ÉTRANGER

I Dans l'A.T. Les relations des Israélites avec les étrangers peuvent se ramener àtrois faits principaux: 1. Contact permanent.Israël a sans cesse été mêlé aux peuples voisins; il leur était plusou moins apparenté, et surtout aux Cananéens, qui ne furent refoulésque très lentement. Le contact fut donc permanent avec les plusproches: Moabites (Ru 1:4), Édomites (1Ro 11:15),Amalécites (2Sa 1:8), Syriens (Jug 10:6). Les Israélites semélangèrent surtout aux Cananéens (Jug 1:27-33), plusindustrieux et commerçants qu'eux; le nom de Cananéen en vintmême à désigner le trafiquant étranger (hébreu de Pr 31:24; V S.:marchand). Les rois provoquèrent de nouveaux contacts avecl'étranger, par leurs alliances (voir ce mot), leursmariages (1Ro 3:1 16:31), leurs harems (1Ro 11:1), quientraînaient l'introduction de religions étrangères (1Ro 11:4et suivant). Ils appréciaient aussi les serviteurs étrangers (1Sa21:7) et les gardes étrangères, qui leur étaient toutesdévouées (2Sa 15:18,2Ro 11:4,19). Il faut mentionner lecommerce, qui mettait Israël en relation avec divers peuples: de touttemps les caravanes ont traversé son territoire (Ge 37:25), etses propres commerçants finirent par sortir de leursfrontières (1Ro 9:28 10:11,Eze 27:17). 2. Haine plus ou moins vive.Le voisinage et les relations n'empêchaient pas l'hostilité, variablesuivant les époques et les circonstances, mais toujours vivace.L'A.T, abonde en récits des âpres luttes entre clans voisins: voir lecantique de Débora (Jug 5:27) et le traitement que fait subirDavid, cependant si sensible, aux Moabites ou aux Ammonitesvaincus (2Sa 8:2 12:31; mais voir Cruauté). D'autre part,l'hospitalité envers l'étranger de passage est une vieille vertuorientale, souvent prônée, surtout dans les temps anciens, où rienn'est organisé pour héberger les hôtes (Ge 18:4 19:2,Jug 13:1519:15,21); toute la pratique de l'homme pieux se résume sur ce pointdans Job 31:32: ne pas laisser l'étranger passer la nuit dehors.Il serait trop long de tracer l'évolution de l'attitude d'Israëlenvers les étrangers. Quand la royauté avait été relâchée, touteréaction religieuse entraînait des ruptures avec les étrangers etleurs coutumes. L'histoire d'Élie, d'Elisée, de Jéhu esttypique (2Ro 9). Le Deutéronome, si humanitaire, laisse les étrangersà leur sort (De 15:3 23:20). L'exil, tout en opérant unrapprochement de fait, creuse aussi le fossé entre les Juifs, aumoins les dirigeants, et les étrangers (Eze 4:13 44:6-10,22).Après le retour de l'exil, Esdras et Néhémie sont rigoureux (Ne13:24 et suivant, Mal 2:11); Ne 8 réalise le programme deNo 35:34. Quant à la «femme étrangère» du livre desProverbes (Pr 2 16 7:5 etc.), elle est sans doute appelée ainsiparce que ces professionnelles du vice n'étaient généralement pas desIsraélites. 3. L'étranger résident.En dehors des étrangers proprement dits, un type spécial denon-Israélite est désigné par le terme de ger, que nostraductions distinguent rarement. Il paraît dans le Décalogue, àpropos du sabbat: «ton étranger qui est dans tes portes» (Ex20:10). C'est celui qui s'est fixé à demeure dans le pays, et s'estmis pour cela sous la protection d'un chef ou d'une famille. Ladésignation s'applique même à un homme d'une autre tribu qui s'esttransplanté de cette façon (De 18:6,Jug 17:7-9 19:1). Le ger n'est pas un esclave, mais il doit des services en échange de laprotection reçue. Jacob, ger chez Laban, se plaint de sespeines (Ge 31:7 et suivants). Un clan entier peut devenir ger: ainsi les Gabaonites (Jos 9), qui font le ravitaillement d'eau et de bois. L'évolution des Israélites envers le ger est inverse de celle que nous avons constatée enversl'étranger, car elle accuse un rapprochement constant. Le Deutéronome leprotège explicitement (De 16:10,13 26:11). L'exil resserre cesliens, en exigeant la circoncision (Eze 44:6,10) qui conférerades droits précis (Eze 47:22). Peu à peu, le ger devient leprosélyte, le converti au culte juif (Ex 12:49,Le 24:22,No15:15,29). Donc Israël se sépare de plus en plus des païens et assimile deplus en plus le ger. Certes, des prophètes comme le second Ésaïeannoncent magnifiquement l'offre du Dieu |d'Israël à tous lespeuples (Esa 56:6 et suivants, etc.), mais comme une admissiondes étrangers au sein du peuple juif, conception plus missionnairequ'universaliste.II Dans le N.T. L'exclusivisme antique aide à comprendre tel récit des évangiles: laproposition des disciples, que le «feu du ciel» descende sur lesSamaritains inhospitaliers (Lu 9:54); la réponse de Jésus montrece que cette proposition offre de diabolique («de quel esprit...»).On s'est étonné de sa parole à la femme syro-phénicienne (Mr7:26 et suivant); c'est ignorer la situation de fait de ce temps, etprobablement l'intention pédagogique du Seigneur à son égard. Il fauts'émerveiller de la constante préoccupation chez Jésus de la valeurspirituelle même des non-Juifs (Mt 8:10,Lu 17:18) et de sonaudace dans la parabole du «bon Samaritain» (Lu 10:33).Rappelons la peine qu'éprouva saint Paul à faire prévaloir sa notionvraiment universaliste, en face de la tradition judaïque: «il n'y aplus ni Juif ni Grec, etc.», proclame-t-il (Ga 3:28).