DÉBORA

(=abeille). 1. Nourrice de Rébecca, qu'elle accompagna quand sa maîtresse quitta safamille pour épouser Isaac (Ge 24:59). La Bible ne mentionne quele lieu de sa sépulture à Béthel, au pied du «Chêne despleurs» (Ge 35:8). 2. Prophétesse en Israël, de l'époque des Juges; femme de Lappidoth.Elle fut l'âme d'un puissant mouvement national et religieux, engroupant au nom de Jéhovah plusieurs tribus israélites dans la luttecontre les Cananéens, leurs ennemis communs. Son histoire est donnéepar deux documents distincts: un récit en prose (Jug 4) et unpoème (Jug 5), communément appelé «Cantique de Débora». D'aprèsla majorité des critiques, ce dernier morceau est fort ancien,contemporain des événements qu'il relate, et se trouve être ainsi undes plus vieux écrits bibliques que nous possédions. C'est un chantde guerre triomphal évoquant l'appel aux armes lancé par laprophétesse et célébrant avec enthousiasme la victoire de Jéhovah surles ennemis de son peuple. Le style en est très archaïque, les idéeségalement: Jéhovah est présenté comme résidant au désert et accourantau secours de son peuple pour la bataille (Jug 5:4). Leshésitations, puis le refus de plusieurs tribus de répondre à l'appelde Débora (Jug 5:15-17) reflètent un manque d'unité nationale,ce qui correspond bien à la situation d'Israël à l'époque des Juges. Ce morceau a une grande valeur poétique, et la conclusiondécrivant l'attente fiévreuse et vaine de la mère de Sisera dénotechez l'auteur un sens très fin du drame (Jug 5:28,30). Le récit en prose est plus récent et semble appartenir à E. Cen'est pas un simple résumé ni même une adaptation du poème; ilapporte plusieurs renseignements nouveaux sur la personnalité deDébora, sur Barak, sur le lieu du combat, qui complètent ceux du ch.5.Sur certains points, les deux récits présentent de notablesdifférences: D'après Jug 5:15, Débora semble être de latribu d'Issacar; d'après Jug 4:5, elle réside près de Béthel enÉphraïm; il est possible que le rédacteur ait identifié par erreur lepalmier de Débora avec le Chêne des pleurs au pied duquel étaitenterrée la nourrice de Rébecca (Ge 35:8). Le poème présente Sisera comme un roi, chef d'unecoalition de princes cananéens, le récit en prose en fait un simplegénéral au service de Jabin, roi de Hatsor. Or, sur ce point, le ch.4 présente plusieurs invraisemblances: Jabin est appelé roi deCanaan, ce qui est un anachronisme; il a été tué à la bataille desEaux de Mérom, gagnée par Josué (Jos 11:10), et sa ville deHatsor rasée: on pourrait admettre à la rigueur qu'il s'agit ici d'unautre roi du même nom, mais dans la suite du récit il n'est plusquestion de Jabin (sauf dans Jug 4:23, qui n'est pas primitif,venant de D) et l'auteur semble ne s'intéresser qu'au sort de Sisera.De plus, Hatsor est situé très loin au Nord du lieu où se trouvaitSisera et où se livra la bataille. Ces incohérences tendent à prouverque le récit en prose a inséré dans l'histoire du roi Siseracertaines données différentes de celles de Jos 11, maisrelatives au même roi Jabin. Voici comment l'on pourrait tenter de retracer les événements. Al'époque des Juges, les Israélites, nouveaux venus dans le pays,n'occupaient pas encore la plaine de Jizréel d'une façon définitive.Il restait des villes cananéennes non soumises (cf. Jug 1:27) etles rois ennemis étaient encore assez puissants pour espérer délogerles tribus hébraïques des régions montagneuses qu'elles occupaient auNord et au Sud de la plaine. Débora, une prophétesse, rendait desoracles dans une de ces tribus. Inspirée par Jéhovah, elle devintl'animatrice de la lutte contre les rois cananéens; elle gagna à sacause un chef de Nephthali, Barak, et lui fit connaître le plan decampagne qu'elle avait reçu d'une révélation divine. Plusieurs tribusrépondirent à leur appel, tandis que les plus éloignées restèrentneutres. Sous l'impulsion de Débora, elles prirent conscience de leursolidarité nationale et religieuse et saluèrent en l'Éternel leurroi, selon la véritable tradition d'Israël. Barak et ses hommes, dontl'enthousiasme était accru par la présence de la prophétesse,engagèrent le combat au mont Thabor contre un ennemi supérieur ennombre et en armement. Un violent orage ayant éclaté, le torrent deKison, gonflé par les pluies, gêna la retraite de l'armée cananéennequi fut anéantie. (cf. Jug 5:21) Sisera, son chef, s'enfuit etfut assassiné par Taël, femme d'un certain Héber, ami d'Israël. V A.Ch.