:15,18-20). L'auteur de l'épître se montre, par son vocabulaire,par son style, par sa conception de la vie chrétienne, si voisin del'auteur de l'évangile, que l'on ne peut guère le distinguer decelui-ci. Les expressions caractéristiques du vocabulaire johanniqueleur sont également familières: vérité, mensonge, lumière,ténèbres, vie, mort, monde, enfants, petits enfants, joie, joieparfaite, Fils unique, aimer, connaître, contempler, être de, être néde, garder les commandements, garder la parole, rendre témoignage,pratiquer ou faire le péché, etc., etc. On trouve des deuxcôtés la même tendance à se placer dans l'absolu, comme si,pratiquement tout aussi bien que théoriquement, il n'y avait pas dedegré entre la vérité et le mensonge, la lumière et les ténèbres, lavie et la mort, comme si l'homme était nécessairement tout entier «deDieu» ou «du Malin», comme s'il n'y avait pas de milieu entre aimeret haïr, entre aimer Dieu et aimer le monde. On se trouve dans lesdeux écrits en présence d'une pensée qui revient sur elle-même, serépète et ne progresse qu'en se déroulant; on y rencontre aussi cettefaçon de s'exprimer spéciale à Jean qui consiste à juxtaposerl'affirmation et la négation: «Il le confessa et ne le niapoint». (év. Jn 1:20) «Nous mentons et ne pratiquons pas lavérité» (ép. 1Jn 1:10, cf. év. Jn 3:20 5:24 7:18, et ép.1Jn 1:5,8 2:4,10,27,28). Et surtout le message évangélique estprésenté des deux parts sous les mêmes aspects et, à peu de choseprès, dans les mêmes termes. Il a pour centre Jésus-Christ, la Paroledivine, par qui seul Dieu s'est révélé dans sa grâce, par qui seulaussi le croyant connaît et possède véritablement le Père,Jésus-Christ, à l'école et dans la communion duquel ses disciplesfont l'expérience de la vraie vie ou de la vie éternelle. La foi quinous unit à Jésus est, dans son principe, un acte intuitif, uneillumination intérieure grâce à laquelle nous discernons en luil'envoyé du Père et le don par excellence de l'amour divin à un mondecoupable et perdu; en nous faisant entrer dans sa communion, ellenous place à son égard dans une relation d'entière dépendance et deparfaite soumission, qui a, d'autre part, pour effet de nousaffranchir de la séduction du monde et de la tyrannie du péché;l'égoïsme vaincu fait place à l'amour, qui devient la dispositiondominante du disciple, comme il était et demeure la tendancedominante du Maître. Il est sans doute possible de discerner, sur cefond commun, quelques nuances entre l'évangile et l'épître: lapolémique contre les faux docteurs, très marquée dans l'ép., est àpeine sensible dans l'évangile, où le Christ n'a pas d'autresadversaires que les Juifs; le terme, difficile à rendre, de paraclètos (consolateur, intercesseur, avocat), employé dansl'évangile à propos du Saint-Esprit, est appliqué dans l'épître à Jésuslui-même (1Jn 2:1); il se peut que l'épître insiste plus quel'évangile sur la valeur expiatoire de la mort de Christ et affirmeplus catégoriquement la fin prochaine de l'économie présente (1Jn2:18). Mais ces différences sont réellement bien minimes ets'expliquent sans aucune peine par la liberté que possède un écrivainde varier ses expressions, par la nature des deux écrits, dont l'unveut être historique tandis que l'autre est essentiellement pratique,et par les années qui peuvent s'être écoulées entre la rédaction desdeux ouvrages. Elles n'ont nullement empêché les critiques quis'inscrivent en faux contre les données de la tradition d'admettrequ'évangile et ép. sont de la même main ou en tout cas étroitementapparentés et de voir dans l'épître une sorte de complément de l'évangiledestiné à l'expliquer et à lui servir de commentaire pratique. Au reste, les négations ou les hésitations auxquelles nous venonsde faire allusion sont de date récente; l'antiquité chrétienne n'ajamais mis en doute l'origine johannique de cette lettre, qu'Eusèbe(IV e siècle) et Jérôme (V e siècle), les deux hommes les mieuxinformés sur ces sujets dans l'ancienne Église, rangent sans hésiterparmi les livres reconnus de tous; elle a sa place dans toutes lesversions antiques, et l'important document connu sous le nom de canon de Muratori, qui énumère les livres dont la lecturepublique était autorisée dans l'Église de Rome vers l'an 170, lamentionne expressément comme l'oeuvre de Jean et reconnue, à cetitre, par l'Église dans son ensemble. La date de la composition nepeut être déterminée avec précision; nous ne nous écartons sans doutepas de la vérité en la plaçant entre l'an 80 et l'an 90. 4. Valeur permanente. L'épître de Jean, dans sa brièveté, est un des livres capitaux du N.T.En dépit de quelques passages obscurs qui font le tourment desexégètes (1Jn 2:8: «Ce qui est vrai en lui et en vous», 1Jn2:19 3:20 5:7 5:16), elle expose avec une lumineuse simplicité etune chaleur persuasive les éléments essentiels de la piétéchrétienne. Elle nous rappelle, d'abord, que celle-ci est, dans sonprincipe, une vie, que cette vie naît du rapport personnel quis'établit entre nous et le Christ par la foi, et qu'elles'entretient dans la mesure où, par une obéissance de tous lesinstants, nous demeurons dans la communion de notre Sauveuret de Dieu, son Père et notre Père (cf. év. Jn 20:17). Elle nousremet en mémoire, en second lieu, qu'il y a en Dieu deux aspectsfondamentaux, l'amour et la sainteté, aspects que l'homme esttoujours tenté de séparer, mais qui, en Dieu, sont indissolublementunis. Dieu est amour: de toutes les déclarations frappantes quecontient cette épître, celle-ci est assurément la plus connue et laplus fréquemment citée. Elle nous introduit réellement au coeur mêmede l'Évangile: ce n'est pas nous qui avons cherché Dieu et l'avonsaimé les premiers: «c'est lui qui nous a aimés et a envoyé son Filsen victime expiatoire pour nos péchés»; (ép. 1Jn 4:10) croire àl'amour de Dieu, voilà notre privilège et notre premier devoir. Maisla prédication de l'amour de Dieu peut être mal comprise; et elledevient dangereuse dès qu'elle a pour effet de diminuer notrevigilance et de nous bercer de l'espoir que le pardon finira toujourspar nous être accordé. C'est pourquoi l'apôtre ne cesse de rappelerque le Dieu amour est aussi le Dieu lumière, c-à-d, sainteté,qu'il s'oppose à tout ce qui est mal et ne peut tolérer chez lessiens aucun compromis avec le péché. Aussi, pas de sécuritéillusoire, pas d'assurance en dehors d'une obéissance fidèle auxcommandements de Dieu; quiconque demeure volontairement dans le péchése sépare de Dieu et se replace sous la condamnation. L'épître nousredit, en troisième lieu, que le rapport qui nous unit à Dieu,rapport qui, considéré psychologiquement/du point de vue humain,s'appelle la foi et, considéré du point de vue divin, s'appelle ledon ou l' onction du Saint-Esprit, a pour effet de nous séparerdes autres hommes et aussi de nous unir à eux: de nous séparer d'eux,et de la façon la plus radicale, dans la mesure où ils sont eux-mêmesopposés à Dieu et appartiennent à un monde qui lui résiste et lecombat; de nous unir à eux, et de la façon la plus étroite, parceque, malgré tout, Dieu les aime et, quand il s'agit de croyants,parce qu'ils sont devenus nos frères et sont entrés comme nousdans la famille des enfants de Dieu ; nous les aimons nonseulement en paroles, mais en effet et en vérité (1Jn 3:18), etl'intercession est la manifestation suprême de l'intérêt que nousleur portons (1Jn 5:16 et suivant). Il découle de là--et c'estla quatrième leçon que l'épître nous inculque--que les deux attributsfondamentaux du Père, l'amour et la sainteté, doivent se retrouverchez ses enfants. Ceci ne signifie pas seulement qu'amour et saintetéconstituent l'idéal vers lequel nous tendons théoriquement, mais qui,pratiquement, nous demeure inaccessible; Jean ne se lasse pas derépéter que la vie chrétienne est une vie de victoire, victoiresur l'égoïsme ou, comme il dit dans son langage absolu, la haine, victoire sur le monde et ses convoitises. «Tout ce qui est néde Dieu est victorieux du monde; et la victoire par laquelle le mondeest vaincu, c'est notre foi» (1Jn 5:4). «Quiconque aime, est néde Dieu et connaît Dieu» (1Jn 4:7). «Quiconque est né de Dieu nepèche point; mais celui qui est né de Dieu se garde lui-même et leMalin ne le touche point» (verset 18). Ces déclarations massives nesignifient du reste pas qu'aux yeux de Jean le péché soit mort ennous et que toute rechute soit impossible; (cf. 1Jn 1:8-2:2)elles affirment seulement, mais elles affirment avec une grandeforce, que l'empire du péché est brisé en nous et que nous pouvonslutter contre lui avec la certitude de le vaincre. Nous n'avons pas épuisé par là les enseignements de l'épître; cequi précède suffit cependant à justifier l'assertion de l'apôtre que,sans apporter à ses lecteurs autre chose que ce qu'ils ont entendudès le commencement, il leur communique pourtant quelque chose denouveau. Il ne dit que ce qu'ils ont entendu de la bouche de ceux quileur ont annoncé l'Évangile (s. Paul, en particulier); mais il le ditsous une forme rajeunie, avec d'autres termes et un autre accent, demanière à donner à son message un aspect original et nouveau. C'estce qui fait que nous aussi, après dix-neuf siècles de christianismeet après avoir entendu Pierre, Jacques et Paul, nous avons toutintérêt à prêter l'oreille au témoignage à la fois ancien et nouveaude Jean. Notons en terminant que les éditions récentes du N.T. omettent dans1Jn 5:7 et suivant l'énumération des trois témoins célestes: le Père, la Parole et l'Esprit (voir une ancienne traduction).Ces mots sont une glose introduite dans l'épître pendant les lutteschristologiques du IV e siècle.II DEUXIÈME ET TROISIÈME ÉPÎTRES. Nous réunissons ces deux épîtres, que l'on a appelées avec raison desépîtres jumelles et que nous ne pourrions traiter séparément sansnous répéter.2Jean est un billet adressé par «l'Ancien» à «la dame élue» (grec Kyria, l'élue) et à ses enfants, qu'il aime d'une affectionsincère et dont la fidélité à l'Évangile le remplit de joie. L'auteurdésire, d'une part, rappeler à ses lecteurs le commandement del'amour fraternel, qui vient du Père et qu'ils ont reçu dès lecommencement, et, plus encore peut-être, les mettre en garde contredes séducteurs qui «ne confessent pas que Jésus-Christ est venu enchair», autrement dit qui ne croient pas à la réalité del'incarnation; c'est à ce signe qu'on reconnaît l'Antéchrist;accepter cet enseignement, c'est quitter le terrain de la foi, c'estse séparer du même coup du Christ et de Dieu; aussi ne faut-il avoiraucun rapport avec ceux qui propagent cet enseignement; on ne doit niles accueillir dans sa demeure, ni même les saluer. L'auteur en diradavantage à sa prochaine visite; en attendant, il salue ladestinataire de sa lettre de la part des «enfants de sa soeur,l'élue».3Jean est également un simple message adressé par «l'Ancien» à«Gaïus, le bien-aimé». L'auteur, en souhaitant à son ami que sa santéprospère à l'égal de son âme, le loue du témoignage qui lui a étérendu par des frères arrivés récemment et qui ne peuvent guère êtreque des évangélistes itinérants auxquels il a accordé une généreusehospitalité. L'attitude de Gaïus est heureusement bien différente decelle de Diotrèphe, qui veut être le premier partout, qui sème ladéfiance à l'égard de l'auteur de la lettre et qui, non content de nepas recevoir les frères, empêche aussi les autres de le faire. Ilfaut se garder de suivre un tel exemple. Il n'y a par contre que dubien à dire de Démétrius. Comme dans le billet précédent, l'auteurespère avoir prochainement l'occasion de s'entretenir oralement avecson ami des sujets qu'il vient d'aborder en peu de mots. Il n'est guère possible de lire ces deux lettres sans être frappéde leur ressemblance -extrême, dans le fond comme dans la forme, etde leur parenté tout aussi grande avec 1Jean; la situation généraleest la même: l'hérésie et les divisions ont fait leur apparition dansl'Église; le vocabulaire est identique (connaître la vérité, rendretémoignage, commandement nouveau, Jésus-Christ venu en chair, avoirle Père et le Fils, etc.); enfin, le nom que prend l'auteur de 2 et3Jean: «l'Ancien», dans le double sens de vieillard et de chef d'unecommunauté ecclésiastique, correspond pleinement à la positionqu'avait l'apôtre Jean parmi les Églises d'Asie Mineure. Mais qui étaient les destinataires de ces deux billets? C'estsurtout à propos de 2Jean que la question se pose. Le terme Kyria peut être un nom propre, ou un nom commun ayant le sens de dame; maisce mot étant le féminin de Kyrios (=Seigneur) peut tout aussibien être la désignation symbolique d'un groupe de disciples ou d'uneÉglise; l'emploi de la 2 e personne du plur, dans les versets 6,12nous paraît favorable à cette hypothèse; si l'on s'y range, il fautvoir dans «les enfants de ta soeur, l'élue», que mentionne le verset13, les membres de l'Église où séjourne l'auteur de la lettre. Il y apeut-être entre ces deux écrits le même rapport qu'entre Colossienset Philémon: le premier s'adressant à la communauté dans sonensemble, le second à l'un de ses membres les plus influents. En raison de leur brièveté et de leur caractère particulier, cesdeux lettres ne se sont répandues que lentement dans l'Église.Eusèbe, au début du IV e siècle, les range tantôt parmi les écritscontestés et tantôt parmi les écrits généralement admis. A notreavis, elles sont inséparables de 1Jean et procèdent de la même main.Notons cependant que Jérôme parmi les Pères, Érasme au temps de laRéforme et de nombreux critiques contemporains attribuent les deuxbillets à Jean l'Ancien d'Éphèse dont Papias fait mention. Il fautreconnaître que ces deux courts écrits, si proches de la grandeépître par le style et la théologie, en diffèrent par le ton: lagrande épître est toute tournée vers le ciel, on y sent l'oeuvre d'unvieillard déjà détaché des soucis de la terre, tandis que les deuxbillets nous ramènent en pleine lutte et nous introduisent dans tousles soucis de la vie ecclésiastique. BIBLIOGRAPHIE --En français, les commentaires complets du N.T.:Calvin, Reuss, L. Bonnet.--Ad. Schlatter, La 1ere ép. de Jeanexpliquée aux fidèles, trad. E. Burger, Neuchâtel 1905. AUG. TH.