GRÈCE

Deux traits sont particulièrement remarquables lorsqu'on étudie lagéographie de la Grèce. 1. Son caractère maritime: la mer la pénètre detoutes parts et y découpe partout des golfes profonds; la terre seprolonge dans la mer par d'innombrables îles. A part quelquesportions de la Thessalie, aucun point de la péninsule n'est à plus de55 km. de la mer. L'intérieur est d'ailleurs morcelé en compartimentsmultiples par des montagnes qui rendent les communicationsdifficiles. C'est par la mer que les Grecs ont toujours communiquéentre eux et avec l'extérieur. La Grèce est tournée vers la mer.Cette situation géographique explique en partie les qualités decolonisateurs des Grecs et leur rayonnement. 2. Sa faible étendue: la Grèce mesure seulement400 km. du mont Olympe au cap Matapan, elle ne dépasse pas 200 km. delarge et s'amincit au point de n'avoir plus que 6 km. à l'isthme deCorinthe. Il est remarquable qu'un si petit pays ait joué un si grandrôle dans les destinées du monde. L'appellation de Grèce et de Grecs est d'origine relativementrécente. Elle a été donnée aux Grecs par les Romains, du nom d'unepetite tribu épirote, les premiers Grecs sans doute que les Romainsaient connus. Les Grecs se dénommaient eux-mêmes Hellènes et leurpays Hellade. Les Juifs ont connu de très bonne heure l'existence de la Grècepar l'intermédiaire de leurs voisins les Phéniciens, qui étaient degrands voyageurs. Ils l'appelaient «Javan» (Ge 10:2,Esa 66:19,Da8:21 etc.). Ce n'est d'ailleurs qu'à partir de l'époque d'Alexandrele Gd que les Juifs eurent de véritables rapports avec les Grecs. Ala suite de la conquête d'Alexandre, toute la partie orientale dubassin méditerranéen s'hellénisa rapidement; la langue et la culturegrecques s'imposèrent partout. Seul le peuple juif fit exception etrésista à cette grande séduction; même les persécutions d'AntiochusÉpiphane n'eurent pas raison de cette résistance. C'est le sujet quetraitent les deux premiers livres des Macchabées (voir Apocryphes).Voir Atlas 10Cependant, si Jérusalem resta une ville foncièrement juive,l'influence grecque fut très forte sur le reste de la Palestine, enparticulier sur la côte de la Méditerranée et en Galilée, où denombreuses cités grecques avaient été fondées. Elle fut naturellementencore plus forte sur les Juifs de la Dispersion (voir Diaspora),dont le grec devint la langue courante, et que le livre des Actesappelle les Hellénistes (voir ce mot). Le N.T. désigne sous le nom deGrecs, non seulement les Hellènes, mais parfois tout ce qui n'est pasd'origine juive (voir Grec); ce simple fait montre à quel point laGrèce avait marqué de son empreinte le monde oriental. La Grèce était bien déchue de sa splendeur passée lorsque saintPaul y arriva en 50. Le foyer de la civilisation grecque s'étaitdéplacé. Il était alors beaucoup plus à Alexandrie que dans la Grèceproprement dite. Après la mort d'Alexandre et jusqu'à l'avènementd'Auguste, la Grèce n'avait pas cessé d'être un champ de bataille(guerres intestines entre les villes grecques, conquête romaine,guerre de Rome contre Mithridate, guerre entre César et Pompée, entreOctave et Antoine). Appauvrie et dépeuplée, elle ne put jamais serelever de cette longue période d'anarchie et de guerre et neretrouva ni sa prospérité agricole, ni son activité commerciale. Dansl'empire, la vieille terre des Hellènes, devenue province d'Achaïe,n'eut qu'un rôle politique et économique tout à fait secondaire. La Grèce n'a pas joué un grand rôle en tant que pays dansl'histoire de l'Église, mais la pensée grecque a joué un rôle depremier plan dans la formation de la théologie chrétienne. Lechristianisme, pour devenir une religion universelle, a dû apprendreà parler grec et s'adapter à la pensée grecque. Le grec était alorsla langue officielle, non seulement celle des gens cultivés, maisaussi celle des fonctionnaires, des commerçants et même du vulgaire,dans la moitié orientale de l'empire romain et dans une bonne partiede sa moitié occidentale.Le N.T., puis la littérature chrétienne des deux premiers siècles,sont écrits dans la langue hellénistique, qui n'est pas celle de lalittérature, mais la langue alors parlée à peu près par tout lemonde, et qui fut le véhicule providentiel de l'Évangile à traversl'empire gréco-romain.Certains considèrent aussi comme providentiel que cette langueuniverselle fût justement celle qui procédait des penseurs classiquescomme Platon et Aristote, et saluent dans la philosophie grecque unesagesse humaine parfaite en son ordre et pouvant servir de basenaturelle au christianisme.D'autres opposent le réalisme chrétien et l'idéalisme grec et pensentque l'hellénisme n'a enrichi la théologie chrétienne que par sonlangage et ses procédés dialectiques.Qu'on regrette cette influence ou qu'on s'en réjouisse, il estincontestable que cette philosophie a joué un rôle considérable dansla systématisation de la doctrine chrétienne. De même qu'encivilisant ses vainqueurs--la Macédoine et Rome--la Grèce avaitpréparé la voie aux missionnaires à travers l'empire, de même endonnant le jour aux maîtres du criticisme et du spiritualisme elleprépara la voie à l'Évangile de Jésus-Christ: c'est elle qui luiassura un immense avantage sur l'influence des mystères orientauxauxquels elle-même se montrait réfractaire (voir Mystère); c'est lemonde hellénisé qui accepta la foi nouvelle avec le plusd'enthousiaste ferveur; et c'est en rapprochant son portrait duChrist de la culture hellénique la plus élevée, que le quatrièmeévangéliste a dressé la révélation de la personne du Sauveurau-dessus des contingences de l'histoire, dans l'éternel et dansl'absolu. Jean M.