Hébr. berilh, assyr. biritu, grec dia-thèkè-- pacte aumoyen duquel des personnes ou des sociétés unissent leurs intérêts oustipulent les conditions de leur activité commune. Le mot dia-thèkè signifie aussi Testament. C'est ce terme qui a été retenu pourdésigner les deux parties de la Bible (voir ce mot). Les formalités du contrat étaient dans l'antiquité extrêmementvariées. Dans les temps les plus reculés, pour devenir frères paralliance, il fallait avaler un peu de sang l'un de l'autre. Plus tardce réalisme barbare, dont nous retrouvons encore des formes dans lespeuplades africaines, fut remplacé par des actes symboliques tels quela communion par le sel, les libations, les sacrifices accompagnés derepas en commun (Esd 4:14, cf. Le 2:13,Ge 15:10,17 31:54,Jer34:18 et suivants). L'alliance pouvait être confirmée devant unautel ou une pierre plantée (Jos 24:25, cf. 2Ro 11:4). Puison s'en tint au serment accompli en présence de Dieu, ce qui exposaitle parjure à une malédiction divine (Ge 26:31,De 27:15 etsuivants, cf. Heb 6:17); au serment on ajoutait une poignée demain (Eze 17:18) qui, à l'occasion, tenait lieu deserment (Esd 10:19,Pr 6:1 17:13 22:26). Parfois, un monumentrustique était élevé pour servir de commémoration ou de témoinperpétuel de l'accord intervenu (Ge 31:44-48). L'allianceétablissait entre les contractants une parenté dont rien ne pouvaitdégager, et qui assurait à chacune des parties le secours de l'autre.Rompre une alliance était un péché dénoncé et condamné par lesprophètes (Os 6:7 8:1 etc.), lesquels établissent lasupériorité de Dieu par rapport aux hommes sur le fait que Jéhovahest fidèle à ses promesses (De 7:9 32:4 Ne 9:33,Esa49:7,Os 12:1, cf. Ro 3:14). L'A.T. parle fréquemment des alliances entre les humains:alliance conjugale (Pr 2:17,Mal 2:14, Os 1, Os 2, Os 3); allianceentre voisins, parents, amis: Abraham et les Amoréens (Ge14:13), Abi-mélec et Abraham (Ge 21:27, cf. Ge 26:28),Laban et Jacob (Ge 31:44), Josué et les Gabaonites (Jos9:7), Jonathan et David (1Sa 18:3 23:18), Salomon etHiram (1Ro 5:12), Achab et Ben-Hadad (1Ro 20:34), etc. Ilmentionne aussi des alliances sacerdotales (No 25:13),politico-religieuses (Jos 24:26,2Ro 11:17),réformatrices (2Ch 29:10,2Ro 23:3,Esd 10:3). Mais le motalliance ne prend dans la Bible un sens original, vraiment uniquedans l'histoire de l'humanité, que, lorsqu'il désigne, au cours dessiècles, les contrats établis entre la créature et le Créateur. Ici,l'alliance est l'expression constante de la grâce de Dieu, déployéeen faveur des hommes; elle est établie pour régler les relationshumaines avec le Père céleste. Bien que le mot n'y soit pas prononcé, on peut considérer quel'alliance inaugurale fut contractée entre Dieu et les premiershumains lorsque ceux-ci, placés dans un jardin de délices, apprirentdu Créateur les conditions de ce séjour (Ge 2:16,17). Eve, danssa réponse au serpent, montre qu'elle sait fort bien qu'il existe enÉden un contrat formel (Ge 3:3). Ce contrat ayant été violé parl'homme, celui-ci est chassé de la présence de Dieu (Ge 3:23). L'alliance qui la première est présentée comme telle par lestextes est celle de Dieu avec Noé. Après le déluge, la Bible nousfait assister à un recommencement de l'humanité, et parlepositivement d'une alliance à cette occasion. C'est l'alliance«naturelle», où Dieu, après des cataclysmes cosmiques que Ge 6présente comme une conséquence de la Chute, donne l'assurance quedésormais les lois naturelles qui assurent le rythme normal de ladestinée des êtres vivants ne seront plus troublées (Ge 8:229:8-17,Esa 54:9,Jer 33:20,25). Quand l'humanité orpheline fut arrivée par ses expériences à laconversion élémentaire qui consiste à vouloir un Dieu, l'appel divinfut adressé à Abraham. C'est le recommencement de l'humanitécroyante. «Abraham eut confiance en Dieu qui le lui imputa àjustice» (Ge 15:6). L'alliance de Dieu avec Abraham s'accomplitau cours d'une cérémonie symbolique très impressionnante (Ge15:12-18). Elle ne comporte aucune révélation sur la nature de Dieuet les devoirs religieux de l'homme; elle ne réclame que la loyautédans le service (Ge 17:1-2). Toutefois Ge 18 nous donne unehaute idée du caractère d'Abraham; et d'autre part l'alliancecontractée est présentée comme une alliance perpétuelle, avec lacirconcision comme signe (Ge 17:9-14) et la promesse debénédictions qui, par la famille d'Abraham, s'étendront sur toutel'humanité (Ge 12:1-3). Ainsi, l'alliance de la promesse,confirmée à Isaac et à Jacob (Ex 2:24,Le 26:42,Ps 105:9 etsuivants), porte déjà ce caractère que Dieu, par elle, poursuit ledessein de ramener toute l'humanité à lui. L'alliance avec Moïse (Ex 3:1-6,10-11 4:1-12), et par Moïseavec le peuple élu, est fondée sur le contrat de Dieu avec Abraham.Jéhovah est le Dieu des pères (Ex 3:6-13 6:24 etc.). Conclue enHoreb, au Sinaï, puis renouvelée dans les champs de Moab (Ex 19:534:10,27, De 10, De 27), elle comporte toute une constitutionreligieuse, morale, sociale, accompagnée de récompenses et depénalités. L'alliance est d'abord inaugurée par Dieu en dixparoles (Ex 20,De 5) inscrites sur des tables de pierre (Ex34:28,De 9:9) et déposées dans l'arche de l'Alliance (De10:2,1Ro 8:9-21,2Ch 5:10, cf. Heb 9:4). Le Décalogue étaitaccompagné d'une sorte de constitution jéhovique, charte del'alliance donnée par Dieu à Moïse, écrite dans un livre (Ex24:4) appelé «livre de l'Alliance» (Ex 24:7; voir art. suiv.),que vint compléter le «livre de la Doctrine» deutéronomiquerenfermant les malédictions encourues par le peuple s'il violaitl'alliance. Ce dernier livre était déposé à côté de l'Arche (De31:9,24-26) C'est lui qui, selon toute probabilité, fut découvertsous Josias et que 2Ro 23:2 appelle le Livre de l'Alliance(=berith dans De 29:1). L'alliance de Dieu avec Abraham s'était annoncée comme devantêtre une bénédiction pour toute l'humanité; l'alliance de Jéhovahavec Moïse se présente comme l'avènement de la religion définitive,«la religion de l'esprit. Moïse, s'il est permis de s'exprimer ainsi,a donné Dieu à Israël et Israël à Dieu; c'est ce qu'exprime la phrasesouvent répétée dans les divers écrits de l'A.T.: «Je serai votreDieu et vous serez mon peuple.» Par un libre choix, Yahvé assume àl'égard d'Israël des droits et des devoirs; et, corrélativement,Israël à son tour acquiert des droits sur Yahvé et contracte enverslui des devoirs. C'est là l'idée fondamentale ou plutôt le faitfondamental de ce qu'on peut appeler le mosaïsme. C'est la penséecentrale qu'exprime le décalogue». (L. Gautier.) Bien que l'alliancemosaïque fût avant tout la charte d'un peuple, le contrat qui faisaitd'Israël la nation élue, mise à part, héritière des promesses (De4:32-40,Esa 41:8-10 43:1-7 44:1,6, etc., cf. Jn 4:22,Ro 9:4),les principes mêmes de la religion qu'il apportait au monde devaientfaire éclater le moule étroit du nationalisme. Sa loi, étant lavraie, devait devenir celle de tous les hommes; son culte, n'allantpas sans la conversion du coeur individuel, devait par là mêmeaboutir à l'universalisme: tout coeur d'homme devait trouver dansl'adoration de Jéhovah, le Dieu unique et saint, le Dieu amour, sonaffranchissement.Les prophètes, tout en prêchant l'alliance nationale du Sinaï, ontcompris cela; par là, l'insuffisance de l'alliance mosaïque leur estapparue et ils ont annoncé, dès le VII e siècle, que Dieu établiraitune nouvelle constitution rendue nécessaire: 1° parce qu'Israël avait violé celle de Moïse; 2° parce que tout homme était appelé à laconnaissance et au service de Jéhovah (Jer 12:14-16 31:31-34 32:4050:5 Esa 55:3-5 59:20-21 61:1-3 Eze 16:59-63 20:39-42, à rapprocherde Eze 34:20-26).Cette nouvelle alliance, qui sera consécutive à un jugement «dans ledésert» (Eze 20:36-37) et qui aura pour conséquence le pardon,le don d'un coeur nouveau et une résurrection spirituelle (Eze36:25-27,Eze 37), --alliance de la grâce qui permettra à Jésus dedire à la Samaritaine: «Le salut vient des Juifs» (Jn 4:22),--est introduite dans l'histoire par une autre alliance qu'on peutappeler intermédiaire: l'alliance de Jéhovah avec la famille deDavid, d'où sortira le Messie, né de la race d'Israël, germe dejustice et rédempteur de tous les peuples. L'alliance avec la maisonde David sera perpétuelle et aura pour aboutissement la conversion detous les peuples (2Sa 7:12-16 23:2-5 Ps 89:4,34-38,Jer 23:533:15, cf. Esa 9:5-6 19:22-25 55:4-5 66:18-21, etc.). Commel'alliance avec Moïse s'en référait à celle avec Abraham (Ex 3),celle avec David s'en réfère à celle avec Moïse (2Sa 7:6,23).Toute la prophétie messianique est suspendue à cette alliance, augerme davidique (Os 3,Esa 9 et Esa 11,Mic 5,Jer 23,Eze 34 Eze37,Za 3 Za 6), et quand Jésus viendra exaucer les prophètes etfonder la nouvelle alliance par l'incarnation du Verbe, il sedésignera lui-même comme «l'Ange de l'alliance» en parlant de sonprécurseur (Mal 3:1 4:5,Mt 17:10-13), et comme le fils de David(Mt 22:41-46 9:27,Mr 10:47-52 11:10, cf. Lu 1:32 et Ap22:16). Il est impossible de ne pas être impressionné par l'harmonie desÉcritures dans la question des alliances. Pierre, dans Ac3:12-26, résume le plan divin qui les a inspirées; Paul, dans Ro11:26-36, fait de même. Le but poursuivi par le Père céleste est deregagner le coeur de ses enfants. Les prophètes s'accordent tous àproclamer que, malgré les défaillances et les rébellions successivesd'Israël, Dieu aura le dernier mot et que par la suite des alliances,dont chacune marque un progrès vers le but, la rédemption del'humanité s'accomplira. Jésus a «accompli les prophètes» en ce sensque son oeuvre rédemptrice a réalisé la promesse faite par Jer31:31-33 et Esa 49:6. Il a personnifié l'alliance de laspiritualité et de l'universalité dans l'ordre du salut. Il a été lemédiateur de «l'alliance supérieure» (Heb 7:22); mort etressuscité, il est devenu «le grand Pasteur des brebis» par le sangd'une alliance éternelle (Heb 13:20). «Cette coupe, dira Jésusdans l'institution de la Cène, est la nouvelle alliance en monsang» (Lu 22:20). Ainsi les alliances successives se présentent à nous comme leséchelons d'une échelle montante jetée entre l'homme de la Chute et leDieu de miséricorde, marquant les étapes de l'action providentielle:avec Noé, stabilisation de la nature; avec Abraham, reprise desrapports entre Dieu et l'homme; avec Moïse, la révélation religieuse;avec David, l'annonce du Messie; avec Jésus, la rédemption par ledeuxième Adam effaçant les conséquences de la chute du premier Adamet rétablissant l'humanité dans la filialité divine (Ro 9:3-6,Eph2:11-18,2Co 3:5-4:1, cf. Heb 7:20-28 8:6-13,Ga 3:2-18). Il estintéressant de noter que, par ce dernier passage, Paul indique quel'alliance par le Christ est l'héritière directe de l'alliance avecAbraham, l'accomplissement de la promesse faite au père des croyants;en sorte que l'alliance par Moïse n'a été qu'une étape transitoire:sans doute la loi est «un pédagogue pour nous conduire auChrist» (Ga 3:24), mais le Christ lui-même est le filsd'Abraham (Ga 3:16); par delà l'alliance du Sinaï, c'est àl'alliance d'Abraham qu'il remonte, et «l'héritage» en possessionduquel il nous met, c'est le salut par la foi (Ga 3:24). Alex. W.