FAMILLE

Dans l'Ancien Testament. Dans l'antiquité israélite, la polygamie était de pratiquecourante, comme du reste chez tous les peuples orientaux (Ge 4:1928:9 29:15-30 37:2,Jug 8:30,2Sa 3:2-6 5:13 12:8,1Ro 11:3,2Ch 24:3).Les législations successives ne la prohibèrent jamais explicitement,mais des mesures indirectes (Ex 21:10,De 17:17 21:15), etsurtout le développement de la piété monothéiste, sous l'influencedes prophètes qui assimilaient volontiers à un mariage l'union deDieu avec son peuple et considéraient l'idolâtrie comme une sorted'infidélité conjugale (Os 2:2-20,Eze 16:8-19,Esa 62:4 etsuivant), en amenèrent la diminution progressive et la disparition àpeu près totale: il semble bien qu'après l'exil la monogamie a été deplus en plus, pour l'élite juive, puis pour le peuple, l'idéal dumariage (Pr 31:10-31, Tob 1:9 8:6-8, Suz. 2,7,63,Mt 18:25,Lu 1:5). Aussi, à l'origine et pendant longtemps, la famille israélitefut-elle un groupement beaucoup plus considérable que la famillemoderne, et peut-être plus important même que la gens romaine. Lafamille, ou plutôt, selon le terme en usage, la «maison» d'unparticulier, comprenait en effet: ses femmes, qu'il avait épouséesmoyennant des présents en argent accordés à leurs pères (Ge 34:1et suivant, Ex 22:16 et suivant, De 22:29), ou en échanged'un louage de services (Ge 29:18,27), ou enfin en récompense dequelque exploit fameux (Jos 15:16,1Sa 18:22-25); sesconcubines (Ge 22:24 36:12,Jug 8:31,2Sa 21:11,1Ch 1:32), quiétaient des captives de guerre (No 31:11-18,Jug 5:30) ou qu'ilavait acquises à prix d'argent (Ex 21:7 et suivant); sesenfants, nés des unes et des autres et dont le nombre était parfoisélevé (Jug 10:4 12:9,14,2Ro 10:1); ses gendres et belles-fillesavec leurs enfants; ses enfants illégitimes (Jug 11:1-3); sesesclaves avec leurs femmes et enfants. Les droits du mari étaient à peu près ceux d'un propriétaire,libre de disposer de son avoir à son gré: certaines limites précisesétaient pourtant fixées à son bon plaisir. Bien que la femme ou laconcubine fût, pour ainsi dire, son bien, le mari n'avait pas ledroit de la vendre (Ex 21:8,De 21:14). L'une comme l'autre luidevaient une fidélité absolue, tandis que lui pouvait avoir desliaisons en dehors du foyer: il n'était considéré comme adultère etdigne de mort que s'il entretenait des rapports avec une femme mariéeou une jeune fiancée (De 22:22-24,Le 20:10). Il avait seull'initiative en matière de divorce, la femme ne pouvant êtreautorisée à dénoncer de son côté un contrat dont elle était l'objetet qui avait été conclu avec son père en dehors d'elle. Dès que lemari apercevait en sa femme «quelque chose de répréhensible», ilpouvait la renvoyer (De 24:1). Toutefois son droit de répudierse trouvait prescrit à l'égard d'une femme s'il l'avait faussementaccusée d'immoralité (De 22:13-19) ou s'il avait eu commerceavec elle avant de l'épouser (De 22:29). Il lui était, d'autrepart, interdit de reprendre à son foyer une femme qui, répudiéed'abord par lui et ensuite mariée à un autre, était redevenue librepar un deuxième divorce ou par le veuvage (De 24:2-4). L'autorité du père sur les enfants n'était pas loin d'êtreabsolue: elle pouvait même aller, dans certains cas, jusqu'au droitde mort (Ge 38:21,Jug 11:29-40). Le père avait le pouvoir dechoisir, pour ses fils, des femmes et, pour ses filles, des maris àsa convenance (Ge 24:3 28:1 et suivants); il lui étaitpermis de vendre ses enfants, surtout ses filles, commeesclaves (Ex 21:7,2Ro 4:1,Ne 5:4 et suivant). L'éducation des enfants reposait sur des principes très sévèreset la loi prévoyait les châtiments les plus rigoureux pour lesenfants indociles: selon les termes mêmes du Livre de l'Alliance,maudire son père ou sa mère entraînait la peine de mort (Ex21:17). Au VII e siècle, le Deutéronome fixait la procédure de lamise en jugement des enfants indisciplinables et vicieux, qui étaientpassibles de la lapidation (De 21:18-21). Au II e siècle avantl'ère chrétienne, le Siracide encourage encore les parents à la plusextrême sévérité à l'égard des enfants et surtout des filles(Sir 7:23 et suivant 30:1 - 13). Les enfants des épouses et des concubines étaient, comme leursmères, sur un pied d'égalité dans la maison; ils figuraient les unset les autres sur les tables généalogiques (Ge 36:12,1Ch 1:32);cependant, les premiers seuls avaient le droit d'héritage, lesseconds pouvant tout au plus recevoir des présents de leurpère (Ge 21:10 24:36 25:6,Jug 11:2). Pour les crimes contre la famille,voir Crimes, délits etpeines.--Voir Bertholet, Hist. Civ. Isr., p. 169ss.Dans le Nouveau Testament. Sur la famille, pas plus que sur d'autres sujets, Jésus n'a laissé unenseignement théorique et complet. On trouve cependant dans lesÉvangiles certaines paroles fondamentales et décisives. Ainsi il estcertain que, sans se prononcer en termes formels contre la polygamie,Jésus l'a implicitement condamnée en sanctionnant de son autoritél'antique tradition relative à l'origine de l'humanité: à ses yeux,la monogamie est d'institution divine. Le mariage étant d'ailleurspour lui un don si total des époux l'un à l'autre qu'ils ne font plusqu'une seule et même personne, il en résulte, d'une part, que lapolygamie est exclue, et, d'autre part, que la famille n'est pas,comme dans le régime patriarcal, une sorte de monarchie absolue où lavolonté du père faisait loi pour tous (Ge 1:27 2:18,22-24,Mt19:4-6,Mr 10:6-8). D'un autre côté, «l'homme n'ayant pas le pouvoirde séparer ce que Dieu a uni», Jésus envisage le divorce comme uneconcession faite à la dureté de coeur de l'homme: il n'autorise,quant à lui, la répudiation que pour cause d'infidélité et ilinterdit au conjoint répudié de contracter un nouveau mariage (Mt5:32 19:6-9; dans Mr 10:5-12 et Lu 16:18, l'interdictiondu divorce est absolue). Pour le Christ, donc, l'union intime,profonde, indissoluble, du mari et de la femme est la baseindispensable de la famille. L'apôtre Paul, dans ses épîtres, aborde à plusieurs reprises lesproblèmes de l'ordre domestique; les conseils qu'il est appelé àdonner à ses lecteurs sur ce sujet procèdent d'une conception danslaquelle les rapports de subordination nécessaire dans la famillesont transfigurés à la lumière de l'amour mutuel. Il considère, à lasuite de Jésus, la monogamie comme l'ordre normal (1Co 7:2)et voulu de Dieu qui, selon les mots de la Genèse auxquels l'apôtrese réfère, a créé l'homme et la femme pour qu'ils s'attachent l'un àl'autre et deviennent un seul être (Eph 5:31); il en souligne lecaractère auguste et sacré en assimilant le mariage à l'unionmystique du Christ avec l'Église (Eph 5:25,29,32) Les passagesdes épîtres pastorales (1Ti 3:2,12,Tit 1:6) ont en vue non lapolygamie, comme si elle n'était proscrite que pour les seuls chefsde l'Église, mais les secondes noces, interdites à ces derniers pourdes raisons de convenance. Dans la famille chrétienne, selonl'enseignement de saint Paul, il y a une hiérarchie indispensable: lemari est le chef de la femme (1Co 11:3,Eph 5:23); celle-ci luidoit par conséquent le respect (Eph 5:33) et la soumission, unesoumission, non pas craintive, mais affectueuse et confiante, commecelle du fidèle pour le Christ (Eph 5:22,24,Col 3:18,Tit 2:5).En revanche, le mari ayant lui-même pour chef le Christ (1Co11:3) ne doit pas faire de son autorité le despotisme: il doitl'exercer dans l'amour (Col 3:19); bien plus, le rôle véritabledu mari est, non pas de dominer sur sa femme, mais, tout aucontraire, de se dévouer totalement pour elle, à l'exemple du Christqui s'est livré pour l'Église (Eph 5:25,30); au reste, «dans leSeigneur, la femme n'est point sans l'homme, ni l'homme sans lafemme»: (1Co 11:11) ils se complètent mutuellement et lasubordination nécessaire de l'une à l'autre s'efface, ou du moins setempère, dans la communion de leur vie spirituelle qui amène entreeux un échange continu de pensées, de vertus et d'assistance. Demême, l'autorité du père sur les enfants ne peut pas être non plusune tyrannie: prenant son modèle, son soutien et son inspiration dansle Seigneur (Eph 6:4), elle doit se manifester dans le calme demanière à ne pas faire naître l'irritation et ledécouragement (Col 3:21). De leur côté, les enfants sont tenusau respect et à l'obéissance envers leurs parents: cela est normal etjuste, dit l'apôtre (Eph 6:1); c'est d'ailleurs un devoiragréable et facile quand on est au Seigneur (Col 3:20); c'est,au surplus, une cause et une garantie de bonheur (Eph 6:2).Enfin pour que, dans la famille chrétienne, l'obéissance desserviteurs ne soit pas servile et de pure contrainte, mais cordialeet de bon aloi, l'apôtre demande que, loin d'être arbitraire etaltière, l'autorité des maîtres soit humaine, juste, équitable,exempte de sévices et même de menaces.--En (Eph 6:5,9,Col3:22-4:1) résumé, la famille idéale n'apparaît au grand apôtre despaïens, ni comme une monarchie, ainsi que dans l'antiquité juive etpaïenne, ni comme une république, ainsi qu'elle tend de plus en plusà le devenir de nos jours, mais, peut-on dire, comme une harmonie,les rapports de subordination indispensable du chef et des membress'exerçant, grâce a l'Esprit du Seigneur, qui est le vrai chefinvisible du foyer, dans une atmosphère de bonne entente, deconsidération mutuelle et d'amour réciproque. La même manière de voir se retrouve dans l'épître de Pierre,exposée avec moins de vigueur que sous la plume de saint Paul. Si lafemme doit au mari obéissance et soumission, le mari, de son côté,est tenu envers elle à la douceur, parce qu'elle est d'un sexe plusfaible, et au respect, parce qu'elle est appelée à hériter comme luide la grâce de la vie. Le foyer normal d'ailleurs doit être unsanctuaire: il convient donc que rien dans les rapports des uns avecles autres ne puisse venir paralyser l'élan de la prièrecommune (1Pi 3:1-7). Voir Éducation, Enfant, Femme, Mariage, etc. Ch. K.