ESPRIT

Hébr. rouakh; grec pneuma. La notion de l'Esprit est l'unedes plus importantes de la Bible, une de celles qui appartiennent leplus spécifiquement à la révélation. On peut dire en un sens quec'est elle qui fait à la fois l'originalité et l'unité de nos saintslivres. Une parole de Jésus la résume: «C'est l'Esprit quivivifie» (Jn 6:63). Pour comprendre tout ce que renferme cettedéclaration, il faut d'abord suivre l'évolution de la notion del'Esprit à travers l'histoire de la pensée hébraïque.I Notion physique de l'Esprit. Le mot rouakh exprima à l'origine l'idée de vent (Ge 3:8,Job41:7,Jer 2:24, Ca 2:17,Ps 104:4,Esa 7:2 etc.): le vent quisoulève les flots, qui agite les arbres, le vent créateur dumouvement où l'homme primitif trouva sans doute sa première émotionreligieuse: ce qui remue est animé. Le vent frappait aussil'imagination parce qu'il révélait sa présence dans l'invisibilité,l'immatérialité et le mystère: «Le vent souffle où il veut, et tu enentends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient et où ilva...» (Jn 3:8). De l'idée de mouvement est sortie l'idée de force; pourl'Oriental né au souffle du désert, force redoutable, irrésistible,souvent dévastatrice et mortelle (Jer 13:24,Job 21:1,Ps 1:483:14 Eze 19:12, Ps 11:6, Job 30:15 etc.); de l'idée demystère vint la croyance que le vent décelait la présence de ladivinité, qu'il était le véhicule de Dieu (Ps 18:11 104:3,2Sa22:11 etc.), l'exécuteur de sa volonté (Ps 104:4 148:8), lesymbole de sa puissance (1Ro 19:11,Job 4:15 Eze 1:4); del'idée d'immatérialité est sortie l'idée de vanité, de néant: le ventdevient alors le type de ce qui est inconsistant, léger,insaisissable et vain (Pr 27:16,Ec 1:14,17 2:11,17 etc.). Cetteacception défavorable glisse dans, la notion du rouakh unecontradiction que l'on ne retrouvera pas dans le mot pneuma, etamène l'Hébreu à exprimer dans quelques textes, d'ailleurs rares, parle mot esprit: la fragilité de la créature (Ps 78:38,Job 7:7),la folie des discours en l'air (Job 8:2 15:2 16:3,Pr 11:29),la vanité des faux prophètes (Mic 2:11,Jer 5:13), l'inanité desidoles (Esa 41:29). Mais le mot esprit devait se développer dans une tout autre voie,et féconder la pensée d'Israël en rattachant à l'idée de vent cellede souffle, respiration de Dieu (Ex 15:8 2Sa 22:16,Esa 11:4) quiactionne la respiration de l'homme (Ps 104:29,La 4:20,Za 12:1,Hab2:19,Job 27:3), souffle de Jéhovah qui plane sur le chaos (Ge1:2). On voit ici, par sa notion du rouakh, que l'Hébreu sereprésente Dieu fait à l'image de l'homme, et aussi que l'homme setrouve dans la plus absolue dépendance de Dieu. Toute créature vit etmeurt selon le bon plaisir du Créateur (Ps 104:29 et suivant,Ec 12:9), et il en est sur ce point des animaux comme del'homme (Ec 3:19,Ps 104:29). La respiration est le signe et le symbole de la vie. Le mot rouakh, par une nouvelle extension, désigne bientôt la vieelle-même; non point la vie envisagée sous l'angle de la personnalitéhumaine (nèphech), mais la vie en tant que don de Dieu, disonsmieux: prêt de Dieu, car à la mort de l'homme sa nèphech (sonâme) descend avec son corps dans la tombe, tandis que le rouakh, retiré de la créature, retourne à Dieu (Ec 12:9); quant à l'âme,appelée parfois «âme morte» (Le 21:11 22:4,No 5:2,Ag 2:13,etc.), elle ne pourra revenir à la vie que sur une nouvelle initiativedu Dieu qui «donne l'esprit» (Ps 49:15 16:10 30:486:13, No 23:10, Eze 18:4,20). Nous sommes très loin ici de ladoctrine de l'immortalité essentielle de l'âme, introduite bien plustard par la philosophie des Grecs dans la théologie chrétienne. Larévélation biblique enseigne que la vie est toute en Dieu; l'homme, àaucun moment, ne la possède en lui - même, par le fait qu'il esthomme. Pour que le mort revive, il faut qu'il soit ressuscité par lesouffle de Dieu.Dans le N.T., même notion physique de l'esprit que dansl'A.T. (Jn 3:8 19:30,Lu 8:55 23:46,Heb 1:7,Ac 7:59,Jas2:26,Apoc,11:11 13:5,2Th 2:8), à ceci près que, sous l'empired'idées étrangères à la théologie hébraïque, on peut rencontrer àl'occasion le mot pneuma employé dans le sens d'être individuel,vivant indépendamment de tout organisme matériel: «Les disciplescrurent voir un esprit » (Lu 24:37), ou pour désigner despuissances mystérieuses qui exécutent dans le monde la volonté divinesous le nom d'anges (Heb 1:14,Ac 13:8) ou la volonté de Satansous le nom de démons (Lu 4:33 9:39 Matthieu 8:16 12:45 Ac 16:18,etc.).II Notion morale de l'Esprit. De la vie à l'action, il n'y a qu'un pas; or l'action appartient audomaine moral. Il était donc inévitable que, poursuivant sonélargissement, la notion de rouakh, qui désignait d'abord la viephysique de l'homme, s'étendît à sa vie intérieure, aux phénomènes deson activité morale. Toutefois le terme de rouakh ne désigne pasici le siège de l'initiative consciente et de l'intentionpersonnelle, le for intérieur d'où viennent les pensées et lesdesseins du coeur (hébreu leb ; cf. Ge 6:5,Ps 33:11,Pr 6:18,etc.), mais il présente cette activité sous l'angle des influencesque Dieu exerce pour orienter les dispositions morales et agir sur lavolonté. L'homme s'agite et Dieu le mène. (cf. Pr 16:9)Les passages où il est question des esprits abattus, humiliés,patients, soutenus, font allusion à des mouvements que l'âme subitplutôt qu'elle ne les provoque; ici encore nous sommes en présenced'une action plus ou moins directe du souffle divin (Pr 18:1416:19,Job 21:4,Ec 7:8, Sg.; Esa 65:14). C'est Jéhovah quiexcite l'esprit (1Ch 5:26,Jer 51:11), qui le réveille (Ag1:14,Esd 1:1,2Ch 36:22), qui le renouvelle (Eze 18:31) ou quil'égaré (2Ro 19:7).Dans le N.T. pneuma a le même sens moral que rouakh dansl'A.T. Il ne désigné jamais la conscience, les pensées intimes (=psukhè, kardia, nous), mais l'état d'esprit, les dispositionsplus ou moins motivées par l'inspiration divine, ou (et ceci est unfait nouveau) l'inspiration satanique (1Pi 3:4,Lu 9:55,Mt 16:2326:41,Mr 8:33 14:38, cf. Ps 51:12-14,Ro 8:16 11:8 9:17). VoirHomme.III Notion religieuse de l'Esprit. Les passages que nous venons d'indiquer: «renouvelle en moi un espritbien disposé» (Ps 51) et «l'esprit est bien disposé» (Mr14) nous livrent la transition entre la notion morale et la notionreligieuse de l'Esprit; il s'agit clairement ici d'une puissancedéployée par Dieu avant la Pentecôte pour maintenir la créature dansla communion divine ou pour lui permettre d'y accéder. 1. Dans l'Ancien Testament. L'A.T, montre cette force de Dieu à l'oeuvre sous les formes lesplus diverses. C'est elle qui, pour le service de Jéhovah, donne àBetsaléel son talent d'artiste (Ex 31:3), a Samson savigueur (Jug 14:6), à Gédéon son héroïsme (Jug 6:34), àJoseph le don d'interpréter les songes (Ge 41:38, cf. Da5:12), à David ses vertus de roi (1Sa 16:13), à Zorobabel songénie de restaurateur (Za 4:6), à Elisée le don desmiracles (2Ro 2:14); atteignant enfin la plus haute forme de sonaction parmi les hommes, l'Esprit suscite les grands prophètesécrivains, qui, par leur personnalité possédée de Dieu, deviennentles animateurs inspirés et les révélateurs religieuxd'Israël (2Pi 1:21). «Hommes inspirés», comme on lesappelait (Os 9:7), mais non «hommes spirituels», les prophètesreçoivent l'Esprit comme un donum superadditum, une puissance quis'empare d'eux au moment où leur action est nécessaire, qui lessoulève, les emporte, les subjugue, parfois malgré eux; une fois letémoignage rendu et l'oeuvre accomplie, le prophète redevientlui-même et rentre dans la vie privée, Seule la Pentecôte, grâce auministère du Christ, réintégrera l'Esprit dans la race humaine. (cf.Joe 2:28) Jusque-là l'Esprit n'est pas donné: il descend sur quelqueshommes qui sont des précurseurs. Ici encore l'homme s'agite et Dieule mène. Mais déjà dans ces hommes de Dieu «saisis» par le souffledivin, nous voyons se dégager la notion du Saint-Esprit: Espritde grâce et de prière qui réconciliera l'âme repentante avec le Dieuméconnu (Za 12:10), Esprit de résurrection qui transformera leshommes en les ramenant à Jéhovah (Eze 11:19 36:27 37:1-11,26-28)Esprit de sainteté, de justice et d'amour qui rétablira les hommesdans la communion de Dieu (Esa 4:4 32:15 42:1 etc.). 2. Dans les évangiles et les écrits non pauliniens.Au seuil de la nouvelle alliance, le Saint-Esprit pousse le vieillardSiméon au Temple (Lu 2:25) pour accueillir Celui qui vient denaître «par Esprit saint» (Lu 1:35, cf. Symb. des Ap.) et dontle ministère rédempteur rendra le Saint-Esprit à l'humanité (Jn1:33,Ac 19:1-6). La venue de Jésus-Christ parmi les hommes inaugure une nouvellecréation. Dans Ge 1, l'Esprit «couve» le chaos et en fait sortirles merveilles de la nature. Ce n'est pas une force aveugle quiproduit l'ordonnance magnifique des «choses qui sont», mais unsouffle divin, un acte de l'Esprit. De même ce n'est pas l'humanitéde la chute qui introduit dans la société des hommes Jésus comme unesorte de surprophète, c'est la puissance créatrice, l'Esprit quiféconde le sein de Marie; par son Esprit, incarné en Christ, Dieuvisite le monde, le rachète, y introduit un facteur nouveau qui vapeupler le monde de nouvelles créatures, famille spirituelle dusecond Adam. L'importance du récit de l'Annonciation (Lu 1:35)est mise en lumière par le récit de la Création (Ge 1); les deuxactes divins se répondent. On s'explique dès lors pourquoi le partijudaïsant de l'Église naissante, qui voyait surtout en Jésus leprophète-Messie, s'est cristallisé en sectes ébionites que lanaissance miraculeuse de Jésus laissait indifférentes, quand elles nela niaient point; tandis que l'essor du christianisme se présente,dans l'ensemble, par l'action de Paul et de Jean, pour quil'incarnation sous l'action de l'Esprit, l'initiative divine dans lavenue du Christ, était le point de départ de tout (Ro 8:3,Jn1:14). L'apparition historique du Christ a été, si j'ose dire, lepoème de l'Esprit sur la terre. Ce poème, la prophétie l'avaitannoncé (Esa 11:2 42:1 61:1). La naissance à Bethléheml'inaugure (Mt 1:18-2:1), le ministère de Jésus en est ledéveloppement. C'est l'Esprit qui descend sur lui au baptême (Mr1:10), qui le pousse au désert (Mt 4:1), qui l'introduit dansson ministère galiléen (Lu 4), qui lui donne la puissance pourses miracles (Mt 12:28-32), qui lui fait accepter le sacrificedu Calvaire (Heb 9:14), qui le ressuscite le troisièmejour. (cf. Ro 8:11) Le but de son oeuvre rédemptrice est deréconcilier les hommes avec son Père afin de pouvoir rendre à leurâme anémiée depuis la chute la puissance d'En-haut, l'Esprit devérité: le Consolateur ou Paraclet (Jn 14:16 15:26 16:7 20:22;Paul l'appellera Esprit d'adoption, Ro 8:15), qui lesréintégrera dans la famille céleste, fera de chacun d'eux au sein del'humanité mourante une cellule de vie (dans l'ordre de l'Esprit«tout individu doué devient lui-même un don»: Mt 4:17-19 5:13-1610:1-12,Ac 1:8 2:37-47, cf. Ge 12:2), et les rendra dèsici-bas participants de la vie éternelle (Jn 6:40,47,63). Ainsi vint la Pentecôte (Ac 2:4-8), par laquelle l'humanitéentra dans sa nouvelle et décisive expérience de Dieu. Tous ces témoignages, et bien d'autres que l'on pourrait invoquerici, présentent l'Esprit comme l'essence créatrice qui procède duPère, puis du Père et du Fils, et qui manifeste dans l'Eglise leurprésence vivifiante. C'est l'Esprit qui, après avoir animé le Christ,nourrit le chrétien, transforme, purifie sa personnalité, l'unit àson Sauveur et à ses frères, l'introduit par la résurrection dans leséjour de la gloire. On comprend dès lors que Jésus ait défini son Père par le mot«Dieu est Esprit» (Jn 4:24) et que Paul ait déclaré auxCorinthiens: «le Seigneur Jésus est l'Esprit» (2Co 3:17). Ce quel'on comprend moins, c'est que la théologie chrétienne ait voulu voirdans l'Esprit une hypostase divine, une personnalité distincte duPère et du Fils; ce faisant, elle s'est écartée de la traditionhébraïque pour suivre la tradition grecque, et elle a jeté l'Églisedu Christ dans des discussions trinitaires sans issue, puisqu'ellesmettent en cause la nature de Dieu qui nous est en elle-même unmystère. Ce qui demeure clair pour qui veut s'en tenir aux donnéesbibliques, c'est que, dans les épîtres du N.T., la salutationapostolique ne mentionne que deux personnes, le Père et le Fils,comme dispensateurs de la grâce et de la paix, et, d'autre part, quela personne du Père et la personne du Fils nous deviennentinintelligibles et sont comme vidées de leur essence même: la Vie, si«l'Esprit qui vivifie» agit comme une troisième personne distincte duPère et du Fils. On pourrait même aller jusqu'à dire que, si l'Esprit est unepersonne comme le Père et le Fils, c'est lui qui est en réalité lapremière des trois personnes, la divinité initiale, essentielle,puisqu'il détient par définition l'énergie divine dont vivent et parlaquelle se manifestent le Père et le Fils. Or, ceci contreditl'enseignement de la révélation. Il est frappant de constater quedans la prière sacerdotale, son testament spirituel, Jésus ne parlepas de l'Esprit. Tant il est vrai que dans l'oeuvre rédemptriceaccomplie à la gloire du Père, le Fils, qui détient pour les hommesla puissance d'En-haut, qui vient de la promettre à ses disciples etqui va la leur envoyer, occupe lui-même, seul, comme personne divine,toute la place. Paul dira aux Colossiens: «Vous avez tout pleinement en Lui». (cf.Col 2:10) Sans nous laisser aller à nier quoi que ce soit dansun domaine où tout est mystère pour nous, le plus sage est donc derester humblement sur le terrain de l'expérience religieuse où laréalité et l'action de l'Esprit ne nous apparaissent que comme unerévélation dynamique, une présence du Christ en nous, une communionpersonnelle avec le Père céleste manifesté en Jésus-Christ: «moi eneux, et toi en moi» (Jn 17:23). L'ordre de baptiser toutes lesnations au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28:19)dont l'Église post-apostolique a fait la formule du baptême n'a pas,dans sa notion primitive, d'autre sens que celui-là. Conclusionpratique du ministère de Jésus, cette formule inaugurait le ministèredes apôtres. Elle devait donc résumer l'enseignement donné par leMaître. Or cet enseignement, muet sur la doctrine de trois hypostasesdivines, parle simplement des trois éléments inséparables de la foichrétienne: le Père céleste manifesté dans le Fils, lequel dispenseaux croyants l'énergie d'En-haut, le Saint-Esprit. Le Père: but detoutes les aspirations de l'âme; le Fils: chemin qui conduit à cebut; l'Esprit: force pour suivre le chemin. Et le Fils est si bienprésenté par les évangiles, puis les Actes et les épîtres, comme lecentre du monde spirituel, que dans l'Église du premier siècle lebaptême était administré non pas au nom de trois personnes, mais aunom seul de Jésus-Christ, révélateur du Père et dispensateur del'Esprit: «Que chacun de vous, dit Pierre à la foule le jour de laPentecôte, soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour obtenir larémission de ses péchés, et vous recevrez le don duSaint-Esprit» (Ac 2:38,8:16,37,Ro 6:3,Ga 3:27 etc.), «Esprit deChrist» (1Pi 1:11) et «Esprit de Dieu» (1Pi 4:14). «En cesjours-là, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur messerviteurs et mes servantes». (cf. Joe 2:28 et suivant) «CeJésus...a reçu du Père le Saint-Esprit qui avait été promis, et ill'a répandu comme vous le voyez et l'entendez» (Ac 2:18,33).Tel fut le thème du discours par lequel Pierre annonça à sescompatriotes l'inauguration de la nouvelle humanité. Par la grâce de Christ, la force de l'Esprit est désormais un donde Dieu distribué aux hommes (Lu 11:13,1Jn 4:13) qui luiobéissent (Ac 5:32 15:8). La repentance et le baptême suffisentpour l'obtenir (Ac 2:38), voire même la repentance sans lebaptême (Ac 10:44,47 11:15,10,18); il se transmet parl'imposition des mains (Ac 8:18 19:6), il peut être accordé sansimposition des mains directement par Dieu aux croyants, même auxincirconcis qui ont la foi (Ac 15:9), et c'est par sonassistance que l'Église s'accroît (Ac 9:31). L'homme qui a reçule Saint-Esprit (Jn 20:22,Ac 19:2 10:47,1) et qui en estrempli (Lu 1:1 Ac 2:4 4:8,31 9:17 13:9,Jas 4:5 etc.) reçoit delui des secours et des lumières qui surpassent ceux que le Sauveurlui-même a pu accorder pendant sa carrière terrestre (Jn16:12,16). La théologie hébraïque qui a identifié la vie avec le souffle,l'identifie aussi avec le sang (Ge 9,Le 17 etc.). Unissantcette seconde image à la première, on peut dire que le Saint-Espritest à l'âme ce que le sang est au corps; il est une transfusion devie divine par laquelle l'homme né de nouveau atteint graduellementle plus haut point de son élévation morale et parvient au but suprêmede son évolution, en réalisant dans la communion du Père céleste et àl'imitation de Jésus l'image de son Créateur. Par l'Esprit, Dieudemeure en lui (1Jn 3:24, cf. 1Pi 4:14). Comme soninfluence est toute morale, l'Esprit ne s'impose pas, mais malheur àqui s'oppose à lui (Ac 7:51); mentir au Saint-Esprit équivaut àune mort instantanée (Ac 5:3); l'outrager mérite un châtimentpire que la mort (Heb 10:29), et si quelqu'un va jusqu'aublasphème, mieux vaudrait pour lui n'être jamais né, mieux vaudraitqu'il eût blasphémé le Fils même de Dieu: «Je vous le dis, toutpéché, tout blasphème sera pardonné aux hommes; seul le blasphèmecontre le Saint-Esprit ne sera jamais pardonné» (Mt 12:31-32,Mr3:29,Lu 12:10). 3. Dans les épîtres de Paul.C'est l'apôtre Paul qui, dans le N.T., nous donne la théorie la plussystématisée de la notion de l'Esprit. Bien qu'Helléniste, il semaintient sur le pur terrain de l'anthropologie hébraïque et ne selaisse à aucun moment égarer par le dualisme métaphysique des Grecs.Son dualisme à lui est tout moral. L'homme n'est pas matière etEsprit, il est chair (voir ce mot) et peut recevoir l'Esprit, si lagrâce de Christ le touche; aussi Paul n'emploie-t-il nulle part lemot pneuma quand il parle des facultés de l'homme naturel. Fondésur l'A.T., il part du récit de la chute (Ge 3) et reste fidèleà la vieille notion du rouakh Élohim, «souffle de l'Éternel». Parsa faute (Ro 5:12) le premier Adam s'est privé de la forcevitale, de l'aliment spirituel (les fruits de l'arbre de la Vie) quidevait le nourrir et faire de lui par l'éducation divine un enfant deDieu; il s'est ainsi constitué «homme animal» ou psychique, qui necomprend rien aux «choses de l'Esprit» (1Co 2:14) et qui estvoué à la mort si Dieu n'intervient par grâce et ne le sauve enJésus-Christ (Ro 5:15-21). Or, pour Paul, accueillir Jésus,c'est s'ouvrir à la puissance d'En-haut (2Co 3:17 et suivant),entrer dans l'Église «corps de Christ» (Col 1:18,24,Eph 1:23 etch. 5), comme «membre de Christ» (1Co 6:15, cf. Eph 5:30,1Co12:12,13,Ro 12:5, etc.), participer à sa vie spirituelle (Ga2:20,Eph 3:17), devenir par lui un «homme spirituel» (1Co 2:153:1,Ro 8:1,8), s'identifier avec lui (Php 3:10,Col 1:24,1Co11:1,1Th 1:6,Phil 1:21,Ga 2:20), marcher à sa suite dans lalumière et la sanctification par l'Esprit (Eph 5:8,1Th 5:5,19-25Ro 8:14 15:16,Eph 3:16), souffrir avec lui et mourir avec lui pourressusciter avec lui et régner avec lui en vie éternelle (Ro8:17,Ga 6:8,1Co 15:20-23,Ro 8:10 6:4-8 Col 2:20 3:1-3 2Ti 2:11) L'Esprit de Christ, tout le long de la carrière chrétienne, donneau racheté de Christ son soutien dans la faiblesse, son secours dansl'intercession, la joie, la paix et l'espérance dansl'épreuve (Ro 8:26 14:17 15:13,Ga 5:22,2Co 6:10), enfin lacertitude qu'il est enfant de Dieu et héritier de Dieu par les seulsmérites du Christ, pourvu qu'il ne sépare jamais l'affranchissementde la peine du péché de l'affranchissement du péché lui-même (Ro8:1,9-11). En résumé, pour Paul, la vie en Christ revient à la«vie dans l'Esprit». De même que la vie selon la chair était la vieanimale, la vie dans l'Esprit est la vie divine, l'une est unedescente, l'autre une ascension. Chacune mène à un but précis: cellequi descend, aux ténèbres; celle qui monte, à la lumière. Après avoirinsisté plus que tout autre sur la gratuité du salut, l'apôtre relèveson caractère moral en faisant de lui une récompense légitime, fruitd'un travail personnel; «Celui qui sème pour la chair moissonnera dela chair la corruption, mais celui qui sème pour l'Esprit moissonnerade l'Esprit la vie éternelle» (Ga 6:8). De l'ensemble de ces déclarations, dont la logique estirrésistible, il appert que, pour l'apôtre des Gentils, la sociétédes hommes renferme depuis la Pentecôte deux humanités: l'ancienne, l'humanité naturelle ou psychique ou charnelle;l'individu de cette humanité est appelé par Paul «le vieil homme»(Eph 4:22, cf. Col 3:9 et Ro 6:6) dont le sort estlié à la nature animale et dont l'âme exsangue est vouée à la mortéternelle (Ro 6:21,23 3:9-16 cf, Mt 25:46). et la nouvelle,née de l'Esprit, qui participe à la sève du Christ (Ro 6:4,8,cf. Jn 15:4 et suivant), porte des fruits pour le Royaume deDieu et est destinée à la vie éternelle (Ro 6:22, cf. Jn15:8,16). L'individu de cette humanité en Christ est appelé parPaul «l'homme nouveau, la nouvelle créature, l'hommespirituel» (Eph 2:15 4:24,Col 3:10,2Co 5:17,Ga 6:15,1Co 2:153:1). «Nul ne peut dire: Seigneur Jésus, si ce n'est par leSaint-Esprit» (1Co 12:3). Qui n'a pas l'Esprit du Christ n'estpoint à lui (Ro 8:9). A ceux-là seuls qui sont «en Christ»(2Co 5:17 =nés de l'Esprit, Jn 3:8), les dons spirituelssont accordés «selon la mesure de la libéralité du Christ» (Eph4:7,13); ces dons variés, distribués suivant les nécessités del'édification (1Co 14:12) et les occasions de servir (Ro12:1,6), concourent ensemble au développement du corps de Christ quiest l'Église (1Co 12:14,20). Pour conclure, nous dirons que la doctrine de l'Esprit, tellequ'elle nous apparaît dans l'harmonie des textes bibliques, nous meten présence d'un fait auquel les diverses formes du christianismen'attachent pas l'importance qui lui est due, à savoir que lechrétien et l'Église appartiennent au plan spirituel, en sorte qu'iln'est ni credo, ni oeuvre, ni cérémonie, ni geste de prêtre qui aitune valeur quelconque tant que l'activité s'exerce en dehors de lanouvelle naissance et méconnaît la parole de Jésus à la Samaritaine:«Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent enEsprit et en Vérité» (Jn 4:24). Alex. W.