Introduction: Les épîtres de la captivité On désigne ainsi les quatre lettres pauliniennes: Col., Philém.,Éph., Philip-piens. La dernière est indépendante. Les trois premièresont des rapports certains. 1° Col et Phm La situation est la même. Paul estprisonnier (Col 4:3,18,Phm 1:1,9,10,18). Archippe, Aristarque,Démas, Épaphras, Luc, Marc, Onésime, Timothée sont mentionnés de partet d'autre. Onésime, l'esclave de Philémon, est désigné dans Col4:9, comme habitant Colosses ou en étant originaire. Philémon etAppie, auxquels Paul écrit en particulier, ne figurent pas dans Col.;mais Archippe, salué dans l'adresse de Phm comme compagnon d'armes del'apôtre, est mentionné en Col 4:17, comme exerçant unministère, et, sans doute, à Colosses. Paul compte être libéréprochainement. Il se rendra chez Philémon, c-à-d. vraisemblablement àColosses (Phm 1:22). 2° Col et Eph La situation est également la même.Paul est prisonnier (Eph 3:1 4:1). L'envoi de Tychique estmentionné des deux parts en termes presque identiques (Col4:7,9,Eph 6:21,22). Les rapports de sujets et de termes sont plusfréquents que dans tout autre groupe de deux écrits du N.T.I Le contenu. 1. LE PLAN.La spontanéité d'une lettre ordinaire est à peu près incompatibleavec la fixation d'un plan strict. Les lettres pauliniennes, faitespour être lues dans les communautés, sont une espèce originale dugenre épistolaire. On y retrouve certaines directives, et, parfois,dans une grande liberté d'exposition et d'expression, un cadregénéral, plus ou moins bien tracé. Ainsi, l'on distingue, dans Col.,trois parties précédées d'un préambule et suivies d'une conclusion.Elles peuvent se caractériser, très librement, comme: 1° didactique; 2° polémique; 3° pratique.PRÉAMBULE (Col 1:1-14). 1° La salutation initiale (Col 1:1,12). Qqsmanuscrits récents (K, P), suivis par le T. R., font adresserl'épître aux Colossiens. Godet y voit une corruption populaire etprimitive, adoptée par l'apôtre; on peut, en préférant le témoignagedes manuscrits les plus anciens, supposer une erreur de copiste. 2° L'action de grâces (Col 1:3-8) renseigneindirectement sur les qualités des lecteurs, tandis que 3° l'intercession (Col 1:9-11) indique déjàce qui leur fait défaut. 4° Une reprise de l'action de grâces ,(Col 1:12-14) en mentionnant le Christ, introduit la I re partie.I PARTIE DIDACTIQUE (Col 1:14-29). 1° La personne du Christ (Col 1:15-19) a unevaleur universelle dans l'ordre de la création comme dans celui de larédemption; toute plénitude habite en lui. 2° L'oeuvre du Christ (Col 1:20-29) est lerassemblement, la réconciliation de toutes choses en lui et avecDieu, l'universelle paix par le sang de sa croix. La conversion despaïens est l'une des phases de son triomphe. Sur ce point, l'apôtreidentifie sa tâche missionnaire avec l'oeuvre du Christ; d'oùl'intérêt qu'il porte à ses lecteurs et la validité de sa lettre.II PARTIE POLÉMIQUE (Col 2:1,23).Les Colossiens ont tout pleinement en Christ. La croix est, pour eux,le moyen d'une entière délivrance (verset 8,15). Qu'ils aient doncune pleine certitude; qu'ils résistent aux suggestions de quelquesvisionnaires orgueilleux et charnels, dont les discours trompeurs etla vaine philosophie masquent le retour aux prescriptionsélémentaires, en même temps que le formalisme et l'hypocrisie (v.1-8,16-23).III PARTIE PRATIQUE (Col 3:1-4:6).La mort et la résurrection du Christ, assimilées par le chrétien,sont le principe des vertus chrétiennes (Col 3:1-4,9,10).L'apôtre en indique un certain nombre, au gré de ses préoccupationsdu moment et de ses associations d'idées, tantôt sous la formenégative de la défense (Col 3:5-8), tantôt sous la formepositive du commandement (Col 3:12 et suivant).CONCLUSION (Col 4:7-18).Tychique, auquel Paul associe Onésime, donnera aux Colossiens desrenseignements complémentaires (voir 7- 9). Après des salutations(verset 10,14) et des recommandations finales (voir 16, 18a),l'épître s'achève par une bénédiction (verset 18). 2. LA LANGUE, LE STYLE ET LES IDÉES. 1° La langue est celle des autres lettrespauliniennes, avec des particularités sans importance: 34 «hapax»,une certaine rareté de quelques particules, une abondance relative determes composés, la fréquence du mot: tout. Le style estgénéralement plus embarrassé, moins nerveux que celui des épîtresantérieures. 2° Au point de vue des idées. Col se caractérisepar le développement de sa christologie. Le Christ a la préexistence(Col 1:15,17), l'universelle suprématie (Col 1:17,18 2:10,15), la divinité(Col 1:15 2:9). Son oeuvre est créatrice et rédemptrice. Sa rédemptionaune portée cosmique (Col 1:16,17,20); elle prépare et réalisel'accomplissement de tous les plans de Dieu.II L'authenticité et l'intégrité. 1. L'AUTHENTICITÉ. A. Les témoignages des premiers siècles sont nombreux etcertains, à partir de Marcion et de Justin Martyr (vers 140). B. La thèse de l'inauthenticité, émise incidemment parEvanson (1792), a été développée par Baur (1845): Col serait un écritgnosticisant dirigé contre l'ébionitisme judéo-chrétien du II esiècle, et destiné, en même temps, à lui trouver un terrain d'ententeavec le pagano-chris-tianisme paulinien. En 1857, Ewald, suivi parRenan, attribue Col à Timothée. La thèse de Baur a été reprise parquelques rares critiques, dont les opinions se détruisent les unesles autres. C. L'argumentation repose principalement sur lesparticularités de langue, de style, d'idées, sur les hérésiescombattues, sur les rapports avec Ephésiens D'autres épîtres pauliniennesont des particularités aussi importantes, et que les circonstanceslégitiment. Les passages de Col où le style est embarrassé sontjustement ceux où se rencontrent des notions que Paul n'avait pasencore développées (Dibelius). Ces notions étaient d'ailleurs engerme dans les épîtres antérieures: la souveraineté du Christ, dans1Co 15:24-28; sa préexistence, dans 2Co 8:9; (cf. Ro8:29) son oeuvre créatrice, dans 1Co 8:6; la valeur cosmiquede sa rédemption, dans Ro 8:18 et suivant; sa divinité, dans2Co 4:4. L'hérésie combattue dans Col est impossible àdéterminer. C'est l'aveu de Hilgenfeld et de Weizsoecker. Ceux qui sesont crus plus habiles ont émis à peu près autant d'avis qu'ilsétaient de critiques. Les tendances gnostiques, vagues etmultiformes, permettent rarement des précisions de date. Leursorigines remontent aux grands courants de syncrétisme religieux dontla plupart sont antérieurs au christianisme. Sur l'argument tiré desrapports entre Ephésiens et Col.,voir Éphésiens, II,1°. Sur l'authenticitéde Col nécessitée par celle de Philém.,voir Philémon. La thèse de l'inauthenticité crée plus de difficultés qu'ellen'en résout. Un faux, de caractère aussi paulinien et d'une tellevaleur spirituelle, ne s'explique pas plus qu'il ne se justifie. 2. L'INTÉGRITÉ.a été contestée principalement par Holtzmann en 1872 (voirÉphésiens); von Soden, Soltau, Delafosse l'ont suivi, chacun avec sonpoint de vue très différent des autres, les uns retenant un fondpaulinien important, les autres peu de chose. Le propre de ces thèsesest de supposer à l'intérieur de l'épître, soit des contradictions,soit un développement. La grande majorité des critiques de diversesnuances (Reuss, Sabatier, Farrar, Godet, Dibelius, Goguel, etc.)admettent son authenticité et son intégrité.III La composition. 1. LES CIRCONSTANCES. A. La situation de Paul (cf. Introd.). B. La situation de l'Église. Elle n'est pointalarmante (Col 1:23), Paul n'a que des inquiétudes. La menaced'hérésie ne le vise point personnellement. Elle se présente comme unessai, encore mal défini, de syncrétisme religieux où la doctrinechrétienne (Col 2:19) se compromet avec des élémentsjuifs (Col 2:16-20) et païens (Col 2:18,23 3:5). 2. LE LIEU ET LE TEMPS DE LA COMPOSITION.La tradition, relativement récente, dit: Rome. Suivi par de nombreuxauteurs (Reuss, de Pressensé, Sabatier, Wabnitz, Ch. Bruston, Goguel,etc.), David Schulz, en 1807, propose: Césarée. Les arguments sérieuxparaissent être: (a) la mention, en Col 4:10, des trois seulscollaborateurs juifs de Paul, alors que, d'après Ro 16, il enavait davantage à Rome; (b) la différence entre le groupe Col., Philém., Éph.,et Philipp. vraisemblablement composée à Rome; (c) la mention par Tacite d'un grand tremblement deterre dans la région colossienne en 60-61, et le silence à ce sujetde Col., Philém., Ephésiens qui seraient donc antérieures à cet événement; (d) le vide de trois ou quatre ans dans l'activitéépistolaire de Paul, D'après l'hypothèse romaine. Si l'on opte pourCésarée, Col., Philém., Ephésiens ont été écrites avant l'appel à César,après un temps assez long de captivité, justifiant certainschangements de projets, peut-être au moment du rappel de Félix àRome, expliquant les espoirs de libération, vers la fin de 59 ou audébut de 60. Col., où apparaît le but essentiel de cette activitéépistolaire, a vraisemblablement été composée en premier lieu. 3. LES DESTINATAIRES ET LE BUT. A. Les destinataires. Pour le milieu géographique ethistorique, voir Colosses. Quant à la communauté, elle est enmajorité pagano-chrétienne (Col 1:13,21-27 2 18 3:6-7), deformation et d'esprit pauliniens (Col 1 6,7,23,24 2:5,7). B. Le but. Mis au courant par Épaphras du danger qui menacel'Église, Paul intervient pour prévenir plutôt que pour guérir. Ilveut montrer, plus clairement que ses collaborateurs ou lui-même nel'avaient encore fait, que toute plénitude habite en Christ et quenous avons tout pleinement en lui. H. Cl.