I. Dans la Bible l'adoration est en premier lieu un hommage rituelrendu à la divinité. Le terme hébreu châkhâh et le terme grec proskunèsis traduisent exactement le geste de l'adoration, carles deux signifient: se prosterner devant quelqu'un pour luitémoigner son respect. Certains passages contiennent la descriptioncirconstanciée de la cérémonie; ainsi: «les anges se prosternèrentsur leurs faces devant le trône et ils adorèrent» (Ap 7:11), ou:«tombant sur sa face il adorera Dieu» (1Co 14:25). 1. L'adoration peut avoir différents motifs etcontenus. Dans la sphère des religions inférieures elle s'expliquepar l'intention qu'a l'homme de gagner les faveurs du dieu enadoptant une attitude d'extrême humilité. L'adorateur est commele vaincu qui «lèche la poussière» (Ps 72:9). Même les dieuxétrangers s'abaisseront devant l'Éternel et l'adoreront (Ps97:7) et toutes les îles des nations se prosterneront devantlui (Sop 2:11). Cette forme de l'adoration est comme un acte desoumission. Des sentiments plus élevés peuvent cependant inspirer l'adorationofferte à Dieu. Elle peut être un sacrifice de louanges, la glorification désintéressée de la majesté de l'Éternel. C'estainsi que les anges l'adorent; les cieux et la terre le célèbrent, lamer et tout ce qui s'y meut (Ps 69:36); les étoiles du matinéclatent en chants d'allégresse (Job 38:7). C'est ainsi que, surterre aussi, le peuple d'Israël, aux grands jours de fêtes, adore leSeigneur d'un coeur débordant d'actions de grâces (Ps 95:6 etsuivant Ps 99:9). Et David danse de toutes ses forces devantl'Éternel (2Sa 6:14). L'adoration peut ensuite être un acte de contemplation mystique .C'est ainsi que les séraphins s'inclinent devant la gloireinabordable du Seigneur (Esa 6:2). et suivants.Transportés par leur vision surnaturelle, les vingt-quatre vieillardsde l'Apocalypse «adorent celui qui vit aux siècles dessiècles» (Ap 4:10). Et sur la terre aussi, c'est ainsi qu'ilconvient d'adorer «le seul souverain, le Roi des rois et le Seigneurdes seigneurs, qui seul possède l'immortalité, qui habite une lumièreinaccessible, que nul homme n'a vu ni ne peut voir» (1Ti 6:15et suivant). Enfin l'adoration peut être simplement une prière invocatoire C'est ainsi que Josaphat et tout Juda se prosternentdevant l'Éternel, avant la bataille, implorant la victoire.(2Ch 20:18) 2. Quels sont les critères de la vraie adoration? LaBible en met en relief deux. D'abord l'adoration sera strictement monothéiste. A Dieu seul l'adoration! Jésus a, dans sa réponse auTentateur (Mt 4:10), renouvelé ce postulat inexorable eninvoquant le principe fondamental de la religion révélée (De6:16). Dans le même esprit, l'ange que le Voyant de l'Apocalypseprétendait adorer reprend celui-ci: «Garde-toi de le faire...AdoreDieu».--En (Ap 19:10 22:8 et suivant) second lieu, le Christjohannique, dans son entretien avec la Samaritaine, désigne commevraie adoration celle qui est présentée à Dieu en esprit et envérité. En esprit, elle sera conforme à l'essence même de Dieu qui,lui-même Esprit, est opposé au monde charnel, terrestre, limité dansle temps et l'espace; en vérité, elle exprimera non seulement laréalité essentielle de Dieu, mais aussi un état de conscience del'adorateur qui se réglera, de la façon la plus sincère, sur lasainte volonté de l'Eternel. La première épithète se rapporte avanttout à l'objet de l'adoration qui, spirituel, ne peut pas êtrehonoré par des offrandes appartenant au monde de la chair (Ps50:12-14), «comme s'il avait besoin de quoi que ce soit, lui quidonne à tous la vie» (Ac 17:25); la seconde épithète concerne endernier ressort le sujet religieux dont l'adoration ne doitcacher aucun hiatus entre l'hommage des lèvres et les dispositions ducoeur, entre la pratique cultuelle et la vie religieuse et morale.Cette adoration n'exclut pas les formes. Si le Christ récuse lescultes localisés de Sion et de Garizim, c'est précisément parce que,ici et là, les observances, rivées à un endroit prétendu sacré,paralysent l'adoration en esprit et, par suite, se déroulent enpratiques automatiques dénuées de vie interne et de vérité.II. De même que Dieu, Jésus-Christ est, dans le N.T., objet del'adoration des assemblées croyantes. Cet hommage lui est rendu commeau «Saint de Dieu» auquel les démons eux-mêmes demandentgrâce (Mr 1:24 5:6 et suivant), au Kyrios céleste et au roimessianique. C'est devant le Christ ressuscité que se prosternent lesfemmes à l'aube du jour de Pâques (Mt 28:9) et les disciples aujour de l'Ascension (Lu 24:52). C'est lui que vénère Thomas parle cri d'adoration: «Mon Seigneur et mon Dieu!» (Jn 20:28). Lascience moderne a découvert, entre les lignes de la Bible, lesouvenir du culte qu'on vouait au Christ-Seigneur dans la PrimitiveÉglise. Des savants (Wetter, Lietzmann) ont examiné les plusanciennes liturgies de l'Église et y ont découvert des éléments ayantappartenu à des couches littéraires antérieures. En remontant lecours de l'évolution, ils ont pu rattacher ces prières d'adoration àcertains passages rythmés et hymniques du N.T (Php 2:6-11). enl'honneur du Christ «au nom duquel tout genou doit fléchir, dans lescieux, sur la terre, et sous la terre...». On rencontre des élanssemblables d'adoration en l'honneur de «celui qui a été manifesté enchair..., etc.», dans les lettres pastorales (1Ti 3:16) et dansquelques fragments liturgiques de l'Apocalypse consacrés à la gloirede «l'Agneau» (Ap 5:12) ou du «lion de la tribu de Juda» (Ap5:5). On a appelé cette adoration de Dieu et du Christ une «adorationconcrète»; cela veut dire qu'elle n'est pas une vague méditation surdes choses divines, mais qu'elle est accompagnée d'un sentiment deprésence; l'âme, placée face à face avec ce qui est plus qu'elle, seprosternera devant la source de sa vie, l'amour du Père en Christ.III. La Bible parle cependant aussi d'une pros-kunèsis rendueà des êtres ou objets qui sont censés chargés de vertus surnaturelleset que cet hommage élèvera précisément à un rang surhumain. 1. C'est avant tout Satan qui, dans son orgueil oudans sa perfidie (Mt 4:9), réclame l'hommage de l'adoration. Onvoit dans l'Apocalypse des hommes se prosterner effectivement devantle dragon (Ap 13:14) (a) ou la bête (Ap 13:14). (b) 2. Aux démons sont assimilables les dieux étrangers, avant tout Baal (1Ro 16:31), leurs images (Ap 14:11) et, engénéral, les idoles d'or, d'argent, d'airain (Ap 9:20), depierre et de bois (Eze 20:32), que viennent adorer les infidèlesou les païens (Da 3:5). L'A.T. est rempli de lamentations à cesujet: les enfants d'Israël adorent le veau d'or (Ex 32:8), desidoles d'Astarté (2Ro 17:16), ils rendent un culte au soleil, àla lune et aux étoiles (De 4:19) et servent toute l'armée descieux (2Ro 21:3,Jer 8:2,Sop 1:5). Aussi le Décalogue, dès le Ier commandement, ordonne-t-il; «Tu ne te prosterneras pas devantelles» (les images) (Ex 20:5), et les prophètes ne cessent-ilsd'élever leur voix contre cette profanation de la gloire du Dieuvivant (Jer 13:10). 3. C'est enfin à des hommes qu'est rendu cet hommage dû à Dieu seul.On accomplissait le rite de l'adoration devant les rois de l'Orient,et l'une des formes les plus persistantes de la religion antique futle culte des empereurs. L'esclave aussi se prosterne devant sonmaître (Mt 18:26). Par ailleurs, ce sont des personnesilluminées ou des thaumaturges doués d'énergies surhumaines quiinspirent à d'autres un respect numineux et qui les obligent à seprosterner devant elles. C'est ainsi que Pierre, ne connaissant pasencore la nature du Seigneur, tomba à ses genoux, saisid'épouvanté (Lu 5:8); fil est vrai que ce récit pourrait aussiêtre l'écho d'un événement qui se placerait après la résurrection.D'autre part, Pierre lui-même vit Corneille tomber à sespieds (Ac 10:26). Et les gens de Lystre, croyant voir en Paul etBarnabas des dieux sous forme d'hommes, s'apprêtèrent à leur offrirdes sacrifices et à les adorer (Ac 14:11-13). Mais là encore laconscience monothéiste des apôtres du Christ réagit immédiatement, eton s'en tint au principe évangélique émis par le Seigneur:«Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul.».(Mt 4:10) R. W.