DOUCEUR

Dans les livres saints la douceur semble être d'abord simplement unevertu recommandable. Moïse est présenté comme «très doux, plus qu'aucun homme sur lasurface de la terre» (No 12:3, cf. Sir 45:4);pourtant il tue l'Égyptien (Ex 2:12), s'irrite (Ex 11:832:19), commande des tueries (Ex 32:27); il incarne bienl'idéal pour les Israélites de cette époque: sans faiblesse nipoltronnerie, mais aussi sans cruauté ni méchanceté préméditée;c'était un homme fort et vaillant mais patient et capable de pitié. Plus tard, les moralistes célèbrent la douceur de caractère, dansles paroles et les actions (Pr 16:21,24), y voient même unattribut de Dieu (Sag 16:21). Mais cette qualité a pris un sens deplus en plus religieux. Durant les périodes d'invasions et de guerrespresque incessantes, les violents, les belliqueux, les ambitieux, lesorgueilleux, se mettant en avant, devinrent généralement lespuissants, les respectés, tandis que les gens pieux, désintéressés,pacifiques, furent ignorés, méprisés, opprimés. (cf. Ps10:2,8,10) Ils constituèrent le milieu des «pauvres», des«humbles», souvent mentionnés par les Psaumes (cf. Ps 12 Ps 37 Ps69 Ps 88 etc.) et diverses apocalypses, et pour qui richesse esttrop souvent synonyme d'injustice. A l'époque de Jésus, ils sont devenus les messianistes; ilsforment «le faible reste» fidèle à Jéhovah, ceux qui en marge de lareligion établie vivent saintement dans l'ombre, attendant «ladélivrance d'Israël» (Lu 2:25,29). Leur piété se nourrissait desÉcritures, se fortifiait par les prophéties messianiques; et ce sontles descendants spirituels des «doux» et des «pauvres» dont parlentPsaumes et Prophètes (Ps 9:13,19 10:12,18 37:11 72:2,4,Esa11:4), qui reconnurent en Jésus le Messie promis, l'envoyé de Dieu,le Roi qui devait venir plein de douceur (Mt 21:5,Lu 1 et Lu2). Jésus les déclare «heureux» (Mt 5:3-12); la troisièmebéatitude (Mt 5:6), celle des débonnaires (ou doux), est unecitation de Ps 37:11. Jésus se donne à eux en exemple, car il est «doux et humble decoeur» (Mt 11:29); il aime leur humilité, lui dont le «joug estdoux» (Mt 11:30;voir Joug), «qui n'éteint point le lumignonfumant et ne brise pas le roseau froissé» (Mt 12:20, citation deEsa 42:3). Voir A. Causse, les Pauvres d'Israël, Strasb.1922. Les apôtres, en cela aussi, ont imité le Maître. Pierre, qui àGethsémané tira impatiemment l'épée, invite plus tard ses lecteurs àrépondre à leurs ennemis «toujours avec douceur» (1Pi 3:15).Jacques écrit: «Que tout homme soit lent à la colère», et encore:«Recevez avec douceur la parole» (1:19,21 3:13). Enfin Paul, l'ancienpersécuteur emporté, qui s'efforce d'avoir en lui les sentiments quiétaient en Jésus-Christ (Php 2:6), supplie par «la douceur duChrist.» (2Co 10:1), parle de sa propre douceur (1Th 2:7,2Ti3:10), invite ses lecteurs à rechercher cette qualité (Eph4:2,Col 3:12,Php 4:5,1Ti 6:11,Tit 3:2), principalement quand ils'agit de blâmer le prochain (Ga 6:1,2Ti 2:25 4:2), et il ladésigne comme un des fruits de la vie nouvelle en Christ (Ga5:22). La douceur de cette communion avec Jésus-Christ a été chantée parsaint Bernard de Clairvaux dans la célèbre poésie Jésus dulcismemoria: «De Jésus la souvenance--Donne à l'âme un vraibonheur:--Douce en est la jouissance,--Mais sa divine présence--Dumiel passe la douceur...» (Trad. Théod. Monod, Psaumes et Cant., recueil synodal réformé, n° 142.)