COLÈRE

Il faut distinguer entre la colère de l'homme et la colère de Dieu. 1. L'expression: colère de Dieu évoque la juste indignation du Dieu saint contre le péché et lamanifestation de sa justice rétributive qui punit le pécheur obstiné.«La colère de Dieu n'est pas une perturbation de son esprit, mais unjugement par lequel le châtiment est prononcé sur le péché.» (StAugustin. Celui-ci n'aimait pas le terme furor appliqué à Dieupar la Vulgate, et il préférait indi-gnatio, la «fureur», dit-il,étant plutôt le fait d'esprits malades.) Dans les religionssémitiques, la colère de la divinité était considérée commeinexplicable, arbitraire, capricieuse, et on pouvait l'apaiser pardes moyens sans rapport avec la justice; en Israël et dans la Bible,tout l'accent est mis sur le caractère moral de Dieu et de sa colère,qui est une haine irréductible contre le péché. Élie est proclamée entermes d'un réalisme terrifiant: la fumée sort de ses narines et lefeu de sa bouche (2Sa 22:9,Ps 18:9,Esa 30:27), il rugit comme unlion (Am, 1:2), écrase comme un char (Am 2:13), transperce deses flèches (La 3:12 et suivants), frappe de sa main (Esa5:25), foule aux pieds comme on presse le raisin à lavendange (Esa 63:3,8), verse le «vin de sa colère» qui enivre dedouleur (Ps 75:9,Esa 51:17), fait boire la coupe de désolationet de ruine (Eze 23:32 et suivant, cf. Ap 14:9 16:1919:15). Catastrophes, guerres, épidémies, morts soudaines,épreuves de tous genres sont considérées comme des manifestations dela colère de Dieu, des «jours de sa colère» (La 1:12 2:1,21 etsuivant, Job 20:28,Pr 11:4,Esa 13:13,Eze 7). De plus, il y auraun grand jour de la colère, où Dieu prononcera un jugement définitifsur toutes les nations (Sop 1:14-18 2 cf Ro 2:5 Ap 6:16 etsuivant). «Toute la terre sera dévorée par le feu de mafureur.» (Sop 3:8). Certains textes donnent l'impression que la colère de Dieu estirrationnelle, d'une violence aveugle, excessive (1Sa 6:19 etsuivant, 2Sa 6:6 24:1,No 17:13,Le 10:6,Ps 90:11,Jer 10:24). Maismalgré cet élément de mystère redoutable, elle a et prend toujoursplus, dans les écrits prophétiques, un caractère foncièrement moral.Élie est comme l'éclair que lance la sainteté divine en face dupéché. Les yeux de Dieu sont trop purs pour voir le mal (Hab1:13,Ps 5:5 et suivant); c'est pourquoi «sa colère est prompte às'enflammer» (Ps 2:12) contre ceux qui s'opposent à savolonté (Ex 4:14 15:7), contre l'idolâtrie (Ex 32:10,De 6:159:19 29:17-20), contre les désobéissances, les révoltes, lesingratitudes (No 11:1-10 16:31-35), les infidélités (1Ro11:9,2Ch 19:2 25:15 34:25), l'iniquité (Ex 22:23 et suivant,Esa 10:1-4, etc.). Cette juste colère explique les grandesépreuves qui jalonnent l'histoire sainte (De 32:15-43,Ps 78), enparticulier la chute de Samarie et de Jérusalem (2Ro 17:17-20). «Je supporterai le courroux de l'Éternel, puisque j'ai péchécontre lui.» (Mic 7:9, cf. Ps 6:2 38:2 90:7-9). Lesentiment de culpabilité est éveillé par la colère de Dieu. De là lebesoin d'expiation et le rôle que jouent les sacrifices etl'intercession pour apaiser la colère divine (Job 42:7 etsuivant, cf. Ge 18:23-33,Ex 32:11-14,No 25:10-13,Eze 22:30 etsuivant, Jer 5:1,Esa 65:8). Mais les sacrifices ne suffisentpas (Esa 1:10,17) et les meilleurs `intercesseurs sont parfoisimpuissants (Jer 15:1). Il faut que le juste aille jusqu'à subirle châtiment pour les coupables (Esa 53). L'horreur de Dieu pourle péché n'est si grande que parce qu'il aime le pécheur et veut lesauver (Eze 33:11). Sa miséricorde surpasse sa colère et dureéternellement. «Il est lent à la colère et riche en bonté» (Ps103:8, cf. Ps 145:8,Joe 2:13,Jon 4:2). «Sa colère dure uninstant, mais sa faveur toute une vie» (Ps 30:6, cf. Ex20:5 et suivant 34:6 et suivant, Esa 12:1 54:7,10,Jer 3:1229:11,Mic 7:18). Jean-Baptiste, comme les prophètes de l'A.T., annonce la colère àvenir (Mt 3:7,Lu 3:7). Jésus proclame l'amour du Père céleste,mais aussi sa justice: il jugera autrement que les hommes (Lu13:1-5,Jn 9), mais il jugera (Mt 23:35 25:30-41,Lu 12:5). Lesécrivains du N.T., tout en annonçant la grâce de Dieu, rappellent lesexigences de sa sainteté: «Notre Dieu est aussi un feu consumant»(Heb 12:29, cf. Heb 2:2,Ac 5:1-11). Le plus souvent, ilsparlent de la colère de Dieu comme d'une menace tenue en réserve pourle jour du jugement (1Th 1:10,Col 3:6,Ro 2:5,7,Ap 6:16 11:1819:15); mais elle est aussi une réalité dans la vie présente, tantpour les Juifs que pour les païens (Ro 1:18 2:3 4:15,Eph 5:6).Jésus-Christ seul, par son sacrifice et son intercession, nous endélivre (Ro 5:9 et suivant, Eph 2:3 et suivant). Sans luinous sommes des «ennemis de Dieu», des «enfants de colère», des«vases de colère» (Ro 9:22). «Celui qui refuse de croire au Filsne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui.» (Jn3:33). V B. 2. La colère de l'homme, perte de son sang-froid devant une contrariété, «courte folie» commeon l'a appelée, souvent cause ou effet d'autres fautes (Ge49:7,Pr 27:4 29:22 30:33, Sir 28:10 30:24), est décrite etinterdite dans de multiples passages (Job 5:2,Ps 37:8,Mt 5:22,etc.), comme oeuvre de la chair (Ga 5:20) contraire à la volontéde Dieu (Jas 1:20), attribut du Diable (Ap 12:12).Principaux exemples: Caïn (Ge 4:5 et suivants), Ésaü (Ge27:44) et suivant), Balaam (No 22:27), Saül (1Sa 20:30),Naaman (2Ro 5:11), Jonas (Jon 4:1,4), Hérode (Mt2:16), Sanhédrin (Ac 7:54), et le fils aîné de laparabole (Lu 15:28). Dans 1Ma 2:44, il s'agit de lacolère vengeresse des Hasidéens (voir ce mot), sanglante défensecontre les persécutions d'Antiochus. 3. Jésus,devant certaines manifestations du péché, s'est indigné comme le vraireprésentant du Dieu saint (Mr 3:5 10:14, mais les évangélistespostérieurs à Marc ont préféré taire cette indignation qui leurparaissait sans doute trop humaine: voir les parallèlede Matthieu et de Lc).La purification du Temple fut aussi certainement un acteindigné (Mr 11:15 et parallèle). Il est probable qu'uneimpression analogue inspira ses vives paroles sur lesscandales (Mt 18:6 et suivant), sur l'incrédulité dePierre (Mt 16:23), sur les Pharisiens hypocrites (Mt 23:13et suivants). En ces diverses circonstances, son coeur aura étésoulevé par des manques d'humanité envers les petits ou par lescontrefaçons de la religion chez les chefs. D'autre part, Jésus s'estprononcé très nettement contre la colère (Mt 5:21,27) et avisiblement inspiré les recommandations des apôtres (Ro 12:19,Col3:8,1Ti 2:8,Tit 1:7 etc.). Il a mis les hommes en garde contrel'injustice, la méchanceté, les risques de crime qui résultent desaccès de colère, mais sans prescrire l'impassibilité devant le mal,impossible à un coeur aimant: car il y a, pour la conscience duchrétien comme pour le Christ, une juste et légitime passion. 4. Les différents termes bibliques peuvent évoquer, suivant les cas,ces deux aspects de la colère coupable ou de l'indignation légitime.Dans l'A.T., la racine ânâph (=souffler par les narines), laplus commune, s'applique à l'homme ou, par anthropomorphisme, à Dieu.Dans le N.T., le verbe kholaô (=sécréter la bile; d'où est venu,par choléra =bile, le mot colère) désigne l'amère fureur desJuifs contre Jésus (Jn 7:23). Mais les plus importants sont lesdeux termes complémentaires orge (=gonflement) et thumos (=échauffement), qui sont parfois réunis, comme les termes hébreuxcorrespondants dans l'A.T.: colère et indignation (Ro 2:8,Eph4:31,Ap 19:15, etc., cf. Mic 5:14, etc.), ou colèred'indignation =ardent courroux (Ap 16:19, cf. Jos 7:26,Os11:9, etc.). Dans la mesure où des distinctions sont possiblesentre ces deux derniers ternies, thumos semble désigner plussouvent la violence, la rage, un accès ou un éclat plus fort maismoins durable, et s'applique donc plutôt à la colère humainecoupable (Lu 4:28,Ac 19:28), sauf dans Ro 2:8 et dans lestableaux de la colère de l'Agneau (Ap 6:16); tandis qu'orge, désignant plutôt un état permanent, s'applique davantage à la justeindignation divine (Mt 3:7,Jn 3:36,Ro 1:18 etc.). Enfin le raremot composé paror-gismos (Eph 4:26) désigne clairement unefureur particulièrement condamnable, puisqu'elle doit tomber dèsavant le soir. (Voir Trench, Syn. N.T., pp. 153-158).