Le mot vient du verbe inspirer, dérivé lui-même de deux motslatins: in (=dans) et spirare (=souffler), et quisignifie par conséquent «mettre un souffle, un esprit dansquelqu'un». A strictement parler, l'homme seul est apte à recevoirune inspiration; inspiré par l'influence d'un autre homme, il peutl'être aussi par des paysages ou des objets qu'il contemple, par dessons qu'il entend, par des événements qui se répercutent en lui; maissurtout l'inspiration lui viendra de l'Être qui le dépasseinfiniment, de Dieu. Lorsqu'on étend l'idée d'inspiration à des actesou à des objets inanimés, c'est somme toute par manière de parler;dire qu'une action, qu'une oeuvre d'art ou qu'un livre sont inspiréssignifie qu'on en considère l'auteur comme une personnalité inspirée. Nous aurons à traiter successivement deux points nettementdistincts, qui répondent aux deux questions suivantes: 1° Qu'entend-on dans la Bible en disant d'un homme qu'il est inspiré? 2° Qu'entend-on en affirmant que les Saintes Écritures sont inspirées?I L'inspiration de l'homme d'après la Bible. Un homme est considéré comme inspiré lorsqu'il agit sous l'impulsiond'une force qui le domine; cette force est en général l'Esprit divin.Mais la Bible présente cette intervention de l'Esprit sous des formesnombreuses, dont quelques-unes sont très différentes de ce que nousappelons inspiration. 1. L'Esprit de Dieu anime tout être humain L'Esprit de Dieu constitue le principe de vie dans l'êtrehumain (Ge 2:7,Job 33:4) et peut même rendre la vie à des corpsmorts (Eze 37:9 et suivant, Ap 11:11); les animaux doiventl'existence à cet Esprit (Ps 104:30). Plus encore, cet Esprit semouvait déjà sur la terre informe et vide (Ge 12). 2. L'intelligence et la sagesse sont inspirées à l'homme L'Esprit représente plus encore que la vie; c'est par lui que l'hommeest un être doué d'intelligence (De 34:9,Job 32:8 35:11). Unesagesse au-dessus de la moyenne est un effet de l'Esprit (Ge41:38,Ex 31:3 35:31,No 27:18,1Ro 3:28,Esa 11:2 42:1). Les qualitésmorales en proviennent également (Ne 9:20,Ps 51:12,Esa 63:10,Eze36:26). 3. Le courage, l'habileté, la force physique sont parfois des formesd'inspiration Ainsi dans Jug 6:34 11:29 14:6 15:4 Parfois même des actesque nous jugeons cruels sont considérés comme inspirés parl'Esprit (Jug 14:19). 4. Une inspiration divine est à l'origine de certaines intuitionssubites, de ce que nous appelons «des inspirations ».Cette signification se rencontre fréquemment dans le N.T (Lu 2:2712:12,Ac 10:19 11:12). 5. Mais lorsque la Bible parle de personnes inspirées, il s'agitavant tout de ceux qui ont été appelés par Dieu à une tâchespéciale Les juges furent des inspirés, les premiers rois aussi (Jug 3:1013:25,1Sa 10:6,9 11:5 16:13,2Sa 23:2).Les prophètes sont saisis par l'Esprit divin: (2Ch 24:20,Ne9:30,Esa 6 61:1,Jer 42:7,Eze 1-3 11:5,Am 7,Mic 3:8,Hab 2:1,Za 1:6,2Pi 1:21), etc. Eux-mêmes se sentent pris par l'Esprit deDieu (Esa 8:11,Jer 20:9,Am 3:8). Mais cette inspirationd'En-haut n'a rien de mécanique, puisqu'elle s'exprime parfois parl'intermédiaire d'un autre homme, ainsi Moïse et Aaron (Ex4:16). D'ailleurs un prophète ne reçoit l'Esprit de l'Éternel quedans la mesure où il reste fidèle (Jer 15:19). Si les prophètesou d'autres inspirés connaissent l'avenir, c'est par une interventionde l'Esprit (2Ch 20:14,Lu 2:25 et suivant, Ac 11:6 20:23).Des prédictions fausses sont une preuve que le prophète n'a pas étéinspiré par Dieu (De 18:21 et suivant, Jer 23:16 28:15), àmoins que ce ne soit Dieu lui-même qui ait envoyé un esprit demensonge (1Ro 22:12 et suivant). Il arrive en effet que Dieuinspire le méchant qu'il veut perdre (Ex 4:21,Jug 9:23,2Ro19:7), qu'il envoie un esprit mauvais (1Sa 16:14), provoquantla maladie (1Sa 18:10). 6. Plus encore que les prophètes, le Christ est Celui sur qui Dieu amis son Esprit Voir Mt 3:16 12:18,Lu 11:5,Ac 10:38. Les évangiles relèvent uneintervention particulière de l'Esprit en certaines circonstancesgraves de la vie du Christ (Mt 4:1,Lu 10:21 etc.). 7. L'inspiration de l'Esprit dans l'Église primitive La première Pentecôte est une manifestation de l'Esprit (Ac2:4). L'Esprit saisit Saul de Tarse pour en faire un apôtre (Ac9:17); il le guide en mainte occasion (Ac 13:9 15:28,Ro15:19,1Co 7:40,1Th 1:5). L'Esprit confère le droit et lepouvoir d'exercer des fonctions dans l'Église (Ac 6:3,5 11:24 13:220:28 cf. No 11:25). Les charismes sont des dons del'Esprit (Jn 20:22,Ro 12:6 et suivant, 1Co 12:1,11,28).Mais saint Paul met en garde contre les fausses inspirations (2Th2:2,Mt 7:15 et suivant); de même 1Jn 4:1, qui recommanded'éprouver les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu. 8. Avoir l'Esprit de Dieu signifie aussi, et plus simplement, êtrepieux Ainsi dans No 11:17,29,2Ch 15:1 Eze 11:19 37:14, Za 12:10.Le N.T. considère souvent la piété chrétienne comme inspirée parl'Esprit (Lu 11:13,Jn 14:26,Ro 8:4,9,1Co 2:10 3:16 Eph 4:301Th 4:8 5:19,Jude 1:19). La vie chrétienne est le fruit del'Esprit (Ac 13:52,Ro 14:17,Eph 5:18,Col 3:16). D'autre part,c'est l'Esprit qui fait comprendre les Écritures (Lu 24:25) etc'est par l'Esprit qu'on se convertit à la foi chrétienne (Ac8:18 9:31 10:44 11:16 15:8 19:6,2Co 4:6). Si les persécutés rendentfidèlement leur témoignage, c'est qu'ils sont soutenus parl'Esprit (Mt 10:19,Ac 1:8 7:55) 9. Conclusion Tels sont les divers sens que la Bible attribue à l'idéed'inspiration. Dans le langage religieux habituel, la notiond'inspiration se rapporte au fait que Dieu choisit, au cours desâges, certaines personnalités auxquelles Il se révèle, leur donnantun message particulier à transmettre à leurs contemporains. Dieuexige leur obéissance; ils le savent, et cette conviction personnelleest l'une des formes de l'action de l'Esprit en eux; le degré et laréalité de leur inspiration correspondent à l'exactitude de leursoumission à la volonté divine. Les prophètes ont été des inspirésparce qu'ils n'ont pas fermé leur coeur aux ordres de Dieu; toutchrétien dont la vie est transformée par la foi est aussi un inspiré,en un certain sens. Mais parmi tous ceux dont parle la Bible, leChrist occupe une place unique: lui seul fut pleinement inspiré parcequ'en parfaite communion avec Dieu.II L'inspiration des Saintes Écritures. De tout temps les croyants, tant juifs que chrétiens, ont vu dans lesÉcritures saintes des livres inspirés. Mais cette inspiration a étécomprise de plusieurs manières, que nous examinerons successivement.Prenant notre point de départ dans la pensée juive, nous indiqueronsdans leurs grandes lignes les conceptions chrétiennes del'inspiration biblique, en ayant soin de distinguer, à partir de laRéforme, entre les théories protestantes et les explicationscatholiques. A.--L'INSPIRATION DES SAINTES ÉCRITURES DANS LE JUDAÏSME Longtemps avant l'ère chrétienne, les Juifs ont vu dans leurs livressacrés des livres écrits sous l'influence divine. Plus tard, leTalmud a distingué entre l'inspiration de Moïse, vrai secrétaireauquel Dieu dicta le Pentateuque, et celle de second ordre des autresécrivains sacrés, qui laisse une part plus grande à leurpersonnalité. Au Moyen âge, les théologiens juifs, poursuivant cesdistinctions, reconnaissent trois degrés dans l'inspiration: aupremier rang Moïse, puis les écrits dictés par l'esprit prophétique,puis le reste; d'autres penseurs juifs vont plus loin et distinguentquatre degrés, même huit et onze degrés, d'inspiration dans lesÉcritures. Le judaïsme alexandrin, d'autre part, enseignait que ledon de prophétie, possédé par les écrivains de l'A.T., existe aussichez tout homme pieux et sage (voir préface de l'Ecclésiastique ouSiracide, et Sag 7:27). Et l'on prétendait même que les traducteursde la version des LXX, qui ont mis en grec l'A.T., avaient étéinspirés jusque dans leurs fautes de traduction! Aux yeux de cespenseurs alexandrins (Philon, Josèphe), l'inspiration se présentecomme une sorte d'extase. B.--L'INSPIRATION DES SAINTES ÉCRITURES DANS LE CHRISTIANISME 1. Avant la Réforme.Les premiers penseurs chrétiens, qui auraient pu être influencés parles conceptions du judaïsme alexandrin, puisqu'ils écrivaientégalement en grec, n'abordent pas la question de l'inspiration desÉcritures. Le Symbole des Apôtres ne renferme rien à ce sujet; lesPères apostoliques (début du II° siècle) n'établissent pas dedistinction précise entre l'inspiration des écrivains sacrés et celledont ils reconnaissent l'existence chez tous les croyants ou qu'ilss'attribuent à eux-mêmes. Bientôt apparaît, chez quelques Pères,l'idée d'une inspiration passive. Les écrivains sacrés sont comparésà des lyres que touche l'artiste divin (Justin, Cohort. ad Graec, 8, col. 256s). Mais il ne s'agit en général que des écrivains del'A.T., auxquels on ne craint pas d'associer la Sibylle (Justin).D'autres, tel Origène, voient dans l'inspiration un degré supérieurde l'illumination que possèdent tous les croyants. Bientôt l'Église est unanime à enseigner que les prophètes n'ontjamais cessé d'avoir une pleine possession d'eux-mêmes. St Jérômedistingue entre les styles plus ou moins purs de leurs écrits etrelève des fautes syntaxiques chez saint Paul; ce qui ne l'empêchepas de conclure à une inspiration divine des Écritures. Plus tardsaint Thomas d'Aquin, tout en décrivant l'inspiration comme unphénomène passif en un certain sens, découvre dans ce phénomène desformes diverses et des degrés différents; l'homme qui sertd'instrument au Saint-Esprit peut, par sa faute, nuire à l'effet dece dernier. Parmi les précurseurs de la Réforme, Savona-role, qui se ditlui-même prophète, tient la Bible pour venue de Dieu; toutefois ilremarque que Dieu n'a pas employé les écrivains sacrés comme desmachines, mais a laissé parler les bergers en bergers, les femmes enfemmes, etc. 2. La Réforme.La Réforme s'est faite au nom de la Bible; mais les Réformateurs yont vu surtout un trésor religieux; pour tout ce qui ne touche pasdirectement au domaine religieux, ils ont usé des Écritures avec unegrande liberté. Luther, qui considère la Bible «comme si Dieu même y parlait»,qui la proclame «reine, seule digne de commander et à qui tousdoivent obéissance», qui même déclare qu'une de ses syllabes, un deses titres, vaut plus que ciel et terre, n'en relève pas moins chezles auteurs sacrés des inexactitudes (Mt 24 et Mr 13confondent deux sujets), des raisonnements peu solides (Ga 4:22et suivant). «Christ est le maître, écrit-il, l'Écriture est leserviteur. Voici la vraie pierre de touche pour juger tous leslivres: il faut voir s'ils font les affaires du Christ ou non. Lelivre qui n'enseigne pas le Christ n'est pas non plus apostolique,serait-ce saint Pierre ou saint Paul qui l'eût écrit. En retour,celui qui prêche Christ est apostolique, aurait-il pour auteur Judas,Anne, Pilate ou Hérode...Jean accorde peu de place aux actes duChrist, beaucoup à ses paroles. Les autres évang, s'étendent sur lesactes, moins sur l'enseignement; c'est pourquoi le premier estl'évangile capital, l'unique, le plus cher, celui qu'il faut préférerà tous les autres. En somme l'évangile de Jean et sa première épître,les épîtres de Paul, en particulier les Romains, les Galates, lesÉphésiens et la première épître de Pierre, voilà les livres qui temontrent Christ et qui t'enseignent tout ce qu'il t'est nécessaire etbon de savoir, quand même tu n'entendrais ni ne verrais jamaisd'autres livres. Au regard de ceux-là, l'épître de saint Jacques estune véritable épître de paille, car elle n'a rien d'Évangéliste.»Rappelons encore ce que le réformateur dit des prophètes de l'A.T.:«Sans aucun doute, les prophètes ont étudié dans les livres de Moïse,et les derniers venus dans ceux de leurs devanciers; et, pleins del'Esprit de Dieu, ils ont mis par écrit leurs bonnes pensées. Maiscela n'empêche pas que ces docteurs, scrutant les Écritures, aientparfois rencontré de la balle, de la paille ou de l'étoupe, et pastoujours de l'argent, de l'or ou du diamant. Néanmoins, le fondementsubsiste et le feu consume le reste.» Calvin fait reposer la certitude des croyants sur le fait «qu'ilstiennent pour arrêté et conclu que les Écritures sont venues du ciel,comme s'ils oyaient là Dieu parler de sa propre bouche». La preuveexcellente et seule suffisante de cette conviction est pour lui «letémoignage secret du Saint-Esprit» en nous. «L'Écriture a de quoi sefaire connaître, dit-il, voire d'un sentiment aussi notoire etinfaillible comme ont les choses blanches ou noires de montrer leurcouleur et les choses douces ou amères de montrer leursaveur...Veuillons ou non, elles nous poindront si vivement, ellesperceront tellement notre coeur, elles se ficheront tellement audedans des moelles...que il est aisé d'apercevoir que les saintesÉcritures ont quelque propriété divine à inspirer les hommes» (Inst, chrét.). Mais ces déclarations n'ont pas empêché Calvin demettre en doute l'authenticité de la deuxième ép. de Pierre et des'exprimer avec une très grande liberté sur les contradictions desrécits évangéliques et sur le caractère douteux de l'Apoc, de Jean,qu'il n'a jamais commentée. Zwingle, qui célèbre admirablement la Bible, accorde d'autre partà l'homme spirituel, «à cette parole que Dieu a placée dans notrecoeur», le droit de «juger la parole extérieure». Il affirmed'ailleurs que la Bible, tout en contenant des erreurs de détail,n'en renferme aucune sur les choses essentielles. Les mêmes idées seretrouvent chez les autres réformateurs (Mélanchton, Bul-linger,etc.), et inspirent les symboles ecclésiastiques de la premièrepériode. 3. Le Protestantisme après la Réforme.Un siècle plus tard, le protestantisme, engagé dans une âpre lutteavec l'Église catholique romaine qui invoque l'autorité de latradition, cherche lui aussi à s'appuyer sur un principe d'autorité.Cette autorité, ce sera la Bible. Les théologiens protestants desXVII° et XVIIIe siècles sont ainsi amenés à préciser la doctrine del'inspiration biblique, autant pour les besoins de la controverse quepour donner une base solide à leurs constructions dogmatiques. Lalargeur de vue des Réformateurs est oubliée; on se refuse à admettremême la possibilité d'une contradiction de détail dans les récitssacrés et l'on affirme qu'il n'y a absolument rien dans la Bible quine soit le produit de l'inspiration. Les écrivains bibliques ont étéparfaitement passifs; ils ont écrit sous dictée, mieux encore, ilsn'étaient que la plume que Dieu fait mouvoir. En 1714, unsuperintendant de Gotha, G. Nitzsch, se demande si l'Écriture saintene serait peut-être pas «Dieu lui-même et non point une créature». Le piétisme allemand ramène une notion plus vivante de la Bible;c'est Bengel qui exhorte les chrétiens à manger le pain de vie sansse tourmenter de quelques grains de gravier qui pourraient s'êtremêlés au pur froment. Enfin une étude plus approfondie du textebiblique amène les théologiens allemands à faire une distinctionentre l'inspiration proprement dite et les Écritures, qui ne sont quele document de la révélation. En pays de langue française, les discussions relatives àl'inspiration biblique furent soulevées principalement par lapublication du livre de Gaussen sur la Théopneustie (Genève1840). S'appuyant sur 2Pi 1:21 («C'est poussés par leSaint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu») et 2Ti3:16 («Toute écriture est inspirée de Dieu, et utile pourenseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans lajustice...»), Gaussen concluait à l'inspiration «plénière» desÉcritures; les écrits bibliques sont théopneustiques, c-à-d,inspirés par Dieu (du grec théos =Dieu, et pneuma--souffle, esprit), et ne peuvent contenir aucune erreur quelconque, ni dechronologie ni de physique, ni la moindre contradiction de détail.C'est là un miracle, que Gaussen reconnaît sans chercher àl'expliquer. La même tendance, plus absolue encore, se rencontre dansles livres d'Ag. de Gasparin. Les adversaires de l'inspiration verbale (Alex. Vinet, Aug.Sabatier, etc.) montrèrent que les auteurs sacrés, si l'on examine àla fois leurs propres déclarations et les faits bibliques, n'ont pasété élevés au-dessus de toute imperfection humaine, ni surtout privésde toute activité spontanée et naturelle. La Bible, document de larévélation, a été rédigée par des témoins compétents, pénétrés(surtout en ce qui concerne les auteurs du N.T.) de ce même soufflede l'Esprit qui éclaire tout croyant (1Jn 2:20,27), mais qui futporté chez eux à une puissance exceptionnelle.. En Amérique etailleurs, les «fondamentalistes» ont repris les idées de lathéopneustie. 4. Le Catholicisme depuis la Réforme. 1° Du Concile de Trente au XIXe siècle. Le concile de Trente (1546) avait légitimé le droit de l'Église àdresser la liste officielle des Livres saints. Mais bientôt sedessina un double courant au sujet de l'action du Saint-Esprit surles écrivains sacrés.Pour les uns, ceux-ci n'ont eu besoin d'aucune révélation immédiatepour rédiger leurs écrits; ils ont été assistés par un secoursparticulier du Saint-Esprit qui leur a suggéré ce qu'ils avaient àécrire.Pour d'autres, l'inspiration se subdivise en trois moments: 1° Dieu révèle à l'écrivain les choses qu'il ignore; 2° Dieu le presse d'écrire ce qu'il sait (c'est la«motion spéciale de Dieu») avec l'assistance du Saint-Esprit pourqu'il n'oublie rien de ce qu'il doit écrire; 3° en plus de ces deux interventions, Dieu suggèretous les mots, les dicte en quelque sorte. Telle fut l'opinion duthéologien Banez, adoptée par l'école thomiste sous le nom de théoriebannézienne et longtemps en faveur. 2° Le XIXe siècle; le Concile du Vatican. La caractéristique des études bibliques du XIXe siècle est ladistinction nettement établie entre la révélation immédiate ouprophétie, et l'inspiration scripturaire, qui n'entraîne pasnécessairement une révélation directe du contenu de l'Écriture. Maisdes vues divergentes se manifestèrent; elles furent condamnées par leConcile du Vatican (1870), fournissant ainsi à l'Église l'occasion deformuler ce que tout catholique doit entendre par inspirationbiblique. Tous les livres bibliques, déclare le Concile, ont étéécrits sous l'inspiration du Saint-Esprit et ont Dieu pour auteur.Cette formule paraissait précise; mais les théologiens ne manquèrentpas de l'interpréter. Dieu, remarquèrent-ils, n'a pas écrit lui-même;il s'est servi des hommes; puis il faut distinguer entre les chosesque l'écrivain ne connaissait pas, et que Dieu lui a révélées, etcelles qu'il connaissait ou pouvait connaître par lui-même, et queDieu l'a seulement engagé à écrire. Cet ensemble de choses révéléesreprésente l'élément formel de l'Écriture; les mots qui lesexpriment n'en sont que l'élément matériel. Or, pour qu'on puissedéclarer d'un écrit qu'il est inspiré, il suffit que l'élément formelprovienne de Dieu; les mots ont donc pu être écrits par les écrivainssacrés eux-mêmes, jouissant pleinement de leurs facultés naturelles;Dieu leur a laissé le libre choix des termes qu'ils ont employés. 3° Décision de Léon XIII: l'Encyclique «Pro-videntissimus Deus». Cette manière d'expliquer l'inspiration, devenue quasi officielle,semblait définitivement établie, et tous les manuels de théologiecatholique la reproduisaient, lorsque Léon XIII imposa une nouvellefaçon de voir par son Encyclique Providentissimus Deus (18 nov.1893). Le pape repoussait catégoriquement la distinction entreélément formel et élément matériel de l'inspiration; il n'admettaitpas qu'on dît que les écrivains sacrés, conservant leurs facultés,sont sujets à l'erreur. «Dieu les a tellement assistés, quand ilsécrivaient, qu'ils ont d'abord conçu dans leur esprit, puisfidèlement voulu rendre, enfin exprimé exactement et avec uneinfaillible vérité, tout ce que Dieu leur ordonnait d'écrire, ni plusni moins; autrement il ne serait pas lui-même l'auteur de la SainteÉcriture.» L'Encyclique condamnait également ceux qui, pour résoudre lesdifficultés suscitées par les découvertes scientifiques ethistoriques, avaient distingué dans les livres saints une partiedivine et inspirée contenant l'enseignement moral et religieux, etune autre partie, tout humaine celle-là,. renfermant des opinionssans rapport direct avec la religion et pouvant par conséquentcontenir des erreurs. Léon XIII est très net et déclare qu'il ne serajamais permis de restreindre l'inspiration à certaines parties de laBible ou d'accorder que l'écrivain sacré ait pu se tromper. 4° Interprétation de l'Encyclique «Providentissimus Deus». Les termes de l'Encyclique étaient formels; tous les théologiens etprofesseurs catholiques s'empressèrent d'y adhérer entièrement. Maisils formulèrent bientôt de nouvelles et subtiles distinctions, parlesquelles ils parvinrent à faire dire au texte papal à peu près lecontraire de ce que le pape avait déclaré. Ainsi Léon XIII avaitinsisté sur l'inspiration verbale des Écritures. Mais on fit observerque Dieu n'a pas transmis aux auteurs sacrés des livres tout faits;il les leur a fait faire, ne dictant ni les mots ni les idées.L'écrivain biblique a exécuté son travail comme un écrivain ordinairequi choisit les expressions propres à rendre ses idées, les arrange,les dispose d'une façon personnelle; de sorte que la rédaction estvraiment de lui, tout entière, mais elle n'en demeure pas moins due àl'influence de la «motion divine» initiale; donc il y a bien inspiration verbale. On alla même plus loin dans l'interprétationde la pensée de Léon XIII On assura que ses déclarations permettaientde soutenir non seulement que Dieu avait fait faire les livresbibliques, mais qu'il s'était contenté de les laisser faire ; d'oùla conclusion, très logique, que tout dans l'Écriture n'est pasinspiré. Léon XIII avait écrit: «Les écrivains sacrés, en matièrescientifique, ont parlé selon les apparences.» Mettant à part lespassages qui ont trait aux sciences de la nature, on nota que laBible ne donne pas d'enseignement sur ces questions, mais se contented'en faire une description imagée, dans le langage familier del'antiquité et suivant les apparences extérieures. Le théologien n'adonc pas à chercher dans la Bible une physique révélée, et encoremoins à l'imposer aux physiciens et aux naturalistes. Toutefois cespassages sont inspirés, puisque l'Encyclique affirme l'inspirationverbale de toute l'Écriture; mais ils ne constituent pas unenseignement, ils ne sont qu'une description. Donc la Bible, bienqu'inspirée tout entière, n'enseigne aucune erreur. 5° Benoît XV et l'Encyclique «Spiritus Para-clitus». Benoît XV jugea nécessaire de mettre un terme à cesinterprétations fantaisistes de la pensée de Léon XIII Dansl'Encyclique Spiritus Para-clitus (30 sept. 1920), il s'élèvecontre ceux qui expliquent certains passages bibliques encontradiction avec la science moderne ou avec les récentesdécouvertes archéologiques en prétendant qu'il s'agit là d'unemanière de parler en usage à l'époque. Benoît XV blâme lesthéologiens qui développent de semblables idées. «Ils ne craignentpas de se réclamer, écrit-il, pour soutenir cette théorie, desparoles mêmes du pape Léon XIII qui aurait déclaré qu'on peuttransporter dans le domaine de l'histoire les principes admis enmatière de phénomènes naturels. Ainsi, de même que, dans l'ordrephysique, les écrivains sacrés ont parlé suivant les apparences, demême, prétend-on, quand il s'agissait d'événements qu'ils neconnaissaient pas, ils les ont relatés tels qu'ils paraissaientétablis d'après l'opinion commune du temps ou des relations inexactesd'autres témoins; en outre, ils n'ont pas mentionné les sources deleurs informations et ils n'ont pas personnellement garanti lesrécits empruntés à d'autres auteurs. A quoi bon réfuter une théorieinjurieuse à notre prédécesseur en même temps que fausse et pleined'erreurs? Comment, si on admettait la théorie de ces auteurs,sauvegarderait-on au récit sacré cette vérité pure de toute fausseté,à laquelle notre prédécesseur déclare, dans tout le contexte de salettre, qu'il ne faut pas toucher?» Pour être quelque peu complet, il faudrait encore parler de lathéorie des citations implicites ou tacites qui permet auxexégètes catholiques d'échapper une fois de plus, malgré toutes lesprécisions des Encycliques pontificales, aux règles doctrinales quileur sont imposées.C.--L'INSPIRATION DES SAINTES ÉCRITURES: CONCLUSION On le voit, les penseurs chrétiens, quels qu'ils soient, anciens oumodernes, catholiques ou protestants, tous affirment l'inspirationdes saintes Écritures. Les divergences et discussions ne commencentqu'au moment où l'on cherche à définir les limites de cetteinspiration. Or l'histoire de l'Église--en particulier l'histoire desétudes bibliques au sein de l'Église romaine à partir de laRéforme--prouve à l'évidence qu'il est impossible d'imposerd'autorité une certaine conception de l'inspiration des saintesÉcritures à l'exclusion de toute autre explication. La raisonprofonde de ce fait--car c'est un fait--nous paraît être la suivante:comme l'étymologie l'indique (voir le début de cet art.), êtreinspiré signifie que l'on est sous l'influence d'un esprit qui faitagir et penser autrement que lorsqu'on est livré à ses propresforces. Or, n'est-ce pas le privilège de l'être humain d'être apte àsentir passer en lui le souffle du Dieu vivant? Soutenir qu'uneinspiration divine s'est en quelque sorte matérialisée dans des mots,n'est-ce pas donner à la notion d'inspiration une signification quela Bible ne présente guère? Seuls des êtres humains peuvent êtreinspirés, parce qu'ils ont été créés «à l'image de Dieu»; un livre,même la Bible, n'est pas une création «à l'image de Dieu». Certes, laBible est inspirée; mais elle l'est parce que des hommes inspirés parDieu l'ont écrite. Les Réformateurs l'avaient compris; sur ce point,comme en beaucoup d'autres, la piété et la pensée protestantescontemporaines ne peuvent que gagner en revenant aux idéesadmirablement équilibrées et saines d'un Luther ou d'un Calvin. Edm.R.