COLONNE, PILIER

Ces termes représentent plusieurs mots hébr., aux sens différents.I Le sens ordinaire est représenté par ammoûd, qui désigne lescolonnes d'un bâtiment, supports de la toiture (Jug 16:25), legros oeuvre d'un édifice (1Ro 7:2,3,6), les piliers où sontsuspendues draperies, tentures, tapisseries (Ex 26:32). D'où les expressions qui se comprennent d'elles-mêmes: «colonnede nuée, de feu, de fumée» (Ex 13:21 14:24 19:18,Jug 20:40,Sir 24:4, Sag 18:3). D'où l'emploi du mot dans l'antique croyance cosmogonique suivantlaquelle des colonnes assuraient équilibre et stabilité à laterre (Job 9:6 38:4,Ps 75:4) et aux cieux (Job 26:11). D'où enfin les sens figurés (Jer 1:18), fréquents surtoutdans le N.T., et d'ailleurs connus des auteurs classiques: Pierre,Jacques et Jean sont appelés par Paul «colonnes de l'Église» (Ga2:9); l'Église elle-même est «la colonne et l'appui de lavérité» (1Ti 3:15); le croyant fidèle et victorieux sera «unecolonne du temple de Dieu» (Ap 3:12). Voir également Ap10:1, où il vaudrait mieux lire «jambes» que «pieds».II Le nom de matsébâh (pluriel matsebot) est réservé à despierres plantées, ayant quelque rapport avec les idées et coutumesreligieuses des anciens Sémites, spécial' des Cananéens. Dans l'étatactuel des connaissances historiques, il semble que les premières matsebot furent des blocs grossiers et informes, simplementdressés sur une de leurs extrémités,--évoquant les menhirs de l'âgemégalithique,--et qui furent incorporés au rituel des hauts-lieux(voir ce mot) en passant sans doute par une série de transformations.D'après les mobiles apparents ou supposés qui présidèrent à leurérection, on croit pouvoir les ramener, en particulier ceux quementionne l'A.T., à quelques types principaux: 1. Les uns étaient des pierres funéraires élevéesà l'intention d'un mort, par gratitude et fidélité à sa mémoire; ex.,celle que Jacob place sur la tombe de Rachel (Ge 35:20). Cettecoutume, pratiquée en Phénicie, doit être une forme évoluée delointaines traditions animistes visant à honorer ou apaiser lesesprits des morts. La colonne aurait été leur demeure éventuelle etaurait reçu les offrandes qui leur étaient destinées. D'aprèscertains, l'animisme serait à l'origine des toutes premières pierresplantées. 2. D'autres matsebot étaient consacrées à commémorer des circonstances de nature diverse, soit directementrattachées à une manifestation surnaturelle, à une interventiondivine, soit associées par l'adorateur à la présence protectrice deDieu. Selon une expression biblique, ces pierres «servaient detémoignage» (Jos 4:7). Elles rappelaient un événement de famille(Jacob et Laban, Ge 31:44 s), attestaient une délivrance de Dieu(Béthel, Ge 28:18-22; Guilgal, Jos 4:7; Ében-Ézer, 1Sa7:12), ou constituaient un hommage d'adoration et de reconnaissanceà JHVH. (Sichem, Jos 24:27) Cette prédilection des Hébreux pourle mémorial de la pierre levée est expliquée dans le mondescientifique, à la lumière de récentes découvertes archéologiques,par la préexistence en Canaan de la litholâtrie et de la croyance quecertaines pierres étaient la résidence de la divinité; ainsi Beth-elserait l'adaptation d'un vieux mythe païen, comme paraît l'indiquerle rite de l'aspersion d'huile (Ge 31:13 35:14). 3. Ce fut probablement assez tard que les maisebot, jusqu'alors nettement distinguées des sanctuaires,furent introduites sur les hauts-lieux eux-mêmes, sous l'aspect destèles plus ou moins ouvragées et façonnées. Les fouilles entreprisesà Guézer, Méguiddo, Thaanac ont révélé la place éminente qu'ellesoccupaient dans les autels syro-cananéens. A Guézer notamment a étémise au jour une magnifique série de pierres plantées, sortes demenhirs dégrossis, dont plusieurs étaient pourvus de cavités appeléesà recevoir l'huile, le vin et le sang des sacrifices et dont uneautre spécialement polie au toucher devait avoir été l'objetd'onctions innombrables (fig. 112). Sur les rapports des matsebot avec les hauts-lieux on est encore réduit aux conjectures. On inclineà admettre qu'étant donné leur multiplicité ces pierres finirent parn'avoir plus qu'une valeur représentative de la divinité, dontl'habitat effectif était ailleurs. Lorsque les Hébreux pénétrèrent en Canaan, et adaptèrent lessanctuaires locaux au culte de JHVH, ils les trouvèrent abondammentpourvus de matsebot païennes. Le danger était grand pour eux qui,en raison de leurs tendances spiritualistes, n'accordaient auxpierres dressées que la signification d'un mémorial, de verser dansl'interprétation idolâtrique. Aussi ne faut-il pas s'étonner de lacondamnation prononcée contre les piliers de pierres par, les codessuccessifs de la loi et les historiens deutéronomiques fidèles àl'inspiration mosaïque (Ex 34:13 23:24,De 7:5 12:3,1Ro 14:23,2Ro17:10 18:4 23:14. Voir également Os 10:1).III Le terme khammân (pluriel khammânim) apparaît dans quelqueslivres plus tardifs de l'A.T.; il semble signifier «solaire» etdésigne les colonnes spécialement consacrées au soleil (voir ce mot).Pour certains savants, leur nom serait apparenté à celui deBaal-Hammôn, dieu phénicien du soleil; peut-être même s'agirait-il depiliers porteurs de bûchers (W.Rob. Smith, Relig. Sem.). Dans lessévères condamnations que portent sur eux prophètes et prêtresd'Israël (Esa 17:8 27:9,Eze 6:4,6,Le 26:30,2Ch 14:5 34:4,7), cesmonuments païens sont appelés, suivant nos versions: colonnessolaires (Vers. Syn.), statues, (Sg.), tabernacles (trad. fautived'Ost.), obélisques (Bbl. Cent.), etc.IV Acheva (pluriel Achérim et Achérot ou Aché-roth) 1. Nom hébreu appliqué à une divinité cananéenne dontle culte datant de la plus haute antiquité était pratiqué à l'époquede l'A.T. Après l'avoir longtemps confondue avec l'Astarté (voir cemot) des Phéniciens et des Babyloniens (Istar), on a vu qu'il fautl'en distinguer: ainsi, grâce à une tablette cunéiforme découverte àThaanac, on a pu retrouver dans l'A.T. plusieurs allusions laconcernant. Déjà le livre des Juges parle des Baals et des Achérot (Jug 3:7). Ce sont les prophètes de Baal et d'Achêra qu'Élie défia sur le Carmel (1Ro 18:19); c'est à sadévotion qu'étaient consacrés les objets rituels visés par 2Ro23:7. D'autres passages ont trait à son «image taillée», sa statue:c'est pour lui avoir élevé une idole que Maaca, mère du roi Asa, futdestituée (1Ro 15:13); c'est encore son idole qui, placée parManassé dans le temple de Jérusalem (2Ro 21:7), fut détruite parJosias (2Ro 23:6). C'est aussi une achéra qui fut mise parAchab dans le temple de Baal à Samarie et que Jéhu réduisit encendres, ce qui ne l'empêcha d'ailleurs pas de réapparaître (1Ro16:33,2Ro 10:26 13:6). On a pensé que cette «image taillée»consistait--de même que beaucoup d'autres--en une pièce de bois travaillé, recouverte de métal précieux et de tentures tissées parles sectatrices de la déesse (2Ro 10:26,2Ch 15:16). 2. Peut-être à cause de la grande influence d'Achéra,l'on en vint à donner ce nom à des objets fréquemment associés aurituel des hauts-lieux cananéens. Il s'agit de poteaux ou perches sacrées jouant, croit-on, un rôle symbolique maisdifficile à définir, dans les cultes païens. Ils étaient en bois, caron pouvait les planter dans le sol, les arracher, les abattre et leslivrer aux flammes (Ex 34:13,De 12:3 16:21,Jug 6:26,Mic 5:13).La plupart des orientalistes voient dans les «perches sacrées» unesurvivance du culte primitif des arbres sacrés adorés par les anciensSémites. Mais depuis la découverte de l'inscription de Thaanac,quelques-uns estiment qu'il devait y avoir une relation entre les achérot et la déesse Achéra.--Une récente théorie veut quel'usage des «poteaux sacrés» ait coïncidé avec l'invasion de Canaanpar les Sémites. A cette époque Achéra, déesse de la fécondité,aurait partagé avec Baal une prépondérance spirituelle qu'Astarté luiravit par la suite. Les perches sacrées portant son nom lui auraientservi de figuration symbolique. Mais plus tard ces poteaux seseraient progressivement, sinon constamment, transformés en «imagestaillées» et anthropomorphiques comme ce fut le cas à Samarie etJérusalem. Quoi qu'il en soit, quand les Hébreux pénétrèrent enCanaan, ils trouvèrent les poteaux sacrés dressés sur les hauts-lieuxdont ils s'emparèrent pour leur propre religion. Mais comme ilsn'éliminèrent pas toujours des sanctuaires occupés par eux les«achéras» des païens, ces objets furent condamnés par leurs chefsspirituels et pourchassés jusqu'à élimination complète (Ex34:13,De 7:6 12:2 16:21,2Ro 18:4 23:4,Mic 5:12 et suivant, Jer17:2). Jean R. Voir Vincent, Canaan; Macalister, Geser; Bertholet, Hist. Civ. Isr., pp. 80, 118ss; Lods, Israël