EGYPTE (8)

L'Egypte et la Bible. L'Egypte a joué un rôle de premier plan dans les destinées d'Israël.Aussi en retrouvons-nous la mention dans la plus grande partie deslivres de la Bible. Les Hébreux l'appelaient Mitsraïm (voir ce mot);«le nom d'Egypte dérive de la transcription grecque A ïguptos, dunom de Haîkouphtah (=château des doubles de Phtah), qui étaitdonné à la ville de Memphis dans un grand nombre de texteshiéroglyphiques» (Maspero). L'origine de l'Egypte est indiquée dansla Table des Peuples de la Genèse et ses peuples y sontdénombrés (Ge 10:6,13). Abraham séjourne en Egypte à cause d'unefamine (Ge 12). C'est encore une famine qui amène la famille deJacob en Egypte. Les annales patriarcales racontent que Josephl'Hébreu fut le réorganisateur de l'Egypte et qu'il installa safamille dans la riche contrée de Gossen (Ge 47:11,27). C'étaitau temps de la dynastie sémite des Hyksos. --Quand les pharaons Hyksos eurent été renversés, «s'éleva surl'Egypte un nouveau roi qui n'avait point connu Joseph» (Ex1:8), proprement «qui ne voulait rien savoir de Joseph», ni des servicesqu'il avait rendus, ni des promesses faites à sa famille. Et lespharaons de la XVIII e dynastie entreprirent la destructionsystématique des Hébreux. --Moïse (Ex 1:10-22), élevé à la cour des pharaons etpossédant de ce chef une culture très supérieure à celle de sescompatriotes, organise l'exode. La sortie d'Egypte, accomplie dansdes circonstances miraculeuses (Ex 14, cf. Jos 2:10,Ps 114,etc.) rappelées dans le N.T., (cf. 1Co 10:1,Heb 8:9,Jude 1:6)sert de fondement moral à la constitution qui organise au Sinaï lanation israélite: «Je suis Jéhovah, ton Dieu, qui t'ai fait sortir dupays d'Egypte» (Ex 20:2). Les tribus se mettent en route versCanaan, regrettant, à l'étape, la saveur des oignonsd'Egypte (No 11:6). --Nous ne savons rien des rapports de l'Egypte et d'Israëlpendant les temps troublés des Juges, temps troublés aussi pour lespharaons. Les relations reparaissent avec Salomon qui épouse la filled'un pharaon (1Ro 3:1), laquelle reçoit en dot Guézer (1Ro9:16). A la suite de ce mariage, le commerce avec l'Egypte devientactif (1Ro 10:28). Mais le bon accord ne régna pas toujours, etl'Egypte accorda tour à tour sa protection à Hadad l'Edomite qui fitla guerre à Salomon (1Ro 11) et à Jéroboam l'Ephraïmite quisuscita le schisme des dix tribus à l'instigation du prophèteAhija (1Ro 11 1Ro 12). Selon toute vraisemblance, ce futJéroboam qui incita le pharaon Sisak (le premier pharaon désigné parson nom dans la Bible (1Ro 14:25) =Sheshonq I er, fondateur dela XVII e dynastie, d'origine libyenne) à envahir le royaume de Juda,pour empêcher Roboam de se jeter sur le jeune royaume d'Israël. Sisakpilla Jérusalem, mais ne put rien garder de sa conquête. Sous lerègne d'Asa, un des successeurs de Sisak: Osorkon I er, appeléZérach par la Bible, et que 2Ch 14:9, dans un récit fortamplifié, qualifie bien à tort d'Éthiopien puisque les roiséthiopiens de l'Egypte ne vinrent qu'avec la XXIII e dynastie,s'efforça de reprendre le territoire de Juda, mais il n'y réussitpas. Ces raids occasionnels ne semblent pas avoir troublé longtempsles rapports entre l'Egypte et la Palestine. Le propos des soldatssyriens dans 2Ro 7:6, au temps d'Elisée, donne à penser que lehasard des batailles faisait faire parfois cause commune auxIsraélites et aux Égyptiens. La science, la civilisation, leséculaire prestige de l'Egypte exerçaient sur les Israélites unesorte de fascination que toute la politique égyptienne contribuait àrenforcer. Trop affaiblie pour pouvoir reconquérir par la force desarmes ses protectorats dans le Proche Orient, et de plus en plusinquiétée par le mouvement des peuples asiatiques qui poussait lespopulations de l'Asie Mineure et de la Mésopotamie vers la vallée duNil, l'Egypte entretenait avec soin, dans le couloir palestinien,l'esprit d'hostilité qui animait les deux royaumes contre leursvoisins du nord et de l'est. Quand les grands conquérants de Niniveet de Babylone eurent étendu leur domination jusqu'à la Méditerranée,l'espoir d'être soutenus par l'Egypte poussa Israël et Juda à violerleur serment de fidélité et à entrer dans de précaires coalitions.C'est ainsi que le mirage de l'Egypte fut fatal à Samarie et aJérusalem. Osée, roi d'Israël, eut la malencontreuse idée d'appeler àson aide le pharaon So pour l'aider à secouer le joug de Salmanasar.L'Assyrien accourut et détruisit le royaume d'Israël (2Ro 17:6).Malgré cet avertissement, le royaume de Juda, demeuré seul,poursuivit la même politique. Malgré l'opposition des prophètes quivoyaient clair dans le jeu égyptien, le parti en faveur de l'allianceavec l'Egypte fut toujours puissant à Jérusalem (cf. Os7:11-16,Esa 18 Esa 19 Esa 20 Esa 30 Esa 36,Na 3:8-10,Jer 2 Jer 9 Jer15 Jer 37 Jer 43 Jer 44 Jer 46,Eze 17, comp. Eze 29 à Eze32). «L'Egypte, disait le Rabsaké de Sennachérib, n'est qu'unroseau cassé, qui blesse la main qui s'y appuie» (2Ro 18:21,Esa36:6). Dans l'espèce il avait raison. Ce ne fut pas l'interventionde l'Egypte, mais bien une intervention divine qui sauva Jérusalemdes griffes de Sennachérib (2Ro 19,Esa 37). Seul parmi les roisde Juda, Josias rompit avec la tradition pro-égyptienne; mais il futtué à Méguiddo, dans un combat malheureux, imprudemment offert aupharaon Néco (2Ro 23:29). Ses descendants revinrent aux ancienserrements et se révoltèrent contre Nébucadnetsar. L'Egypte,étroitement enfermée sur sa terre par le conquérant caldéen, ne putintervenir en leur faveur, et ce fut la fin de Jérusalem (2Ro24). La foi dans les pharaons était telle, qu'à l'heure de lasuprême détresse les enfants de Juda s'enfuirent en Egypte. Le vieuxprophète Jérémie fut entraîné, bien malgré lui (Jer 24:8 41:1743:7 44:1,2Ro 25:26), sur la route que devaient reprendre un jour,d'après l'Évangile de l'enfance, Joseph et Marie (cf. Mt 2:13 etsuivant et l'application symbolique du verset 15). La responsabilitédes pharaons dans les malheurs survenus au peuple élu reparaît unedernière fois au ch. 44 de Jérémie (Jer 44:30) où le prophète,mettant le pharaon Hophra sur le même pied que Sédécias le parjure,dit: «Ainsi parle l'Éternel: Je vais livrer le pharaon Hophra, roid'Egypte, entre les mains de ses ennemis, comme j'ai livré Sédécias,roi de Juda» --C'est alors qu'intervint la Perse, qui ouvrit un chapitrenouveau de l'histoire en s'emparant de la Mésopotamie, de laPalestine et de l'Egypte qui fut réduite en satrapie (525 av.J.-C).--Les Judéens ou Juifs prospérèrent en Egypte sous ladomination perse. Ils y étaient même si nombreux qu'un temple àJéhovah appelé «temple de Jahou» avait été élevé pour eux àÉléphantine. Il existait déjà lorsque Cambyse envahit l'Egypte. Lepapyrus araméen qui nous en parle raconte qu'on détruisit alors tousles temples des idoles, mais que les Perses respectèrent le temple deJahou (papyrus de la dix-septième année de Darius II, 408 ou 407 av.J.-C.). --De la domination perse, les Juifs d'Egypte passèrent sous ladomination grecque. La succession d'Alexandre donna l'Egypte auxLagides. En Egypte plus encore qu'en Palestine le judaïsmes'hellénisa, et Ptolémée Philopator (221-203) essaya de rallier lesJuifs à son dieu patron Dionysos, en leur faisant accroire queJéhovah Tsebaoth n'était autre que Sabazios (surnom du Dionysosphrygien). Mais cette tentative, qui dénotait plus d'esprit que dediscernement, échoua. Ptolémée Philadelphe (284-247), mieux inspiré,avait déjà fait traduire en grec pour la bibliothèque d'Alexandrieles saints livres des Juifs. Les Juifs hellénisés s'attachèrentpassionnément à cette traduction des «livres par excellence»: Biblia. Alexandrie, patrie d'Apollos, devint le centre de lascience juive des Écritures. (cf. Ac 18:24 et suivant) Son plusgrand docteur fut Philon, contemporain de Jésus-Christ. On sesouvient que les Juifs d'Alexandrie s'étaient dressés comme lesadversaires d'Etienne à Jérusalem (Ac 6:9). Ce fut pourtant ladoctrine d'Etienne qui l'emporta, et Alexandrie donna auchristianisme sa première grande école chrétienne, dont Clément etson disciple Origène furent les plus illustres représentants. --La tradition ecclésiastique attribue à l'évangéliste Marc lafondation de l'Église d'Alexandrie. Eusèbe précise même qu'en lahuitième année de Néron (an 62) Annien succéda à Marc sur le sièged'Alexandrie. --L'Apocalypse (Ap 11:8) donne à la grande cité où gisentles cadavres des deux témoins de Dieu, le nom symbolique: Egypte;témoignant par là que, dans les milieux fervents de l'apocalyptique,l'empire des pharaons a gardé jusqu'à la fin son caractèred'irréductible adversaire du Royaume de Dieu. Alex. W.