GUÉBAL

Aujourd'hui Djoubeïl ou Djébeïl, petit village de la côtelibanaise, à 37 km. au Nord de Beyrouth (fig. 100 à 103). A l'époque cananéenne, la ville s'appelait Guebal (textesassyr.:Gubla) ; à l'époque grec, Byblos, nom qui la désigneactuellement dans la plupart des travaux scientifiques. Mention decette cité et de ses habitants, les Guibliens, est faite dansl'A.T. (Jos 13:5,1Ro 5:18,Eze 27:9); ils étaient réputés commebûcherons et tailleurs de pierre et travaillèrent pour le Temple deSalomon. Bien des auteurs profanes attestaient la haute antiquité de laville (ainsi, Philon de Byblos, Etienne de Byzance, Plutarque), etles plus anciens documents, d'origine égypt., autorisaient à desprécisions qui, jusqu'en 1919, apparaissaient pourtant comme trèsrisquées. Dès la quatrième dynastie (2900-2750 av. J.-C), des bois decèdre sont amenés en Egypte. Sous la sixième dyn. (2600 av. J.-C), unfonctionnaire mentionne explicitement Byblos (Kbn) et lesrapports entre Egypte et Syrie ne font alors que croître en mêmetemps qu'augmentent les documents. Dès 1860, E. Renan prospectait à Byblos, et des fouillessommaires mettaient au jour un relief égyptisant, malheureusement simutilé que la date proposée oscillait entre 700 et 1500 av. J.-C. En1869, découverte de la stèle de Yehaw-melek (VI e siècle av. J.-C),dédicace à la déesse de Byblos (baalat Gebaï). En 1919,prospection de P. Montet, qui signale huit fragments hiéroglyphiques,dont le plus ancien remonte à l'Ancien Empire égyptien (3000 à 2200av. J.-C), et qui font de Byblos un site à explorer. Les fouilles commencent, systématiques, dès 1921 et sontconduites par M. Montet, puis par M. Dunand. De 1921 à 1929, huitcampagnes se sont poursuivies. En 1928, nous avons collaboré à laseptième. Les résultats d'ensemble dépassent toutes les espérances:en 1923 (troisième campagne), découverte du sarcophage d'Ahiram avecl'inscription alphabétique la plus ancienne à ce jour connue (XIII esiècle av. J.-C.); en 1927, fragment au nom de Kha-se Kemoui,deuxième dyn. égypt, (environs de l'année 3200 av. J.-C); en 1928,colosse égyptisant, seul exemplaire archaïque intact de la statuairephénicienne; en 1929, inscription mi-alphabétique, mi-syllabique, nonencore déchiffrée, qui daterait du Moyen Empire égyptien (2160-1580av. J.-C). Les fouilles ont permis de dégager la nécropole royale (en partietout au moins) et l'ensemble du ou des sanctuaires. Les palais sontencore enfouis et n'échapperont pas aux recherches prochaines. La nécropole: neuf tombes sont jusqu'ici connues et nous ont livré(les cinq premières tout au moins) des documents particulièrementimportants. N° 1: tombe d'Abi-shemou, roi de Byblos, contemporaind'Amenemhat III (2000 av. J.-C). N° 2: tombe d'Ypshemouabi,contemporain d'Amenemhat IV (1800-1792 av. J.-C). N° 5: tombed'Ahiram; inscription en phénicien archaïque, sur le mur du puits etsur le sarcophage, datée, d'après l'étude épigraphique confirmée pardes fragments de vase au nom de Ramsès II (1300-1234), du XIII esiècle av. J.-C. Dans cette tombe, deux autres sarcophages, violés,anépigraphes. N° et suivant 4 et 7, sarcophages ané-pigraphes. Le temple: tout un ensemble de sanctuaires dont le plan est malaiséet la succession difficile à définir. La fouille dégage en effet dessoubassements ruinés et des lambeaux de dallages. C'est dans la plus ancienne partie du temple que furent trouvésles plus anciens documents hiéroglyphiques: débris de vases offerts àla déesse de Byblos par les pharaons de l'Ancien Empire égyptien(Khéops, Mykérinus, Sahuré, Ounas, les Pépi) ou de l'époque thinite(Kha-se Kemoui). Temple détruit et remplacé par un autre au deuxièmemillénaire: sanctuaire à ciel ouvert, autel des sacrifices, jarres defondation sous le dallage de l'esplanade, colosses égyptisants. Auxenvirons du VII e siècle, cet édifice fut agrandi vers l'Est et lescolosses sans doute déplacés. Enfin un temple de style grec(probablement celui de la monnaie de Macrin) succéda à tous lesautres et était relié à la ville par une colonnade, en partieredressée. Les remparts cananéens sont en cours de dégagement. Aleur pied, trois jarres de fondation pleines d'ossements d'enfantsont été trouvées (illustration saisissante de 1Ro 16:34). Tous les documents jusqu'ici exhumés attestent que Byblos fut enrelation étroite avec l'Egypte dès la plus haute antiquité et qu'ellefut même longtemps vassale des pharaons qui envoyaient leursfonctionnaires chercher des cèdres du Liban. L'explorationsystématique, qui continue, fait plus que ramener dans l'histoire lavie d'une petite cité phénicienne. Par ses résultats hors de pair,elle renouvelle complètement l'histoire du Proche Orient. A. P.