ENVIE

Nos traductions, en rendant presque indifféremment les termesoriginaux soit par envie soit par jalousie, semblent négligerles nuances que proposent entre ces deux mots les dictionnaires etles traités psychologiques, nuances d'ailleurs assez subtiles ou mêmeparfois contestables et du reste ignorées à peu près totalement desauteurs bibliques. L'hébreu de l'A.T, ne possède en effet, à ce sujet, qu'une racine, qânâ; nos versions la traduisent le plus souvent par envie dans les exhortations morales des livres sapientiaux, lorsqu'ellesdénoncent ce vice, «carie des os», ennemi de la reconnaissance,poison de la vie Pr 14:30, Sir 37:11 30:24, cf. Sag 6:237:13), ou qu'elles encouragent le croyant à ne point envier lespécheurs (Pr 3:31 23:17,Ps 37:1 73:3 etc.). Le grec du N.T. (comme les livres apocr, dans LXX) possède leterme phtonos, dont le sens est toujours défavorable, tandis que zêlos peut désigner suivant les cas un noble zèle, une honnêteémulation, ou bien une détestable jalousie. (Pour plus dedétails,voir Trench, Syn. N.T., p. 99; voir aussi Jalousie: letexte Jas 4:5 y est mentionné, fin du parag. 3.) Phtonos, l'envie proprement dite, est le mobile: du Tentateur pour introduire lamort dans le monde Sag 2:24); des grands-prêtres pour livrer Jésus àPilate, dont l'impartialité romaine a vite percé à jour leur partipris haineux (Mr 15:10,Mt 27:18); de prédicateurs de l'Évangilequi veulent concurrencer l'apôtre Paul (Php 1:15). Cet odieux état d'esprit, et de coeur, est plusieurs foisstigmatisé dans les énumérations des péchés d'ordre social querépudie décidément la vie chrétienne (Ga 5:21,26,Ro 1:29,1Ti6:4,Tit 3:3,1Pi 2:1). L'énumération de Mr 7:21 et suivant ledésigne par une périphrase significative, «oeil mauvais», imagecommune à bien des langues: le mot même d'envie est en rapportavec ce qu'on a en vue; c'est le latin Invi-dia, que Cicérondéfinit «vue portée avec excès sur le bonheur d'autrui» (Tusc, 3:9); comp, le «mal'occhio» des Italiens et, chez nous, le «mauvaisoeil». C'est ainsi que Saül regardait le jeune David d'un mauvaisoeil (1Sa 18:9, cf. Ps 112:10); et dans Sir37:10, «le regard de travers» est mis en parallèle avec l'envieux(peut-être aussi dans 14:8, 10 31:13 où, toutefois, Apocr, interprète l'avare», celui qui s'envie à soi-même les biens de cemonde). Cette image de l'oeil envieux, qui paraît donc une fois dans Marcest exactement illustrée dans Matthieu (Mt 20:1-16) par la paraboledes ouvriers, où l'envie niveleuse de ceux-ci, en contraste avec lagrâce généreuse du maître, est accusée par un trait piquant: «Tonoeil est-il mauvais parce que je suis bon?» (verset 15). Et ce mêmecontraste de l'envie et de la grâce se dresse encore dans la paraboledu fils aîné (Lu 15:29 et suivant), après celle du filspardonné; dans cette antithèse pathétique, le Seigneur -a mis bienplus qu'une simple allusion de circonstance au mépris des grandschefs pour les petits qui venaient à lui (verset 1 et suivant): il apersonnifié, par les murmures du fils privilégié contre l'amourpaternel qui fait grâce, les antipodes mêmes du monde moral, lesattitudes extrêmes, celle du Démon et celle du Sauveur, présage dessuprêmes destinées de malheur ou de bonheur, dans les grincements dedents de la haine impuissante (Mt 25:30), ou dans les chants degratitude éternelle des frères rachetés (Ap 14:1,3). Voir aussiHaine. Jn L.