DOUTE

Par son étym. même (le mot latin dont il dérive vient du mot quisignifie deux), le mot «doute» indique une dualité dans lapensée, qui se trouve sollicitée, tiraillée dans deux directionsdifférentes sans pouvoir se décider pour l'une ou pour l'autre. Dans ce sens, qui n'a rien de nécessairement religieux ou demoral, il est simplement synonyme d'incertitude, de perplexité,d'hésitation. Dans d'autres cas, et le plus souvent dans l'Écriture sainte, leterme a une signification nettement spirituelle. Il évoque parfoisdans la pensée de l'auteur sacré l'image d'une épave ballottée par lahoule (cf. Jas 1:6, à rapprocher de Eph 4:14), ou encore leva-et-vient d'un éventail (cf. encore Jas 1:6, dans le textegrec). Dans ces passages le doute apparaît comme l'antithèse même dela foi religieuse et chrétienne, comme aussi dans Mt 14:31 21:2128:17,Lu 24:38,Ro 4:20,Eph 4:14. Le doute ainsi défini est jugé et sévèrement condamné parl'Écriture, non seulement parce qu'il constitue une offense à l'égardde Dieu et du Christ, dont il refuse d'accepter le témoignaged'amour, mais aussi à cause de ses effets, de ses répercussionsprofondes dans la vie spirituelle et morale de celui qui doute. Si,en effet, une foi absolue peut transporter les montagnes et rend lesdisciples capables de faire les mêmes oeuvres que le Seigneurlui-même, (cf. Mt 17:20 21:21,Jn 14:12) par contre, une foimêlée de quelque soupçon ou de la crainte de se tromper estdépouillée de toute puissance. Le doute neutralise en quelque sorte l'action de Dieu (par ex.dans le cas de Pierre marchant sur le lac et s'enfonçant dans leseaux, Mt 14:22-33); il rend impossible l'exaucement de laprière: «Que cet homme-là, dit Jacques (Jas 1:7) à propos dudouteur, ne s'attende pas à obtenir quoi que ce soit du Seigneur.» Aussi l'Écriture s'élève-t-elle à plus d'une reprise contre cettedualité de l'âme, cette inconstance, cette indécision qui impliquetoujours de la défiance à l'égard de Dieu, de sa réalité, ou de sasagesse, de son amour, de sa puissance. «Jusqu'à quand clocherez-vousdes deux côtés? disait déjà le prophète Élie au peuple d'Israël; sil'Éternel est Dieu, suivez-Le, et si c'est Baal, suivez-le!» (1Ro18:21, cf. Ps 119:113). Voir aussi, dans le N.T., la parole deJésus à propos du serviteur qui veut servir deux maîtres (Mt6:24), et le texte de Jas 1:8 qui censure «l'homme à l'âmedouble». (cf. Jas 4:8) Naturellement, le doute condamné par l'Écriture sainte comme unemarque de défiance à l'égard de Dieu ou de son Christ n'a rien à voiravec ce qu'on appelle en philosophie le «doute méthodique», à lafaçon dont l'entendait et l'a pratiqué Descartes: on désigne par làun état d'esprit provisoire, procédant du désir d'être dans la véritéet de ne se rendre, en somme, qu'à bon escient. «C'est une partie debien juger que de douter quand il faut.» (Bossuet, Traité de laconnaissance de Dieu et de soi-même, ch. I). Mais cette dispositionde l'âme, parfaitement légitime, louable même, et qui peut persistersans danger, devenir permanente sans inconvénient quand le douteporte sur des choses sans importance pour la vie morale etreligieuse, devient coupable, en se prolongeant, toutes les fois quela vie spirituelle est en jeu. Le doute persistant peut devenir une véritable maladie del'esprit, désignée par le mot de scepticisme --Pour le doute présumé de Jean-Baptiste,voir(Mt 11:2 et suivants) Jean-Baptiste. M. M.