ECRITURE

I Notions générales. Ecriture: en latin scriptura, de scribere ; en grec grapheïn, proprement creuser, graver. Cette étymologie rappelle lespremiers procédés rudimentaires par lesquels l'homme a essayé defixer la parole, au moyen de signes conventionnels appelés caractères(en grec kharas-seïn, en hébreu khârach, graver). Ces essaisdérivent évidemment de l'instinct qui, dès les premiers temps, apoussé l'homme à reproduire par le dessin ce qu'il voyait ou àtraduire quelques notions concrètes très simples. De cet ordre sontles traits verticaux (chez les Tartares et les Scythes) se rapportantà la numération. L'histoire de l'écriture se ramène en gros à deux grandes étapes:l'écriture idéographique et l'écriture phonétique 1. L'écriture idéographique s'attache à rendre, par des dessinssommaires, des objets d'abord, des idées ensuite. Dans le premiercas, les caractères sont de véritables images; dans le second, dessymboles. Le système le plus ancien comme aussi le plus compliqué estcelui des Chinois qui, par le pinceau, se sont appliqués à rendre lesprincipales notions de la vie courante. Les dessins sont desreprésentations; le soleil, par exemple, était figuré par un disque;le sens de la vue et le spectacle, par un oeil ouvert. L'écriture, dans le sens original de gravure, est d'inventionassyrienne. La, pointe, en attaquant la pierre, y faisait une sorted'éclat figurant assez bien la tête d'un clou. De là le terme de cunéiforme Il appartenait aux Égyptiens de développer, jusqu'aux analysesles plus subtiles du sentiment, l'écriture idéographique: C'estl'écriture hiéroglyphique, avec ses variantes hiératique etdémotique. Il est impossible de résumer ici les procédés multiplesemployés par les Égyptiens; bornons-nous à dire que les caractèressont figuratifs lorsqu'ils donnent les images directes des objets,celle d'un boeuf, par exemple, pour désigner cet animal; symboliqueslorsqu'ils indiquent seulement le sens qu'on veut exprimer. Ainsi unhomme courbé exprime l'idée d'âge; une plume d'autruche l'idée dejustice, parce que toutes les plumes de cet oiseau sont d'égalelongueur. Enfin les caractères peuvent être déterminatifs, désignantdes classes entières d'êtres ou d'objets (homme agissant, personnagesacré, parfums, astres, etc.). 2. La complication de ces divers systèmes devait amener les hommes àfixer les sons plus que les idées et à créer ainsi une écriturephonétique. Pour une langue telle que le chinois qui comporte 1.260syllabes, cette nouvelle écriture n'apportait pas une simplificationbien grande. Les Assyriens et les Égyptiens ont eu recours, euxaussi, du moins partiellement, à l'écriture phonétique, mais sansréussir à dégager un système assez simple pour s'imposer à tous lespeuples. Ce fut là l'oeuvre des Sémites. L'alphabet par eux découvertconstitue le grand pas dans l'histoire de l'écriture et l'une desplus prodigieuses inventions humaines. II L'alphabet. Les savants discutent encore pour savoir de quelle écriture il dérive(égyptienne, égéenne, babylonienne); mais il est établi désormais queles Phéniciens en furent les géniaux inventeurs. En distinguantvingt-deux sons simples et en les notant, avec des caractères aussisimples que distincts, le petit peuple du littoral syrien se séparaitradicalement par son écriture de tous les systèmes compliquésjusqu'alors usités. De l'alphabet phénicien sont nés tous les autreset il est remarquable que les Grecs l'aient imité très étroitement aucours du IX e siècle av. J.-C. L'alphabet phénicien, en même tempsque phonétique, était figuratif: le daleth peut, par exemple,représenter une porte; le lamed, un fouet ou un aiguillon. Laplus ancienne inscription alphabétique que nous possédionsactuellement (1930) est celle du sarcophage d'Ahiram, roi de Byblos(fouilles Montet, 1923), inscription gravée qui datevraisemblablement des environs de 1275-1280 av. J.-C. A noter aussiqu'à la 8 e campagne des fouilles de Byblos (1929), une inscriptionénigmatique et non encore déchiffrée pourrait fort bien représenterun des stades antérieurs, témoins des essais qui précédèrentl'invention de l'alphabet. La découverte, en 1929, à Ras-Shamra (surla côte, à 170 km. au Nord de Byblos), d'une écriture alphabétique,sans doute phénicienne, mais en caractères cunéiformes, est unélément nouveau qui doit s'ajouter à l'histoire encore peu nette del'origine de l'alphabet.III L'écriture en Israël. La Bible ne nous donne aucun renseignement sur l'origine del'écriture. La Genèse, qui renferme les traditions hébraïques surl'origine du monde et de certains arts, ne mentionne ni écriture nilivre, mais le cachet (Ge 38:18)avec lequel on scellait les lettres. La première fois que nousrencontrons les mots écrire et livre, c'est dansl'Exode (Ex 17:14 31:18 32:16). Ce silence n'a riend'étonnant si l'on songe que tous les peuples attribuent l'écriture àune révélation divine. Chez les Égyptiens c'est Thoth, chez lesBabyloniens Oannès qui sont considérés comme les inventeurs divins del'écriture. D'après Ex 32:15 et suivant une pareille traditiondevait exister chez les Israélites. Ésaïe (Esa 8:1) parle d'uneécriture «humaine» (ènôch) pour la différencier probablement del'écriture divine. Les caractères de l'hébreu archaïque offrent unefrappante ressemblance avec l'écriture phénicienne, ce quis'explique, car les Israélites empruntèrent l'écriture à leursvoisins de Phénicie. Quant à l'écriture hébraïque actuelle, à lettrescarrées, que Jésus a connue, le Talmud la désigne sous le nomd'écriture assyrienne. Il prétend que les Juifs l'ont rapportée del'exil et qu'Esdras s'en est servi pour transcrire les livres sacrés. L'alphabet israélite comprend vingt-deux lettres quicorrespondent à une trentaine de sons. Il ne comporte pas devoyelles. La plupart de ces lettres désignaient par leur nom desobjets auxquels elles ressemblaient, tels le vâv, piquet, le tâv, croix. Sur l'ordre de succession de ces lettres nous sommesrenseignés par les morceaux poétiques dits alphabétiques (voir cemot). Comme l'arabe et d'autres langues sémitiques, l'hébreu s'écrit dedroite à gauche, et du haut en bas de la page comme toutes leslangues européennes. On connaît de rares exemples, plus communs dansles vieilles inscriptions grecques, d'écriture changeant de directionà chaque ligne, c'est-à-dire tracée alternativement de droite àgauche et de gauche à droite, à la façon du laboureur creusant dessillons; d'où le nom donné à ce genre d'écrit: boustrophédon (grec bous =boeuf, stréphe In =tourner). L'A.T, renferme quelques documents qui peuvent remonter à uneépoque antérieure à David (Ge 4:23 et suivant, No 21:17,Jos10:12 et suivant, etc.). Mais ce n'est qu'avec David qu'il estquestion pour la première fois d'un scribe officiel (2Sa 8:17);quant à la date où l'écriture aurait été employée pour la premièrefois en Palestine, on en est réduit aux hypothèses, Il est probableque dès avant leur établissement en Canaan, les Israélitesconnaissaient, sans peut-être l'employer, l'écriture hiéroglyphique.Peut-être avaient-ils quelques spécialistes versés dans laconnaissance de l'écriture; lorsque les immigrés furent fixés enCanaan, ils empruntèrent sans doute le langage et l'écriture deshabitants; peut-être même des maîtres furent-ils mandés de Phéniciepour populariser leur science. Les plus anciens documents en caractères hébraïques que nouspossédions sont le «calendrier agricole» de Guézer, les «ostraca» deSamarie et de Beth-Sémès (IX e siècle), divers cachets (le plus connuest celui de Chema, serviteur de Jéroboam, VIII e siècle) et lacélèbre inscription de Siloé, commémorant la percée du tunneld'Ézéchias (2Ro 20:20,2Ch 32:2,3,30), du VIII e siècle aussi. On ne connaissait pas d'autres signes graphiques que des lettres,dont les diverses combinaisons représentaient des chiffres. Laséparation des mots par des traits diviseurs n'était pas communémentemployée, ce qui a provoqué de nombreuses erreurs dans le texte del'A.T. Quant à l'orthographe, elle a été fixée par l'histoire du mot,conservant ainsi, très probablement, des éléments d'une prononciationantérieure: elle est étymologique autant que phonétique. Del'influence de la phonétique on a un exemple caractéristique dansJug 12:6 à propos de la prononciation du mot schibboleth Tableau: ALPHABET HÉBREU ALPHABET GREC La diffusion de l'écriture et les circonstances historiques(Influence des peuples voisins, exil, etc.) modifièrent par la suitela forme de l'écriture archaïque (dont la variété s'est perpétuéedans l'écriture samaritaine). Des papyrus, récemment découverts àÉléphantine et datant du V e siècle, portent une écriture plus aisée,plus cursive. L'hébreu dit carré, à cause de la forme de sescaractères, pourrait remonter, suivant la tradition, au tempsd'Esdras, mais historiquement on doit le dater du II e siècle avantnotre ère (200-150). Il diffère considérablement de l'hébreu ancien.Un siècle environ après l'ère chrétienne, il fut supplanté par lesyriaque, bien qu'on le retrouve postérieurement sur des pièces demonnaie. A ce moment, il fut élevé par les rabbins au rang d'écrituresacrée. Parmi les modifications qu'ils apportèrent pour renforcer lecaractère hiératique de l'écriture, il faut signaler la création des points-voyelles. Cette création remonte probablement au VI esiècle de notre ère; le Talmud, en effet, composé vers le IV esiècle, n'en porte pas de trace, mais les premiers manuscritsbibliques, qui sont du XI e siècle, ont ajouté au texte la notationnouvelle. Les Juifs du Caire, ayant transcrit le texte sacré encaractères arabes, n'eurent pas à utiliser les points-voyelles; lesdocuments profanes ne les comportent pas non plus, ce qui confirme lecaractère hiératique de cette écriture. Parmi les autres signes ajoutés aux lettres, il faut signaler les puncta extraordinaria, c-à-d, exceptionnels, sans doute assezanciens (par ex. dans le texte hébreu de Ge 33:4). La rature estdésignée par un terme signifiant essuyer, effacer (Ex 32:33), cequi pouvait se faire parfois avec de l'eau (No 5:23). Aux tempsrabbiniques, on voit apparaître un mot signifiant gratter (comp,l'image employée par saint Paul dans Col 2:14). Aprèsl'achèvement du Talmud, on crée tout un système de signes indiquantla vocalisation, en vue de la lecture publique. Les variantes connuessous le nom de qeri (=ce qui se prononce), par opposition à kethib (=ce qui est écrit), datent d'époques diverses. Pour leprocédé d'écriture cryptographique appelé atbach, voir Sésac. IV Les écrivains. Nous ne sommes pas renseignés explicitement sur le degréd'instruction des Israélites. Ce fut probablement d'abord leprivilège des classes élevées. Mais l'écriture devait être assezgénéralisée aux IX e et VIII e siècle (Jer 36,De 6:9 24:1). Lesostraca, les anses estampillées, prouvent que les simplestravailleurs savaient écrire, de même qu'au XIII e siècle un modestecontremaître pouvait déjà tracer une inscription sur le puits d'unetombe royale de Byblos. Si, d'après le Deutéronome (De 31:24),Moïse transcrit lui-même la Loi, si les rois écrivent de leur propremain (De 17:18), le livre de Samuel (2Sa 8:17) mentionnepourtant auprès de David la présence d'un secrétaire ou chroniqueur. Jézabel écrit des lettres (1Ro 21:8), de mêmeJéhu (2Ro 10:1); le roi de Syrie en expédie, lui aussi, au roid'Israël (2Ro 5:6); Ézéchias en reçoit de ses adversaires, lesrois de Babylone et d'Assyrie (2Ro 20:12 19:14). Jusqu'à l'exil l'écriture fut surtout employée dans les actesofficiels: chroniques gravées sur la pierre, notes royales, contratsde vente, lettres de divorce (Jer 3:8 32:14). La conception dela Loi comme document écrit date d'après l'exil; auparavant, c'est latradition orale qui avait été le véhicule exclusif de l'histoire; lesévénements du passé étaient commémorés par des cérémonies dont lesens était fourni oralement. Le père était l'instructeur dufils (Ex 13:8). La formule de la tradition historique est fourmepar Ps 44:2: «Nous avons entendu de nos oreilles et nos pèresnous ont raconté.» V Les matériaux. Comme les autres peuples, les Hébreux ont écrit sur toute surface,plane ou courbe, quelle qu'en fût la matière ou la forme: pierres,briques, tessons de poteries (appelées aujourd'hui ostraca), métal, feuilles ou écorces, tablettes de bois enduites de cire, peauxpréparées, papyrus, parchemin, etc. Le terme hébreu kâthàb ne nous apprend rien sur la nature desmatériaux employés; le terme, ainsi qu'il' apparaît par l'analogiearabe katîbah (régiment), doit s'entendre d'une liste, d'unrôle (Jug 8:14,Esa 10:19,Os 8:12). L'A.T, mentionne toutefois uncertain nombre de matériaux communément employés. No 17:3signale de grossiers morceaux de bois; ce procédé développé aboutit àdes tablettes ou à des lames de bois poli (Eze 37:16). Lesinscriptions dans la pierre furent remplacées par des textes, souventassez longs, gravés selon la pratique des Babyloniens et desAssyriens (Ex 24:12), sur des tablettes d'argile, réservéesd'abord aux actes juridiques, et généralisées après le VIII e siècle,pour les relations épistolaires. Les tablettes de Tell el-Amarnadatent de 1380 av. J.-C. Jer 32:10,12 fait allusion à une telletablette d'argile, renfermée dans une enveloppe de même matière. Les métaux, l'or, l'argent, mais surtout le plomb, taillés enlamelles polies, ont été très employés. On gravait ces lames au moyend'un style ordinairement à pointe de fer, plus rarement à pointe dediamant (Jer 17:1). Parfois, dans les caractères ainsi tracés,on coulait du plomb pour en prolonger la durée (Job 19:24). Pour de brèves lettres, contrats, notes scolaires, on utilisaitdes lames de bois enduites de cire (Lu 1:63), la surface de cireétant protégée par un cadre de bois en relief. On assemblait parfois,au moyen d'une lanière, deux ou trois tablettes (diptyque,triptyque), et on y joignait aussi une sorte de poignée pour lessuspendre. Vers la fin de la royauté, les tablettes de cire, encombrantes etfragiles, furent remplacées par des rouleaux de papyrus (Jer36:2,Esa 34:4,Ap 6:14). Le papyrus (voir Jonc, Papyrus), fabriquédès la plus haute antiquité en Egypte, avec la fibre d'un roseau de 4à 5 mètres, apparaît en Palestine avant la fin du VII e saint Pour lepréparer, la plante était découpée en bandes très fines, dans le sensde la longueur; ces bandes étaient placées les unes sur les autres enangle droit. Puis le tout, pressé et gommé, constituait une sorte depâte homogène que l'on polissait à l'aide d'une pierre ponce ou d'uncoquillage rugueux. Les dimensions ordinaires de chaque feuilleétaient de 7 cm. 1 /2 à 22 cm. 1 /2 de large sur 15 cm. à 48 cm. delong. Pour la transcription de textes étendus, on collait lesfeuilles les unes à la suite des autres; on cite des rouleaux quidépassaient ainsi 40 mètres. Chaque rouleau constituait un livre (biblos). On écrivait généralement sur le côté du rouleau où lesfibres étaient rangées horizontalement; la feuille était enrouléeensuite autour d'un cylindre (omphalos) dont les bouts (kerata) dépassaient. Les bords du rouleau étaient. enfin limés àla pierre et colorés, généralement en noir. Les rouleaux composant unmême ouvrage portaient, sur leur bord extérieur, une petite bandeavec le titre (sillubos) et étaient placés ensuite dans uncoffret (kistè, kibôtos). L'absence d'étiquette provoquaitnaturellement des erreurs; il est possible que le fragment Ro16:1,23 ait ainsi formé un rouleau séparé, confondu à un certainmoment avec les rouleaux contenant l'épître aux Romains (voir art.). Pour protéger les rouleaux des souris, on les trempait dansl'huile de cèdre; mais on ne pouvait les garantir de l'usure et descassures. Le bord extrême du rouleau se détériorait rapidement; laperte de la finale de Marc peut être due à un accident de ce genre. Parallèlement à l'emploi du papyrus, et peut-être à une époqueplus ancienne, les Hébreux confièrent leurs écritures à des peaux (diphtkéraï). Le roi de Pergame, Eumène II, perfectionna letravail des peaux en vue de l'écriture, et les peaux ainsitravaillées, non tannées mais macérées dans du lait de chaux etpolies, portèrent dans la suite le nom de leur lieu d'origine (pergamènè, adjectif), d'où le terme de parchemin. Les instruments employés pour l'écriture variaient naturellementsuivant les matériaux. Nous avons déjà parlé du stylet (stulos), tige pointue, en bois, en ivoire ou en métal, terminée parfois parune partie plate pour étaler la cire. L'A.T, ne mentionne pas laplume; le burin de fer de Job 19:24 est une sorte de ciseau àfroid pour entailler la pierre; et le crayon du charpentier de Esa44:13 devait être un style, ou pointe métallique, pour marquer lebois. Pour écrire sur le papyrus ou le parchemin, on employait le calante, roseau taillé en pointe. L'encre est mentionnée dansJer 36:18. Elle était probablement faite de suie, de finepoussière de charbon de bois et de gomme, le tout dilué dans del'eau. D'après Ex 32:33 et No 5:23 cette encre pouvait êtreeffacée. Le terme qu'emploie le N.T. pour encre (melari) serencontre trois-fois: 2Co 3:3,2Jn 1:12,3Jn 1:13. -L'écritoire de Eze 9:2 était un encrier attaché par unelanière à la taille. Nous aurons signalé tous les instrumentsutilisés par les Israélites en mentionnant enfin l'éponge (spoggos) pour nettoyer le calame et effacer, et le canif (xuron) pour tailler et gratter (Jer 36:23). Une règle deplomb (kanôn) servait à tracer les lignes et les marges (d'oùl'expression figurée de saint Paul dans Ga 6:16); certainsmanuscrits portent encore les traces d'un compas dont l'écartementréglait les colonnes. Voir l'art, sur les Papyrus. A. W. d'A. et A. P.