ELIE

(hébreu Eliyâhou ou Eliyâh =JHVH est mon Dieu). 1. Le plus grand des prophètes d'action de l'ancienIsraël, Élie apparaît sur la scène de l'A.T, à une heure où lafaiblesse d'Achab pour la religion de son épouse tyrienne Jézabelprécipitait Israël dans le paganisme (875-850). Le livre des Rois,très sobre de détails sur son origine, ne rapporte de sa viemouvementée que des récits détachés insuffisants pour établir unevéritable biographie, mais qui permettent cependant de saisir lecaractère du prophète et le rôle de premier plan qu'il joua dansl'évolution religieuse de son peuple.Sa vie. D'après 1Ro 17, notre seul document, Élie serait originaire deThisbé en Galaad; l'adjonction de ce dernier nom a pour but dedistinguer ce Thisbé (à lire ainsi d'après les LXX) d'une localité dumême nom mentionnée en Galilée par le livre de Tobit (Tob1:2). Le lecteur du livre des Rois est aussi surpris de rencontrerÉlie au ch. 17 que dut l'être Achab de le trouver sur sa route etd'entendre son message. Le prophète annonce une période desécheresse, sans indiquer le motif pour lequel Jéhovah a décidéd'envoyer cette calamité; le contexte permet de penser que l'Éternelveut ainsi punir son peuple de son apostasie. Ensuite Élie, surl'ordre de Dieu, va séjourner au torrent de Kérith, sans doute enGalaad, où des corbeaux pourvoient miraculeusement à sa nourriture.La sécheresse persistant, le torrent se trouve à sec. Élie part alorspour Sarepta, ville phénicienne voisine de Sidon, où il reçoitl'hospitalité d'une pauvre veuve que la famine a réduite à ladernière extrémité, mais qui néanmoins accepte de partager avec leprophète son dernier repas. Élie la récompense d'abord en faisant serenouveler miraculeusement sa provision de farine et d'huile, ensuiteen ressuscitant son fils unique. Au bout de trois ans, la sécheressese fait si cruellement sentir en Israël que le roi Achab en personneest obligé d'aller quérir du fourrage pour ses écuries, en compagnied'Abdias, chef de sa maison. Élie se présente brusquement devantAbdias, puis devant Achab, 1Ro 18:12 montre bien de quellevénération craintive il était entouré. La rencontre avec le roi et ledialogue entre ces deux hommes sont extrêmement dramatiques; leprophète exige du roi qu'il convoque avec lui sur le Carmel le peupleet les prêtres de Baal: le dieu qui répondra par le feu au sacrificeoffert par ses adorateurs sera déclaré le vrai dieu. Achab accepte ledéfi; au jour fixé, 400 prêtres de Baal dressent un autel au Carmel,et invoquent Baal par tous les moyens rituels d'usage. Élie, voyantl'inutilité de leurs efforts, ne leur épargne aucun sarcasme, puisrelève, à son tour, un ancien autel, y dispose la victime, faitasperger le tout avec douze cruches d'eau et invoque l'Éternel: enréponse à sa prière, le feu du ciel tombe sur l'autel et «il consumal'holocauste, le bois, les pierres et la terre et il absorba l'eau».L'aspersion de l'autel et de la victime a peut-être pour butd'écarter tout soupçon de supercherie et de faire mieux ressortir lapuissance de l'Éternel, mais il semble plus indiqué ce rapprocher cegeste des actes symboliques, plus ou moins magiques, pratiqués dansla plupart, des religions anciennes. Le succès d'Élie entraîne lemassacre des 400 prêtres de Baal et la fin de la sécheresse; lepeuple acclame le vainqueur, et le prophète court triomphalementdevant le char royal durant les 25 km. qui séparent le Carmel deJizréel (l'emplacement présumé du sacrifice est nommé aujourd'huiencore El-Mihraka et le lieu du massacre Tell el-Kasîs). Letriomphe est de courte durée, car la reine Jézabel ne pardonne pas àÉlie le massacre des prêtres de son dieu, et ne cache pas sonintention de se débarrasser par un assassinat du champion del'Éternel. Une fois de plus le prophète doit s'enfuir: il traversetout le pays de Juda, laisse son serviteur à Béer-Séba et s'enfoncedans le désert. Complètement découragé, persuadé que la cause du vraiDieu est perdue en Israël, il appelle la mort, mais Dieu le relève etlui dispense une nourriture miraculeuse qui lui permet d'errerpendant quarante jours dans le désert pour arriver enfin au montHoreb. Il n'est pas douteux que l'auteur de ce récit ait poussé lesymbolisme très loin: les quarante jours au désert, pour un voyagequi en demande tout au plus une dizaine, à supposer même qu'il soitici question du massif montagneux du S. de la péninsule sinaïtique:v.Sinaï), sont à rapprocher des quarante ans qu'Israël passa dans cesmêmes régions, et la révélation qu'il reçut en Horeb fait penser aurécit de la vocation de Moïse, en ce même lieu; Mr 9:29 (etparallèle) est très instructif à cet égard. C'est là (1Ro19:1-13) que se place la vision grandiose où l'Éternel se révèle àson prophète, non pas comme une puissance de destruction, mais commeun souffle de vie, une source de régénération, comme une brise duprintemps. Élie reçoit en outre la triple mission d'oindre Hazaëlcomme roi de Syrie, Jéhu comme roi d'Israël et Elisée comme sonpropre successeur; seule cette dernière mission sera remplie par lui.Réconforté, le prophète quitte Horeb. Nous le voyons reparaîtrebrusquement devant Achab, non plus pour une affaire purementreligieuse cette fois, mais comme le champion de la morale et ledéfenseur des faibles contre la tyrannie royale. Achab désirevivement la vigne de son voisin Naboth, mais celui-ci, pour desraisons de piété filiale, refuse de la lui céder; le roi se désole dece refus, mais Jézabel intervient, fait traîtreusement massacrerNaboth et s'empare de sa vigne. Élie promet au roi qui a laissé faireet à la reine qui a conduit cette odieuse intrigue, le justechâtiment de leur conduite. Ces prédictions s'étant réalisées,Achazia monte sur le trône, mais Élie lui annonce une mort prochainepour avoir fait consulter Baal-Zébub pendant une maladie. Le roi,irrité contre ce prophète de malheur, veut se saisir de lui; maisÉlie, utilisant à son profit le pouvoir divin dont il est revêtu,anéantit successivement les deux troupes qui ont reçu la mission del'arrêter. L'activité du prophète cesse à la mort d'Achazia. 2Ro2:1-17 raconte comment Élie fut enlevé au ciel sur un char de feuen présence de son disciple Elisée. Une tradition postérieure,rapportée au livre des Chroniques (2Ch 21:12), parle d'unelettre écrite par le prophète au roi Joram et remise par Elisée, maisil est difficile de se prononcer sur l'exactitude du récit.Élie dans le reste de la Bible. En conservant Élie vivant, Dieu lui réservait pour la fin des tempsune mission glorieuse que le prophète Malachie nous faitconnaître: (Mal 3:1 4:5 et suivant) Élie reviendra sur terreavant l'avènement du Messie pour regrouper et convertir le peuplejuif. 1Ma 2:58 loue son zèle pour la Loi et considère sonenlèvement comme la récompense de ce zèle. Sir 48:1-12fait de lui un magnifique éloge. Dans Mt 11:14, Jean-Baptiste al'esprit et la puissance d'Élie puisqu'il remplit, à ce premieravènement du Messie, le rôle qu'Élie doit jouer au second avènement;ce serait par une fausse interprétation de Malachie que lescontemporains de Jésus prenaient Jean-Baptiste (Jn 1:21) ouJésus lui-même (Mt 16:14,Lu 9:8) pour Élie revenu sur terre.Dans la scène de la transfiguration (Mr 9:3,Mt 17:3,Lu 9:30),Élie représente l'ordre prophétique, preuve évidente de la placequ'il occupait dans la tradition religieuse d'Israël. Les rabbinspensaient qu'il aurait également à élucider les questions difficilesqu'eux-mêmes avaient dû laisser sans réponse (Talmud de Jérusalem,Berakhoth 1:1).Les sources. 1Ro 17-19,21,2Ro 1:2,8 (et peut-être aussi 2Ro 2:1,8)renferment une série de récits, formant un tout bien homogène dansl'ensemble des livres des Rois, et qu'on a pris l'habitude d'appeler«le cycle d'Élie». Cet ensemble se distingue nettement des empruntsfaits par le rédacteur aux deux grandes sources annalistes qui sontentrées dans la composition des Rois. Les faits qui y sont rapportésne sont pas envisagés au point de vue politique, mais uniquementd'après leur portée religieuse ou morale. Ce cycle d'Élie renferme quelques-unes des plus belles pages du genre narratif chezles Hébreux, et le compilateur qui l'a incorporé aux Rois ne lui afait subir que de rares retouches ou adjonctions. Il a dû êtrecomposé dans le royaume du Nord, car, parlant de Béer-Séba (1Ro19:3), il a soin de préciser que cette localité appartient à Juda;en outre, il doit être antérieur à l'époque d'Amos et d' Osée (milieudu VIII e siècle), car on n'y voit nulle part Élie s'élever contre leculte adressé à Jéhovah dans les sanctuaires de Dan et de Béthel,sous la forme de jeunes taureaux et, dans 1Ro 19:10, il déplorequ'Israël «ait renversé» les autels de Jéhovah.Caractère d'Élie. Les fragments que nous possédons nous permettent de tracer avec assezde précision un portrait moral du prophète. Homme du désert, c'est làqu'il cherche et rencontre Dieu. Affirmant l'opposition radicaleentre la civilisation cananéenne ou tyrienne et le culte de Jéhovah,sa vie d'ermite est une protestation contre cette civilisation. Lemode de vie et le culte sont choses si étroitement liées qu'il estimpossible de vivre à la phénicienne et de rester tout ensemblefidèle à Jéhovah. Aussi Élie a-t-il des habitudes de Naziréen: ilporte un manteau rude de poils de chameau (2Ro 1:8), il séjourneau désert (1Ro 19:3), au mont Horeb, au Kérith (1Ro 17:3)et sur les pentes du Carmel. S'il entre dans une ville, c'estseulement pour porter le message de Dieu, puis il disparaît, ce quicrée autour de lui une atmosphère de mystère accentuée par son parlerdirect. Les grands craignent toujours de le voir surgir inopinément.Sa vie privée semble avoir été celle des Naziréens et des Récabites(voir ces mots), pour qui la vie simple jusqu'à l'ascétisme étaitnécessaire à la communion avec Jéhovah, toute compromission avec lacivilisation phénicienne étant une apostasie en faveur de Baal. Élie,champion de Jéhovah, se pose donc tout naturellement en adversairedécidé et irréductible de cette civilisation et, par voie deconséquence, de la cour royale où elle s'épanouissait avec le plusd'ampleur. Le zèle de Jéhu et de Jonadab, s'il ne fut pas uniquementinspiré par le souvenir d'Élie, reçut certainement de son exemple unepuissante impulsion.--Voir L. Gautier, Études, p. 104SS. L. V 2. et 3. Un prêtre et un Israélite du temps d'Esdras,mariés à des femmes étrangères (Esd 10:21,26). 4. Voir Élija.