HABACUC

Le huitième des livres formant dans l'A.T, le recueil des «douzepetits prophètes».Auteur. Il ne nous est connu que par le livre qui porte son nom. Habacuc =embrassement; ce nom pourrait être un pseudonyme assyrien: Hambakuku est, en effet, un nom assyrien de plante; les LXXnomment notre prophète Ambakoum. On ne sait rien de bien précissur lui. D'après le Zohar (ou livre de la Kabbale) et les rabbins,Habacuc serait le fils de la Sunamite ressuscité par Elisée (2Ro4:16); une tradition légendaire en fait le fils de Josué, de latribu de Lévi; d'après Épiphane et Dorothée, il était de la tribu deSiméon et serait mort en 538; dans l'histoire apocryphe de Bel et leDragon (verset 33-39), Habacuc est transporté de Judée à Babylone parun ange pour remettre un repas à Daniel dans la fosse aux lions, puisramené en Judée. La souscription de Hab 3:19 donne à penser quel'auteur appartenait à la classe des lévites, peut-être comme chef del'une d'entre elles. (cf. 2Ch 29:25) Dans Hab 1:1, l'auteurne prend d'autre titre que celui de nabi =prophète.Époque. Habacuc paraît avoir prophétisé dans les derniers temps du royaume deJuda. La situation morale et religieuse du pays, telle qu'elleressort du livre, paraît être celle qui est décrite dans Jer19:4 et suivant et 25. En effet, d'après Hab 1:6 et Hab3:16 et suivant, l'invasion des Caldéens est proche. On peut doncsituer la composition du livre peu après le moment où le princehéritier de Babylone vient de battre le pharaon Néco II à Carkémissur l'Euphrate, c-à-d, vers 605 av. J.-C.; la puissance assyrienneest alors définitivement ruinée et les Caldéens apparaissent commeétant virtuellement les maîtres de la Palestine, sans cependant êtreencore entrés dans le pays, donc avant 597, date de la prise deJérusalem. (cf. 2Ro 24:1-7) Or, comme Jéhojakim devienttributaire de Babylone vers 600 av. J.-C, c'est donc, entre 605 et600 que se vérifient le mieux les conditions où les Caldéens peuventêtre regardés comme un fléau imminent pour les Judéens, ce qui nouspermet de placer à cette même époque la composition de notre livre.Texte. La critique a cru discerner dans Habacuc des morceaux supposésoriginairement distincts (Hab 1:6-11 2:5-8 3:3,15), qui auraientété réunis par un auteur plus récent auquel le reste devrait êtreattribué. En réalité, on ne parvient à distinguer dans notre livreque deux morceaux principaux: les chap. 1 et 2 (oracle révélé àHabacuc le prophète); et le chap. 3 (prière d'Habacuc le prophète surle mode lyrique). Tout au plus peut-on supposer, à cause du titre etde la souscription de ce dernier morceau, qu'il a fait partie d'unrecueil liturgique et qu'on l'a joint plus tard au petit livreprophétique qui se présentait avec le même nom. Mais il est toutaussi logique de supposer que l'adaptation liturgique a été faiteaprès coup, en empruntant au livre prophétique un morceau que saforme, sa portée, et le voeu même de l'auteur semblaient destiner àcet usage. On comprend du reste que ce psaume ait figuré, dès lors,dans la rédaction définitive avec son titre, la mention trois foisrépétée du terme séla (voir ce mot), c-à-d, probablement pause,qui ne se rencontre qu'ici et dans les Psaumes, la souscriptionfinale, et l'addition des verset 17-19 regardés comme un appendice.Quant au corps de ce morceau (Hab 3:2-16), il s'articule trèsbien avec les chap. 1 et 2, et l'on observe que l'oppresseur étrangerse trouve désigné par le même terme, râchâ, dans les deux parties(cf. Hab 3:13 et Hab 1:4,13).Contenu. La division du livre se fait suivant une marche naturelle.La première partie (ch. 1 et 2) se présente comme un dialogue trèsémouvant entre Dieu et le prophète. On y distingue cinq sections: (a) Hab 1:1-4, le prophète constate le règne del'injustice et de la violence, et il se demande si l'Eternel pourratolérer plus longtemps cette situation; (b) Hab 1:5-11, l'Éternel répond qu'il vasusciter les Caldéens pour châtier les iniquités de Juda; (c) Hab 1:12,17, le prophète s'incline devant lavolonté de celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mal. Maisl'Éternel n'aura-t-il pas pitié? Se servira-t-il sans mesure du brasdu méchant? N'aura-t-il pas égard au reste fidèle que la catastropheattendue va plonger dans la souffrance en même temps que les impies? (d) Hab 2:1,4, le prophète se tient en sentinellepour voir comment va se réaliser cette intervention dont l'Éternellui a dit: «Si elle tarde, attends-la...» Le mal va recevoir sonsalaire; l'orgueilleux sera châtié, mais «le juste vivra de sa foi»(Sg. traduit d'une manière semble-t-il plus conforme au texte hébreu: le juste vivra par sa fidélité) ; (e) Hab 2:5-20, en cinq strophes de chacune troisversets, l'oppresseur est décrit comme le conquérant avide, comme lechef cruel se réjouissant du mal fait à autrui et comme idolâtre;mais il sera lui-même châtié, et la terre sera purifiée et remplie dela connaissance de Dieu comme la mer l'est par les eaux, carl'Éternel règne; il est dans son saint Temple, c-à-d, hors del'atteinte de quiconque pourrait attenter à la majesté du sanctuairede Jérusalem.La seconde partie (ch. 3) se présente sous la forme d'un hymnepsalmique dont on a pu dire avec raison qu'il constitue une des plusremarquables productions lyriques des Hébreux. On y distingue: (a) Hab 3:3, un titre général (prière) avecl'indication du genre (sur le mode lyrique, ou dithyrambique), ce quiparaît comporter, pour l'usage liturgique, une exécution musicaleanimée et expressive; (b) puis viennent trois strophes séparées par une pause (Hab 3:2-3,8-9,10-13) fortement enchaînées quant ausens, dans lesquelles le poète montre Dieu, qu'il appelle Éloah et le Saint de la montagne de Paran, aveuglant l'homme de salumière et accompagné dans son apparition par des prodiges quirappellent ceux de la sortie d'Egypte; (c) dans la dernière partie, trois moments se trouventencore marqués: v. 14 et suivant, le châtiment de l'oppresseur; v.36, l'état d'âme du prophète à la vue de ce que Dieu fait; et enfinles versets 17-19, où l'auteur, après avoir constaté les effets del'intervention divine se prolongeant dans la nature, qui souffre elleaussi, se ressaisit dans l'espérance et dans la foi. L'accumulationd'images propres à rappeler les hauts faits de l'Éternel, etd'expressions dont on retrouve l'équivalent dans d'autres livres del'A.T., notamment chez les prophètes de la grande époque, devaitfaire impression et justifie amplement le titre et l'usage de cemagistral poème qui est bien une prière sur le mode lyrique, bien queseul le verset 2 constitue une prière à proprement parler. On trouved'ailleurs dans l'A.T, d'autres morceaux analogues, p. ex. les Ps17,Ps 90,Ps 102 et Esa 12. Mais, dans Habacuc, la fusion laplus parfaite s'observe entre l'élément lyrique et l'élémentprophétique, contribuant à donner à ce chapitre un caractère marquéde grandeur et de perfection.De cet ensemble bien lié, trois grandes notions se dégagent: Confiance absolue en la sainte justice de Dieu (sielle tarde, attends-la). Affirmation du salut, posé dans son principe(justice) et dans ses conséquences (vie). Enfin, le salut envisagé dépasse les cadres dujudaïsme, est conçu comme universel: la terre entière, et nonseulement Juda, sera remplie de la connaissance de Dieu comme le fondde la mer par les eaux. (cf. Esa 11:9) Le Talmud fait allusion à Ps 15,Esa 33:15,Mic 6:8,Esa 56:1et Hab 2:4, quand il dit: «David établit onze commandements;Ésaïe les réduit à six, Michée à trois, Ésaïe de nouveau à deux;enfin Habacuc vient qui les réduit à un seul.» Une telle appréciationrepose évidemment sur la traduction: le juste vivra par sa fidélité.Par contre saint Paul (Ro 1:17,Ga 3:11) et l'épître auxHébreux (Heb 10:38) traduisent: le juste vivra par la foi.Substantiellement les deux traductions ne sont pas contradictoires,mais plutôt complémentaires: la fidélité n'est-elle pas l'aspectpratique de la foi? Ch. S.