(=les fidèles, ou pieux). 1. Apparition de ce titre dans l'histoire. Ce nom (qu'on écrit aussi Assidéens ou Assidiens) est celui donts'appelèrent, vers la fin du III e et le début du II° siècle av.J.-C, les Juifs qui, avant même les Macchabées, opposèrent àl'hellénisation de leur peuple une résistance que rien ne put briser.Ils ne formèrent pas d'abord un parti politique; leur but était, nonde délivrer Israël du joug étranger, mais de maintenir intégralement,en face du paganisme envahissant, l'idéal religieux d'Esdras.C'étaient les «puritains» de l'époque, farouchement hostiles à toutcompromis, décidés à maintenir la stricte observation de la Loi, etils comptèrent de nombreux martyrs pendant la persécution d'AntiochusIV Ils soutinrent la révolte des Macchabéesoccasionnellement (1Ma 2:42 7:13,2Ma 14:6), mais sanss'intéresser à ses conséquences politiques autres que le maintien duculte du Temple; et lorsqu'ils reprirent leur indépendance à l'égardde Judas Macchabée, cet affaiblissement contribua à sa chute. Il semble qu'à la longue deux tendances se soient manifestéeschez les rigoristes formant le parti des Hasidim: les uns s'en tenantau point de vue religieux, les autres y ajoutant des préoccupationspolitiques et aspirant au rétablissement de la puissance temporelledu peuple juif, qu'on attendait du Messie. Les premiers ont donnénaissance aux Esséniens (voir ce mot), tandis que les Pharisiens(voir ce mot) sont les héritiers directs des seconds. Le même titre a désigné, au XVIII e siècle, une secte juive néeen Pologne qui combinait le mysticisme et le plaisir des sens, et parcontre, dans les temps modernes, d'enthousiastes messianistes qui sevouaient aux mortifications corporelles. Il est donc devenu un nom desecte dans le judaïsme, quelque chose comme «les purs». 2. Origine de ce titre dans la Bible. Son sens premierétait au contraire spécifiquement religieux. «Une des idéesfondamentales, non seulement des Psaumes, mais de l'A.T, tout entier,au sujet des rapports qui peuvent exister entre Dieu et l'homme, serattache au mot hébreu khésed ou hésed, souvent traduit«bonté» (Ps 103:4,8,11,17). De ce mot dérive l'adjectif khâsid ou hâsîd, souvent traduit «fidèle» (Ps 18:26), etqui devient facilement substantif, surtout au pluriel, exactementcomme notre mot fidèle (Ps 148:14). C'est de ce nom commun,répété par ex. dans Ps 149:1,5-9, que les fidèles de l'époquemacchabéenne firent le nom propre Hasidim. Mais son sens religieuxdoit d'autant plus être tiré au clair que les mots des traductionsfrançaises sont changeants, vagues et incolores. «Le khésed est le sentiment qu'éprouvait le Sémite primitif,le nomade du désert, envers les membres de sa famille ou de sa tribu.Ce n'est pas la miséricorde qu'il octroyait dédaigneusement auxvaincus, ni la faveur qu'il montrait sans raison--et qu'ilretirait de même--à qui lui avait plu; c'est l'affection loyale qu'ilressentait pour ses pairs. Tout étranger étant présumé un ennemi ettraité comme tel, la vie en général était dure et les moeursviolentes; seul, l'égard mutuel que ceux du même sang avaient les unspour les autres apportait de la tendresse, de la beauté même, dansles rapports d'homme à homme. Et ce privilège inaliénable de tous lesmembres de la tribu était accordé aussi, mais exceptionnellement, àdes personnes du dehors, en vertu d'un arrangement spécial concluavec le chef, d'une «alliance». Un Européen voyageant dans le désertse fera ainsi admettre dans une tribu afin d'avoir sa protection dansles escarmouches qui ne manqueront pas de se produire, et uncolporteur juif en fera autant en vue de poursuivre son petitcommerce; tous alors, au sein de la tribu, se traitent avec khésed, mais il est évident que ce qui est de la camaraderieentre deux chefs de famille sera de la condescendance chez le cheiktout-puissant et une vénération sans bornes chez le colporteur juif.Les nuances de traduction varient donc suivant le contexte; lepsalmiste loue Dieu parce qu'il est riche en bonté (Ps103:8); les serviteurs de Ben-Hadad ont appris que les rois d'Israëlsont des rois cléments (1Ro 20:31); Osée (Os 6:4) pleurede ce que la piété d'Israël--son khésed envers Dieu--est«comme la rosée qui se dissipe», et Ésaïe (Esa 40:6) déclare que«toute la grâce des mortels»--tout leur khésed, tout ce qui orneleur vie--est passagère «comme la fleur des champs». Dans le langagejournalier, le mot tendait à être employé dans un sens général, maispour les psalmistes et pour les prophètes il garde toujours l'arômedu désert. «La bonté de l'Éternel envers ceux qui lecraignent» (Ps 103:11), «l'affection qu'avait Israël pour Lui autemps de sa jeunesse» (Jer 2:2), et la «bienveillance» que Davidjura de ne jamais retirer à la maison de Jonathan (1Sa 20:15)sont en dernière analyse le même sentiment: l'amour de Dieu pourl'homme, l'amour de l'homme pour Dieu et l'amour des hommes les unspour les autres. La loyauté et la bonté d'homme à homme ne sont pasconséquences de la relation établie entre Dieu et l'homme, elles sontpartie intégrante de cette relation (comp. Os 4:12 avec Os 64,6). Dieu nous admet dans sa famille; il nous aime d'un amourfamilial, nous l'aimons à notre tour et nous nous aimons les uns lesautres. «Évidemment, les psalmistes, quand ils parlaient du khésed deDieu, n'avaient pas toujours présente à l'esprit l'idée dé la tribu;ils voulaient indiquer le sentiment le plus chaud et le plus sûrqu'ils connussent, quelque chose de durable auquel on pût se fier,quelque chose de bon qui reposât le coeur. Ils peuvents'écrier: (Ps 36:8) «O Dieu, que ta bonté est précieuse!» etcompléter l'affirmation: (Ps 62:12) «La force appartient àDieu», par cette autre: «A toi aussi, Seigneur, la bonté!» Mais laqualité spéciale de cette bonté, qui la rend particulièrementprécieuse, c'est la promptitude et l'énergie qu'elle déploiera àdéfendre celui qui en est l'objet. Ainsi au Ps 13:6 nous lisons:«Pour moi je me confie en ta bonté, ton salut remplira mon coeur dejoie; je chanterai à la gloire de l'Éternel parce qu'il m'a fait dubien», ce qui a l'air d'une expression générale de joyeuse confianceen Dieu; mais le psalmiste vient de crier: «Regarde, ô Éternel, depeur que l'ennemi ne dise: Je l'ai vaincu!» «Je me confie en tabonté» ne veut pas dire: «Je me rendors en paix, sachant combien tues bon», mais: «Je fais appel à ta fidélité: tu ne resteras pasinactif!» C'est le Civis romanus sum de l'apôtre Paul. «L'emploi du mot est malheureusement masqué par la trop grandevariété des traductions. Si le mot bonté est trop fade et n'a rien del'âpre intensité du sentiment sémitique, il est peut-être le seul ànotre disposition, à moins de suivre le prophète Osée et d'écrirecarrément: amour. On le trouve dans l'hébreu des Ps 78 fois, plus33 fois dans le refrain liturgique: «Car sa miséricorde dureéternellement»; 33 fois il est seul, 22 fois il est associé avecfidélité, 5 fois avec compassion, 5 fois avec justice, 4 fois avecsalut, 3 fois avec bonheur, 3 fois avec alliance, 2 fois avec forceet 1 fois avec délivrance. Cette statistique suffit à prouver que lespsalmistes, lorsqu'ils parlent de la bonté de Dieu, visent surtoutl'attribut qui les autorise à s'adresser à Lui sans crainte, sûrsqu'il interviendra en leur faveur. Il n'y a qu'un mot plus tendreencore, celui que nous trouvons dans la bouche de Jésus quand il dit:«Votre Père sait que vous en avez besoin» (Mt 6:32). «Donc, celui qui exerce du khésed ou envers qui il est exercéest appelé khâsîd. Dans Ps 4:4, si l'on, traduit: amour deDieu, il s'agit indifféremment de celui qui aime Dieu ou de celui queDieu aime; le contexte seul peut décider. Ainsi on lit, dans Ps86:2: «Protège mon âme; car je suis de ceux qui t'aiment» (litt.:car je suis hasîd), et dans Ps 31:24: «Aimez l'Éternel, voustous, ses bien-aimés» (litt, ses hasîdim) ; mais on lui suppose engénéral le sens actif: les fidèles ou les pieux, mots quipèchent par manque d'émotion. Les membres de la tribu n'étaient passeulement fidèles à leur chef, ne lui rendaient pas seulement unhommage respectueux, ils avaient de l'affection pour lui et surtoutleurs coeurs tressaillaient d'orgueil et d'enthousiasme à la penséequ'ils étaient du même sang que lui et s'appelaient du même nom.Probablement, si le dérivé actif du verbe aimer (aimant) s'étaitprêté même autant que la forme passive--bien-aimé--à un emploireligieux, les traducteurs l'auraient préféré aux adjectifs quelquepeu fades qu'ils nous donnent. Il est bon, en tout cas, de serappeler que lorsque le psalmiste dit: (Ps 4:4) «Sachez quel'Éternel s'est choisi un hasîd », il pensait à la protectionimmédiate, efficace, infatigable que le cheik accordait à son «fils»,et au dévouement enthousiaste et à la loyauté passionnée que celui-civouait à son «père». La bonté de Dieu n'était pas une bienveillancepassagère, elle était inséparable de la relation que Dieu avaitétablie une fois pour toutes avec Israël quand il avait «traitéalliance» avec lui. Tout bon Israélite se reposait en elle ets'efforçait de rendre à Dieu la pareille, de l'amour loyal,inébranlable, intéressant toutes ses activités. «Quand le pharisaïsme du parti conservateur usurpa à son profitexclusif le titre de hasîdim, «pieux», «peuple de Dieu», et abusade ses victoires pour opprimer ceux qui ne pensaient pas comme lui,les vrais enfants de Dieu abandonnèrent les noms de fidèles,pieux, en faveur de ceux de pauvres, humbles qui convenaientmieux à la fois à leur situation sociale et à leur expériencereligieuse. Le sentiment du péché devient plus vif, l'abîme quisépare le Dieu saint de l'homme pécheur se creuse plus profondément,on sent davantage son insuffisance. Ce sont là les «pauvres» quenotre Seigneur proclame heureux.» (Mt 5) (Ch. Greig.)