CONNAISSANCE

Une connaissance de Dieu est possible. C'est là un des postulatsessentiels de la foi chrétienne. Un Dieu absolument inconnaissableserait un Dieu complètement étranger à la piété et à la viereligieuse. Que les philosophes aient pu concevoir un tel Dieu, celane nous étonne pas, car ils se meuvent, en général, dansl'abstraction pure; mais les croyants, eux, n'ont que faire d'unetelle entité; ce n'est point d'idées abstraites qu'ils ont besoin,mais de réalités vivantes et concrètes. Sans doute, nous ne pouvonsprétendre connaître Dieu en lui-même, posséder de Lui uneconnaissance totale et adéquate. Il est, pour nous, incompréhensibleen ce sens qu'il nous est impossible de l'embrasser par la pensée etd'en faire, en quelque sorte, le tour. En face du mystère, nous nepouvons que nous prosterner dans un sentiment d'adoration. Mais il faut se garder de confondre inconnaissable etincompréhensible. L'inconnaissable est ce qui échappe à touteconnaissance; l'incompréhensible est ce qui déborde de toutes partsla connaissance que nous en avons. Nous croyons spontanément, dansnos rapports avec Dieu, que ce que nous saisissons de Lui est, sansdoute, limité, mais correspond à une réalité en Lui. Nous postulonsainsi une harmonie cachée et même une certaine ressemblance entreDieu et nous. «Dieu créa l'homme à son image» (Ge 1:27). Il vasans dire qu'il faut entendre cette parole dans un sens spirituel etque nous devons, par conséquent, rejeter tout anthropomorphismegrossier qui fait de Dieu un être à l'image de l'homme avec seslimitations et ses imperfections. Mais, d'autre part, nous affirmons qu'il existe une certainecorrespondance entre la nature de Dieu et notre nature humaine, detelle sorte qu'une connaissance de celle-ci doit rendre possible, paranalogie, une connaissance de celle-là. Mais si l'homme est apte à posséder une connaissance de Dieu, ilest incapable par lui-même de l'acquérir. Sans doute, lacontemplation de l'univers peut lui donner une certaine intuition desperfections du Créateur. «Les perfections invisibles de Dieu, sonéternelle puissance et sa divinité éclatent aux yeux depuis lacréation du monde, pour quiconque sait regarder ses oeuvres» (Ro1:20); mais cette intuition est bien précaire, car le Dieu qu'ellelui laisse parfois entrevoir est si loin de lui, caché encore partant d'énigmes insolubles! Trouvera-t-il alors dans sa raison cetteconnaissance de Dieu que lui refuse la nature? Mais encore ici, que d'obscurités! La pensée, fille de Dieu, estdéchue de sa dignité première; non seulement imparfaite, mais encorefaussée, pervertie par le péché, elle est sujette à toutes sortesd'erreurs et d'illusions. Si elle peut chercher Dieu, elle estincapable par elle-même de le trouver. «Dieu a permis, dans sasagesse, que le monde ne parvînt pas, avec sa propre sagesse, à leconnaître» (1Co 1:21, cf. 1Co 2:14). La connaissance que nous avons de Dieu est un don du ciel à laterre. Elle dépend, non de notre désir ou de notre effort, mais de lalibre initiative de Dieu qui, dans sa souveraineté et dans sa grâceprévenante, a bien voulu s'approcher de nous et se révéler à nous.«Ce qu'aucun oeil n'a vu, ce qu'aucune oreille n'a entendu, ce quin'est monté au coeur d'aucun homme, ce que Dieu a préparé pour ceuxqui l'aiment, c'est à nous que Dieu l'a révélé par sonEsprit» (1Co 2:9,10). La connaissance repose ainsi tout entière sur laRévélation (Jer 31:33,34,1Co 2:12,13,Eph 1:17,18); il n'est doncpas étonnant que les étapes de celle-ci marquent exactement lesprogrès de celle-là. En Jésus-Christ, nous avons non seulement lepoint culminant de la révélation ancienne, mais le point de départd'une révélation nouvelle. Du même coup nous est donnée une nouvelleconnaissance: la connaissance du Dieu-Père. Cette connaissance, nous ne pouvons l'avoir que par Jésus-Christ:«Toutes choses m'ont été transmises par mon Père, et personne neconnaît le Fils, excepté le Père, et personne ne connaît le Père,excepté le Fils et celui à qui il plaît au Fils de le révéler» (Mt11:27, cf. Jn 14:6,1Jn 5:20). Bien plus, elle est inséparablede la connaissance que nous avons de Lui, de sa personne: «Si vous meconnaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père...Celui qui m'a vu a vule Père...» (Jn 14:7,9). Il faut distinguer ici entre le savoir et la connaissance. Lesavoir est un ensemble de notions purement intellectuelles, quirestent extérieures à l'être auquel elles se rapportent. Laconnaissance, elle, implique toujours une relation personnelle, faited'intimité et de communion, qui dépasse les apparences pour saisir laréalité profonde et cachée. Elle est une pénétration, une prise depossession. Connaître Dieu, connaître Christ, c'est pouvoir avec unejoyeuse assurance dire: «Mon Père..., mon Sauveur..., mon Seigneur etmon Dieu!». (voir Jn 20:28,Php 3:8) L'apôtre Paul n'exprime-t-ilpas admirablement l'ambition de tout chrétien, lorsqu'il s'écrie:«Mon but est de le connaître, lui et la puissance de sarésurrection»? (Php 3:10, cf. Jn 17:3). Cette connaissance, à cause même de son caractère personnel, nepeut être accordée qu'à celui qui se met dans les conditions vouluespour la recevoir. Elle suppose d'abord une attitude d'humilité. Ilfaut que l'intelligence abdique tout orgueil et renonce à touteinitiative propre pour accepter simplement ce qu'elle est incapablepar elle-même de trouver. «Je te bénis, ô Père, ô Seigneur du ciel etde la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et auxintelligents et de ce que tu les as révélées aux enfants» (Mt11:25). «Nous renversons les raisonnements qui se dressent comme unrempart contre la connaissance de Dieu et, faisant prisonnière toutepensée, nous l'amenons à obéir au Christ» (2Co 10:5). Cetteconnaissance exige aussi une attitude d'obéissance, de soumissioncomplète de la volonté de l'homme à la volonté de Dieu. «Si quelqu'unveut faire la volonté de Dieu, il connaîtra si ma doctrine est deDieu...» (Jn 7:17). «Nul ne peut vivre dans le péché etconnaître Dieu» (1Jn 3:6). Elle réclame surtout un don total desoi que seul rend possible l'amour. «Celui qui aime est né de Dieu etconnaît Dieu. Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu estamour» (1Jn 4:7,8). Notre connaissance ne peut être ici-bas que limitée etimparfaite; mais elle est susceptible de grandir et des'épurer (Php 1:9,Col 1:9,10,2Pi 3:18). La loi de son progrèsest celle de la sanctification elle-même: la fidélité dans lacommunion avec le Sauveur. Quand cette communion sera devenueparfaite dans le ciel, la connaissance, elle aussi, aura atteint laperfection. «Aujourd'hui, nous voyons comme dans un miroir,confusément; alors, nous verrons face à face. Aujourd'hui, maconnaissance est limitée; alors je connaîtrai comme j'ai étéconnu» (1Co 13:12).Voir Gnosticisme. Alb. D.