FRANGES

Il est difficile de se rendre compte actuellement de l'origine et dela destination des franges que portaient les vêtements des Hébreux.Deux passages de l'A.T, font allusion à cette coutume et l'attribuentà un ordre direct de Dieu: «Dis aux enfants d'Israël, pour eux etpour leurs descendants, de faire une frange aux côtés de leursmanteaux...Quand vous la regarderez, vous vous souviendrez de tousmes commandements pour les mettre en pratique.» (No 15:38 etsuivants). Un passage plus récent dit: «Tu feras des franges auxquatre côtés du vêtement dont tu te couvres.» (De 22:12). Dans le premier passage, le terme hébreu est tsi-tsit, dont lesens est obscur. Dans le second, le mot gedilim pourrait serendre par tresses. Ces franges étaient-elles en bordure sur lescôtés du manteau, ou bien consistaient-elles en quatre glands placésaux quatre coins du manteau, il est difficile de le dire. A la mêmeépoque les Assyriens portaient des vêtements frangés sur les quatrecôtés; de plus, la fabrication manuelle de certains tissus obligeaitl'ouvrier à terminer son travail en attachant entre eux les fils dela chaîne pour éviter le glissement de la trame; ce travail formaitune bordure frangée (voir Filage et tissage). On peut comparer cesfranges à celles des tissus orientaux faits à la main. De toutes façons, cette «frange» avait dans l'esprit des Juifsune grande importance religieuse; elle était ornée d'un ruban depourpre violette (No 15:38) et permettait de distinguer lesJuifs des païens tout en leur rappelant leur Loi. La couleur pourpreviolette était celle des vêtements sacerdotaux. Par excès de zèle etostentation, les Pharisiens portaient à leurs manteaux de longuesfranges, bien visibles (Mt 23:5). Le bord du vêtement, qui étaitpour ainsi dire sanctifié, était regardé par les Israélites commepossédant une influence mystérieuse: il dégageait un peu de la forcede la personne qui le portait. Un passage curieux, vision prophétiquede Zacharie (Za 8:23), nous montre les païens saisissant le borddu manteau des Juifs pour manifester leur désir de retourner àl'Éternel. A l'époque de Jésus, certains malades vinrent toucher lesfranges de son vêtement pour être guéris (Mt 9:20 14:36,Mr6:56,Lu 8:44); nos versions traduisent ordinairement le grec kraspedon par «le bord». L'extrémité libre du manteau, étantjetée par-dessus l'épaule, retombait dans le dos, où il était facilede la saisir par derrière, comme ce fut le cas pour la femme maladeau milieu de la foule (Lu 8:44). L'origine des franges est très lointaine, puisqu'on en voit auxvêtements des personnages d'antiques bas-reliefs ou monumentségyptiens et assyriens. Il est probable que la législationdeutéronomique a voulu, comme cela s'est souvent produit, transformerune vieille habitude païenne pour lui donner une valeuressentiellement religieuse. Aujourd'hui les franges se retrouvant encore dans les vêtementsisraélites, mais uniquement dans leurs costumes de synagogue, cesont, dans ce cas, des glands. La façon dont ils sont fabriqués etattachés est tout à fait spéciale et répond à un rite. Les fils etles noeuds ont une signification mystique symbolique pour lesdocteurs juifs. La racine du mot tsitsit signifie: regarder,briller. Or Dieu avait éclairé les maisons d'Israël en Egypte, aumilieu des ténèbres environnantes: tsitsit rappelle donc le mémorableévénement de l'Exode. La valeur numérique du mot, en y ajoutant les 8fils et les 5 noeuds dont les franges se composent, est 613,représentant, d'après le Talmud, le nombre total des préceptesmosaïques: regarder le tsitsit, c'est donc se souvenir de la Loi. Lesfils bleus symbolisent les flots de la mer où les Égyptiens ont péri;selon R. Meyr, Moïse a choisi le bleu parce qu'il rappelle la couleurde la mer, du ciel et du trône de Dieu: regarder le tsitsit, c'estcontempler l'infini de l'océan, l'espace incommensurable, ladivinité. (Cf. Wolf, Variétés homilétiques sur le Pentateuquetirées du Midrasch, Paris 1900, p. 176.)