II CHRONOLOGIE DES TEMPS APOSTOLIQUES. 1. LA PRIMITIVE ÉGLISE.On célébrait la Pentecôte cinquante jours après le 16 nisan, jour oùse faisait l'offrande de la gerbe d'épis nouveaux. S'il y a eucoïncidence du 15 nisan et du sabbat, l'année de la mort de Jésus, laPentecôte de cette année a dû être un dimanche, comme l'entend latradition chrétienne. L'envoi du Saint-Esprit aux apôtres a faitd'une vieille fête de la moisson le jour de naissance de l'Église.Nous parlerons maintenant des dates qui comptent pour l'histoire dela communauté judéo-chrétienne de Jérusalem, en réservant lesquestions de chronologie paulinienne pour les deux paragraphessuivants. La persécution que l'Église eut à souffrir de la part d'HérodeAgrippa I er (Ac 12:1)peut être datée assez exactement.Ce prince, petit-fils d'Hérode le Grand, avait obtenu dela faveur de Caligula, lors de l'avènement de celui-ci (mars 37),l'ancienne tétrarchie de Philippe, celle de Lysanias, puis vers 40celle dont Hérode Antipas s'était vu déposséder. Après l'assassinatde Caligula (janvier 41), il reçut encore de Claude la Samarie et laJudée, et se trouva ainsi à la tête de tous les États qui avaientformé le royaume de son grand-père. Lorsque la mort le surprit, nousdit Josèphe (Ant., XIX, 8:2;G.J., II, 11:6), il régnaitdepuis trois ans accomplis sur toute la Judée (ici Judée signifiePalestine). Cela nous porte à l'année 44. La persécution ne peut pasêtre antérieure à 41, puisque c'est alors seulement que la Judée futincorporée au royaume d'Agrippa. Elle semble, d'après les Actes, nepas avoir précédé de beaucoup la fin cruelle du persécuteur, revenude Jérusalem à Césarée (Ac 12:19). Si l'on en croit Josèphe,Agrippa fut frappé du mal qui devait l'emporter au moment où ildonnait un spectacle en l'honneur de l'empereur. Nous savons que leretour de Claude, qui était parti en 43 pour la Grande-Bretagne, futcélébré à Rome par des jeux au commencement de l'année 44 (DionCass., LX, 23). En admettant que cet exemple a été suivi par Agrippaà quelques mois de distance, on peut faire de la Pâque pendantlaquelle Pierre fut arrêté celle de la même année. Quoique mentionnéedans les Actes avant la persécution, la famine prédite parAgabus (Ac 11:27 et suivants) doit se placer un peu plus tard.L'auteur sacré note qu'elle arriva sous Claude (Ac 11:28), cequi ne signifie pas que le fléau sévit dans tout l'empire en mêmetemps, car dans ce cas on n'aurait pas pu se venir en aide d'uneprovince ou d'une ville à l'autre. Nous savons par les historiensprofanes qu'il y eut en effet de grandes disettes pendant le règne decet empereur (Tacite, Ann., XII, 43; Suétone, Claud., 18;Dion Cass., LX, 11), et par Josèphe (Ant., XX, 5:2) que la Judéefut atteinte à l'époque du procurateur Tibère Alexandre, peut-êtredéjà sous son prédécesseur Cuspius Fadus, mais de toute façon en 45au plus tôt. C'est après la mort d'Agrippa I er que le régimeprocuratorien fut rétabli et cette fois étendu à la Palestine entière(Ant., XIX, 9:2; G.J., II 11:6). Il semble que Luc, aprèsavoir rassemblé dans sa notice d'Actes Ac 11:19-30 tout ce qu'ilavait à dire de la fondation de l'Église d'Antioche, du travail deBarnabas et de Paul dans cette Église, de la prophétie d'Agabus etdes mesures prises par les chrétiens d'Antioche pour secourir leursfrères de Jérusalem, revienne un peu en arrière pour raconter commentceux-ci furent persécutés par le roi hérodien, peu de temps avant samort. Les derniers mots du ch. 12 reprennent le fil de la chronologieen signalant le retour des deux porteurs du secours envoyé à lacommunauté-mère. Agrippa avait fait mettre à mort un des apôtres, «Jacques frèrede Jean» (Ac 12:2). Certains critiques voudraient nous persuaderque le texte portait primitivement: «Jacques et Jean son frère». Ilsuivrait de là que la conférence dont Paul parle au ch. 2 des Galates,et à laquelle Jean prit part, devrait forcément avoir eu lieuavant 44. C'est pourquoi nous avons à toucher un mot d'une opinionqui intéresse surtout ce qu'on appelle le «problème johannique». Latrace du précoce martyre de Jean aurait été soigneusement effacée durécit des Actes à une époque où l'on croyait déjà que le disciplebien-aimé était mort à Éphèse après une longue vieillesse. Leprincipal appui de cette thèse subversive est un texte attribué àPapias et ainsi conçu: «Jean le théologien et Jacques son frèrefurent tués par les Juifs.» Mais ce texte n'a pour témoin que lacitation qui en est faite dans une compilation historique du V esiècle, connue elle-même par des extraits qui datent de 600 à 800,puis dans un des manuscrits, d'une chronique du IX e siècle (ici souscette forme: «Jean fut tué par les Juifs»). Il s'agit donc d'unenotice dont le vrai contexte est inconnu, la teneur primitivedouteuse, et dans l'histoire de laquelle une confusion entreJean-Baptiste et Jean l'apôtre pourrait bien avoir joué un rôle,comme aussi l'idée que la parole de Jésus aux fils de Zébédée (Mr10:39) avait dû s'accomplir par la mort violente des deux frères.Les. compilateurs de qui nous tenons ce problématique fragment, touten le rapportant à Jean l'apôtre, ne songent point à y voir la preuved'une fin si prompte de sa carrière. Et si saint Irénée et sescontemporains, qui possédaient l'ouvrage de Papias. aujourd'huiperdu, y avaient lu l'énoncé d'un fait aussi inconciliable avec latradition relative au séjour et à l'activité de Jean en Asie, commentcette tradition aurait-elle pu s'accréditer? Irénée n'aurait pas pudire que Papias (né au plus tôt dans les années 70!) avait été un desauditeurs, de l'apôtre. Et surtout Eusèbe ne se serait pas abstenu,dans le chapitre où il conteste cette affirmation d'Irénée (H.E.,III, 39), de recourir à l'argument péremptoire que Papias lui-mêmelui aurait fourni par sa prétendue mention du double, martyre del'an 44. Il convient donc d'écarter sans hésitation une hypothèse quiajoute indûment à un passage bien clair des Actes ce que voudraient.y trouver les négateurs de l'authenticité de l'évangile de Jean (voirce mot). D'après Josèphe (Ant., XX, 9:1), Jacques le frère duSeigneur fut lapidé par ordre du grand-prêtre Ananos, fils de celuique le N.T. appelle Annas (Anne), et cela pendant le temps quis'écoula entre la mort du procurateur Festus et l'arrivée de sonsuccesseur Albinus. Un autre récit de Josèphe (G.J., VI, 5:3)noua, apprend qu'Albinus était à son poste lors de la fête desTabernacles de l'année 62. C'est donc cette année au plus tard, etassez probablement cette année même,--la mort de Festus ne pouvantguère être antérieure,--que Jacques aurait été exécuté. CependantHégésippe, qui fait de ce martyre un récit détaillé (conservé parEusèbe, H.E., II, 23), en rapproche la date de celle del'investissement de Jérusalem par Vespasien. C'est en 66 qu'éclata la grande guerre juive. La ruine du templeet de la ville sainte, annoncée par Jésus, se consomma dans les moisd'août et septembre 70. La communauté judéo-chrétienne, avertied'En-haut d'avoir à fuir la cité condamnée, et se souvenant desinstructions du Seigneur (Mr 13:14 et suivants et parallèle),s'était retirée à Pella, en Pérée, avant le commencement du siège(Eusèbe, H.E., III, 5:3). Elle ne fut pas atteinte par lacatastrophe, et ceux de ses adhérents qui voulurent ensuite reveniren Judée ne furent pas empêchés., de le faire. Mais le temps de saprimauté était fini. 2. SAINT PAUL DEVANT GALLION.Il y a, dans la chronologie paulinienne, un point fixe qu'il fautmarquer d'abord, et à partir duquel on peut ensuite compter, soit enarrière, soit en avant. Nous savons par Ac 18:12 qu'étant à Corinthe, le grandapôtre eut à comparaître devant Gallion, proconsul d'Achaïe. Uneinscription de Delphes, publiée en 1905 par M. E. Bourguet, permetd'établir avec assez d'exactitude la date de ce proconsulat. Cetteinscription est mutilée, mais ce qui reste du texte laisse voirqu'elle reproduit une lettre de l'empereur Claude aux Delphiens. A laligne 6, Junius Gallion est nommé avec le titre de proconsul. Lechiffre de 26, qu'on lit à la ligne 2, ne peut être que celui desacclamations impériales de Claude: vingt-six fois déjà, il avait étésalué empereur à la suite de victoires des armées romaines. Cerenseignement permet de dater la lettre avec une précisionsuffisante. Voici comment. L'inscription de l' Aqua Claudia, àRome, atteste que lorsque fut inauguré l'aqueduc qui porte son nom,Claude en était à sa 27 e acclamation impériale. Or, cetteinauguration eut lieu le I er août 52 (Frontin, De Aquis, I, 13).Ainsi, la lettre aux Delphiens est sûrement antérieure à ce jour.D'autre part, une inscription de la ville de Kys, en Carie, porte lamention de la 26 e acclamation de Claude avec celle de la 12 e annéede sa puissance tribunitienne, laquelle va du 25 janvier 52 au 25janvier 53. Il y a donc coïncidence d'une partie au moins de cetteannée et du temps où le nombre des acclamations s'élevait à 26. Le terminus ad quem que nous venons d'établir (1er août 52)demeurant acquis, il se pourrait que Claude eût reçu pour la 26 efois le titre d 'imperator avant d'entrer dans la 12 e année deson tribunat. Mais cette supposition est rendue extrêmementimprobable par d'autres textes épigraphiques, où l'on voit la 22 e,puis la 24 e acclamation figurer dans la titulature de Claude aucours de sa II e année de pouvoir tribunitien. La vingt-troisième estnaturellement supposée, et il faut encore réserver un intervalle pourla 25 e. Donc la lettre de Claude a dû être écrite pendant un tempsqui a pour limite certaine, d'un côté, le I er août de l'année 52, etpour limite très probable, de l'autre, le commencement de cetteannée, ou plutôt la fin de l'hiver 51 à 52, puisque les opérationsmilitaires n'étaient guère reprises avant le retour du printemps. Cela étant, de quelle date à quelle autre Gallion a-t-il exercéses fonctions proconsulaires en Achaïe? Les gouverneurs de provincessénatoriales, qui portaient tous le titre de proconsul, étaientnommés pour une année. Le cas exceptionnel d'une prorogation peutd'autant moins être envisagé ici que Gallion supportait mal le climatde la Grèce (Sénèque, Ep. mor., 104:1). Tibère avait décidé queles magistrats chargés d'un gouvernement provincial auraient àquitter Rome avant le I er juin, date à laquelle Claude substitua leI er avril, puis le milieu du même mois, ou plus exactement le 13,jour des ides d'avril (Dion Cass., LVII, 14; LX, 11 et 17). C'est àcette dernière disposition que Gallion a dû se conformer. On peutdonc admettre qu'il était à son poste vers le milieu de mai. Dequelle année? Il a été proconsul de 51 à 52 suivant les uns, de 52 à53 selon les autres. La première opinion nous paraît être la bonne.Il est assez clair que ce proconsulat n'était pas à son début quandle rescrit impérial fut communiqué aux Delphiens. En effet, siGallion y est nommé, c'est sans doute parce qu'il avait eu às'occuper des affaires de Delphes et probablement parce qu'il enavait fait rapport à l'empereur. Cela suppose des pourparlers et unecorrespondance qui ne trouvent pas bien leur place entre la venue dunouveau proconsul, entré en charge au printemps, et l'expédition dela lettre impériale, car enfin le I er août est un terme extrême: cen'est pas la date même de la 27 e acclamation, mais une date oùcelle-ci était chose faite. Par contre, si Gallion a quitté son posteen mai 52, rien n'empêche que son nom figure sur une pièce officielledont la date soit de peu antérieure à la fin de son gouvernement. Reste à savoir à quel moment de l'année 51 à 52 Paul a comparudevant le magistrat romain. La façon même dont Luc introduit le récitde cette affaire (Ac 18:12) donne à penser qu'il s'agit d'unnouveau proconsul. C'est parce que Gallion est nouveau venu que lesJuifs espèrent lui arracher une sentence contre l'apôtre. C'est parceque la magistrature de Gallion ne touche pas alors à sa fin que Paulpeut ensuite rester à Corinthe un temps assez long (Ac 18:18)sans être inquiété. Ces considérations nous invitent à placerl'accusation juive à un moment peu éloigné de l'entrée en charge duproconsul, en juin par exemple ou au commencement de juillet 51, etl'embarquement de Paul pour la Syrie en automne, avant la mauvaisesaison qu'évitaient autant que possible ceux qui se proposaient denaviguer. Ainsi on a l'espace voulu, quelque chose comme trois mois,entre sa comparution et son départ. Tirons maintenant parti du textequi dit que Paul demeura à Corinthe un an et six mois (Ac18:11). Si ces dix-huit mois comprennent la totalité du séjour,ainsi qu'on l'admet en général, il en résulte que Paul est arrivé àCorinthe au printemps de l'année 50. S'ils se rapportent seulement àla partie du séjour qui a précédé l'épisode de Gallion, c'est depuisle milieu de l'année 51 qu'il faut compter en remontant, et l'arrivéede Paul coïncide avec le début de 50. L'écart est de peu d'importance. Ce résultat reçoit une confirmation qui n'est pas à négliger.Paul fit à Corinthe, dans les premiers temps de son séjour, laconnaissance d'Aquilas et de Priscille, Juifs du Pont chassés de Romepar un édit de Claude (Ac 18:2), le même dont la mention setrouve dans Suétone (Claud., 25). Un historien chrétien du V esiècle, Orose (Hist. adv. paganos, VII, 6), donne pour date à cetédit la 9 e année de Claude (25 janv. 49-25 janv. 50). Il est vraiqu'il dit emprunter cette indication à Josèphe, et qu'elle ne figurepas dans les oeuvres de cet auteur. Mais quelle que soit l'origine durenseignement, il prend une valeur singulière par son accord avec laconclusion à laquelle on est amené par une tout autre voie. Si c'esten 49 qu'un décret d'expulsion a obligé Aquilas et Priscille àquitter Rome, ils devaient être, comme le disent les Actes, établisdepuis peu à Corinthe quand Paul y arriva, trois mois au plus tardaprès le début de l'année 50. 3. LES PRINCIPALES ETAPES DE LA CARRIERE DE SAINT PAUL.Les dix-huit mois (si ce n'est plus) du premier séjour de Paul àCorinthe sont compris dans ce qu'on est convenu d'appeler sondeuxième voyage missionnaire (Ac 15:36-18:22). Pour juger dutemps écoulé entre le départ d'Antioche et l'arrivée à Corinthe, ilfaut tenir compte et de la longueur de l'itinéraire parcouru et del'importance des travaux accomplis; il faut compléter le récit desActes à l'aide des lettres adressées aux Églises de Galatie et deMacédoine, dont la fondation date d'alors; il faut noter, parexemple, que Paul s'arrêta à Thessalonique assez longtemps pour yrecevoir par deux fois les dons des nouveaux chrétiens dePhilippes (Php 4:16). L'intervalle doit bien être d'une douzainede mois. Paul s'est donc mis en route vers le commencement de 49 oula fin de 48, dans ce dernier cas assez tôt pour pouvoir franchir lesdéfilés du Taurus avant le gros de l'hiver. De toute façon, c'est en 48 que nous placerons la conférence deJérusalem, ainsi que le conflit d'Antioche, qui apparemment l'asuivie de près. Entre Ga 2 et Ac 15, il y a des différencesqui ne sont pas toutes faciles à expliquer; mais les concordancesl'emportent: même question, traitée entre les mêmes hommes, et pourl'essentiel même accord. Ce sont bien deux récits du même événement.On ne peut sans arbitraire identifier le voyage à Jérusalem dontparle Ga 2 avec celui qui est mentionné Ac 11:30 et Ac12:25. Là, les circonstances sont tout autres: Barnabas et Paul nevont à Jérusalem que pour porter un secours de la part de l'Églised'Antioche, et ce secours est remis aux anciens; les apôtres ne sontmême pas nommés. En outre, le silence de l'épître aux Galates sur lagrande réunion racontée Ac 15 ne s'expliquerait que dans le casoù cette épître daterait d'avant cette réunion. Et alors, il faudraitadmettre qu'elle a pour destinataires les habitants de la Pisidie etde la Lycaonie évangélisés lors du premier voyage de Paul (Ac 13et Ac 14). Ces contrées faisaient partie, c'est vrai, de laGalatie au sens administratif, de la province romaine de la Galatie.Mais il vaut mieux ne pas avoir à chercher là les Galates auxquelsPaul s'adresse dans son épître (3:1), car cette hypothèse«sud-galatique» se soutient mal. Les habitants de Lystre oud'Antioche de Pisidie auraient été plutôt surpris de s'entendreappeler du même nom que les descendants des envahisseurs celtes fixésà Ancyre, Pessinonte et Tavium, sous prétexte qu'ils étaientgouvernés par le même légat propréteur. Nous ne croyons pas non plusà la possibilité de rapprocher Ga 2 de Ac 18:22. Dans cedernier texte, les mots «étant monté et ayant salué l'Église»paraissent bien indiquer une visite de Paul à Jérusalem. Mais à cetteépoque il s'était séparé de Barnabas (Ac 15:39). Et rien nedonne à penser que cette visite ait marqué dans l'histoire de sesrelations avec les premiers apôtres. C'est donc en remontant à partir de 48, date du concileapostolique (Ga 2 =Ac 15), qu'il faut compter les quatorzeans après lesquels Paul dit être allé à Jérusalem avecBarnabas (Ga 2:1). La traduction «après» ou «au bout de»,communément admise ici pour la préposition dia avec le génitif,est rejetée par M. Ch. Bruston. Selon lui, Paul écrirait avant leconcile apostolique; il voudrait dire que «pendant» les quatorze ansécoulés entre sa première venue à Jérusalem et le moment où il écrit,il y est retourné une fois, une seule, à savoir dans la circonstancerapportée par Ac 11:30. Mais lorsque la même préposition, suivieaussi d'une indication numérique de durée, a le sens de «pendant»,«en l'espace de» (Ac 1:3,Mt 26:61), on veut parler d'une actionqui se poursuit ou se répète durant tout le temps indiqué, et nond'une action qui tomberait à un moment donné de cette période. Lesens «après un intervalle de» est classique (Hérodote, VI, 118,«après vingt ans»); ici c'est le seul qui convienne. La vraie difficulté est celle-ci: Paul compte-t-il dix-sept ansou seulement quatorze, entre sa conversion et la conférence deJérusalem? Après la phrase relative à la conversion et à ses suitesimmédiates (Ga 1:15 et suivants), viennent trois «ensuite» quis'enchaînent: «ensuite, trois ans après, je montai àJérusalem» (Ga 1:18); «ensuite, je me rendis dans les régions dela Syrie et de la Cilicie» (Ga 1:21); «ensuite, au bout dequatorze ans, de nouveau je montai à Jérusalem» (Ga 2:1). Ledeuxième marque la succession des faits, mais n'entre pas dans lecompte des années. Le troisième, numériquement déterminé comme lepremier, introduit le récit d'une nouvelle entrevue des apôtres.Cette indication reporte donc plus naturellement le lecteur à lamention de la première entrevue qu'au point de départ del'énumération. Aussi admettrons-nous, quoique l'autre manière decompter ne puisse être péremptoirement exclue, que les quatorze ansde Ga 2:1 ne doivent pas comprendre les trois ans de Ga1:18, mais s'y ajouter. Nous aurions donc 3 + 14 =17, et 48--17 =31, date de la conversion. Il convient cependant de remarquer quel'usage des anciens permettait de dire «après trois années» du momentqu'on en était à la troisième selon le calendrier, et alors mêmequ'une seule des trois, celle du milieu, se trouvait entière, lesdeux autres n'étant représentées que par des fractions. Quand ils'agit de la résurrection de notre Seigneur, dont le corps devaitrester dans le tombeau du vendredi soir au dimanche matin, «aprèstrois jours» (Mr 8:31 9:31 10:34) ne signifie pas autre choseque «le troisième jour». Ainsi, dans le cas qui nous occupe, la datequ'on obtient en soustrayant 17 de 48 correspond à un maximumpossible d'intervalle. Mais on a des chances de serrer la réalité deplus près, en diminuant d'une unité, comme le font certainschronologistes, chacun des deux chiffres cités par l'apôtre, encomptant donc deux ans au lieu de trois, treize au lieu de quatorze,et quinze en tout au lieu de dix-sept; ce qui ferait remonter laconversion de Paul non pas à 31 ap. J.-C, mais seulement à 33. Ni les Actes ni les épîtres ne nous fournissent le moyen depréciser davantage. Si l'apparition qui a converti Saul de Tarse estmise par saint Paul à la suite de celles qui avaient été accordées àses prédécesseurs dans l'apostolat (1Co 15:5,8), il n'en résultepas nécessairement qu'elle doive avoir eu lieu à une date trèsrapprochée de la mort du Christ. Les événements racontés dans lespremiers chapitres des Actes, y compris la mort d'Etienne, lapersécution qui suivit, et l'évangélisation de la Samarie par lesdisciples que la persécution avait dispersés, paraissent plutôtréclamer un intervalle assez long. Le Sauveur ayant été crucifié auprintemps de l'an 30, ce n'est qu'à la rigueur qu'on peut dater del'année suivante la conversion de Saul le persécuteur. Pour la placeren 31, plus précisément en automne de cette année, on s'est appuyésur un passage de l'Ascension d'Ésaïe, pseudépigraphe dont la partiechrétienne date du II e siècle. On y lit (9:16) que le Fils del'homme restera 545 jours (dix-huit mois) dans ce monde après sarésurrection. Irénée a recueilli la même donnée chez les gnostiques(Adv. hoer., I, 3:2, 30:14). Suivant une hypothèse adoptée parHarnack, cette croyance proviendrait de ce qu'il s'était écoulédix-huit mois entre la résurrection et l'apparition à Paul, envisagéecomme la dernière de celles du Christ ressuscité. C'est peut-êtrefaire bien de l'honneur à une telle tradition que de lui attribuerune origine historique. Nous nous bornerons donc à maintenir lapossibilité de la conversion en 31, tout en donnant la préférence àla manière de compter qui retarde cet événement d'un à deux ans. Mais on invoque souvent, en faveur d'une date plus tardiveencore, un argument tiré de l'épisode de la fuite de Damas (Ac9:23,25,2Co 11:32 et suivant). Selon notre estimation, cet épisode,à la suite duquel Paul vint à Jérusalem pour la première fois aprèssa conversion, se placerait en 34 (trois ans après 31) ou mieux en 35(deux ans après 33). Mais la mention de «l'ethnarque du roi Arétas»,dans le texte de 2 Cor., est interprétée par bien des auteurs commeétablissant que ce roi nabatéen (Arétas IV, père de la première femmed'Hérode Antipas) était alors en possession de la ville de Damas. Onjuge peu vraisemblable qu'il ait pu s'en emparer de force, mais onsuppose-qu'il l'aurait reçue amiablement de l'empereur Caligula.Ainsi l'évasion dans la corbeille serait postérieure à la mort deTibère (37), et la conversion de Paul devrait être retardée enconséquence. Mais il n'y a d'autre preuve de cette prétendue cessionque l'absence de l'effigie de Caligula et de celle de Claude dans lasérie des monnaies de Damas. Preuve trop négative pour appuyersuffisamment une telle hypothèse. Nous ignorons du reste la natureexacte des pouvoirs que possédait ledit ethnarque, comme aussi lanature exacte des circonstances qui ont rendu possible l'organisationdu guet-apens auquel Paul n'échappa qu'à si grand'peine. Si l'on veutque cette affaire soit en rapport avec une éclipse de l'autoritéromaine à Damas, pourquoi ce phénomène, d'assez peu de durée pour queles historiens n'en disent mot, ne se serait-il pas produit à unedate antérieure à 37? Tout ce qu'on peut conclure, au point de vuechronologique, du bref passage où Paul évoque cette périlleuseaventure des premiers temps de son apostolat, c'est qu'elle dated'avant la mort d'Arétas, qui survint en 40. Et cette conclusionn'est guère utile pour nous, car nous n'avons pas besoin d'autant demarge qu'elle nous en laisse. Nous avons parlé plus haut de la famine prédite par Agabus. C'esten 45 ou en 46 que Barnabas et Paul ont dû venir à Jérusalem avecl'offrande fraternelle de l'Église d'Antioche. Nombreux sont lescritiques qui nient ce voyage, le considérant comme exclu par lesdéclarations de l'épître aux Galates. Il est vrai que Paul nementionne qu'une visite faite par lui aux apôtres entre sa conversionet la conférence apostolique. Mais s'il prend Dieu à témoin del'exactitude de son dire (Ga 1:20), ce n'est point pour assurerque l'énumération de ses voyages à Jérusalem sera complète. Il veutprouver qu'il tient son mandat de Dieu et non des hommes (Ga1:11 et suivant). Cette preuve est faite puisqu'il n'a vu Pierre etJacques que trois ans après s'être converti, et qu'il n'a pas attenduleur approbation pour prêcher l'Évangile. Cependant les «colonnes del'Église» ont expressément reconnu la validité de sa mission, et ilveut aussi qu'on le sache. C'est pourquoi il parle ensuite del'entrevue de 48. Mais quand il dit: «Je montai de nouveau àJérusalem» (Ga 2:1), rien ne force à croire que ce denouveau signifie pour la seconde fois. Il ne serait guère utileà son dessein de noter qu'on l'a vu une fois à Jérusalem dansl'intervalle, à un moment où Pierre n'y était probablement pas. (cf.Ac 12:17) S'il mentionne sa promesse d'intéresser les Églisesdes Gentils au sort de la communauté primitive, c'est que cettepromesse, à laquelle il n'a pas manqué de faire honneur (Ga2:10), a la valeur d'un gage d'union. Il n'est pas obligé pour celade rappeler que déjà auparavant il était venu avec Barnabas, commedélégué de l'Église d'Antioche, alors qu'il ne s'agissait que desecourir des frères durement éprouvés. De 45/46 à 48, on a le temps voulu pour le voyage missionnaireraconté aux ch. 13 et 14 des Actes, et pour le séjour de quelquedurée que Paul et Barnabas firent à Antioche (14:28) avant de serendre à la conférence de Jérusalem. Après les nouvellespérégrinations qui remplissent l'année 49, vient l'important séjour àCorinthe dont on peut, grâce au synchronisme que nous avons étudié,faire le pivot de la chronologie paulinienne, et qui s'étend selonnous du début ou du printemps de 50 à l'automne de 51. De retour àAntioche, Paul y resta un «certain temps» (Ac 18:22),c'est-à-dire sans doute y séjourna pendant l'hiver de 51 à 52. Puisil se remit en route et parcourut la Galatie et la Phrygie,«fortifiant tous les disciples» (Ac 18:23). On ne nous dit pascombien cette tournée apostolique prit de mois, mais il nous paraîtexcessif de la faire durer jusqu'au printemps de l'année suivante.Disons seulement que l'année 52 devait être à son déclin quand, deshautes régions de l'Asie Mineure, Paul arriva à Éphèse. Le séjour qu'il fit dans cette ville fut long, riche en travauxet en combats (Ac 19,1Co 15:32 16:9,2Co 1:8 et suivants), etcoupé par un voyage à Corinthe (2Co 2:1 12:14 13:1 et suivant).Dans son discours de Milet, adressé aux anciens de l'Église d'Éphèse,il évalue à trois ans la durée de son ministère au milieud'eux (Ac 20:31). L'auteur des Actes indique trois mois deprédication à la synagogue (Ac 19:8) et deux ans d'enseignementà l'école de Tyrannus (Ac 19:10). Mais il est possible que cesdeux chiffres n'embrassent pas la totalité du séjour: il faudrait yajouter le temps que Paul resta en Asie après avoir envoyé Timothéeet Éraste en Macédoine (Ac 19:22). D'autre part, en disant«trois ans», l'apôtre peut arrondir son total. On ne doit pas êtreloin de compte en admettant que cette période éphésienne a commencéen 52 (automne) et s'est terminée en 55 (printemps), ce qui fait deuxannées et demie. En Macédoine, où il passa ensuite après un arrêt à Troas,(Ac 20:18,2Co 2:12 et suivant) Paul paraît avoir déployé une grandeactivité, malgré le tourment d'esprit que lui causait la crisecorinthienne et malgré les difficultés que lui suscitaient commepartout les ennemis de son oeuvre (2Co 7:5). Il s'occupa de lacollecte en faveur des saints de Jérusalem, à laquelle les Églises deMacédoine contribuèrent généreusement (2Co 8:1 et suivants). Iltravailla aussi parmi les païens: c'est alors, semble-t-il, qu'ilporta l'Évangile jusqu'aux confins de l'Illyrie, sinon jusqu'àl'intérieur de ce pays (Ro 15:19). Rejoint entre temps par Tite,qui lui apportait des nouvelles rassurantes de Corinthe (2Co7:6 et suivant), il l'y renvoya (2Co 8:6), probablement avec lalettre que nous appelons la seconde aux Corinthiens. A la fin del'année, il se rendit lui-même en Grèce, c'est-à-dire sans doute àCorinthe, et y séjourna trois mois (Ac 20:2 et suivant), quidoivent correspondre à l'hiver de 55 à 56. Revenu en Macédoine, ils'embarqua à Néapolis, port de Philippes, «après les jours desazymes» (Ac 20:6). Si l'on était certain que ce départ eut lieule lendemain même du 21 nisan, dernier jour des solennités pascales,on pourrait, en tenant compte des cinq jours de traversée de Néapolisà Troas, puis des sept jours d'arrêt dans cette ville, remonter àpartir du lundi, jour où Paul quitta Troas (verset 7), jusqu'au jouroù la Pâque avait été célébrée cette année; et l'astronomie pourraitintervenir pour déterminer de quelle année il s'agit, avec toutes lesréserves qu'appelle le caractère peu rigoureux des observationslunaires sur lesquelles se fondait le comput juif. Mais rien neprouve que l'apôtre et ses compagnons ne se soient pas embarquésquelques jours seulement après la fin de la fête. On n'est pasabsolument sûr, d'ailleurs, de la façon dont les cinq et les septjours d'intervalle doivent être comptés. Il est question plus loin dela hâte de Paul, qui voulait être à Jérusalem avant la Pentecôte.Cette hâte se comprend d'autant mieux si d'abord il ne s'était pasautrement pressé--c'est bien ce que semble indiquer son séjour d'unesemaine à Troas--, ou avait été retardé par les circonstances. Qu'ilsoit ou non arrivé à temps, son arrestation dut suivre d'assez prèsson arrivée (Ac 21:17 et suivants, 27 et suivants). Elle seplacerait donc aux environs de la Pentecôte de l'an 56.Paul était prisonnier depuis deux ans quand le procurateur Félixfut remplacé par Festus (Ac 24:27). Si nos estimations sontjustes, ce changement a eu lieu en 58. Mais plusieurs chronologistes,pour les raisons que nous allons dire, croient devoir le mettre à unedate antérieure, et avancer en conséquence celle de l'emprisonnementde Paul. Josèphe raconte (Ant., XX, 8:9) que Félix, rappelé àRome et accusé par les Juifs devant Néron, fut acquitté à cause ducrédit dont jouissait son frère Pallas. Le retour de Félix auraitainsi précédé la disgrâce de Pallas, qui se produisit peu avant le 13février 55, jour où Britannicus devait avoir quatorze ans (Tacite, Ann., XIII, 14:15; Suétone, Claud.. Mais comme le règne de Néron a commencé le 13 octobre 54, on ne voit pas la possibilitéde faire tenir entre cette date et le milieu de février tous lesévénements qui se sont passés en Palestine après la mort de Claude,puis le rappel du procurateur, son voyage à Rome, son procès. Il fautcroire que Pallas avait gardé assez d'influence, même après sa chute,pour pouvoir aider l'un des siens à se tirer d'une mauvaise affaire.A moins encore que son intervention n'ait été imaginée pour expliquerun non-lieu dont les Juifs avaient dû être extrêmement mortifiés. Ceque dit Josèphe du rôle de Pallas dans le procès de Félix ne sauraitdonc nous obliger à reporter plus tôt les événements de cette partiede la vie de Paul.Mais on en appelle aussi à la Chronique d'Eusèbe, dontl'édition latine, due à saint Jérôme, donne pour date au remplacementde Félix par Festus la 2 e année de Néron (la date encore plus hâtiveindiquée par la version arménienne de la Chronique, à savoir la14 e année de Claude, est contredite par Eusèbe lui-même, H.E., II, 22:1). Il s'agirait alors de l'année 55 /56, et l'arrestation dePaul se trouverait remonter à la Pentecôte de 54. Voici cependant quinous empêche de nous fier ici à Eusèbe. Au moment où Paul fut arrêté,le tribun crut avoir affaire à un Égyptien qui s'était mis quelquetemps auparavant à la tête d'une révolte (Ac 21:38). Josèpheraconte la tentative de cet aventurier (Ant., XX, 8:6; G.J., II, 13:5); il la place après l'avènement de Néron, donc pas avantoctobre 54. Conséquence: Félix ne peut avoir été remplacé en 55 /56.car si tel était le cas, Paul, deux ans plus tôt, aurait été prispour l'auteur d'une sédition qui n'avait pas encore éclaté. Ce n'estpas tout. L'entrée en charge de Félix peut être fixée assezexactement à l'année 52. Josèphe (Ant., XX, 7:1) la mentionnejuste avant de noter l'achèvement de la 12 e année du principat deClaude (janvier 53). D'après Tacite (Ann., XII, 54), Félix avaitdéjà gouverné une partie de la Palestine du temps de Cumanus; maisJosèphe, ici plus précis et plus circonstancié, le fait venir de Romeseulement après la révocation de son prédécesseur (que Tacite raconteaussi comme un des événements de l'année 52). Dès lors est-ilpossible que Paul, comparaissant devant Félix en 54, lui ait ditqu'il gouvernait la nation juive «depuis plusieurs années»? (Ac24:10) Même si c'est là une formule de politesse, elle se comprendmieux deux ans plus tard.Quelques-uns admettent cependant qu'Eusèbe est en retard d'uneannée et compte l'année 56/57 pour la 2 e de Néron. L'emprisonnementde Paul tomberait alors en 55, date qui se rapprocherait déjàdavantage des vraisemblances historiques. Seulement le synchronismede Gallion empêche de faire commencer le troisième voyage avantl'année 52; et ce voyage, ou plutôt cette grande période d'activitéqui comprend le séjour à Éphèse, ne peut pas se réduire à trois anset une fraction. Une année de plus est nécessaire. Il est à peu prèssûr, d'un autre côté, que le rappel de Félix n'est pas postérieurà 60. En effet, il ne faut pas compter moins de deux ans pour lesévénements qui se sont passés sous le successeur de Félix, Festus. Etc'est en 62 au plus tard que celui-ci mourut, puisque Albinus, quilui succéda, était déjà en Palestine en automne de cette année. Commeles fonctions de Félix ont débuté en 52, et qu'on doit bien leurattribuer une longueur totale d'au moins six ans, le flottement selimite entre 58 et 60. Ceux qui optent pour la date moyenne de 59doivent mettre l'arrestation en 57. C'est possible en comptant troisannées pleines pour le séjour à Éphèse, et en allongeant de quelquesmois, soit le voyage d'Antioche à Éphèse (Ac 18:23 et Ac19:1), de manière que Paul n'arrive dans cette ville qu'auprintemps de 53, soit la phase Troas-Macédoine (2Co 2:12,13,Ac20:1-2), qui aurait commencé en 55 et rempli presque toutel'année 56. La supputation à laquelle nous nous sommes arrêté nousparaît avoir l'avantage de ne pas trop distendre les intervalles,sans toutefois avoir l'inconvénient de les resserrer trop.Le départ de Paul pour Rome, décidé dès que Festus, nouvellemententré en charge, l'eut entendu en appeler à César (Ac 25:12),eut lieu dans l'automne de la même année, qui est pour nousl'année 58. Le jeûne de Kippour était passé quand le navire quiportait l'apôtre et ses compagnons toucha à Beaux-Ports, sur la côteméridionale de l'île de Crète (Ac 27:8 et suivant). Les troismois de séjour à Malte après la tempête et l'échouage, puis le voyagede Malte à Syracuse et de Syracuse à Rome (28:1,15), nous amènent àla fin de février ou au commencement de mars de l'année 59. Et deuxans après, en 61, s'achève le temps pendant lequel Paul fut gardé àdomicile par un soldat (Ac 28:16,30).La tradition très ferme de l'ancienne Église est que les apôtresPierre et Paul ont subi tous deux le martyre à Rome, sous Néron. Iln'y a aucune raison valable d'en douter, mais la date de leur mort nepeut pas être fixée avec certitude, et quand Denys de Corinthe (citépar Eusèbe, H.E., II, 25:8) déclare qu'ils ont rendu témoignage«dans le même temps», on n'est pas sûr que cette simultanéité doives'entendre à la lettre.Une opinion qui s'exprime souvent est que Paul a été condamné etexécuté au bout de ses deux ans de captivité mitigée. Mais si lacarrière de l'apôtre s'était terminée à ce moment-là et de cettefaçon, l'auteur des Actes l'aurait su, puisqu'il parle de ces deuxans comme d'une période close et révolue. Et il n'aurait pu moinsfaire que d'indiquer d'un mot ce dénouement tragique, qu'on nepouvait espérer cacher en le taisant, à supposer qu'on en eût envie.Selon toute apparence, Luc se proposait de reprendre dans un autrelivre son récit interrompu. On ne sait ce qui l'a empêché de donnercette suite à son ouvrage, mais c'était une bonne manière del'amorcer que de dire brièvement comment Paul, arrivé à Rome, y vécuten attendant l'issue de son procès. Seulement, si ce procès--lepremier--n'avait pas abouti à un élargissement suivi d'une nouvellephase d'activité missionnaire, il n'eût pas été raisonnable delaisser en suspens une histoire qui allait toucher à sa fin. Lamention du voyage en Espagne, qui se trouve dans l'épître de saintClément aux Corinthiens sous la forme d'une périphrase d'ailleursassez claire (V, 7), puis en termes exprès dans le fragment deMuratori, ne doit pas reposer uniquement sur le texte où Paul annonceson intention de se rendre dans ce pays (Ro 15:24,28). Aurait-onmême conclu à tort du projet formé au projet exécuté, il n'est guèrecroyable que cette conclusion eût pu être tirée et se faire acceptersi l'on n'avait su que l'apôtre, libéré après une première captivité,était parti pour de nouveaux voyages. Enfin, les épîtres pastoralesapportent en faveur de cette libération un témoignage dont toute lavaleur ne dépend pas, quoi qu'on en dise, de la question préalable deleur authenticité; car si ces lettres étaient l'oeuvre d'unfaussaire, il les aurait mieux accréditées en les mettant en rapportavec des circonstances réelles et connues qu'en leur donnant un cadrehistorique fictif.Resterait à savoir si Paul, revenu à Rome, est mort dans lapersécution qui suivit l'incendie de juillet 64, ce que beaucoupd'auteurs admettent pour lui comme pour Pierre, ou s'il faut songer àune autre date. Clément romain parle d'abord du martyre des deuxapôtres (V, 3-7), puis de celui d'une «grande foule d'élus» qui vints'adjoindre à eux (VI, 1,2). Il est clair que, par cette foule,l'évêque de Rome entend les victimes de l'horrible exécutioncollective dont l'incendie fut le prétexte (Tacite, Ann., XV,44). Mais son langage n'est pas de nature à ce qu'on en puisse tirerdes conclusions précises au sujet de l'époque de la mort des apôtres.Et quand il fait allusion au témoignage rendu par Paul «devant ceuxqui gouvernent», ces expressions font penser à un jugement régulierplutôt qu'à des supplices où les chrétiens furent conduits en masse.On considérera aussi le texte de Caïus (cité par Eusèbe, H.E., II, 25:7), qui atteste vers 200 la localisation distincte destombeaux apostoliques, et encore la tradition relative à la manièredont Pierre et Paul auraient péri: le premier crucifié, le seconddécapité, comme un condamné dont la qualité de citoyen romain auraitété reconnue. Tout cela donne quelque consistance à l'idée que Paulau moins serait mort à une date postérieure à la persécution de 64;non pas antérieure, car on ne voit pas qu'auparavant la «superstitionnouvelle» (Suétone, Nero, 16) ait été un motif de condamnation.Signalons la date indiquée par Eusèbe (Chronique, éd.hiéronymienne): 14 e année de Néron (67/68). Mais il en fait à lafois celle du double martyre de Pierre et de Paul et celle de lapersécution néronienne qu'on rapporte d'après Tacite à l'année 64.Néron étant mort le 9 juin 68, nous nous bornerons à dire que la finglorieuse des deux apôtres ne peut se placer ni avant 64, ni après 68.